Cohomologies de groupes et de de Rham

Bonjour,
Je ne sais pas trop si c'est le bon endroit pour mettre ça vu que ça parle de géométrie différentielle; mais comme je suis plus intéressé par l'aspect cohomologie de groupes, je le mets ici. J'ai vu cet exemple et je pense que le comprendre à fond m'aiderait à plus motiver la cohomologie de groupes. Je vais raconter un peu la situation, dire ce que je comprends, et ce que je ne comprends pas, que j'aimerais comprendre; en espérant que des intervenant.e.s sauront m'expliquer un peu ce qui se passe, m'éclairer; ou au moins me donner des références (j'imagine qu'il n'y aura pas de réponse en une ligne, donc des références pour approfondir ça me va très bien) qui me permettront de mieux voir !

On part d'une variété différentielle (il y a peut-être moyen de faire plus général que ça mais je m'en tiens à ça pour l'instant) $M$ sur laquelle agit un groupe $G$; dans le meilleur des mondes je dirais $G$ un groupe de Lie quelconque agissant $C^\infty$-ment, mais à nouveau pour me simplifier la vie je vais demander que ce soit un groupe discret agissant par $C^\infty$-difféomorphismes sur $M$, de manière proprement discontinue et libre; de sorte que $M/G$ soit une gentille variété.

Dans ce cas, il est connu que pour tout $k\geq 0$, l'image de $p^* : \Omega^k(M/G)\to \Omega^k(M)$ est précisément $(\Omega^k(M))^G$, où je note $p:M\to M/G$ la projection, et $\Omega^k$ le module des $k$-formes différentielles. Comme on a un "module des $G$-invariants" qui apparaît, on sent que de la cohomologie de groupes va apparaître. C'est ce "on sent" que j'aimerais clarifier.
Je note $H^k$ la cohomologie de groupe, à ne pas confondre avec $H^k_{\mathrm{dR}}$, la cohomologie de de Rham.

En effet, de ce que je comprends on en déduit une suite exacte longue de cohomologie $0\to \Omega^k(M/G)\to (\Omega^k(M))^G \to (\Omega^k(M)/\Omega^k(M/G))^G\to H^1(G,\Omega^k(M/G))\to H^1(G,\Omega^k(M))\to \dots$

Bon c'est bien beau tout ça, on a fait apparaître la cohomologie de groupes, or on sait en plus que la première flèche est un isomorphisme donc notre suite exacte se réduit en réalité à $0\to (\Omega^k(M)/\Omega^k(M/G))^G\to H^1(G,\Omega^k(M/G))\to H^1(G,\Omega^k(M))\to \dots$

Question 1 : Est-ce que ça nous apporte quelque chose ? Est-ce que $(\Omega^k(M)/\Omega^k(M/G))^G$ ou même $\Omega^k(M)/\Omega^k(M/G)$ a une interprétation intéressante ?

Bon ensuite moi mon vrai but (je ne le révèle que maintenant) c'est de voir ce que la cohomologie de $G$ a à nous apporter sur les liens entre la cohomologie de de Rham de $M$ et de $M/G$; mais pour le moment je n'ai que des modules de formes différentielles, donc la cohomologie de de Rham est encore loin. Pour la voir arriver il faudrait "dériver" dans l'autre sens (selon $k$, pas selon $p^*$).

Je pars donc cette fois-ci de ma suite exacte de complexes $0\to \Omega^\bullet(M/G)\to \Omega^\bullet(M)\to C^\bullet \to 0$ ((je note $C^k=\Omega^k(M)/\Omega^k(M/G)$ pour simplifier les notations) qui m'induit une suite exacte longue de cohomologie

$0\to H^0_{\mathrm{dR}}(M/G)\to H^0_{\mathrm{dR}}(M)\to H^0(C^\bullet) \to H^1_{\mathrm{dR}}(M/G)\to H^1_{\mathrm{dR}}(M)\to H^1(C^\bullet)\to \dots$

Très bien; mais maintenant j'ai une suite exacte longue de machins sur lesquels $G$ agit; mais je peux difficilement faire un lien avec la cohomologie de groupes. J'avais cru lire que la cohomologie de groupes me permettrait d'en dire plus sur la flèche $H^k_{\mathrm{dR}}(M/G)\to H^k_{\mathrm{dR}}(M)$, en particulier quand est-ce qu'elle induit un isomorphisme $H^k_{\mathrm{dR}}(M/G)\to H^k_{\mathrm{dR}}(M)^G$.

Question 2: Est-ce que j'ai fait n'importe quoi et ce n'est pas du tout comme ça qu'on fait le lien cohomologie de $G$/cohomologie de de Rham de $M$ et $M/G$ ?
Question 3 : Dans tous les cas, comment faire ce lien, qu'est-ce que la cohomologie de groupes peut m'apprendre sur cette flèche ?

En particulier j'avais lu un truc du style (je ne me souviens plus exactement): "si $G$ est fini, il est de torsion donc sa cohomologie à coefficients dans les modules pertinents est nulle, donc $H^1_{\mathrm{dR}}(M/G)\to H^1_{\mathrm{dR}}(M)^G$ est un isomorphisme; mais quand $G$ est infini ce n'est pas le cas, par exemple ça se voit avec $M=\R, G= \Z$: $S^1$ a une cohomologie de de Rham non nulle, alors que $\R$ n'en a pas".

