Groupes - Visualisation
Bonjour,
Cela fait maintenant pas mal de temps que je connais les bases de la théorie des groupes, ainsi que les techniques classiques pour résoudre les exercices. Néanmoins mon problème est que je manque cruellement de « visualisation » sur le sujet.
En écumant le forum j’ai remarqué que beaucoup de spécialistes de la théorie des groupes accompagnent leurs explications de beaux diagrammes (on peut visualiser un groupe grâce au treillis de ses sous-groupes, graphe de Cayley).
Je me demandais justement si il était possible de visualiser les choses suivante à travers le graphe de Cayley d’un groupe ou bien à travers le treillis de ses sous-groupes :
- étant donné un sous groupe H de G, est il possible de visualiser à l’aide d’un diagramme (treillis ou bien graphe) si ce groupe est distingué dans G ?
- Est il possible de visualiser le groupe dérivé de G ?
- Un exercice classique de théorie des groupes est : Si G/Z(G) est cyclique alors G est abélien, est ce que cela peut aussi se visualiser à l’aide des treillis ou encore d’un graphe de Cayley ? Je vous remercie d’avance.
Cela fait maintenant pas mal de temps que je connais les bases de la théorie des groupes, ainsi que les techniques classiques pour résoudre les exercices. Néanmoins mon problème est que je manque cruellement de « visualisation » sur le sujet.
En écumant le forum j’ai remarqué que beaucoup de spécialistes de la théorie des groupes accompagnent leurs explications de beaux diagrammes (on peut visualiser un groupe grâce au treillis de ses sous-groupes, graphe de Cayley).
Je me demandais justement si il était possible de visualiser les choses suivante à travers le graphe de Cayley d’un groupe ou bien à travers le treillis de ses sous-groupes :
- étant donné un sous groupe H de G, est il possible de visualiser à l’aide d’un diagramme (treillis ou bien graphe) si ce groupe est distingué dans G ?
- Est il possible de visualiser le groupe dérivé de G ?
- Un exercice classique de théorie des groupes est : Si G/Z(G) est cyclique alors G est abélien, est ce que cela peut aussi se visualiser à l’aide des treillis ou encore d’un graphe de Cayley ? Je vous remercie d’avance.
Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.
Réponses
Le graphe de Cayley d'un groupe $G$ n'est que la transcription sous forme de graphe orienté de la table de multiplication de la loi de composition du groupe.
On part d'un groupe $G$ dont on connaît une famille génératrice $\{s_1,\ldots,s_k\}$.
Le graphe de Cayley de $G$ a pour nœuds les éléments de $G$ et en chaque nœud $x \ (\in G)$ une flèche notée $s_i$ partant de $x$ et allant vers le nœud $xs_i \ (\in G)$, pour tout $1\leq i\leq k.$
$G$ étant un groupe, en chaque nœud part donc $k$ flèches et $k$ autres y arrivent, précisément les flèches notées $s_i$ venant des nœuds $xs_i^{-1},\ 1\leq i\leq k$.
Ce graphe permet de faire des calculs avec la loi de composition du groupe. En pratique c'est humainement exploitable lorsque $k$ ne dépasse pas 3 ou 4, mais pour un ordinateur, $k$ peut être aussi grand que l'on veut (limité par la taille de la mémoire).
Il faut voir que le graphe de Cayley dépend de la famille génératrice choisie, et comme un groupe a en général plusieurs familles génératrices possibles, un même groupe $G$ aura donc, a priori, plusieurs graphes de Cayley différents (non isomorphes en tant que graphe orienté).
Le treillis des sous-groupes d'un groupe $G$ permet d'avoir certaines informations, mais celles que tu réclames nécessitent d'avoir le $G$-treillis nivelé du groupe.
Qu'est-ce que c'est que cette bête là ?
Le treillis des sous-groupes c'est le graphe orienté dont les nœuds sont les sous-groupes du groupe $G$, depuis le sous-groupe trivial $\{1\}$ jusqu'au groupe en entier $G$, on convient de placer $\{1\}$ en bas et le groupe $G$ en haut. Les flèches représentent l'inclusion entre sous-groupes, avec la convention que chaque sous-groupe est maximal dans le(s) sous-groupe(s) qui le contient(contiennent). En somme, si $A\subset B\subset C$, il y aura une flèche de $A$ vers $B$, une autre de $B$ vers $C$ mais pas de flèche de $A$ vers $C$, puisque déjà décrite dans les deux flèches précédentes.
On se rend compte que pour deux sous-groupes $A$ et $B$, $\inf(A,B)$ du treillis n'est autre que $A\cap B$ et que le $\sup(A,B)=\langle A,B\rangle$, le sous-groupe engendré par les deux sous-groupes $A$ et $B$.
