Espace vectoriel et extension de corps

Bonsoir,

En examinant des questions d'algèbre linéaire en relation avec les extensions de corps je me suis posé la question suivante : en prenant $K$ un corps et $E$ un $K$-espace vectoriel, et $L$ un sur-corps de $K$, peut-on toujours avoir $E$ en tant que $L$-espace vectoriel ? Quand j'ai cherché avec $K=\mathbb{R}$ j'ai trouvé un procédé de complexification et encore que pour un espace vectoriel de dimension finie. Donc déjà pour des corps avec lesquels on travaille tout le temps ca demande du travail.

J'espère que vous pourrez m'aider afin de connaître la réponse à cette question existentielle.

Merci d'avance,

Réponses

  • supp
  • Prends $\mathbb{R}$ en tant que $\mathbb{R}$-espace vectoriel : est-ce un $\mathbb{C}$-espace vectoriel ?

    Inversement, tu pars d'un $\mathbb{C}$-espace vectoriel $E$, et tu le vois sur $\mathbb{R}$, est-ce que tu peux dire quelque chose à propos de sa dimension sur $\mathbb{R}$ ?
  • Bonjour,

    Il semblerait que la réponse soit non, si on prend 3 corps finis $K \subset K' \subset L$ avec des inclusions strictes alors $K'$ est un $K$ espace vectoriel mais ne peut pas être muni d'un structure de $L$ espace vectoriel, en effet s'il existait une telle structure on aurait $K = 0$ (ce qui est exclu) ou bien on disposerait d'une application linéaire injective $L \to K$ ce qui est impossible en considérant les cardinaux.

    edit : l'application linéaire injective est $L \to K'$ et non $L \to K$
  • @viko: pas en considérant les cardinaux, non; en considérant les dimensions, oui
  • @maxtimax je voulais dire de $L \to K'$ il y'a une coquille, comme j'ai pris des corps finis ça marche on considérant les cardinaux non ?
  • Bonjour,

    Je vous remercie tous pour vos réponses.

    Donc déjà d'après la réponse de side en changeant de corps on a pas le même espace vectoriel. Mais alors, si on dispose d'un $K$-espace vectoriel $E$, est-ce qu'on peut toujours avoir un autre espace vectoriel mais qui est constitué de $E$ en tant qu'espace de vecteurs et de $L$ en tant que corps de scalaires, sachant que $L$ est un sur-corps de $K$ ? Sinon, y a t il des conditions pour cela ? Peut être des théorèmes qui régissent toutes ces questions ?

    Pour répondre à Maxtimax: On ne peut pas voir $\mathbb{R}$ en tant que $\mathbb{C}$-espace vectoriel , car on a pas de stabilité par multiplication par un scalaire. Et si $E$ est un $\mathbb{C}$-espace vectoriel de dimension finie $n$ alors $E$ est un $\mathbb{R}$-espace vectoriel de dimension $2n$. J'ai mis le "est" en italique pour souligner que c'est un abus de language, et qu'on a un autre espace vectoriel.

    Pour votre réponse viko je n'ai pas compris pourquoi s'il existait une telle structure on aurait $K$=0 ou l'autre argument ( celui de l'application linéaire qui serait injective ) . Mais sinon, pourquoi on disposerait d'un procédé de complexification si votre argument marche dans un cas général, alors dans le cas particulier de $K=\mathbb{R}$ ca ne devrait pas marcher aussi non ?

    J'espère que vous pourrez m'aider encore une fois afin d'y voir plus clair à ce sujet.

    Merci d'avance,
  • @viko : ah je n'avais pas lu "fini". Dans ce cas oui, mais tu n'as pas besoin de cette hypothèse de toute façon.

