Un théorème de Baer

Il paraît qu'il y a un résultat dû à Baer qui dit que le morphisme $\Z^{(\N)} \to \hom(\Z^\N, \Z), e_n \mapsto p_n$ (la $n$-ième projection) est un isomorphisme.

La preuve est-elle accessible ? Est-ce que le résultat se généralise à d'autres exposants que $\N$ ?

Réponses

  • Avec un peu d'aide extérieure j'ai trouvé.

    Je vais directement faire le résultat pour un exposant quelconque.
    J'admets le résultat (exercice classique) que pour un exposant $\N$ si $f:\Z^\N\to\Z$ s'annule sur les suites presque finies, alors $f=0$.

    Je le prouve alors pour $I$ quelconque. Soit $f: \Z^I\to \Z$ s'annulant sur les suites presque finies. Alors pour tout $J \subset I$ dénombrable, $\Z^J\to \Z^I\to \Z$ est nulle, donc $f$ se factorise via $\Z^I\to \Z^{I\setminus J}$. L'idée est de faire diminuer $I\setminus J$ (j'ai essayé de faire augmenter $J$ mais ça marche moins bien).

    Considérons l'ensemble $\{L\subset I \mid f$ se factorise par la projection canonique $\Z^I\to \Z^L\}$, ordonné par inclusion inverse. Je vais montrer qu'il est inductif. Soit donc $(L_\alpha)_\alpha$ une chaîne de sous-ensembles. On veut relier $\Z^{\bigcap_\alpha L_\alpha}$ à la famille des $\Z^{L_\alpha}$, en dessous-de $\Z^I$. Il s'avère que pour le système direct formé des $\Z^{L_\alpha}$ muni des projections canoniques (restrictions), $\Z^{\bigcap_\alpha L_\alpha} = \mathrm{colim}_\alpha \Z^{L_\alpha}$ (d'aucuns écriraient $\varinjlim$, mais c'est une colimite, pas une limite donc je reste cohérent dans mes notations). Je laisse cette vérification aux personnes intéressées; je laisse aussi la vérification que les "injections canoniques" (pas du tout des injections ici :-D) sont les projections $\Z^{L_\alpha} \to \Z^{\bigcap ...}$, et donc que tout ça se passe bien en dessous de $\Z^I$.

    En particulier, en appliquant la propriété universelle de la colimite vers $\Z$, on voit que $\Z^I\to \Z$ se factorise bien par $\Z^{\bigcap_\alpha L_\alpha}$ (bon, on aurait pu le faire à la main, sans parler de propriété universelle), ainsi $\bigcap_\alpha L_\alpha$ est un majorant (pour l'inclusion inverse) de ma chaîne. Donc je peux bien appliquer le lemme de Zorn, et obtenir un $L$ maximal. Mais vu que je peux enlever des gros paquets dénombrables sans souci (parce que oui, il faut noter que c'est toujours nul sur les suites presque nulles !) , on doit avoir $L= \emptyset$ par maximalité. En particulier $f$ se factorise par $0$ et est donc nulle.

    (Je ne pensais pas que ce serait si compliqué de passer à un $I$ quelconque... est-ce que je suis idiot et il y a plus simple ou est-ce que c'est forcément compliqué ? )


    Maintenant je pars toujours de mon $I$ et de $f:\Z^I\to \Z$. Je vais montrer que $f(\delta_i) =0$ sauf pour un nombre fini de $i$ (delta de Kronecker). Si je prouve ça, alors $f-\displaystyle\sum_i f(\delta_i)p_i$ a du sens et s'annule sur les suites presque finies, donc est nulle, et donc j'ai gagné.

    Au contraire supposons que $f(\delta_i) \neq 0$ pour une infinité de $i$. Alors je peux supposer $\N \subset I$ et que $f(\delta_n) \neq 0$ pour $n\in \N$. En particulier, en composant par l'inclusion canonique $\Z^\N\to \Z^I$, je me ramène au cas $I= \N$. Ici, si je connais le théorème de Baer je m'arrête et je dis : contradiction. Mais l'un des buts est aussi d'obtenir sa preuve. En voici une :

    Quitte à multiplier $f$ par $2$, on peut supposer $|f(\delta_n)| > 1$ pour tout $n$.

    Définissons alors $a_n$ comme suit : $a_0 = +/- 1$ pour rendre $f(a_0\delta_0)$ positif.
    Puis je choisis $a_{n+1}$ de sorte que $|a_{n+1}| > f(a_0,...,a_n,0,0,...,0,...)$, $a_n \mid a_{n+1}$, $|a_{n+1}| > |a_n|$, $f(a_0,...,a_{n+1},0,...0,...) > 0$ et finalement $|a_{n+1}|> |a_n| + |a_n f(\delta_n)|$ (tout un cahier des charges :-D mais je peux effectivement choisir un tel $a_{n+1}$, la seule difficulté étant le critère du signe pour $f$, mais ça c'est possible car $f(\delta_{n+1})$ est supposé non nul).

