Sur la fonction Zeta d'un corps de nombres

Bonjour
Si L/K est une extension de corps de nombres

Est-ce que l'on peut exprimer la fonction zeta de L en fonction de celle de K (ou en fonction de celle de K (ou et la fonction L de K, comme dans le cas des corps quadratiques) ?

Merci.

Réponses

  • Si $L/K$ est galoisienne alors oui, on a toujours $\zeta_L = \zeta_K \times P$ où $P$ est un produit de fonctions $L$ d'Artin. Ça vient essentiellement du fait que $\zeta_L$ est $L(\chi_0, L/L)$ où $\chi_0$ est le caractère trivial du groupe $Gal(L/L)$, qui induit le caractère de la représentation régulière de $Gal(L/K)$, qui vaut $\sum_{\chi} (\dim \chi) \chi$, où la somme porte sur les caractères irréductibles de $Gal(L/K)$.

    Pour beaucoup d'informations sur les fonctions $L$ d'Artin, je recommande ce document de Noah Snyder : https://pdfs.semanticscholar.org/36c9/f39a44e13ec1a04cbc673e7d8c29ca5859f2.pdf

    En particulier le résultat qui t'intéresse (et l'explication que j'en ai donnée) est donné page 71.
  • J'ajouterais deux choses :

    1. D'un point de vue pratique, il est difficile d'obtenir une factorisation effective de $\zeta_L$ lorsque le degré de $L$ est grand. On a toutefois des résultats pour des petits degrés. Par exemple, si $L_8 = \mathbb{Q} \left( \sqrt{-1}, \sqrt[4]{m} \right)$ où $m$ est sans facteur carré, alors on sait que, pour $\sigma > \frac{1}{2}$
    $$\zeta_{L_8}(s) = \zeta(s) \times L_8 \left( s, \left( \tfrac{-1}{\cdot} \right) \right) \times L \left( s, \left( \tfrac{m}{\cdot} \right) \right) \times L \left( s, \left( \tfrac{-m}{\cdot} \right) \right) \times L \left( s, L_8/\mathbb{Q}, \psi \right)^2 \times U(s) $$
    où $U(s)$ est une série de Dirichlet absolument convergente dans le demi-plan $\sigma > \frac{1}{2}$.

    2. Rappelons à ce sujet la conjecture de Dedekind : le quotient $\zeta_L(s) / \zeta_K(s)$ est une fonction entière.
  • C'est très intéressant !
    merci beaucoup Poirot
    merci beaucoup noix de totos
  • Un petit résumé de ce que j'avais compris :

    Si $L/K$ est une extension galoisienne de degré $n$ alors (à un produit fini près sur les premiers ramifiés) $$\zeta_L(s) = \prod_{\mathfrak{p} \in K \text{ non ramifies dans } L} (1-N(\mathfrak{p})^{-s f(\mathfrak{p})})^{-n/f(\mathfrak{p})}= \prod_{\mathfrak{p} \in K \text{ non ramifies dans } L} \det(1-N(\mathfrak{p})^{-s} \rho(Frob_\mathfrak{p}))^{-1}$$ où $\rho : Gal(L/K) \to \mathbb{R}^{n \times n}$ est la représentation régulière

    C'est pas difficile à montrer.

    La représentation régulière se factorise en produit de représentations irréductibles, ce qui donne la décomposition en fonctions L d'Artin de $\zeta_L$.

    Ensuite il faut regarder le cas $Gal(L/K)$ abélien ce qui donne que les représentations irréductibles sont des caractères $\chi : Gal(L/K) \to \mathbb{C}^\times$. Le propos de class field theory est alors de montrer que ces $\chi$ sont aussi des caractères de Hecke (donnés en gros par un caractères de $O_K/\mathfrak{a}^\times$ et un caractère du class group)

    Dans le cas $Gal(L/K)$ non abélien les représentations irréductibles ne sont pas de dimension $1$ mais on sait se ramener à des représentations irréductibles de dimension $1$ de sous-groupes, ce qui donne $\zeta_L$ comme un quotient de fonctions $L$ de Hecke de sous-extensions.

