Histoire de racines

Bonjour à tous
J'ai une petite question qui ne devrait pas vous résister longtemps !

Voilà, se peut-il que, contrairement au cas univarié, il existe deux polynômes distincts à plusieurs variables $p$ et $q$ de même degré et qui aient les mêmes racines (disons sur $\mathbb{R}$) ?

Sinon j'ai une question moins générale peut-être même mal posée. Voilà considérons le système $S$ à $m$ équations et $m+2$ variables $s,t,x_1,x_2,\ldots,x_m$ défini par \begin{align*}

(a_1-d_1x_1)+s(b_1-e_1x_1)+t(c_1-f_1x_1)&=0 \\
&\cdots \\
(a_m-d_mx_m)+s(b_m-e_mx_m)+t(c_m-f_mx_m)&=0

\end{align*} Je cherche à éliminer $s$ et $t$ pour obtenir des équations entre les variables $x_1,\ldots,x_m$. On peut par exemple considérer les 2 premières équations comme des équations linéaires en $s$ et $t$, exprimer $s$ et $t$ en fonctions des variables $x_1$ et $x_2$ et injecter ces expressions dans les équations suivantes, par exemple la troisième. On obtient une équation $p(x_1,x_2,x_3)=0$, $p$ étant un polynôme de degré 3 contenant 8 monômes, i.e. $x_1,x_2,x_3,x_1x_2,x_1x_3,x_2,x_3,x_1x_2x_3$ et le monôme constant.

Je me demandais, si l'on pouvait trouver, dans le cas général c'est-À-dire quelque soient $a_1,b_1,\ldots,e_m,f_m$ des équations polynomiales entre les variables $x_1,\ldots,x_m$ contenant moins de 8 monômes.

Voilà, la question peut paraître sans intérêt, mais c'est sa généralisation à des systèmes plus gros qui m’intéresse. Donc si quelqu'un a une piste pour envisager ce genre de problème ...
Merci à vous.

Réponses

  • Qu'est-ce que tu appelles les racines d'un polynôme à deux variables ?

    Même dans le cas univarié, je ne comprends pas. Les polynômes $x^2-1$ et $4x^2-4$ ont les mêmes racines (réelles ou complexes) mais ils ne sont pas égaux ; les polynômes $(x^2+1)^2$ et $x^4+3$ ont les mêmes racines réelles mais ils ne sont pas proportionnels. Que veux-tu dire plus précisément ?
  • A supposer que le polynôme est à coefficients dans un corps (commutatif) $K$, on pourrait rendre la question plus "précise" ou "sensée" en demandant : si deux polynômes de $K[X]$ ont les mêmes racines dans une (la) clôture algébrique de $K$, sont-ils forcément associés ?

    (Rappel : deux éléments d'un anneau sont dits associés si l'un est multiple de l'autre par un élément inversible de l'anneau, les inversibles d'un anneau de polynômes étant les polynômes constants)

    Pour le cas de plusieurs indéterminées, je pense que la question telle que je l'ai posée a encore un sens, si bien sûr on sait définir les "racines" dans le cas de plusieurs indéterminées.

    Je ne suis pas sûr qu'on puisse élargir la questions aux polynômes à coefficients dans un ACU, parce que je ne suis pas sûr qu'étant donné un ACU $A$, il existe un corps commutatif, unique à isomorphisme près, dans lequel s'injecte $A$ et dont on pourrait ensuite considérer la clôture algébrique.

    En tout cas, si ça marche, on pourrait étendre la question au cas de polynômes de plusieurs variables, si on arrive à trouver une "bonne" définition de racine. Mais une "racine" de $P \in A[X_1 ,..., X_n ]$ pourrait-elle être autre chose qu'un $n$-uplet $(\alpha_1 ,..., \alpha_n ) \in A$ tel que $P(\alpha_1 ,..., \alpha_n ) = 0$ ?