    Je pose $x= f((a_n))$ et je vais obtenir une contradiction. Soit $k$ quelconque tel que $|a_{k+1}| > |x|$ (tous les $k$ satisfont ça à partir d'un certain rang). Alors $f(a_0,...,a_k,0,...,0,...) + a_{k+1}f(0,....,0,1,....) = x$ (j'utilise la condition de divisibilité pour sortir le $a_{k+1}$)

    En regardant modulo $a_{k+1}$, vu la condition sur la taille de $x$, la positivité de $f(a_0,...,a_k,0,...)$ et sa taille, on obtient que $f(a_0,...,a_k,0...) = x$ ou $x+a_{k+1}$. Vient maintenant une très laide disjonction de cas.

    Si c'est $x+a_{k+1}$, alors en faisant le même raisonnement à $k+2$ (possible par croissance des valeurs absolues des $a_n$) on obtient $f(a_0,...,a_{k+1},0,...) = x$ ou $x+a_{k+2}$. Donc $x+a_{k+1}+a_{k+1}f(\delta_{k+1}) =x$ ou $x+a_{k+2}$. Si c'est $x+a_{k+2}$, on obtient une égalité reliant $a_{k+1}$ et $a_{k+2}$ qui est impossible du fait de mon cahier des charges.

    C'est donc $x$, et alors $f(\delta_{k+1}) = -1$ : absurde vu la supposition que j'ai fait sur $f$.

    Ce n'est donc pas $x+a_{k+1}$ mais $x$. On en déduit ainsi $f(0,...,0,a_{k+1},a_{k+2},...) =0$. Mais souvenons nous que ceci est valable pour tout $k$ assez grand. Ainsi je prends un $k$ un poil plus grand, je soustrais, et j'obtiens $a_{k+1}f(\delta_{k+1}) = 0$, ce qui est absurde car $a_{k+1} \neq 0, f(\delta_{k+1}) \neq 0$.

    Dans tous les cas, j'ai une contradiction: mon $f$ n'existait pas. Je peux donc conclure comme je l'avais annoncé.

    Bon malgré tout ça je suis preneur de vérifications et de simplifications :-D
  • Bon ma preuve ne marche pas en fait, sauf si ZFC prouve qu'il n'y a pas de cardinaux mesurables...
    Quelqu'un.e pourrait m'aider à trouver où la première étape échoue ? (C'est-à-dire pourquoi est-ce qu'il peut exister des morphismes nuls sur les suites presque nulles, mais non nuls ?)

    Voir ici pour voir le problème
  • Bon mon erreur est dans le calcul de la colimite. Je l'avais fait intuitivement de tête mais ça ne marche pas à tous les coups :-D
    Pour illuster le problème, je prends $I=\N$ et $L_n = [n, \infty [$. Alors naturellement $\bigcap_n L_n = \emptyset$; pour autant la colimite est non nulle, loin de là ! La colimite est $\Z^\N / \Z^{(\N)}$
  • Ce qui reste vrai, et qu'indique la discussion MathOverflow, est que $\hom(\Z^I, \Z)$ est libre quel que soit $I$, ce qui suffit à ce que je voulais
  • Je me souviens que l'on avait vu la démonstration sur le forum il y a peut-être un ou deux ans, mais je ne retrouve pas le lien.
  • Je n'ai pas lu tes posts précédents mais je te propose une démonstration pour l'exposant $\aleph_0$.

    La flèche $\Phi:\Bbb Z^{(\Bbb N)}\longrightarrow\mathrm{Hom}(\Bbb Z^{\Bbb N},\Bbb Z)$ est clairement injective. Montrons qu'elle est surjective.

    Je note $\epsilon_i$ ($i\geq0$) le uplet qui vaut $0$ partout sauf à la i-ème place où il vaut $1$ si bien que je noterai, pour $x=(x_i)_{i\geq0}\in\Bbb Z^{\Bbb N}$, que $x=\sum_{i\geq0}x_i\epsilon_i$.

    Soit $f:\Bbb Z^{\Bbb N}\longrightarrow \Bbb Z$. Commençons par montrer que $\alpha_i:= f(\epsilon_i)$ est nul à partir d'un certain rang. Choisissons $0<k_0<k_1<\dots$ une suite strictement croissante d'entiers tels que $\sum_{0\leq i\leq l}2^{k_i}|\alpha_i|<2^{k_{l+1}-1}$ pour tout $l$. Posons ensuite $a:=\sum_{i\geq0}2^{k_i}\epsilon_i$ et notons que pour tout $l$ on a $f(a)=\sum_{0\leq i\leq l}2^{k_i}\alpha_i+2^{k_{l+1}}\beta_{l+1}$, où $\beta_{l+1}:=f(\sum_{i>l}2^{k_i-k_{l+1}}\epsilon_i)$ est un entier. Mais alors, une inéglaité triangulaire et le choix des $k_i$ donnent que pour tout $l$: $$2^{k_{l+1}}|\beta_{l+1}|\leq|f(a)|+\sum_{0\leq i\leq l}2^{k_i}|\alpha_i|\leq|f(a)|+2^{k_{l+1}-1}.$$
    Puisque $a$ est fixé et puisque $k_l$ tend vers l'infini, on en déduit que $\beta_i$ est nul à partir d'un certain rang. Or $f(\epsilon_l)=\beta_l-2^{k_{l+1}-k_l}\beta_{l+1}$, d'où $f(\epsilon_l)$ est nul à partir d'un certain rang.

