Série formelle de Laurent

Bonjour,

on sait que le corps de fraction des séries formelles $\mathbb{K}X$ est $\mathbb{K}((X))$ dont les éléments sont appelée séries formelles de Laurent. Si j'ai bien compris et pour vulgariser, ces séries sont définies de manières similaires aux séries formelles au détail près que nous acceptons un nombre fini de termes de degré négatif. Limiter le nombre de termes de degré négatif permet d'avoir une somme finie lors du produit de deux séries (comme pour les séries formelles).

J'ai deux questions.
  1. Les séries (classiques) de Laurent acceptent potentiellement un nombre infini de termes de degré négatif. Donc sommes nous d'accord pour dire que les séries de Laurent ne sont pas aux séries formelles de Laurent ce que les séries entières sont aux séries formelles ?
  2. D'autre part, pour un $n\in\mathbb{N}^*$ fixé, en remarquant que $\sum_{i\geq -n} a_iX^i = \left(\sum_{i\geq -n} a_iX^{i+n}\right)X^{-n} = \left(\sum_{i\in\mathbb{N}} a_{i-n}X^i\right)X^{-n}$ (avec $a_{-n}\neq 0$) je suis tenté de voir une série de Laurent comme un monôme de puissances négatives dont le coefficient est une série entière (inversible de surcroit quand on prend juste la bonne puissance $X^{-n}$ étant donné que le coefficient relatif au terme de degré $0$ est $a_{-n}\neq 0$). Du coup peut-on dire que $\mathbb{K}((X)) = \mathbb{K}X[X^{-1}]$ ? (je ne sais pas si c'est utile mais je trouve ça plus facile à se représenter en fait).

Je vous remercie pour vos précieuses lumières.
Cordialement,
Mister Da

Réponses

  • Bonjour,

    Toute série formelle en $X$ sur le corps $k$, si elle est différente de $0$, peut s'écrire sous la forme $X^nU$ où $n$ est entier et $U$ une série formelle inversible (de terme constant non nul). Il suffit donc d'inverser $X$ pour passer au corps de fractions.
    C'est le sort commun des anneaux de valuation discrète.
  • 1. Oui, il y a deux formats distincts de séries de Laurent : le développement en série de Laurent d'une fonction méromorphe dans une couronne fait apparaître une somme doublement infinie ; dans le corps des séries de Laurent, les séries sont bornées à gauche (on peut les voir comme des éléments $\sum_{n\in\Z}a_nX^n$ mais il existe un entier $N$ tel que $a_n=0$ pour $n<-N$).

    2. La description « monôme en $X$ à coefficient dans $KX$ » n'est pas pertinente parce qu'elle n'est pas unique : est-ce que $X^3+X^4$, c'est le monôme $X^3$ multiplié par le coefficient $1+X$ ou le monôme $X^2$ multiplié par $X+X^2$ ?

    En revanche, la description $KX[X^{-1}]$ est pertinente : $K((X))$ est l'anneau obtenu en inversant formellement (plus précisément en localisant) l'élément $X$, de même que l'anneau des décimaux est $\mathbf{D}=\Z[10^{-1}]$. La différence, c'est que $K((X))$ est un corps, parce que $X$ est « le seul obstacle à l'inversibilité », au sens où toute série formelle non nulle $f(X)\in KX$ s'écrit de façon unique $X^vg(X)$, où $v\in\N$ et $g(0)\ne0$, et que $g(X)$ est inversible ; ainsi, dès que l'on sait inverser $X$, on sait inverser toute série $f(X)$ non nulle.

    PS : Tiens, j'aurais pu rafraîchir la page avant de répondre. Enfin, cette réponse est compatible à celle de GaBuZoMeu.
  • Bonjour,

    merci beaucoup pour vos messages. C'est plus clair.

    "La description « monôme en $X$ à coefficient dans $KX$ » n'est pas pertinente parce qu'elle n'est pas unique"
    J'étais conscient de ça (c'est en parti pourquoi je suis venu) mais je me disais que la description monôme en $X$ à coefficient dans $KX^\times$ (je ne sais pas si on note comme ça, c'est pour dire les séries formelles inversibles) était bien. C'est ce que j'essayais laborieusement de dire quand j'écrivais "une série entière inversible de surcroit quand on prend juste la bonne puissance $X^{-n}$". Mais c'est ce que tu dis (ainsi que GaBuZoMeu).