Regardons ce qui se passe. Prenons le groupe cyclique $\Z/p\Z$ avec $p$ premier. On le note multiplicativement $G=C_p$. Il n'a qu'un seul sous-groupe strict le trivial, et lui-même. Le treillis de ses sous-groupes va donc être (graphe de gauche)$$
\xymatrix{C_p&~\\ \{1\}\ar[rul]&~} \hspace {4cm} \xymatrix{C_p&~\\ \{1\}\ar[rul]^{p}&~}
$$ Le problème est que tous les groupes cycliques d'ordre premier auront le même treillis bien que ces groupes sont différents (non isomorphes). On est donc amené à compléter le treillis en treillis nivelé, en ajoutant l'ordre de chaque sous-groupe. Ce que l'on fait en typant chaque flèche du graphe par l'indice des sous-groupes concernés. Le treillis nivelé de notre groupe cyclique va donc être le graphe de droite ci-dessus. Pour les groupes plus compliqués, on convient de placer sur une même horizontale tous les sous-groupes de même ordre.
Ainsi, on peut espérer que deux treillis nivelés isomorphes (en tant que treillis nivelé) correspondront à un même groupe, de façon à pouvoir reconnaître un groupe par la seule vue de son treillis nivelé.
Alors ça marche pour les groupes abéliens, deux groupes abéliens ayant des treillis nivelés isomorphes (en tant que treillis nivelé) sont isomorphes (en tant que groupe).
Dans l'exemple simplissime ci-dessus, le treillis de gauche permet de dire que le groupe est cyclique d'ordre premier, et le treillis nivelé de droite permet de préciser que c'est $C_p$ dont on parle.
Maintenant qu'en est-il des groupes non commutatifs ?
Malheureusement, on peut trouver deux groupes d'ordre 16 non isomorphes (l'un est commutatif et l'autre non) qui ont le même treillis nivelé. Pour aller plus loin, on donc va ajouter une structure. On va faire agir par conjugaison $G$ lui-même sur le treillis nivelé de ses sous-groupes. Ça marche bien parce que les automorphismes intérieurs forment un sous-groupe du groupe des automorphismes de $G$. Les points fixes de cette action sont donc les sous-groupes distingués dans $G$ et les orbites sont formées de sous-groupes d'une classe de conjugaison. Pour voir cela sur le treillis nivelé, on convient d'encadrer les sous-groupes distingués et de relier les sous-groupes d'une même classe de conjugaison par des pointillés. Ainsi, sur un $G$-treillis nivelé, si un nœud est encadré, c'est qu'il est distingué et sinon, il est relié par des pointillés à des voisins sur la même horizontale (conjugué donc isomorphe, donc de même ordre).
Des exemple de $G$-treillis nivelés sont donnés dans le lien fournit par Math Coss, ou directement là : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?3,1547848,1549744#msg-1549744
Ce qui est remarquable, c'est que quand tu as un sous-groupe $H$ distingué, donc encadré sur le $G$-treillis, tu retrouves le treillis de $H$ lui-même dans le sous-treillis compris entre $\{1\}$ et $H$, puisque $H$ est un sous-groupe de $G$ ; mais surtout, comme $H$ est distingué, le quotient associé $G/H$ est bien un groupe et, merveille, grâce au théorème du treillis-quotient (voir le lien ci-dessus), tu retrouves le treillis du quotient dans le sous-treillis compris entre $G$ et $H$, c'est-à-dire le sous-treillis des sous-groupes de $G$ contenant $H$. Il est donc possible de retrouver le groupe $H$ et le groupe quotient $G/H$ à la simple vue du treillis de $G$, comme des sous-treillis du treillis de $G$.
Dans le schéma ci-dessous, le treillis de $G$ est schématisé en grisé pâle, celui de $H$ en blanc et celui de $G/H$ en grisé sombre, que l'on retrouve identique comme le sous-treillis entre $G$ et $H$.
Il y a beaucoup d'autres choses à dire là-dessus, en particulier qu'un groupe $G$ détermine par construction un unique $G$-treillis nivelé, mais malheureusement, la réciproque n'est pas vraie ! Il existe deux groupes (d'ordre 160) non isomorphes et ayant des $G$-treillis nivelés isomorphes (en tant que $G$-treillis nivelés).
Bref, si tu peux emprunter mon livre dans une BU, tout cela y est expliqué, illustré et démontré.
Tu y verras, entre autres, les $G$-treillis nivelés de tous les groupes d'ordre $\leq 32$.
Alain
Merci beaucoup pour vos réponses.
En lisant la réponse de AD sur les graphes de Cayley, je me suis posé les questions suivantes :
Je ne connaissais pas bien les treillis, et je dois avouer que cette présentation est vraiment visuelle et intéressante. Par exemple je suis étonné de la "simplicité" que peut avoir la définition d'un groupe quotient lorsqu'on le représente à l'aide du diagramme sous le message de AD.
Je compte à la rentrée emprunter ce livre dans ma BU, néanmoins pour me faire patienter pouvez me donner des groupes afin que je m'entraîne à dessiner leur $G$ treillis-nivelé me permettant de me familiariser avec la notion (autres que ceux qu'a étudié Morgatte car j'ai déjà tout lu ).
Pour finir savez-vous si il existe des représentations à l'aide de treillis ou de graphe pour les anneaux ? (un lien wikipédia suffit).
