Intérêt des suites exactes

Bonjour,
En feuilletant un livre sur les modules, je suis tombé sur une phrase du type "nous allons maintenant aborder les suites exactes entre modules, dont l'efficacité n'est plus à prouver".
Qu'est-ce qui les rend si spéciales, ces suites exactes ? J'ai du mal à imaginer les conséquences qu'elles peuvent avoir, et je connaissais la notion entre groupes, sans jamais pour autant les avoir utilisées.
Merci d'avance.

Réponses

  • Un exemple d'utilisation : le Lemme des cinq.
  • Disons que c'est une façon de résumer beaucoup d'information en peu d'espace. Voici un exemple très élémentaire. Il y a aussi une discipline (qui devrait être) olympique appelée chasse dans le diagramme, de laquelle relève le lemme des cinq.
  • En topologie, il existe beaucoup de suites exactes (Mayer-Vietoris principalement mais aussi d'autre) qui permettent de calculer les groupes d'homologies dont l'efficacité n'est plus à prouver ;)
  • Les auteurs oublient souvent qu'ils savent plus de choses que le lecteur de leurs ouvrages. J'imagine qu'il faudrait plutôt dire "dont l'intérêt ne SERA plus à prouver PLUS TARD" :-D

    Outre le lemme des cinq, il y a le lemme des neuf (on n'arrête pas le progrès :-D)

    Comme l'a très justement dit Math Coss, ça permet de concentrer de l'information en un seul diagramme.
    On voit déjà un peu mieux l'intérêt quand on travaille avec. Les suites exactes scindées ont un intérêt tout particulier, puisqu'elles permettent de caractériser les modules projectifs, les produits directs/semi-directs de groupes etc.

    Elles permettent aussi de définir la notion d'extension de groupes, qui généralise le produit semi-direct.

    Mais l'utilisation fondamentale est bien entendu l'algèbre homologique.

    Exemple fondamental. Je me donne deux $G$-modules, c'est-à-dire deux groupes abéliens $A,B$ sur lequel un groupe $G$ agit par automorphismes de groupes, et je considère $ f:A\to B$ une morphisme de $G$-modules, c'est-à-dire un morphisme de groupes abéliens tel que $f(g\cdot a)=g\cdot f(a)$ pour tout $a\in A$ et tout $g\in G$.

    On voit aisément que cela induit une application $f_*:A^G\to B^G$.

    Question naturelle: si $f$ est injective/surjective/bijective, quid de $f_*$ ?
    Clairement, l'injectivité est préservée. Il n'y a pas à réfléchir longtemps pour voir que ce n'est pas le cas de la surjectivité.


    On peut reformuler (je passe un peu vite): Si j'ai une suite exacte $0\to A\to B\to C$ de $G$-modules, alors j'ai une suite exacte $0\to A^G\to B^G\to C^G$ de groupes abéliens mais par contre si j'ai une suite exacte $0\to A\to B\to C\to 0$ de $G$-modules, je n'ai pas nécessairement de suite exacte
    $0\to A^G\to B^G\to C^G\to 0$ (en langage savant: le foncteur des points fixes est exact à gauche, mais pas à droite)

    Du coup, on peut se demander ce qu'est l'image de $B^G\to C^G$. Et c'est là qu'intervient le premier groupe de cohomologie. Si $0\to A\to B\to C\to 0$ est une suite exacte de $G$-modules, on a une suite exacte $0\to A^G\to B^G\to C^G\to H^1(G,A)$, et même mieux, on a une suite exacte infinie $0\to A^G\to B^G\to C^G\to H^1(G,A)\to H^1(G,B)\to H^1(G,C)\to H^2(G,A)\to H^2(G,B)\to \cdots$

    Or, il se trouve que l'on a plein de techniques pour calculer les groupes $H^n(G,A)$( que je n'ai pas définis) , à coup de résolutions projectives, qui sont encore des suites exactes, de chasse au diagramme, etc.)

    Si on veut rester au niveau du $H^1$, l'exactitude de la suite $0\to A^G\to B^G\to C^G\to H^1(G,A)$ nous dit que l'image de $B^G\to C^G$ est le noyau de $C^G\to H^1(G,A)$. En particulier, si $H^1(G,A)=0$ ou plus généralement si cette flèche est nulle (ça arrive), $B^G\to C^G$ sera surjective.

    L'algèbre homologique (et donc les suites exactes) intervient aussi en topologie algébrique, en théorie de Galois , etc. Par exemple, soit $G$ un groupe, soit $N$ un sous-groupe distingué, et soit $E/K$ une extension galoisienne de groupe $G/N$. Existe-t-il une extension galoisienne $L/K$ de groupe $G$ telle que $L^N=E$ ?

    Exemple concret: Si $K$ est de caractéristique différente de $2$, à quelle conditions sur $d$ l'extension $K(\sqrt{d})$ est-elle une sous-extension d'une extension cyclique de degré $4$ ?

    Ce genre de questions se traduit en termes de suite exacte, et de cohomologie des groupes.


    On pourrait continuer fort longtemps...



    De toute façon, il faut bien se dire un truc. En algèbre, ce qui compte, ce ne sont pas les objets, mais les flèches entre les objets (c'est mon avis et je le partage ;-) et ce ne sont pas les catégoriciens qui me contrediront... ).
  • Merci tout le monde. Et oui Math Coss je n'avais plus ton exemple en tête, ce qui était écrit en dessous me paraissait bien plus attrayant bien que plus long. Je saisis l'intérêt maintenant.
  • Addendum : à chaque étage d'une suite exacte, on a un sous-groupe. J'en dessine un :
    \[\newcommand{\im}{\mathop{\mathrm{im}}}
    \xymatrix@R-2em{
    0\ar[r]&\Z\ar[r]^{f:x\mapsto nx}&\Z\ar[r]^{g:x\mapsto\overline{x/n}}\ar[dr]&\Q/\Z\ar[r]^{h:\mathrm{y}\mapsto n\mathrm{y}}&\Q/\Z\ar[r]&0\\
    &&&\im g=\ker h\ar[ur]
    }\]
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