    EDIT : j'avais écrit autre chose avant, mais c'était nul.
  • merci pour ta reponsee
    alors par racines d'un polynomes à n variables j'entends les tuples de solutions non?
    sinon oui je voulais dire deux polynomes dont le pgcd est 1 (et non seulement distinct)
    c'est correct?
  • Je ne sais pas, je ne comprends rien. Si tu voulais essayer de faire une phrase entière...

    Avec une variable, les racines réelles ne déterminent déjà pas le polynôme ($x^4+1$ et $x^4+x^2+17$). Il n'y a donc rien à espérer avec les racines réelles.

    En complexe, si $f(x,y)$ et $g(x,y)$ sont deux polynômes qui admettent une infinité de racines communes, alors ils ont un facteur commun. Plus précisément : deux polynômes de degrés respectifs $m$ et $n$ qui n'ont pas de facteur commun ont au plus $mn$ points d'intersection. C'est une version faible du théorème de Bézout. Autrement dit, dans une certaine mesure, les racines déterminent le polynôme.
  • Ok vous avez raison, je reformule :)
    Ça donnerait

    Soient $p,q\in \mathbb{R}[X_1,\ldots,X_m]$ deux polynômes tels que $\gcd(p,q)=1$. Les équations $p(x_1,\ldots,x_m)=0$ et $q(x_1,\ldots,x_m)=0$ peuvent-elles avoir le même ensemble de solutions ?
  • Encore une fois, poser la question sur $\R$ est une mauvaise idée, les résultats que tu essaies de généraliser sont faux avec $m=1$.

    On peut mimer les contre-exemples avec $m=2$. Et donc, oui, c'est possible que deux polynômes aient le même ensemble de solutions réelles et mais pas de facteur commun si cet ensemble de solutions est (vide ou) fini, prendre par exemple $p(x,y)=(x-2)^4+(y-3)^4$ et $q(x,y)= (x-2)^2+(y-2)^2$.

    Si $p$ et $q$ ont au moins $\mathrm{deg}(p)\mathrm{deg}(q)+1$ racines complexes communes, ils ont un facteur commun (théorème de Bézout). Cela répond à ta question sur $\C$ puisque l'ensemble des solutions complexes d'un polynôme en $2$ variables de degré $\ge1$ complexe est infini.
  • OK top....j'ai compris...merci....
    Sinon il y a ma seconde question :)
  • Juste une question complémentaire !
    Est-ce que le théorème de Bezout cité "Si $p$ et $q$ ont au moins $\deg(p)\deg(q)+1$ racines communes, ils ont un facteur commun (théorème de Bézout)" est encore valable dans $Z/nZ$ avec $n$ premier ?
  • Apparemment oui. Vu qu'on suppose l'existence de racines sur le petit corps, on peut passer à une extension algébriquement close et la caractéristique ne semble pas importer.
  • @HomoTopi : Je ne suis pas sûr de comprendre les questions alors je les reformule de sorte à pouvoir y répondre. En gros, ça revient à faire une espèce d'introduction à la géométrie algébrique.

    Dans ton premier paragraphe, je ne suis pas sûr de ta notation $K[X]$ : est-ce qu'il y a une seule indéterminée $X$ ou une famille $X=(X_1,\dots,X_n)$ ? Je suppose que c'est une seule et que tu voulais faire constater que la réponse est non en général : $X(X-1)^7$ et $X^4(X-1)^2$ ont les mêmes racines mais ne sont pas associés.

    Pour éliminer ces histoires d'exposants, il faut soit (pour un polynôme) parler d'un polynôme irréductible, soit (pour une famille de polynômes) introduire le radical d'un idéal. Dans un anneau $A$, le radical $\sqrt{I}$ d'un idéal $I$ est l'ensemble des $a$ de $A$ dont une puissance appartient à $I$ : $\exists k\in\N,\ a^k\in I$. Par exemple, le radical de $48\Z\subset\Z$ est $6\Z$ ; le radical de l'idéal engendré par $X^4(X-1)^2$ est l'idéal engendré par $X(X-1)$. NB : en toute généralité, $I\subset\sqrt{I}$.

