Valeurs propres d'un endomorphisme symétrique

Bonjour à tous,

il me semble que dans le nouveau programme MP, les espaces préhilbertiens sont tous réels. En restant dans ce cadre, comment peut-on montrer que les valeurs propres d'un endomorphisme symétrique sont réelles?

Réponses

  • Soit $A$ sa matrice dans une base orthonormée. Soit $X$ un vecteur propre complexe pour la valeur propre $\lambda$. On note $X^*$ le conjugué de la transposée de $X$. On a $X^*AX=\lambda X^*X$. Or, $X^*AX$ est un nombre réel, et $X^*X$ est un réel strictement positif, donc $\lambda\in\R$.
  • Merci JLT.
  • Le théorème spectral énoncé complètement dit qu'un endomorphisme symétrique d'un espace vectoriel euclidien est diagonalisable, avec base orthonormale de vecteurs propres. On peut partir du lemme qui dit qu'un endomorphisme symétrique d'un espace euclidien admet une valeur propre réelle. L'orthogonal d'un sous-espace propre étant stable, une récurrence sur la dimension achève la démonstration du théorème spectral.
    Il existe des démonstrations du lemme qui se font sans sortir de $\R$, avec des arguments d'Analyse, compacité ou calcul différentiel : jolies démonstrations.
    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
  • Chaurien écrivait :
    > Il existe des démonstrations du lemme qui se font sans sortir de $\R$, avec des arguments d'Analyse,
    > compacité ou calcul différentiel : jolies démonstrations.

    Ah, ça m'intéresse. Tu aurais des références (mieux des PDF) qui parlent de ça ?
  • Bonjour,

    C'est fait dans le Gourdon il me semble.

    Ici aussi : https://math.unice.fr/~merle/Algebre2/Cours2_Alg2.pdf, page 8, Théorème 5.2.
  • Voici un sujet de colle que j'avais rédigé.
    Bonne journée, avec son timide soleil d'hiver.
    Fr. Ch.
  • Merci Chaurien
  • Je connaissais l'argument de Chaurien (reformulation : en un point $X_0$ de la sphère unité où le maximum de $X\mapsto\langle X,AX\rangle$ est atteint, le gradient $2AX_0$ est orthogonal au plan tangent à la sphère en $X_0$) mais pas celui de Michel Merle (pour une forme quadratique positive, le noyau coïncide avec le cône isotrope ; on s'y ramène en remplaçant $\langle X,AX\rangle$ par $-\langle X,AX\rangle+\lambda\langle X,X\rangle$, où $\lambda$ est le maximum atteint par la forme $\langle X,AX\rangle$ sur la sphère).

    Erratum : signe de la forme à laquelle on se ramène.
  • En faisant des recherches dans mes archives, j'ai retrouvé une autre démonstration utilisant la compacité de la sphère-unité mais sans calcul différentiel. Pour l'instant, je ne retrouve pas les références.
    Bonne journée.
    Fr. Ch.
  • Très élégant. Superbe preuve.

    Merci Chaurien.
  • Encore une idée. Ii y a un lemme qui peut faire l'objet d'un bon exercice en Math-Spé : ni trivial ni infaisable.Un endomorphisme $u$ d'un $\mathbb R$-espace vectoriel $E$ de dimension finie stabilise un sous-espace de dimension $1$ ou $2$.Supposons à présent que notre espace $E$ est euclidien et que notre endomorphisme $u$ est symétrique.
    - Si l'endomorphisme $u$ stabilise un sous-espace de dimension $1$, ceci signifie qu'il admet une valeur propre réelle. Terminé.
    - Si l'endomorphisme $u$ stabilise un sous-espace de dimension $2$, alors l'endomorphisme induit sur ce sous-espace est encore symétrique. Il n'est pas difficile de vérifier à la main qu'un endomorphisme symétrique d'un plan vectoriel est diagonalisable en base orthonormale, et les vecteurs et valeurs propres de l'endomorphisme induit sont vecteurs et valeurs propres de $u$. Terminé.

    C'est cette démonstration qui avait ma préférence quand je faisais cours sur ce sujet. Déjà le lemme a un intérêt par lui-même, et l'on ne sort pas de l'étude des $\mathbb R$-espaces vectoriels.

