Morphisme surjectif entre groupes symétriques

Bonjour,
Étant en prépa MP*, j'ai eu cette semaine un exercice de colle que je ne pense pas avoir bien compris.
L'exercice est le suivant : construire un morhisme surjectif de $\mathfrak{S}_4$ dans $\mathfrak{S}_3$.

La résolution de cet exercice, si mes souvenirs sont bons, fait intervenir le groupe de Klein $V$ (enfin, un sous groupe de $\mathfrak{S}_4$ isomorphe au groupe de Klein) et l'introduction d'une application, pour $\sigma \in \mathfrak{S}_4$, $f_\sigma : V \rightarrow V$ qui à $g \in V$ associe $\sigma ^{-1} g \sigma$.

Je ne comprends pas vraiment en quoi les propriétés du groupe de Klein sont utiles ici, ni l'utilité de la conjugaison (j'ai d'ailleurs du mal à visualiser l'action de la conjugaison sur les permutations...).

En espérant que vous puissiez m'éclairer.
Merci d'avance.

Réponses

  • La conjugaison sur les cycles est très facile à comprendre. Si $(i_1,\dots,i_\ell)$ est un cycle de longueur $\ell$ et si $\sigma$ est une permutation quelconque, alors \[\sigma(i_1,\dots,i_\ell)\sigma^{-1}=\bigl(\sigma(i_1),\dots,\sigma(i_\ell)\bigr).\] (Vérifie-le en calculant l'image d'un élément $j$ par $\sigma(i_1,\dots,i_\ell)\sigma^{-1}$ en distinguant selon que $j$ est l'un de $i_k$ ou que $j$ est fixe par $(i_1,\dots,i_\ell)$.) En particulier, c'est un $\ell$-cycle aussi. Si $g$ est décrite comme un produit de cycles à supports disjoints $\gamma_1\cdots\gamma_r$, on applique cette formule à chaque $\gamma_i$.

    Soit $V=\{\mathrm{id},(12)(34),(13)(24),(14)(23)\}$ le groupe engendré par les doubles-transpositions (toujours une indétermination dans ma tête sur le "s" à "double"). Il est évident que $\sigma\mathrm{id}\sigma^{-1}=\mathrm{id}$ pour tout $\sigma\in\mathfrak{S}_4$. De plus, par la description ci-dessus, $\sigma(ab)(cd)\sigma^{-1}=\bigl(\sigma(a)\sigma(b)\bigr)\bigl(\sigma(c)\sigma(d)\bigr)$ pour toute double-transposition $(ab)(cd)$. Autrement dit, $V$ est distingué dans $\mathfrak{S}_4$. Mieux : par conjugaison, une permutation $\sigma\in\mathfrak{S}_4$ induit une permutation de $\{g_1,g_2,g_3\}$. Par exemple, si $\sigma=(123)$, alors $\sigma g_1\sigma^{-1}=g_2$, $\sigma g_2\sigma^{-1}=g_3$ et $\sigma g_3\sigma^{-1}=g_1$ : la permutation associée est le $3$-cycle $(g_1,g_2,g_3)$. Si $\sigma=(23)$, alors $\sigma g_1\sigma^{-1}=g_2$, $\sigma g_2\sigma^{-1}=g_1$ et $\sigma g_3\sigma^{-1}=g_3$ : la permutation associée est la transposition $(g_1,g_2)$.

    Bref : le simple fait que $V$ soit distingué et que $\mathrm{id}$ soit fixe indique qu'une permutation $\sigma\in\mathfrak{S}_4$ induit par conjugaison une permutation $f(\sigma)$ de $\{g_1,g_2,g_3\}$. En fait, cette application est un morphisme de groupe (saurais-tu le vérifier ?). Comme le groupe des permutations de $\{g_1,g_2,g_3\}$ est isomorphe à $\mathfrak{S}_3$, c'est comme si on avait un morphisme $f:\mathfrak{S}_4\to\mathfrak{S}_3$ (il suffit de noter $1$ au lieu de $g_1$, etc.). Par exemple, $f\bigl((123)\bigr)=(123)$ et $f\bigl((23)\bigr)=(12)$. On en déduit facilement que $f$ est surjective (deux arguments te tendent les bras : en vois-tu au moins un ?).