    Quitte à soustraire à $f$ un élément de l'image de $\Phi$, il reste alors à montrer que si pour tout $i$ on a $f(\epsilon_i)=0$, alors $f$ est nulle. Or, pour $x$ dans $\Bbb Z^{\Bbb N}$ on peut, via Bachet-Bézout, écrire $x=y+z$ où $3^n|y_n$ et $5^n|z_n$. Du fait que $f(\epsilon_i)=0$ pour tout $i$ on déduit alors que pour tout $n$, $3^n|f(y)$ et $5^n|f(z)$, si bien que ces deux quantités sont nulles et donc que $f(x)=0$. Ceci conclut.

    Remarque: L'énoncé reste vrai si on change $\Bbb Z$ par un anneau principal non local (ie un anneau principal qui n'est pas de valuation discrète). On peut trouver une démonstration ici.

    Post-scriptum: J'ai utilisé un argument "analytique" pour montrer que les $\beta_i$ sont nuls à partir d'un certain rang. On doit pouvoir s'en sortir avec des arguments de congruence pour essayer d'adapter la preuve à un anneau comme celui de la remarque (dans l'immédiat, je suis un peu occupé pour y réfléchir). À noter que le fait que l'anneau soit non local apparaît dans ma preuve puisque j'utilise l'existence de deux premiers distincts, à savoir $3$ et $5$ dans la dernière étape.
  • Gaussien : merci pour ton commentaire.

    Effectivement, ta preuve utilise un argument analytique que j'ai remplacé dans la mienne par un argument à moitié à base de congruences. Merci pour la généralisation
  • Je crains bien que ta démonstration utilise aussi des arguments "analytiques": pour construire ton objet contradictoire, tu utilises des comparaisons de quantités (un peu comme moi). Ce que je veux dire par "analytique" est que la démonstration ne fonctionne pas dans un anneau principal non local.

    À noter néanmoins que si $A$ est un anneau principal non local et $f:A^\omega\longrightarrow A$ est un morphisme de $A$-modules qui s'annule sur les suites presque nulles, alors $f$ est nul. De fait, si $f$ s'annule sur les suites presque nulles et $p$ et $q$ sont deux premiers distincts de $A$, alors: pour $x\in A^\omega$, puisque pour chaque $n\geq0$ on a $(p^n,q^n)=A$, on a $y_n$ et $z_n$ tels que $x_n=y_np^n+z_nq^n$; en posant $y=(p^ny_n)_{n\geq0}$ et $z=(q^nz_n)_{n\geq0}$, on a $x=y+z$ et $f(x)=f(y)+f(z)$ où pour tout $n$, $p^n|f(y)$ et $q^n|f(z)$ d'où $f(y)=f(z)=0$ et $f(x)=0$.
  • Oui, c'est pour ça que j'ai dit "à moitié" :-D
  • Je vois. Et sais-tu pourquoi $\mathrm{Hom}(\Bbb Z^I,\Bbb Z)$ est libre quel que soit $I$?
  • Le lien donné dans mon 3è message indique un théorèmeselon lequel il est libre sur l'ensemble des ultrafiltres $\sigma$-complets sur $I$.
    Je te fais une esquisse de ce que je pense être une esquisse de preuve :

    Moralement, si $\Z^I\to \Z$ est un morphisme non nul (qu'on peut alors supposer surjectif) alors l'ensemble des $S\subset I$ tel que la composition $\Z^S\to \Z^I\to \Z$ est nulle est un idéal de $I$ (enfin ça c'est évident) et le truc est de montrer qu'il est $\sigma$-complet et maximal.

    En passant aux complémentaires, la maximalité du filtre ne doit pas être très compliquée (un plus grand va induire un quotient de $\Z$ mais par le théorème de Los le quotient doit être sans torsion); et la $\sigma$-complétude de l'ultrafiltre va sûrement venir de considérations plus compliquées mais en lien avec les choses qui ont été mentionnées (enfin j'imagine).
    Un autre point compliqué (en tout cas de tête je ne vois pas) est de montrer que $\Z^I$ modulo un tel ultrafiltre est bien isomorphe à $\Z$

    Ensuite tu montres que des ultrafiltres différents sont "linéairement indépendants", ce qui ne doit pas être trop compliqué pour le coup (si tu en as $k$ différents, l'un n'est ps inclus dans l'union des autres et tu testes contre un sous-ensemble étant dedans et pas dans les autres ou un truc du genre)
  • Merci pour ta réponse: je vois comment m'y prendre.
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