    La démonstration rappelée par JLT est très utilisée car elle a le mérite de la concision, mais dans le cadre d'un cours où l'on se cantonne aux $\mathbb R$-espaces vectoriels, cette irruption de complexes et de transconjugués - la seule fois de l'année ! - a quelque chose de déroutant pour l'élève qui peut y voir une sorte de subterfuge mystérieux et décourageant. Ce genre de calcul trouve sa place naturelle dans son vrai cadre : la théorie des espaces hermitiens avec les endomorphismes normaux, qui hélas a disparu des programmes de CPGE depuis bien longtemps.

    Bonne soirée. J'ai vu des pâquerettes en bas de chez moi et j'en suis tout heureux.
    Fr. Ch.
    22/02/2019
  • Est-ce que quelqu'un sait comment prouver le théorème spectral réel (pour les endomorphismes normaux en dimension finie) sans calcul ? Une preuve que je connais passe par un vecteur propre du complexifié, qui donne un plan stable tel que l'endomorphisme soit une similitude directe dessus. Mais pour vérifier ça, il y a un petit calcul, essentiellement le calcul de ce qu'est un endomorphisme normal sur un plan. Il y a une preuve dans le livre de Gourdon d'algèbre, mais il y avait aussi un calcul (peut-être le même), donc je n'ai pas trop regardé.

    Une autre idée serait de considérer un facteur irréductible $P$ de degré $2$ du polynôme minimal de l'endomorphisme. Sur le noyau de $P(u)$, qui est aussi le noyau de $P(u^*)$, on peut définir une structure d'espace vectoriel complexe compatible avec la structure réelle en choisissant un isomorphisme $\varphi$ de $\C$ vers $\R[X]/(P(X))$ fixant $\R$. On déclare que la multiplication par $\lambda$ agit comme $\varphi(\lambda)(u)$. Le but est ensuite de voir que le produit scalaire se prolonge en un produit hermitien. Pour ça, il faut et il suffit que la multiplication par $i$ soit une isométrie, ou bien (critère équivalent) vérifie $\langle x, ix \rangle = 0$ pour tout $x$. C'est là que je bloque, et le problème réduit devient le suivant (mais il n'est pas sûr qu'on gagne quoi que ce soit à le réduire ainsi).

    On a un espace euclidien $E$ muni de deux endomorphismes adjoints l'un de l'autre $I_1$ et $I_2$ (il s'agit en fait que $\varphi(i)(u)$ et $\varphi(i)(u^*)$), tel que $I_1 I_2 = I_2 I_1$ et $I_1^2 = I_2^2 = -1$. Il faut montrer qu'alors $I_1 + I_2 = 0$, ou de manière équivalente $I_1 I_2 = \mathrm{id}$. Je pensais qu'il était possible de s'en sortir avec un petit calcul astucieux sans introduire de nouvelle variable, mais je n'en suis plus si sûr après avoir tourné en rond dessus. J'aurais presque envie d'essayer d'utiliser ce genre de logiciel (waldmeister).

    Il n'y a même pas assez de généralité pour voir si c'est plutôt "un coup de chance" ou non. Est-ce qu'on peut prouver d'une certaine manière que le calcul du cas particulier en 2d est "inévitable" en un certain sens ?
  • Je ne sais pas répondre à Champ-Pot-Lion pour l'instant, mais je voudrais revenir sur la question initiale des démonstrations du théorème spectral concernant les endomorphismes symétriques d'un espace euclidien, plus précisément la démonstration rappelée par Math Coss, au moyen de formes quadratiques. Comme je suis un peu rouillé en la matière, je vais préciser ma rédaction de cette démonstration.

    Soit $E$ un espace vectoriel euclidien et $u$ un endomorphisme symétrique de $E$. Soit la sphèrere-unité $S=\{x\in
    E/\left\Vert x\right\Vert =1\}$, qui est compacte. L'application : $x\mapsto (u(x)\mid x)$, de $E$ dans $\mathbb{R}$, est continue et admet donc sur $S$ un maximum $\lambda $, atteint pour un $x_{0}\in S$. Il en résulte, pour tout $x\in E$ : $(u(x)\mid x)\leq \lambda \left\Vert x\right\Vert ^{2}$.
    L'application : $x\mapsto q(x)=\lambda \left\| x\right\| ^{2}-(u(x)\mid x)$, de $E$ dans $\mathbb{R}$, est une forme quadratique positive. Noter que $q(x_0)=0$.
    La forme polaire de la forme quadratique $q$ est : $b(x,y)=\lambda (x\mid y)-(u(x)\mid y)$ $=(\lambda x-u(x)\mid y)$,
    L'inégalité de Cauchy-Schwarz appliquée à cette forme quadratique positive $q$ donne, quels que soient $x\in E$ et $y\in E$ :
    $(b(x,y))^{2}\leq q(x)q(y)$, d'où : $(b(x_{0},y))^{2}\leq q(x_{0})q(y)=0$, soit : $b(x_{0},y)=0$, qui se traduit par :
    $(\lambda x_{0}-u(x_{0})\mid y)=0$,
    et comme c'est vrai pour tout $y\in E$, finalement : $u(x_{0})=\lambda x_{0}$.