    @PolVano : Attention, "on n'a pas stabilité par multiplication de scalaires" n'est pas la bonne justification : peut-être que la multiplication de scalaires est définie de manière un peu plus compliquée pour des scalaires venant de $\mathbb{C}\setminus \mathbb{R}$. Par contre, tu as donné la justification dans ta réponse d'après (est-ce que $1=2n $ pour un certain $n$ ? ). Peux-tu montrer une sorte de réciproque à ton calcul de dimension ? (ce qui répondra à ta question pour un "théorème général")
  • @polvano, c'est une question de dimension, si il existe une structure de $L$-ev sur $K'$ alors, la dimension de $K'$ en tant que $L$-ev est ou bien $0$ dans ce cas $K' = 0$, ou alors la dimension de $K'$ en tant que $L$-ev est supérieure ou égale à $1$ (elle est nécessairement finie car $K'$ est fini et $K'$ est une famille génératrice du $L$-ev $K'$), dans ce cas $K'$ contient une droite vectorielle qui est alors isomorphe à $L$ c'est de là que vient l'application linéaire injective
  • Merci encore pour vos réponses.

    Est-ce que vous pourrez m'expliquer pourquoi l'argument de stabilité par multiplication par scalaire ne marche pas s'il vous plaît ? En revenant à la définition on a: pour tout $x,y\in E$, pour tout $\lambda \in K$ on a $\lambda. (x+y)=(\lambda.x)+(\lambda.y)$ et donc pour pouvoir sommer $\lambda.x$ et $\lambda.y$ ils doivent être dans $E$ non ? Pour $E=\mathbb{R}$ et $K=\mathbb{C}$ , l'axiome n'est plus vérifié non ?

    En ce qui concerne les dimensions, je pense que si on a un espace vectoriel réel $E$ de dimension $2n$ , alors on peut avoir un espace vectoriel complexe $E$ de dimension $n$. Mais je ne suis pas sûr et je n'ai pas de démonstration, seulement ce qui me semble "intuitif". Et si on prend cela pour correct, vu que $\mathbb{R}$ en tant que $\mathbb{R}$-espace vectoriel est de dimension $n=1$ qui est impaire alors on peut pas en faire un $\mathbb{C}$-espace vectoriel.

    Je ne comprends toujours pas votre argument viko, je vois que $K'$ est une famille génératrice du $L-ev K'$ ( normal car c'est l'ensemble des vecteurs même en fait ) mais pourquoi de cela on en déduit que $K'$ contient une droite vectorielle qui est isomorphe à $L'$ ?

    J'espère que vous pourrez m'aider encore une fois afin de voir plus clair.

    Merci d'avance,
  • @polvano je note $E$ note le $L$-ev $K'$ pour fixer les idées (même si fondamentalement $E = K'$)

    1er cas : $dimE = 0$ alors $K' = 0$, c'est impossible

    2nd cas : $n := dimE \geq 1$ alors il existe une base $(e_1,...,e_n)$ de $E$ je pose par exemple $D = Vect(e_1) = \{ \lambda e_1, \lambda \in L\}$
    alors l'application $ \lambda \in L \mapsto \lambda e_1 \in D$ est un isomorphisme et $i : \lambda \in L \mapsto \lambda e_1 \in E$ est l'application linéaire injective recherchée. $L$ est isomorphe à $D$ et comme $D \subset E$ on a $Card(L) = Card(D) \leq Card(K')$, c'est contradictoire car $K'$ est inclus strictement dans $L$, comme l'a fait remarqué Maxtimax en remplaçant les "$Card$" par des "$dim$" on peut se passer de l'hypothèse de finitude sur les corps
  • PolVano : bah pourquoi est-ce que $\lambda\cdot x$ serait forcément défini comme la multiplication usuelle ? Je te donne un exemple, un peu idiot, mais qui montre ce que je veux dire : je définis, sur $\mathbb{R}^2$, la multiplication par un scalaire complexe de la manière suivante : $\lambda\cdot (x,y) = (Re(\lambda)x - Im(\lambda)y, Re(\lambda)y + Im(\lambda) x)$. Vérifie que ça vérifie bien les axiomes d'espace vectoriel complexe, qui de plus concorde avec la structure d'espace vectoriel réel : si $\lambda\in\mathbb{R}$, ça fait $(\lambda x, \lambda y)$