    Dans certains cas ($Gal(L/K$ dihédral) on sait montrer que ce quotient est un produit, ce qui est le point des conjectures d'Artin et de Dedekind, et dans le cas général ça devient le point du programme de Langland.
  • Pour illustrer le propos de Reuns, prenons l'exemple d'un corps cubique $K_3$ de discriminant $d_{K_3} < 0$ (donc non galoisien), plongé dans sa clôture normale $K_6$ telle que $\textrm{Gal} \left( K_6 / \mathbb{Q} \right) \simeq S_3$. On a alors $\zeta_{K_3} (s) = \zeta(s) \times L\left(s, \psi, K_6 / \mathbb{Q} \right)$ où $\psi$ est le caractère bidimensionnel.

    Or il se trouve que l'on sait que, pour $S_3$, la conjecture d'Artin (forte) est vraie, et l'on peut alors interpréter la fonction $L$ d'Artin ci-dessus d'une autre façon.

    En particulier puisque $d_{K_3} < 0$, la représentation $\rho : S_3 \longmapsto \textrm{GL}(2,\mathbb{C})$ est impaire et on montre que $L\left(s, \psi, K_6 / \mathbb{Q} \right) = L(s,F)$ où $F$ est une forme parabolique de poids $1$, de niveau $\left| d_{K_3} \right|$ et de nebentypus l'unique caractère réel primitif de Dirichlet associé à $K_3$.

    Cela permet d'utiliser les résultats des formes paraboliques, quasiment identiques à ceux de la fonction $\zeta$, et ainsi d'obtenir de bons termes d'erreur dans les évaluations asymptotiques de fonctions arithmétiques associées à $K_3$.
  • $\alpha$ est une racine d'un polynôme rationnel cubique irréductible de discriminant $d$. Son corps de décomposition c'est $K_6 = \mathbf{Q}(\alpha,\sqrt{d})$ de degré $6$ et de groupe de Galois diédral.

    $K_2 = \mathbf{Q}(\sqrt{d}$ est le sous-corps quadratique.

    $F$, la représentation de dimension $2$ de $Gal(K_6/\mathbb{Q})$ est l'induite d'une représentation abélienne de $Gal(K_6/K_2)$, par classfieldtheory c'est un caractère de Hecke $\psi$ de $K_2$ et une forme automorphe pour $GL_1(K_2)$.

    La fonction theta associée $\sum_{I \in K_2} \psi(I)e^{2i \pi N(I)}$ est une forme modulaire donc une forme automorphe pour $GL_2(\mathbf{Q})$.

    C'est cette dernière qui donne le prolongement analytique, l'équation fonctionnelle et la densité de zéros pour $L(s,F)$

    Il y a aussi le comptage basique des idéaux de $K_6$ qui donne le prolongement analytique de $\zeta_{K_6}$ à $\Re(s) > 5/6$, avec celui de $\zeta_{K_2}$ ça donne l'équivalent du théorème de Dirichlet sur les progressions arithmétiques, la région sans zéro et le PNT pour $L(s,F)$.

    Forme parabolique ça veut dire ?

    Est-ce que je suis censé inclure $GL_1(K_2)$ dans un sous-groupe commutatif de $GL_2(\mathbf{Q})$ et en faire une forme automorphe par convolution ?
  • Hello Poirot,

    Je pense que l'on a pas besoin de l'hypothèse $L \mid K$ Galoisienne. Prenons $E$ la clôture galoisienne de $L \mid K$ et notons $G$ le groupe de Galois de $E \mid K$. Notons $H$ le sous-groupe de $G$ tel que $L = E^H$. On dispose d'une action de $G$ sur l'ensemble des classes $G/H$. En linéarisant cette action on obtient un représentation $\rho : G \to \text{GL}_n(\Z)$. Alors, un résultat est que : $\zeta_L = \mathcal{L}(\rho)$ (La démonstration traîne sur le forum dans un des posts de Claude :-D sinon en remarquant que cette représentation est induite par la représentation triviale de $H$).

    D'autre part, la représentation $\rho$ contient la représentation triviale et par suite on a une factorisation $\zeta_L = \zeta_K \times \text{truc}$.