    Si j'ai bien compté, nous avons ainsi cinq démonstrations du dit théorème. Quelles sont les références pour ces démonstrations ? $~~$ Y en a-t-il d'autres ? Sans aller jusqu'à 246, nombre de démonstrations de la LRQ listées par Franz Lemmermeyer https://www.rzuser.uni-heidelberg.de/~hb3/fchrono.html ...

    Bonne journée.
    Fr. Ch.
    24/02/2019
  • Cette dernière, Chaurien, est celle que je mentionnais plus haut.
    C'est fait dans le Gourdon il me semble.

    C'est un développement pertinent pour l'agrégation interne.

    Remarque : j'avais eu un doute, jadis, à appliquer Cauchy-Schwarz car j'avais en tête que l'inégalité ne s'appliquait qu'aux produits scalaires. Et comme tu le dis implicitement, il suffit d'avoir une forme positive (non nécessairement définie). Celle-ci d'ailleurs ne l'est pas avec l'existence de ce $x_0$.

    Bonne journée ensoleillée à tous, cette luminosité fait du bien.
  • Je me risque à une typologie :
    1. Preuves complexes.
      Point de départ : tout polynôme complexe (ou a fortiori réel) admet une racine complexe.
      Corollaire : tout polynôme réel admet un facteur irréductible de degré $1$ ou $2$.
      1. Un vecteur propre complexe d'une matrice symétrique réelle est en fait réel (fondé sur l'existence d'une valeur propre complexe donc D'Alembert-Gauss).
      2. Une matrice symétrique admet une droite stable ou un plan stable dans lequel on trouve un vecteur propre (fondé sur la factorisation des polynômes réels donc D'Alembert-Gauss).
    2. Preuves compactes (« de plus en plus différentielles »).
      Point de départ : la fonction $f:X\mapsto \langle X,AX\rangle$ admet un maximum $\lambda$ sur la sphère unité en un vecteur $X_0$. On montre que ce vecteur est propre.
      1. Le cône isotrope de la forme positive $X\mapsto \lambda\langle X,X\rangle-\langle X, AX\rangle$ s'identifie à son noyau.
      2. Pour $X$ orthogonal à $X_0$ (et de norme $1$), on paramètre un arc de cercle dans le plan engendré par $X_0$ et $X$ par $\gamma:\theta\mapsto \cos(\theta)X_0+\sin(\theta)X$ ; le fait que $f$ admette un maximum en $X_0$, et donc $f\circ\gamma$ en $0$ donne $\langle AX_0,X\rangle=0$ :
      3. L'application $f$ restreinte à la sphère admet un point critique en $X_0$ donc le plan tangent à la sphère est inclus dans le noyau de la différentielle de $f$ en $X_0$ ; par double orthogonalité, cela signifie que $X_0$ est propre.
  • J'ai réfléchi de nouveau à mon problème (cf. l'avant-dernier paragraphe). En fait ce n'était pas dur mais ce n'était pas un calcul du genre que j'imaginais. On peut déduire de $I_1^2 = -1$ que $I_1$ n'a comme valeurs propres que $i$ et $-i$. On le diagonalise dans le complexifié et on a bien $I_1 + I_2 = 0$.

    Une fois qu'on a cette structure hermitienne sur $\ker(P(u))$ qui prolonge la structure euclidienne, on choisit une $\C$-base orthonormée. La multiplication par $u$ devient la multiplication par un certain complexe, donc une similitude directe sur chaque $\C$-droite de la base.

    Donc voilà, ça donne une preuve "sans calcul" du théorème spectral réel (mais peut-être qu'on peut la modifier pour faire un truc plus simple, je n'ai pas encore étudié ça).
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