La question est donc : existe-t-il un groupe fini qui n'admet pas de partie génératrice de cardinal $<|G|-1$, à part $\{e\}$ et $\Z/2\Z$ ? La réponse est encore non. Soit $G$ un groupe fini d'ordre $\ge3$. Si tous les éléments de $G$ sont d'ordre $2$, alors $G$ est un espace vectoriel sur $\mathbf{F}_2$ et donc isomorphe à $(\Z/2\Z)^n$ pour $n\ge2$ convenable : il est engendré par une partie de cardinal $n<2^n-1$ (une base, quoi !). Si $G$ contient un élément $g$ d'ordre $o\ge3$, alors $G$ est engendré par $G\setminus\{e,g^2,g^3,\dots,g^{o-1}\}$.
Pour les groupes infinis, cela arrive. Par exemple, le groupe $G=(\Z/2\Z)^{(\N)}$ des suites à valeurs dans $\Z/2\Z$ dont tous les termes sont nuls sauf un nombre fini (cette condition est symbolisée par les parenthèses autour de $\N$) : il est dénombrable (pour tout $N$, si on note $G_N$ le sous-groupe des suites dont seuls les $N$ premiers termes peuvent être non nuls, alors $G_N$ est d'ordre $2^N$ ; de plus, $G$ est la réunion des $G_N$ ($N\in\N$)) mais il n'est engendré par aucune partie finie (toute partie finie est contenue dans un $G_N$, de même donc que le groupe qu'elle engendre).
1) La question n'est pas très bien posée parce qu'on ne peut pas comparer deux parties si elles ne sont pas emboîtées l'une dans l'autre. Par exemple, le groupe symétrique $\mathfrak{S}_4$ est engendré par $\{(12),(1234)\}$ et par $\{(1234),(1243)\}$ : laquelle de ces parties est plus petite que l'autre ?
On peut reformuler un tout petit peu et se demander, pour un groupe donné, quelle est le cardinal minimal d'une partie génératrice. C'est une question très difficile et je ne sais pas s'il y a des réponses en général. Voici deux cas particuliers (un facile, l'autre très difficile).
- Si $G$ est abélien, alors $G$ est un produit de groupes cycliques : il existe $r$ et des entiers naturels non nuls $d_1,\dots,d_r$ tels que $G\simeq\prod_{i=1}^r\Z/d_i\Z$ (on peut de plus exiger que $d_1\mid d_2\mid\cdots\mid d_r$, ce qui rend les $d_i$ uniques). Alors $G$ admet une famille génératrice de cardinal $r$ et on a : $|G|=\prod d_i^r\ge2^r$ donc $G$ admet une famille génératrice de cardinal $\le\log_2|G|$.
- Si $G$ est simple, un théorème difficile qui repose (sans doute) sur la classification (encore plus difficile : plusieurs milliers de pages de preuve ?) affirme que $G$ est engendré par $2$ ou $3$ éléments.
Je ne sais pas si on connaît des bornes a priori, du genre : tout groupe fini $G$ admet une partie génératrice de cardinal au plus $\log_2|G|$. (Cette proposition est peut-être évidemment vraie ou évidemment fausse..)Si $G\simeq(\Z/2\Z)^r$, le nombre $r=\log_2|G|$ est optimal (cf. la théorie de la dimension des espaces vectoriels). Si tous les $d_i$ sont premiers entre eux deux à deux, $G$ est monogène donc le nombre $\log_2|G|$ est une très mauvaise estimation du cardinal minimal.
$\bullet~$ Si $G$ est un $p$-groupe, le nombre minimal de générateurs est obtenu grâce à l'indice du groupe de Frattini. C'est $\log_p[G:\Phi(G)]$.
Le sous-groupe de Frattini $\Phi(G)$ d'un groupe fini est l'intersection de ses sous-groupes maximaux.
Arguments. Tous les sous-groupes maximaux d'un $p$-groupe sont d'indice $p$ donc distingués dans $G$.
Le quotient $G/\Phi(G)$ est un groupe $p$-abélien élémentaire (un espace vectoriel sur $\mathbb F_p$) dont toute base engendre le quotient et est de cardinal $\log_p[G:\Phi(G)]$.
$G$ est donc engendré par un antécédent de chaque élément de la base et par $\Phi(G)$.
Reste à savoir (exercice) que les éléments de $\Phi(G)$ "ne sont pas générateurs", c'est-à-dire qu'ils peuvent être retirés de toute famille génératrice tout en laissant génératrice la famille restante.
Je crois que cela se prolonge aux groupes nilpotents finis (dont les groupes abéliens font partie) car ils sont produits directs de leurs $p_i$-Sylow, ($p_i$ premier diviseur du cardinal de $G$).
Toute famille génératrice minimale d'un groupe nilpotent fini est de cardinal $$ \prod_{p_i\mid \,|G|}\log_{p_i}[S_i:\Phi(S_i)]$$ où $S_i$ est le $p_i$-Sylow de $G$.
Alain