    Les propriétés de $V$ sont donc : 1) $V$ est distingué ; 2) $\mathrm{card}\bigl(V\setminus\{\mathrm{id}\}\bigr)=3$.
  • Tiens, tiens, me suis-je demandé, combien existe-il donc de morphismes surjectifs de $\mathcal S_4$ sur $\mathcal S_3$ ? Il me semble qu'il en existe exactement 6. Voilà comment je vois ça.

    Si $V$ est le sous-groupe d'ordre 4 contenant les 3 doubles-transpositions (comme signalé par Math Coss, il est distingué dans $\mathcal S_4$) et si $K$ est le sous-groupe de $\mathcal S_4$ formé des 6 permutations qui fixent 4 alors, $K$ est un système de représentants dans $\mathcal S_4$ des classes modulo $V$.

    Si $f:\mathcal S_4\to \mathcal S_3$ est un morphisme surjectif, son noyau (distingué d'ordre 4) ne peut être que $V$ et donc $f$ est caractérisé par les images des éléments de $K=\{v_1,\dots, v_6\}$, disons $w_i=f(v_i)$ pour chaque $i$, les $w_i$ étant distincts puisque $f$ est surjective. La restriction de $f$ à $K$ définit donc un automorphisme de groupe $\Phi_f:\mathcal S_3\to \mathcal S_3$.

    Inversement, à partir d'un automorphisme $s$ de $\mathcal S_3$ (je poserai $s(v_i)=p_i$ pour chaque $i$), on peut construire $f:\mathcal S_4\to \mathcal S_3$ morphisme surjectif et tel que $s=\Phi_f$ : en effet, il suffit de définir $f$ sur une chaque classe modulo $V$ par $f(v_iV)=p_i$ (c'est un morphisme parce que $K$ est distingué).


    Donc, le nombre de morphisme $f$ est le nombre d'automorphismes de $\mathcal S_3$, à savoir 6.
  • @Pacal Ortiz : Si tu veux induire la confusion, c'est une bonne idée d'appeler $V$ autre chose que le Vierergruppe (ou un avatar)...

    Ce que tu es en train de dire, c'est donc deux choses :
    • il y a essentiellement un morphisme surjectif $f:\mathfrak{S}_4\to\mathfrak{S}_3$, les autres étant les $\mathrm{int}_\pi\circ f:\sigma\mapsto\pi f(\sigma)\pi^{-1}$ pour $\pi\in\mathfrak{S}_3$ ;
    • « la » surjection $f:\mathfrak{S}_4\to\mathfrak{S}_3$ admet une section $s:\mathfrak{S}_3\to\mathfrak{S}_4$, où $s(\mathfrak{S}_3)$ est le stabilisateur de $4$, ce qui signifie que $\mathfrak{S}_4$ est le (isomorphe au) produit semi-direct de $\mathfrak{S}_3$ par le groupe de Klein $V$.
  • Alors, j'ai utilisé $K$ comme Klein, mais effectivement, j'aurais dû garder ta notation, d'ailleurs, j'utilise habituellement $V_4$, je rectifie mon message ci-dessus.

    Concernant la première remarque, oui, même ci ce n'est pas ce que je voulais dire ;) tu as raison, il y a effectivement essentiellement un morphisme surjectif de $\mathfrak S_4$ sur $\mathfrak S_3$.

    Concernant la 2e, non, je ne suis pas allé aussi loin ;) ce n'est pas ce que j'avais en tête, et d'ailleurs, je trouve personnellement plus facile de voir qu'on a le produit semi-direct interne $\mathfrak S_4=V\rtimes K$ puisque $V$ est distingué dans $\mathfrak S_4$, $V\cap K=\{1\}$ et $|\mathfrak S_4|=|V|\cdot |K|$ [notation incorrecte et rectifiée, merci à A.D.]
  • Merci Math Coss, c'est bien plus clair désormais.
    Pour montrer que $f : \mathfrak{S}_4 \rightarrow \mathfrak{S}_3$ est bien un morphisme, je dirais :
    Soit $\sigma_1, \sigma_2 \in \mathfrak{S}_4$ et $g \in V$, alors $f(\sigma_1 \circ \sigma_2) (g) = (\sigma_1 \circ \sigma_2) \circ g \circ (\sigma_1 \circ \sigma_2)^{-1} = (\sigma_1 \circ \sigma_2) \circ g \circ (\sigma_2^{-1} \circ \sigma_1^{-1}) = \sigma_1 \circ f(\sigma_2)(g) \circ \sigma_1^{-1} = (f(\sigma_1) \circ f(\sigma_2)) (g)$
    Ceci étant vrai pour $g$ quelconque, on a bien $f(\sigma_1 \circ \sigma_2) = f(\sigma_1) \circ f(\sigma_2)$.