    Pour le dernier point, ce qui me gène si j'écris $K((X)) = KX[X^{-1}]$ est la chose suivante. En considérant par exemple la série de Laurent $L(X) = X^{-1} + X$, on peut dire $L(X) = (1+X^2)X^{-1} = (X+X^3)X^{-2} = \frac{1}{2}(1+X^2)X^{-1} + \frac{1}{2} (X+X^3)X^{-2} = \dots$.

    Bref, à un élément de $K((X))$ correspond une infinité de polynôme en $X^{-1}$ à coefficients $KX$ du coup je trouve cela étrange de dire que $K((X))$ est $KX[X^{-1}]$... Par contre pour chaque éléments $K((X))$ correspond un unique polynôme en $X^{-1}$ à coefficients $KX$ inversible. En fait au début j'avais écrit ça $KX^\times[X^{-1}]$ ce qui doit correspondre à rien du tout.

    Je ne sais pas si mon message est clair.

    Cordialement,
    Mister Da
  • Ah ! En effet, tu n'interprètes pas la notation de la façon habituelle. Quand on se donne un anneau commutatif $A$ et une partie $S$ non vide stable par produit (et dont les éléments sont simplifiables), on forme un anneau noté $A[S^{-1}]$ ou $S^{-1}A$ comme le quotient de l'ensemble des couples $(s,a)\in S\times A$ par la relation définie par : $(s,a)\sim(s',a')$ si $s'a=sa'$. On note $s^{-1}a$ ou $a/s$ la classe de $(s,a)$. On définit alors les opérations avec les formules habituelles : $(s,a)\cdot(s',a')=(ss',aa')$ et $(s,a)+(s',a')=(ss',s'a+sa')$. On obtient un anneau avec pour neutres $0=(s,0)$ et $1=(s,s)$ (pour $s$ quelconque dans $S$).

    Si $S=\{X^n,\ n\in\N\}$ pour un élément $X$ de $A$, on peut noter $A[X^{-1}]$ au lieu de $A[S^{-1}]$. Pour $A=KX$, la notation $KX[X^{-1}]$ ne désigne pas un anneau de polynômes en $X$ à coefficients dans $KX$ mais la localisation de $KX$ par rapport à la partie multiplicative $\{X^n,\ n\in\N\}$.


    NB : on peut localiser par rapport à une partie $S$ quelconque, la relation devient : $(s,a)\sim(s',a')$ s'il existe $t\in S$ tel que $t(sa'-s'a)=0$. Par exemple, si $S$ contient $0$, tous les couples $(s,a)$ sont dans la même classe d'équivalence et on obtient l'anneau nul : une nouvelle illustration qu'il est bien difficile de diviser par $0$. Exercice : qu'est-ce que $(\Z/10\Z)[5^{-1}]$ (sens : $S$ est l'ensemble des puissances de $5$ dans $\Z/10\Z$) ?
  • Bonjour,

    ah ! merci beaucoup pour tes explications et ta patience. J'étais effectivement bien à côté de la plaque au niveau de la notation ! Je ne suis pas algébriste pour un sous, je relisais juste des choses sur les polynômes formels au départ et j'ai complétement dérivé en arrivant sur les séries de Laurent formelles.

    Il va me falloir plusieurs lectures pour digérer mais ce que je retiens à mon maigre niveau c'est qu'on manipule bien des classes d'équivalences au final.

    Pour l'exercice, je tente : $\mathbb{Z}/10\mathbb{Z}$ est composé des entiers modulo $10$ : $0,1,\dots 9$. $S$ est composé de $0$ et $5$. Comme $S$ contient $0$ l'anneau $\mathbb{Z}/10\mathbb{Z}[S^{-1}] = \mathbb{Z}/10\mathbb{Z}[5^{-1}]$ est nul. Je tends la tête et attends mon coup de massue.

