Deuxième théorème d'isomorphisme

Bonjour,
je travaille un peu autour du deuxième théorème d'isomorphisme. Dans le livre que j'utilise, il est démontré grâce au lemme suivant.
Lemme : Soient deux groupes $G$ et $G'$. Étant donné $H \triangleleft G$, $H' \triangleleft G'$, et $f$ un morphisme de $G$ dans $G'$ tel que $f(H) \subseteq H$, il existe un unique morphisme $\overline{f}$ de $G/H$ vers $G'/H'$ tel que $\overline{f}\circ\pi=\pi' \circ f$, où $\pi$ et $\pi'$ sont les épimorphismes canoniques $G \rightarrow G/H$ et $G' \rightarrow G'/H'$.

L'auteur énonce par la suite le second théorème d'isomorphisme de la manière suivante.
Théorème : Soit un groupe $G$ et $H \triangleleft G$, alors pour tout sous-groupe $K$ de $G$, les groupes quotients $K/(H\cap K)$ et $HK/H$ existent et l'on a : $K/(H\cap K) \cong HK/H$.

L'existence des groupes quotients ne me pose pas de problème.
L'auteur introduit dans sa démonstration l'injection canonique $j : K \rightarrow HK$.
Il en déduit que $j(H\cap K) = H\cap K$, puis $j(H\cap K) \subseteq H$.

J'ai essayé d'appliquer le lemme ci-dessus.
$j : K \rightarrow HK$ joue le rôle de $ f :G \rightarrow G'$.
Le sous-groupe $K$ joue donc le rôle de $G$, et le sous-groupe distingué de $K$ est $H\cap K$ (qui lui joue donc le rôle de $H$).

Une des conditions d'application du lemme est que $f(H) \subseteq H$, donc si je transpose au cas du deuxième théorème d'isomorphisme, il faudrait montrer que $j(H\cap K) \subseteq H\cap K$.

Est-ce une erreur dans le livre ou bien y a-t-il quelque chose qui m'échappe ?
Merci.

Réponses

  • Si ton problème est de démontrer $j(H\cap K)\subset H\cap K$, il y a bien quelque chose d'évident qui t'échappe : pour tout $k\in K$, $j(k)= {?}$
  • Ce n'est ce problème que je pointe.

    Mon problème est : pourquoi l'auteur souhaite démontrer que $j(H\cap K) \subseteq H$ et non pas $j(H\cap K)\subset H\cap K$, qui d'après le lemme est une des conditions pour l'appliquer ?
  • Ah, c'est ça ? Alors, soit il y a une coquille dans ton livre, soit tu le lis mal. L'hypothèse dans le lemme est bien entendu $f(H)\subset H'$.
    Une remarque : $f(H) \subset H$ ne fait pas sens puisque $f$ arrive dans $G'$ et que $H$ n'est pas un sous-ensemble de $G'$.
  • C'est bon, je vois où est ma confusion, c'est que dans le théorème H joue le rôle de H' dans le lemme.

    Merci.

    J'ai une question concernant la 3ème théorème d'isomorphisme, qui utilise également ce lemme préliminaire.

    Voici comment il est énoncé dans le livre :

    Théorème :
    Soient $H$ et $K$ deux sous-groupes de $G$, tels que $H \subseteq K$, $H \triangleleft G$, $K \triangleleft G$, on alors : $G/K \cong (G/H)/(K/H)$.

    Dans sa démonstration, l'auteur nomme respectivement $\sigma$, $\pi$ et $\pi'$ les épimorphismes canoniques associés aux groupes quotients $G/H$, $G/K$ et $(G/H)/(K/H)$.

    Il en déduit l'implication suivante :
    "$H \subseteq K \Rightarrow \sigma(K) = K/H$, sous-groupe de $G/H$".
    Puis, il applique directement le lemme.

    J'ai le raisonnement suivant : comme $\sigma : G \rightarrow G/H$ est un épimorphisme et que $K$ est un sous-groupe de $G$, alors l'image directe de $K$ par $\sigma$ est un sous-groupe de $G/H$.

    Cependant, je ne comprends pas pourquoi $H \subseteq K \Rightarrow \sigma(K) = K/H$ ?
    En fait, je ne vois pas pourquoi c'est cette condition $H \subseteq K$ qui implique cela.
    J'ai l'impression (erronée) que $K \subseteq G$ suffit.
    Mais je n'arrive pas à voir ce qui me bloque.
  • Je pense avoir peut-être compris ma zone d'ombre.