Question bonus : Que se passe-t-il quand $G$ n'est pas discret ?

Voilà, voilà, désolé pour la longue question, et merci d'avoir lu jusqu'ici !

Réponses

  • Dans le Dummit and Foote (Abstract algebra, second edition, Prentice Hall) le chapitre sur la cohomologie des groupes commence par cette définition:
    An abelian group $A$ on which $G$ acts (on the left) as automorphisms is called a $G-$module.

    Ce chapitre ne parle pas de cohomologie de De Rham. Il se situe uniquement sur un plan algébrique.

    Il y a un chapitre introductif d'algèbre homologique, dans lequel on parle de Ext/Tor et de résolution. Le reste de ce chapitre (cochaines, séquence exacte longue etc) figurant dans tous les cours de topologie algébrique)
  • Salut,
    je ne sais pas trop ce que tu cherches au juste mais si le groupe agit librement l'isomorphisme de Borel te donne un isomorphisme de $H(M/G)$ avec groupe de cohomologie équivariante $H_G(M)$ que tu peux calculer avec le complexe de De Rham équivariant, mais ce n'est pas le complexe invariant naïf.
    M.
  • Mauricio : je regarderai ça, je ne connais pas le complexe équivariant (ça ne peut pas être le complexe invariant naïf à cause de $S^1$ :-D ). Ça ne parle pas de cohomologie de groupes par hasard ?
    Moi je cherche à comprendre ce que j'ai vu passer, à savoir quelque chose comme "la cohomologie de groupe permet de mieux comprendre la flèche $H^k_{\mathrm{dR}}(M/G)\to H^k_{\mathrm{dR}}(M)$ "
  • C'est la suite spectrale de Cartan-Leray qui relie la cohomologie de de Rham de $X/G$ avec la cohomologie du groupe $G$ dans les modules $H^*_{dR}(X)$. Une référence est "Cohomology of groups" de K. Brown, chapitre VII "Equivariant homology and spectral sequence" (théorème 7.9). Brown semble traiter le cas de l'homologie simpliciale, mais pour la cohomologie de de Rham, le principe est le même. Pour comprendre la mécanique algébrique cachée derrière, il faut voir pourquoi l'action d'un groupe sur un espace donne lieu à un double complexe de cochaînes et pourquoi un double complexe donne lieu à une suite spectrale. On a une suite spectrale convergeant vers la cohomologie du quotient $H^*_{dR}(X/G)$, dont la deuxième page est $E_2^{p,q} =H^p (G, H^q _{dR}(X))$. Cela signifie, je le rappelle, que pour tout $n\geqslant 0$, $H^*_{dR}(X/G)$ est muni d'une filtration naturelle décroissante par sous-espaces vectoriels $H^*_{dR}(X/G)_k$, $k\geqslant 0$, telle que
    $$
    \bigoplus_{k=0}^{+\infty} H_{dR}^n (X/G)_k / H_{dR}^n (X/G)_{k+1} = \bigoplus_{p+q=n} E_{\infty}^{p,q}
    $$
    Bien sûr ici le membre de gauche est $H_{dR}^n (X/G)$. Selon les hypothèses sur $X$ et/ou sur $G$ la formule va plus ou moins se simplifier.
  • Merci Paul pour la référence et les quelques indications ! Je me doutais qu'avec un truc où il y avait deux directions j'allais devoir me frotter aux suites spectrales à un moment ou à un autre... (je ne suis pas à l'aise avec, mais c'est l'occasion !).

    Juste pour précision : le membre de gauche est $H^n_{\mathrm{dR}}(X/G)$ parce que c'est un espace vectoriel, n'est-ce pas ? Si je prends de la cohomologie simpliciale à valeurs pas dans un corps, ce ne sera pas si simple, si ? Ou bien on peut expliciter la filtration ?
  • J'irai plutôt regarder du côté de fibration $$
    (X \times EG)/G \to EG/G
    $$ de fibre $X $. Elle te donne un morphisme de la cohomologie du groupe vers celui de cohomologie équivariante et qui par la suite de Leray te relie cohomologie du groupe celle de $X$ et la cohomologie équivariante. Mais à nouveau ça dépend de ce que tu veux faire. En règle générale dans ce genre d'affaires, ou bien c'est trivial ou bien il faut y mettre les mains et dans ce cas là travailler comme un vrai topologue. Typiquement la moindre flèche à expliciter dans un $E^2$ se révéle être mission impossible...
    M.
  • @mauricio : Je n'y ai pas vraiment réfléchi mais je viens de me mettre aux suites spectrales donc je tente de voir. Si je regarde la suite spectrale $(E_r^{p,q})$ (notation cohomologique) de LeraySerre associée à ladite finration, j'obtiens qu'elle converge vers $H^{p+q}((X\times EG)/G)$, et j'imagine que ça va être ça la cohomologie équivariante ? D'un autre côté la deuxième page vaut $H^p(BG,\underline{H^q(X)})$; et il va s'agir là de $H^p(G, H^q(X))$ (cohomologie de groupes); donc si je connais très bien la cohomologie de groupes de $H^q(X)$, j'en déduis des choses sur l'équivariante de $X$, c'est ça ?

    Et j'imagine que la cohomologie équivariante de $X$ peut me dire des choses sur la cohomologie de $X/G$ ?
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