    Vérifie que je ne dis pas de grosses conneries car ça fait quelques mois que j'ai pas fait joujou avec les fonctions $\mathcal{L}$ et avec l air des montagnes je commence a oublier un peu.
  • @Reuns. Par "forme parabolique", j'entends bien sûr "forme automorphe parabolique".
  • Lui dit que ça veut dire "cusp form" http://www.math.univ-toulouse.fr/~reversat/FonctionsL.pdf (plus généralement forme automorphe cuspidale)
  • "cusp form" est la déclinaison anglo-saxone de "forme automorphe parabolique" (ou aux pointes). Autrement dit, c'est une forme automorphe dont le développement en série de Fourier s'écrit $\displaystyle f(z) = \sum_{n=1}^\infty a(n) e(nz)$ avec $a(n) \in \mathbb{C}$.

    De façon usuelle, on a tendance à employer l'abus "forme parabolique" pour signifier "forme automorphe parabolique".
  • Un truc que je trouve bizarre, c'est que je ne vois pas, dans certains posts où cela est important (pour moi, en tout cas), mention du sous-groupe de $\text{SL}_2(\Z)$ ou $\text{PSL}_2(\Z)$. Je parle de celui qui ``gouverne'' les formes modulaires. Probablement que je n'ai pas compris ou bien lu les posts.

    Prenons l'exemple de $\Gamma_0(N)$ avec $N = 6$ et du poids 2. La dimension de $S_2(\Gamma_0(N))$ est le genre de $\Gamma_0(N)$. Il y a des formules pour cela (j'ai la flemme de pointer).
    [color=#000000]
    > N := 6 ;
    > Genus(Gamma0(N)) ;
    0
    > DimensionCuspFormsGamma0(N,2) ;
    0
    [/color]
    
    C'est la raison pour laquelle j'ai choisi $N = 6$ : $M_2(\Gamma_0(N)) = S_2(\Gamma_0(N)) \oplus^\perp E_2(\Gamma_0(N))$ est réduit ici au sous-espace d'Eisenstein $E_2(\Gamma_0(N))$, de dimension un de moins le nombre de cusps de $\Gamma_0(N)$. Ce nombre de cusps est $\sum_{d \mid N} \varphi(\gcd(d,N/d))$ où $\varphi$ est l'indicateur d'Euler. Ici il y en a 4. Les énumérer n'est pas si simple en général (je veux dire pour $N$ quelconque) mais ici $N = 6$ est sans facteur carré, ce qui ne peut pas faire de mal. J'ai fait en sorte d'obtenir 4 cusps because quelque part une mention de nullité en TOUS les cusps (et pas seulement au cusp $i\infty$).
    [color=#000000]
    > Cusps(Gamma0(N)) ;
    [ oo,   0,   1/2,  1/3 ]
    > M20N := ModularForms(Gamma0(N), 2) ; 
    > M20N ;
    Space of modular forms on Gamma_0(6) of weight 2 and dimension 3 over Integer Ring.
    > E20N := EisensteinSubspace(M20N) ;
    > E20N ;
    Space of modular forms on Gamma_0(6) of weight 2 and dimension 3 over Integer Ring.
    > Basis(E20N) ;
    [
        1 + 24*q^3 + 24*q^6 + 96*q^9 + O(q^12),
        q + 5*q^3 - 2*q^4 + 6*q^5 + 4*q^6 + 8*q^7 - 6*q^8 + 17*q^9 + 12*q^11 + O(q^12),
        q^2 - 2*q^3 + 3*q^4 - q^6 + 7*q^8 - 8*q^9 + 6*q^10 + O(q^12)
    ]
    [/color]
    
    $3 = 4-1$, ça baigne. Mais deux formes de poids 2 dont le développement en $q = 0$ (i.e $\tau = i\infty$) est nul en $q=0$ alors qu'il n'y a pas de cusp-form de poids 2 relativement à $\Gamma_0(6)$.

    Of course :
    [color=#000000]
    > Basis(M20N) ;       
    [
        1 + 24*q^3 + 24*q^6 + 96*q^9 + O(q^12),
        q + 5*q^3 - 2*q^4 + 6*q^5 + 4*q^6 + 8*q^7 - 6*q^8 + 17*q^9 + 12*q^11 + O(q^12),
        q^2 - 2*q^3 + 3*q^4 - q^6 + 7*q^8 - 8*q^9 + 6*q^10 + O(q^12)
    ]
    [/color]
    
    Enfin, Knapp, qui est très pédagogue (si, si), consacre (dans Elliptic Curves) 4 pages à bien expliquer ce qu'est une cusp-form (chap IX. section 2).
  • Donc magma ne comprend pas qu'on veut une base de $M_{k}(\Gamma) = S_{k}(\Gamma) \oplus E_{k}(\Gamma)$ dont on connait la $q$-expansion en toutes les cusps.