    Passons à plusieurs variables, $X_1,\dots,X_n$. Disons qu'on se donne un système de $r$ équations polynomiales à $n$ inconnues, c'est-à-dire $r$ éléments $f_1,\dots,f_r\in K[X_1,\dots,X_n]$. On s'intéresse aux solutions $(x_1,\dots,x_n)\in K^n$ telles que \[(*)\qquad \forall i\in\{1,\dots,r\},\ f_i(x_1,\dots,x_n)=0.\] Il est évident que cet ensemble ne détermine pas la famille de polynômes : même en linéaire, le système défini par $f_1(X_1,X_2)=X_1$ et $f_2(X_1,X_2)=X_2$ a les mêmes solutions que celui défini par $g_1(X_1,X_2)=2X_1+7X_2$ et $g_2(X)=-X_1-3X_2$.

    Constat facile : le système $(*)$ est équivalent à la condition que $f(x_1,\dots,x_n)=0$ pour tout $f$ appartenant à l'idéal $I=(f_1,\dots,f_r)$ engendré par les $f_i$.

    $\newcommand{\V}{\mathscr{V}}\newcommand{\I}{\mathscr{I}}$On reformule : étant donné un idéal $I$ de $(X_1,\dots,X_n)$, que dire de l'ensemble $\V(I)$ des $x\in K^n$ tels que $f(x)=0$ pour tout $f$ de $I$ ? Par exemple, on peut se demander si l'ensemble des solutions $\V(I)$ du système détermine $I$.

    Il y a un obstacle évident, déjà vu avec $n=1$ : si $I=(X_1^3)$, $\V(I)=\{0\}=V(I')$ où $I'=(X_1)$. En fait, de façon générale, il est évident que $\V(I)=\V(\sqrt{I})$.

    Étant donnée une partie $W$ de $K^n$, on lui associe naturellement l'idéal $\I(W)$ des polynômes qui s'annulent sur $W$. Par exemple, si $n=1$, on vérifie que $\I(\{0\})=(X_1)$.

    Le Nullstellensatz de Hilbert exprime que sur un corps algébriquement clos, cette histoire de multiplicité est le seul problème pour retrouver l'idéal $I$ à partir de sa « variété » $\V(I)$. Plus précisément, si $K$ est algébriquement clos et si $I$ est un idéal de $K[X_1,\dots,X_n]$, alors \[\I(\V(I))=\sqrt{I}.\] En particulier, si $\V(I)=\V(J)$, alors $\sqrt{I}=\sqrt{J}$. On ne peut pas espérer mieux.


    Étendre aux anneaux, c'est toujours possible de poser les questions mais bon, c'est vraiment plus compliqué. Il semble utile de supposer que l'anneau est intègre, sans quoi ça se corse encore. Par exemple, étudier les solutions entières de systèmes d'équations polynomiales à coefficients entiers, c'est un problème excessivement ardu qui mélange des difficultés géométriques et arithmétiques – le théorème de Fermat rentre là-dedans.
  • Alors, oui, quand j'écris $K[X]$ j'entends une seule indéterminée.

    En fait, je pensais que la réponse était "oui" mais j'avais en tête qu'on compte les racines avec multiplicité... sans ce détail, la réponse est évidemment fausse comme tu l'as dit.

    A part ça, ben, merci pour cette "petite introduction" à la G.A. :-D

    C'est un domaine des mathématiques qui m'intéresse, comme plein d'autres. L'inconvénient c'est qu'entre les polynômes de plusieurs variables, les variétés algébriques, les faisceaux et les schémas, on est vité perdu pour savoir par où commencer...

    Mais ne dévions pas encore davantage de la question de départ de jaccuzzi.
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