    Pour montrer que $f$ est surjective, je dirais :
    Soit $\sigma \in \mathfrak{S}_3, \sigma = (a, b, c)$ avec $a, b, c \in \{1, 2, 3\}$ distincts deux à deux. On pose $\sigma' \in \mathfrak{S}_4$ telle que $\sigma'(1) = a, \sigma'(2) = b, \sigma'(3) = c, \sigma'(4) = 4$. Alors, on a $f(\sigma') = (\sigma'(1), \sigma'(2), \sigma'(3)) = (a, b, c) = \sigma$. Donc f est surjective.

    Je ne suis pas sûr pour la surjectivité, et c'est le seul argument que je vois.

    En tout cas, merci pour ton aide !
  • Ça a l'air OK pour le morphisme. Pour la surjectivité, serais-tu en train de dire que tout élément de $\mathfrak{S}_3$ est un $3$-cycle ?

    Voici trois possibilités :
    • compléter ton argument avec les autres types de permutation (il y en a deux dont un ne pose pas de problème) ;
    • constater que le groupe engendré par deux images que tu as calculées (par exemple celles de $(12)$ et de $(123)$) est $\mathfrak{S}_3$ ;
    • déterminer le noyau du morphisme et en déduire le cardinal de l'image.
  • Effectivement il s'agit d'une confusion de ma part pour la nature de $\mathfrak{S}_3$ (cet objet n'est pas encore très naturel pour moi...).
    J'essaye la deuxième méthode :

    On a $f((12)) = (23)$ et $f((123)) = (123)$, on note $G$ le groupe engendré par (23) et (123). On a alors immédiatement $G \subset \mathfrak{S}_3$.
    Soit $\sigma \in \mathfrak{S}_3$.
    Si $\sigma$ est un 3-cylce, alors il existe $a \in \mathbb{N}$ tel que $\sigma = (123)^a$.
    Sinon, si $\sigma = id$ alors $a \in G$ car $G$ est un groupe.
    Sinon, $\sigma$ est un 2-cycle : si $\sigma = (23)$ alors $\sigma \in G$, si $\sigma = (13) = (23) \circ (123) \in G$, enfin si $\sigma = (12) = (123) \circ (23) \in G$.
    Par double inclusion, $G = \mathfrak{S}_3$ donc f est surjective.

    Je ne vois pas comment faire avec le noyau par contre, peut tu m'éclairer ?
  • OK, donc d'une façon ou d'une autre, on peut montrer que $f$ est surjective.

    En passant par le noyau, il s'agit de montrer qu'une permutation $\sigma$ qui commute aux doubles transpositions est une double transposition elle-même. On a (formule à vérifier mais déjà évoquée plus haut), pour toute permutation $\sigma$ et toute double transposition $(ab)(cd)$ : \[\sigma(ab)(cd)\sigma^{-1}=(\sigma(a),\sigma(b))(\sigma(c),\sigma(d)).\] Si $\sigma$ est dans le noyau de $f$, elle commute à $(12)(34)$ et donc envoie $\{1,2\}$ sur $\{1,2\}$ ou sur $\{3,4\}$ ; elle commute à $(13)(24)$ donc envoie $\{1,3\}$ sur $\{1,3\}$ ou $\{2,4\}$. Si $\sigma(1)=1$, alors $\sigma\{1,2\}=\{1,2\}$ donc $\sigma(2)=2$ et de même, $\sigma(3)=3$ et $\sigma(4)=4$. Si $\sigma(1)=2$ alors $\sigma\{1,2\}=\{1,2\}$ donc $\sigma(2)=1$ et, de même, $\sigma(3)=4$ et $\sigma(4)=3$. Et ainsi de suite. Moui, bon, pas génial cet argument...
    Enfin, en tout cas, le noyau est d'ordre $4$ donc l'image est d'ordre $\frac{24}{4}=6$ donc $f$ est surjective.
  • Bonsoir
    Juste pour mémoire, il y a 14 ans déjà ! :-S
    http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?2,95830,95841#msg-95841
    Alain
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