    Une fois qu'on a $G_{2k}(z) = \sum_{(c,d) \in \mathbb{Z}^2 \setminus (0,0)} \frac{1}{(cz+d)^{2k}}$ la série d'Eisenstein $\in M_{2k}(SL_2(\mathbb{Z}))$, on trouve les autres séries d'Eisenstein pour $\Gamma$ en regardant les $G_{2k}|_{2k} \alpha$ pour $\alpha \in SL_2(\mathbb{Q})$ tel que $\alpha^{-1} SL_2(\mathbb{Z}) \alpha \supseteq \Gamma$ ? (avec $\Gamma=\Gamma_0(N)$ ça doit marcher ?)

    Pour $k=1$ c'est pareil sauf que les $G_2(z)$ sont des séries formelles qui ne convergent qu'une fois qu'on se restreint aux combinaisons linéaires $\sum_j c_j G_{2k}|_{2k} {\alpha_j},\sum_j c_j = 0$.

    $G_{2k}|_{2k} \alpha(z) = C\, G_{2k} (uz+v)$ donc avec $\pi^2 \sum_{l \ge 1} e^{i \pi (2m-1) z}= \frac{\pi^2}{\sin(\pi z)^2} = \sum_m \frac{1}{(z+m)^2}$ on connait les $q$-expansions de toutes les $G_{2k}|_{2k} \alpha$ et on a une base de $E_2(\Gamma)$ dont on connait la $q$-expansion en toutes les cusps.

    Et étant donné une Hecke eigenform, à chaque cusp il y a une suite avec laquelle il faut multiplier les coefficients de la $q$-expansion pour retrouver la multiplicativité (et les valeurs propres des opérateurs de Hecke) ?
  • @Reuns Je ne comprends pas trop ce que tu veux dire. De mon côté, j'ai juste voulu insister sur le fait qu'il fallait considérer toutes les pointes (cusps), ce qui est clair dans la définition 6.4 page 34 de http://www.math.univ-toulouse.fr/~reversat/FonctionsL.pdf (pdf que tu as pointé) (chez l'auteur, $\Gamma$ est un sous-groupe de congruences).

    Note : pour le groupe $\Gamma_0(N)$, il y a un critère, pour une forme parabolique, qui ne fait pas intervenir les ``valeurs'' aux pointes, cf lemme 8 en bas de la page 8 de http://math.univ-bpclermont.fr/~royer/art/cirm03/MartinRoyerSemEtCong.ps

    Quant au reste de ton post, je me fais modeste. Dans le cas particulier $N = 6$, $k = 2$ et du groupe $\Gamma_0(N)$, est ce que l'on dispose d'une base de $E_2(\Gamma_0(6))$ dont on connait les ``valeurs'' en les 4 pointes de $\Gamma_0(6)$ ? Pas nécessairement la base fournie par magma (qui doit être, si je ne m'abuse, la $\Z$-base de Miller). Encore plus modeste : une base dont on connait la valeur en la pointe $0 \over 1$ de $\Gamma_0(6)$ ? Pas du style ``y'a qu'à'' : les 3 formes (de manière explicite) et les 3 rationnels, ``valeurs'' en la pointe $0 \over 1$ de $\Gamma_0(6)$. Moi, je suis plutôt du genre besogneux, eh bien, cela me prend une certaine énergie pour expliciter ce binz.
  • J'ajoute une autre question : si on regarde les formes modulaires pour des groupes fuchsiens bizarres $G \le SL_2(\mathbb{R})$, ça donne quoi pour les opérateurs de Hecke, leur multiplicativité, et le changement de cusp ?

    Intuitivement la multiplicativité des opérateurs de Hecke vient du fait que $SL_2(\mathbb{Z})$ est un groupe arithmétique.
Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.