    Cordialement,
    Mister Da
  • Depuis quand $0$ est une puissance de $5$ dans $\mathbb Z/10\mathbb Z$ ?
  • Indice : il y a des chinoiseries dans l'air.
  • Bonjour,
    ah bah oui... $5^0=1$... j'ai confondu l'exposant et le résultat, il faut le faire ! Du coup $S$ est composé de $1$ et de $5$ et est stable par produit. Pour les classes d'équivalence il est urgent que je me taise et que je cogite autrement vous allez m'arracher la tête.
    Cordialement,
    Mister Da
  • Bonjour,

    suite à l'indice soufflé, je suis allé voir du côté du théorème des restes chinois mais ça ne m'a pas vraiment avancé. N'ayant aucune méthode, je suis allé frontalement et je trouve qu'il y a deux classes, celle du 0 composée des nombres paire et celle du 1 composée des nombres impaires. Par exemple $2/1\sim 0/5$ vu que $2\times 5 \equiv 0 \mod 10$. Bref j'aurais tendance à dire la grosse bêtise suivante : $(\Z/10\Z)[5^{-1}] = (\Z/2\Z)$.

    Je te retends ma tête pour le nouveau coup de massue.

    Cordialement,
    Mister Da
  • C'est exact. La force brute, parfois, a du bon.

    Version chinoise : l'application naturelle $\Z/10\Z\to\Z/2\Z\times\Z/5\Z$ qui à la classe d'un entier $k$ modulo $10$ associe le couple formé par ses classes modulo $2$ et modulo $5$ est un isomorphisme. L'image de $5$ est le couple $(1,0)$. On doit donc localiser $\Z/2\Z\times\Z/5\Z$ par rapport à $(1,0)$ : on se convainc qu'il ne se passe rien dans le facteur de gauche et que localiser par $0$ tue le facteur de droite. Il reste $\Z/2\Z$.

    Pour être un peu plus précis, la partie $S=\bigl\{(1,1),(1,0)\bigr\}$ est stable par produit (en effet, $(1,0)$ est un idempotent) ; pour $x=(x_2,x_5)$ et $x'=(x'_2,x'_5)$ dans $\Z/2\Z\times\Z/5\Z$, on voit que $sx=sx'$ si et seulement si $x_2=x'_2$ : on en déduit que le localisé est bien le quotient par $\Z/5\Z$

    Plus généralement, si $e^2=e$ dans un anneau $A$ et si $S=\{1,e\}$, on a bien l'impression que $A[S^{-1}]\simeq A/(1-e)$.
  • Concernant les séries de Laurent analytiques on voit bien que c'est différent puisque pour en multiplier deux il faut évaluer des séries de nombres, ce qui présuppose que les coefficients sont dans un corps complet pour sa valeur absolue et qu'on se restreint aux séries dont les $|a_n|$ décroissent assez vite quand $n \to \pm \infty$. Pour que les séries de Laurent analytique soient un anneau il faut donc que la valeur absolue soit archimédienne, donc le corps c'est en fait $\mathbb{R}$ ou $\mathbb{C}$ et le "décroit assez vite" c'est que $\sum_n a_n z^n$ converge pour $|z| \in ]r,R[$. Si on demande juste que les coefficients soient dans un anneau pas forcément intègre alors je dirais que cet anneau doit être une algèbre de Banach réelle ou complexe.

    Question : comment décrirais-tu le corps de fraction des séries de Laurent analytiques, sur $|z| \in ]r,R[$ ?
  • Bonjour,

    désolé pour mon silence, j'étais en déplacement et impossible de trouver un moment pour écrire.

    Merci Math Coss, c'est super élégant. J'imagine qu'on peut faire une sorte de généralisation en décomposant un entier $n$ en produit de $k$ facteurs premiers $p_i$ : $n = \prod_{i=1}^k p_i^{\alpha_i}$ et en considérant $\Z/n\Z\to(\Z/p_1\Z)^{\alpha_1}\times(\Z/p_k\Z)^{\alpha_k}$, non ?

    Merci Reuns pour tes explications, en revanche je sèche complétement sur ta question. J'ai peur que cela dépasse de loin mes maigres compétences !

    Cordialement,
    Mister Da
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