    Soit $\sigma : G \rightarrow G/H$ tel que : $x \longmapsto xH$.
    Donc si $x \in G$, alors $\sigma(x) = xH$.
    Or, en particulier, si $x \in K$, comme $H \subseteq K$, $xH$ est aussi une classe à gauche de $x$ (dans $K$) modulo $H$.
    Ce qui montre que $\sigma(K) \subseteq K/H$.

    Edit : L'égalité "$\sigma(K) = K/H$" vient-elle bien de la surjectivité de $\sigma$ ?
  • Je ne crois pas que la surjectivité de $\sigma$ soit un argument suffisant, car on ne prend pas ici l'image directe de $G$ par $\sigma$, mais seulement celle d'un sous-groupe ($K$).

    Tout élément de $K/H$ est de la forme $xH$ avec $x$ dans $K$, donc est élément de $\sigma(K)$ d'après ce que tu viens de dire sur les classes modulo $H$ dans $K$. En fait, on a les deux inclusions directement :

    \[ \sigma(K) = \{ xH,\ x\in K \} = K/H \]

    dès lors que $H$ est un sous-groupe normal de $K$ (c'est vrai dès que $H$ est normal dans $G$ et $K$ sous-groupe de $G$ contenant $H$, puisqu'alors $K\subseteq G$).

    Il est bon d'avoir en tête, je crois, que l'application $K\mapsto \sigma(K)$ réalise une bijection de l'ensemble des sous-groupes de $G$ contenant $H$ sur l'ensemble des sous-groupes de $G/H$ et que dans ce cadre, on a $\sigma(K) = K/H$ pour tout sous-groupe $K$ de $G$ contenant $H$ (c'est ce que l'on discutait).

    Edits :
    • Ajout de « pour tout sous-groupe $K$ de $G$ contenant $H$ » à la fin (évident mais bon...) ;
    • Pour une version plus complète de ce résultat, regarde le « théorème de correspondance » sur Wikiversité.
  • Merci @brian pour ces eclaircissements.

    Je vois la preuve proposée dans le livre que j'utilise "Éléments de théorie des groupes" de Josette Calais.
    Elle détaille en général toutes les démonstrations, et ne laisse pas de zones d'ombres, avec une certaine progressivité.
    (Mes petites bulles sont les endroits où j'ai du détailler car j'ai l'impression que l'auteur a passé sous silence certains points).

    L'assertion "$H \subseteq K \Rightarrow \sigma(K) = K/H$" semble directe voire triviale pour l'auteur.

    Je me suis posé la question s'il n'existait pas un résultat dans la littérature mathématique qui rendait justement triviale cette assertion ?79266
  • Ben... oui, je crois qu'on peut dire que c'est à peu près trivial. En tout cas, après la première fois, ça doit être connu et automatique (à mon humble avis). À nouveau, ta première bulle se démontre avec juste ça :

    \[ \sigma(K) = \{ xH,\ x\in K \} = K/H \]
    Le fait que $H\subseteq K$ assure que les $xH$, avec $x$ dans $K$, sont toutes des parties de $K$. La première égalité est une application directe de la définition de $\sigma$ et de l'image directe d'une partie de son ensemble de départ : $\sigma(K) = \{ \sigma(x),\ x\in K \}$. Ensuite, on remplace $\sigma(x)$ par $xH$ (classe de $x$ modulo $H$ dans $G$, identique à la classe de $x$ modulo $H$ dans $K$), ceci pour chaque $x$ de $K$. La deuxième égalité traduit le fait que $K/H$ est l'ensemble des classes modulo $H$ dans $K$, c'est-à-dire précisément $\{ xH,\ x\in K \}$.

