Base de l'espace des applications bilinéaires

Bonjour,

Soient $E$, $F$ et $G$ trois $\mathbb{K}$-espaces vectoriels de dimensions finies respectives $p,q$ et $r$ et des bases $\mathcal{E}=(e_1,\ldots,e_p)$, $\mathcal{F}=(f_1,\ldots,f_q)$ et $\mathcal{G}=(g_1\ldots,g_r)$ de ces espaces.
L'espace vectoriel $\text{Bil}(E,F;G)$ des applications bilinéaires de $E\times F$ vers $G$ est de dimension $pqr$ sur $\mathbb{K}$. Prouvons cela.

Une base de l'espace sera la famille des $\{\varphi_{i,j,k}\}_{(i,j,k)\in\mathbb{N}_p\times\mathbb{N}_q\times\mathbb{N}_r}$ où si $(i_0,j_0,k_0)\in\mathbb{N}_p\times\mathbb{N}_q\times\mathbb{N}_r$, l'application bilinéaire $\varphi_{i_0,j_0,k_0}$ étant (entièrement) définie par $$\varphi_{i_0,j_0,k_0}(e_i,f_j)=\delta_{i,i_0}\delta_{j,j_0}g_{k_0}$$

Il s'agit alors de montrer que cette famille est une base. On montre la liberté. Soient $\{\lambda_{i,j,k}\}_{(i,j,k)\in\mathbb{N}_p\times\mathbb{N}_q\times\mathbb{N}_r}$ un jeu de $pqr$ scalaires tels que $$\sum_{i,j,k}\lambda_{i,j,k}\varphi_{i,j,k}=0~~~~~~~~~~(*)$$Soit $(\tilde{i},\tilde{j})\in\mathbb{N}_p\times\mathbb{N}_q$, fixé. En évaluant la relation $(*)$ en $(e_\tilde{i},f_\tilde{j})$, on obtient l'égalité suivante dans $G$ : $$\sum_{k=1}^r \lambda_{\tilde{i},\tilde{j},k}\varphi_{\tilde{i},\tilde{j},k}(e_\tilde{i},f_\tilde{j})=\sum_{k=1}^r \lambda_{\tilde{i},\tilde{j},k}g_{k}=0=0g_1+\ldots+0g_r$$
(note informelle: beaucoup de symboles de Kronecker valaient 0...)

En se servant du fait que $\mathcal{G}$ est une base (famille libre en fait), on obtient la nullité des $r$ scalaires $\lambda_{\tilde{i},\tilde{j},k}$ pour $k=1,\ldots,r$. L'arbitrarité de $(\tilde{i},\tilde{j})$ nous permet d'en déduire qu'en fait, ils sont tous nuls (les $\lambda$).

Je pense que ce raisonnement est correct. (merci de me signaler toute erreur éventuelle).
Là où je planche un peu c'est sur le côté générateur de ma famille. Je tente ma chance : soit $\varphi$ le plus général des éléments de $\text{Bil}(E,F;G)$. Je prends $(x,y)\in E\times F$, je décompose $x$ et $y$ dans $\mathcal{E}$ et $\mathcal{F}$ pour écrire après développement par bilinéarité :
$$\varphi(x,y)=\sum_{i,j}x_i y_j\varphi(e_i,f_j)$$Même en ayant essayé de décomposer $\varphi(e_i,f_j)$ dans $\mathcal{G}$ pour chacun des $pq$ couples $(i,j)$ je ne suis pas parvenu à écrire une égalité (entre applications bilinéaires) mettant en jeu les éléments de la famille libre. J'ai en tête des "combines" du genre $x_i=e_i^*(x)$ mais bref, je ne suis pas parvenu à mes fins.

Des choses pour m'aider ?

Réponses

  • Pour montrer qu'une famille libre est une base, on n'est pas obligé de montrer qu'elle est génératrice, on peut aussi montrer que c'est une famille libre maximale. Prends une combinaison linéaire de tes applications qui vont former la base, sauf que tu en enlèves une. Si tu arrives à montrer que cette famille "tronquée" n'est jamais libre, c'est gagné.
  • Plus simple: on a un isomorphisme canonique d'espaces vectoriels $Bil(E\times F, G)\simeq Lin(E, Lin(F,G))$. Du coup, c'est facile de compter les dimensions.

    Démo rapide (détails laissés au lecteur):

    Si $b:E\times F\to G$ est bilinéaire, pour tout $x\in E$, $b(x,-) :y\in F\mapsto b(x,y)\in G$ est linéaire, et l'application
    $f_b: x\in E\mapsto b(x,_-)\in Lin(F,G)$ est linéaire.