    Quant à ta deuxième bulle, on peut la voir de trois manières (au moins) :
    • $K\subseteq G$ implique que $\sigma(K) \subseteq \sigma(G)$ (par application de la définition d'une image directe), c'est-à-dire $K/H \subseteq G/H$. Après, on peut constater :
      • que l'élément neutre de $G/H$, à savoir $eH = H$ (où $e$ désigne le neutre de $G$), appartient à $K/H$ ; en particulier, $K/H$ est non-vide ;
      • que le produit dans $G/H$ de deux éléments $xH$ et $yH$ de $K/H$ ($x$ et $y$ dans $K$) est $xy\, H$, donc un élément de $K/H$, puisque $xy \in K$ (NB : le fait que $(xH)(yH) = xy\, H$ traduit simplement le fait que la surjection canonique de $G$ dans $G/H$ est un morphisme de groupes) ;
      • enfin, que pour tout $x$ dans $K$, l'inverse de $xH$ dans $G/H$ est $x^{-1}H$ pour la même raison de morphisme, et qu'il est donc dans $K/H$ puisque $x^{-1}\in K$.
      On a bien démontré que $K/H$ est un sous-groupe de $G/H$. C'est vrai dès que $H$ est normal dans $G$ et $K$ un sous-groupe de $G$ contenant $H$.
    • Plus simplement, on peut remarquer que $K/H = \sigma(K)$ étant l'image directe du sous-groupe $K$ de $G$ par le morphisme $\sigma$ de $G$ dans $G/H$, c'est un sous-groupe de $G/H$.
    • Ou bien on peut utiliser le théorème de correspondance dans le lien de mon message précédent : tous les éléments (dont ici $K/H$) de l'ensemble d'arrivée de la bijection mentionnée dans ce théorème sont des sous-groupes de $G/H$. Le fait que $K/H \subseteq G/H$ est d'ailleurs une conséquence de ce que pour tous sous-groupes $K_1$ et $K_2$ de $G$ contenant $H$, \[K_1\subseteq K_2\implies K_1/H \subseteq K_2/H\]
      (la bijection mentionnée dans le théorème est un isomorphisme d'ensembles ordonnés, c'est dit dans le théorème ; les ensembles de départ et d'arrivée sont ordonnés par l'inclusion ensembliste, qui définit un ordre partiel sur chacun de ces ensembles).

    On remarque également que les relations $(xH)(yH) = xy\, H$ pour tous $x$ et $y$ dans $K$, correspondent au produit de deux éléments de $K/H$ quelle que soit la loi considérée : celle de $K/H$ défini comme groupe quotient de $K$ par un sous-groupe normal $H$, tout comme celle de $G/H$ qui intervient quand on montre que la partie $K/H$ de $G/H$ est un sous-groupe de $G/H$. Autrement dit, les lois des groupes quotients $K/H$ et $G/H$ coïncident sur l'intersection ($K/H$) des ensembles sous-jacents, ouf !

    Edits :
    • reformulation du point indiquant que l'élément neutre de $G/H$ appartient à $K/H$ (sans grande conséquence mais plus clair, du moins je l'espère) ;
    • remplacement de « est un ordre partiel » par « définit un ordre partiel » ;
    • ajout du paragraphe stipulant que les lois des groupes quotients $K/H$ et $G/H$ coïncident sur l'intersection des ensembles sous-jacents ;
    • ajout de la méthode « image directe d'un sous-groupe par un morphisme » pour montrer que $K/H$ est un sous-groupe de $G/H$.
  • Bonsoir df
    Il est temps maintenant de visualiser un peu mieux ce 3ème théorème d'isomorphisme qui est assez abstrait dans son énoncé.
    $G$ groupe et $H\subset K\subset G$ des sous-groupes distingués dans $G$ ($H\lhd G$ et $ K\lhd G$), alors $\dfrac G K \simeq \dfrac{G/H}{K/H}$.

    Nous allons considérer le treillis des sous-groupes de $G$, que l'on notera $\mathscr L(G)$, et le sous-treillis des sous-groupes de $G$ contenant $H$, que l'on notera $\mathscr L(G\supset H)$.
    Il y a un théorème qui se montrera très utile, le théorème de correspondance https://fr.wikiversity.org/wiki/Théorie_des_groupes/Sous-groupe_distingué_et_groupe_quotient#Sous-groupes_d’un_groupe_quotient , cité par Brian, et que j'appellerai de manière plus explicite le théorème du treillis-quotient. Avec les treillis de sous-groupes, ce théorème dit tout simplement que $$\mathscr L(G/H) \simeq \mathscr L(G\supset H)$$ Le treillis du quotient $G/H$ est isomorphe (en tant que treillis) au sous-treillis des sous-groupes de $G$ contenant $H$. Sur le schéma ci-dessous, le treillis de $G/H$ est représenté en blanc à droite, entouré de tirets est donc identique au sous-treillis en blanc à gauche, entouré de tirets compris entre les groupes $G$ et $H$.

    Si $K$ est un sous-groupe distingué de $G$ contenant $H$, par la surjection canonique, $K$ s'envoie sur le quotient en $K/H$ qui est donc lui aussi distingué dans $G/H$ (th du treillis-quotient). Comme les treillis entourés de tirets sont identiques, les deux sous-treillis en grisé sombre sont eux aussi identiques, c'est-à-dire $\mathscr L(G\supset K) \simeq \mathscr L(G/H\supset K/H)$.
    Le fait que la correspondance du treillis-quotient soit induite par un morphisme (la surjection canonique) fait que l'identité des sous-treillis ci-dessus induit un isomorphisme de groupes $ G/ K \simeq (G/H)/(K/H)$.