    Inversement, si $f: E\to Lin(F,G)$ est linéaire, l'application $b_f: (x,y)\in E\times F\mapsto f(x)(y)\in G$ est bilinéaire.

    On montre aisément que les constructions $b\rightsquigarrow f_b$ et $f\rightsquigarrow b_f$ sont inverses l'une de l'autre, et ça marche en dimension quelconque. Pas besoin de choisir des bases, et du coup, ça éclaircit le propos, je trouve.

    (Si vraiment on veut expliciter une base dans le cas de la dimension finie, on peut...)

    Mel.
  • Homo Topi, une sous-famille d'une famille libre est toujours libre.

    A moins d'avoir mal saisi, ne vouliez-vous pas dire qu'il faut montrer que toute sur-famille stricte de la famille que je propose est toujours liée?
    Pour moi c'est ça la définition de libre maximale: libre et toute sur-famille stricte est liée. D'ailleurs pourquoi une telle famille est génératrice ?

    D'accord melpomène : c'est une bonne façon de contourner la difficulté, mais effectivement c'est plus rapide
  • Oui, je me suis emmêlé les pinceaux. Mea culpa

    Libre maximale = si on ajoute un vecteur, elle n'est plus libre.

    Cependant, pour montrer que libre maximale $\Longrightarrow$ génératrice avec la bonne définition :

    Pour fixer les notations, soit $\mathscr{B} = (b_j)_{j \in J}$ une famille libre maximale d'un $\mathbb{K}$-espace vectoriel $E$, et soit $v \in E$. Par définition $\mathscr{B} \cup \{v\}$ est liée, donc il existe $\alpha, \lambda_1, ... , \lambda_n$ dans $\mathbb{K}$ tels qu'on ait une relation de dépendance linéaire $\alpha v + \displaystyle \sum_{j \in J}\lambda_j b_j = 0$. Pour rappel : dans une relation de dépendance linéaire, par définition, il faut qu'il existe un coefficient non nul (sinon c'est une relation d'indépendance linéaire).

    Si $\alpha = 0$, on aurait $\lambda_j = 0$ pour tout $j$ car $\mathscr{B}$ est libre. Donc on aurait une relation de dépendance linéaire dont tous les coefficients sont nuls, ce qui contredit la définition. Donc $\alpha \neq 0$. Donc on peut isoler $v$ et l'écrire comme une combinaison linéaire des vecteurs de $\mathscr{B}$. Donc $\mathscr{B}$ est génératrice.
  • oui. en fait j'avais posé la question sans y avoir réfléchi. plus tard, c'est bien cette démo qui m'est venu en tête, bien que je ne l'ai pas écrite ! donc merci de l'avoir fait.

    et pour mon affaire d'applications bilinéaires, ça me paraît difficile d'utiliser cette "caractérisation" des bases.

    Connaissez-vous un moyen de finir ma démo "explicite" sans utiliser l'argument (certes correct) de melpomène?
  • Je pense que la seule difficulté de cette démonstration réside dans les notations (on se croirait presque en calcul diff, avec autant d'indices...) et c'est pour ça que melpomène proposait autre chose.

    Essayons...

    $\displaystyle \varphi(x,y) = \varphi( \sum_{i=1}^p x_i e_i ; \sum_{j=1}^q y_j f_j ) = \sum_{i=1}^p \sum_{j=1}^q \varphi(e_i, f_j) = \sum_{i=1}^p \sum_{j=1}^q \sum_{k=1}^r \alpha_k^{i,j} g_k$ en posant $\varphi(e_i, f_j) = \displaystyle \sum_{k=1}^r \alpha_k^{i,j} g_k$.

    A ce stade, j'ai envie de dire, un produit de symboles de Kronecker, ça vaut soit $0$, soit $1$, alors on peut essayer de compliquer encore un peu ce bazar-là pour faire apparaître les bonnes applications. Sachant que si $a_k^{i,j} = 0$, ça ne change rien si le produit de symboles de Kronecker associé aux mêmes indices vaut $1$, on va se gêner.

    $\displaystyle \varphi(x,y) = \sum_{i=1}^p \sum_{j=1}^q \sum_{k=1}^r \alpha_k^{i,j} \delta_{(?,?)} \delta_{(?,?)} g_k$

    Là, il ne reste plus qu'à trouver les bons indices à mettre dans les symboles de Kronecker, et c'est réglé, je pense. J'ai un mélange de flemme et de fatigue qui me donne envie de ne pas trouver ces indices maintenant. J'essaierai peut-être demain si personne ne s'en occupe à ma place entre-temps.
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