    J'espère que tout ceci ne t'apparaît pas trop obscur, mais la vue des groupes par le treillis de leurs sous-groupes permet de facilement visualiser un quotient $G/H$ comme un sous-treillis du treillis de $G$, précisément le sous-treillis des sous-groupes compris entre $G$ et $H$.

    Alain79302
  • Merci Alain.

    Est-ce qu'il y aurait une façon d'expliciter ceci sans parler de treillis pour en donner une bonne visualisation ?
    Disons de niveau L3 ?

    A moins que cela soit une aberration d'introduire ce 3ème théorème d'isomorphisme à ce stade d'étude, car il n'y a aucun moyen d'en saisir la pleine teneur. Il est introduit en L3, avec les 1er et deuxième théorèmes.

    Ces 2ème et 3ème théorèmes, je ne les vois que comme des adjonctions du 1er, sans valeur intrinsèque véritable (en gros, on balance les 3 théorèmes en même temps parce que cela s'appelle "théorèmes d'isomorphismes").

    (Disons que cette approche par les treillis, je me la laisserais en 2nde voire 3ème lecture, elle sera dans tous les cas profitable aux spécialistes du site).
  • Bonsoir Rietveld
    > ... sans parler de treillis ...

    Ben non, si j'arrive à un peu à "toucher ma bille" en théorie des groupes, c'est précisément parce que je me les représente toujours par le treillis de leurs sous-groupes.
    Pour illustrer, voilà comment je vois les 1er et 2ème théorèmes d'isomorphisme.
    Alain79304
    79306
  • La notion de treillis n'est-elle pas de niveau L3 ?

    @Rietveld : quant à ce que tu dis par rapport aux 2è et 3è théorèmes d'isomorphisme, en un sens je suis d'accord :je ne me souviens jamais ni de l'un ni de l'autre, ni de l'ordre dans lequel ils sont; mais pour autant ils sont évidents à partir du premier donc ce n'est jamais embêtant. Je ne comprends pas non plus pourquoi on les balance comme ça, alors qu'à mon goût ce sont plus des lemmes qu'on peut facilement retrouver à chaque fois que besoin en est.
    Par ailleurs, le premier théorème d'isomorphisme est en quelque sorte un tautologie : en faisant en sorte que tout ce qui bloque l'injectivité ne la bloque plus on rend le morphisme injectif. ça se voit beaucoup mieux du point de vue des congruences : quotienter par une congruence c'est dire que cette congruence est l'égalité: ainsi si on quotiente par la congruence induite par un morphisme, on dit simplement que $f(x)=f(y) \implies xRy$, mais que $xRy$ c'est $x=y$: évidemment que ce qu'on obtient est injectif !!

    A ce sujet, un autre treillis que celui mentionné par AD est intéressant: le treillis des sous-groupes normaux. Il est isomorphe au treillis des congruences, et en ça il est intéressant
  • Merci Alain et Maxtimax pour ces compléments très intéressants. Maxtimax, si je comprends bien ta dernière phrase, elle est la conséquence de ceci :

    Soit $G$ un groupe. Pour tous sous-groupes $H$ et $K$ normaux dans $G$, on a :
    \[ H\subseteq K \iff
    \forall (x, y) \in G^2,\ \left( x \equiv y \pmod{H} \implies x \equiv y \pmod{K} \right) \]
    C'est bien de ça que tu parles, n'est-ce pas ?
  • brian: Oui, c'est bien de ça que je parle. Ce passage "sous-groupes normaux"$\iff$"congruences" se retrouve aussi dans les anneaux (où c'est "idéal bilatère" au lieu de "sous-groupe normal"), les espaces-vectoriels, etc.
  • D'accord, merci. Si l'on se place dans le cadre d'un anneau et qu'on remplace comme tu dis "sous-groupe normal" par "idéal bilatère", il me semble qu'on ne considère alors que les congruences compatibles avec les deux lois de l'anneau. Donc ça doit exclure par exemple la relation de congruence modulo $(D_n(K), +)$ dans $(M_n(K), +, \times )$, avec $K$ corps commutatif et $n \geq 2$.

    Edit : j'ai retiré « (i.e., compatibles avec la seconde loi) » et je précise que $(D_n(K), +)$ désigne le sous-groupe des matrices diagonales de $(M_n(K), +)$.
  • brian: eh bien si ce n'est pas compatible avec toutes les lois, ce n'est plus une congruence :-D (c'est une congruence d'une restriction de l'anneau à un langage plus petit, certes, mais plus une congruence de l'anneau)
  • En effet, on peut voir ça comme ça. Bon, je reprends mes diptères. ;-)
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