    C'est un peu idiot, parce que ce que j'ai fait c'est identifier $\mathbb{R}^2$ à $\mathbb{C}$ via $(x,y) \mapsto x+iy$ et donc en réalité ce n'est "que" la multiplication complexe.
    Maintenant observe que si je définis $\lambda \cdot (x,y) = ( Re(\lambda)x + Im(\lambda) y,Re(\lambda)y - Im(\lambda)x)$ j'obtiens aussi une structure d'espace vectoriel complexe, qui est distincte de la précédente, mais qui pourtant coïncide sur les nombres réels

    (C'est toujours idiot, mais un peu moins : j'ai identifié $\mathbb{R}^2$ à $\mathbb{C}$ via $(x,y)\mapsto ix+y$ et j'ai mis la multiplication complexe)
    La morale c'est que même si tu as une opération réelle qui est déjà définie, et une opération complexe "naturelle", il peut y en avoir d'autres ! En particulier, dire "si il y avait une structure d'ev complexe sur $\mathbb{R}$ qui coïncide avec la structure réelle, ce serait la multiplication complexe, or $\mathbb{R}$ n'est pas stable par multiplication complexe" ne marche pas parce que tu n'as pas, a priori, de preuve que ce serait forcément la multiplication complexe (ça pourrait être quelque chose de chelou comme $\lambda\cdot x = Re(\lambda) x e^{Im(\lambda)}$ - bien sûr, ça ne marche pas, pour l'argument de dimension expliqué plus haut, mais ce que j'essaie de dire c'est que la structure d'ev réel ne détermine pas la structure d'ev complexe, en particulier ce ne serait pas forcément la multiplication)
  • Bonsoir,

    Merci énormément pour vos réponses.
    Les conclusions sont donc : 1) Qu'en changeant de corps on obtient un autre espace vectoriel. 2) Qu'on ne peut pas , en disposant d'une structure d'espace vectoriel sur un corps $K$, avoir une structure d'espace vectoriel sur un sur-corps de $K$ naturellement. 3) La structure d'espace vectoriel réel ne détermine pas la structure complexe., et en raisons de dimensions on peut savoir si un espace vectoriel réel peut admettre une structure d'espace vectoriel complexe.

    Il me reste deux dernières questions : Comment on montre que si la dimension est impaire alors un espace vectoriel réel ne peut pas admettre de structure complexe ? Et si on travaillait avec des espaces de dimension infinie, est-ce qu'on peut toujours affirmer l'existence d'une strucutre d'espace vectoriel complexe pour tout espace vectoriel réel ?

    J'espère que vous pourrez m'aider une dernière fois afin de conclure le sujet.

    Merci d'avance,
  • PolVano : Je ne comprends pas, tu as su me répondre que si $E$ est un espace vectoriel complexe de dimension $n$, alors en tant qu'espace vectoriel réel il est de dimension $2n$ : à partir de là comment est-ce qu'un espace vectoriel réel de dimension $2k+1$ peut-il être muni d'une structure complexe ?
    En dimension infinie, c'est toujours possible (sous réserve de l'axiome du choix), essentiellement c'est parce que tout cardinal infini est "divisible par $2$"
  • Bonsoir,

    Excusez-moi je m'étais perdu en digérant tout ce que vous m'avez appris.

    Merci encore à tous.
  • Au passage, il existe tout de même un moyen d'étendre les scalaires, mais on change l'ensemble sous-jacent à l'espace vectoriel en question. Par exemple si $E$ est un $\mathbb R$-espace vectoriel de dimension $n$, alors $E \otimes_{\mathbb R} \mathbb C$, appelé le complexifié de $E$, est un $\mathbb C$-espace vectoriel de dimension pour les lois suivantes : l'addition est l'addition usuelle sur le produit tensoriel, et la multiplication par un scalaire complexe $\lambda$ est définie sur les tenseurs purs par $$\lambda (x \otimes z) = x \otimes \lambda z.$$ Ça n'a bien sûr rien à voir avec $\mathbb R$ et $\mathbb C$ et constitue une procédure générale pour passer d'un espace vectoriel sur un corps à un espace vectoriel sur un corps plus grand.
  • Bonsoir,

    Merci Poirot pour votre réponse. Existerait-il un cours sur le produit tendoriel... pour comprendre cette extension des scalaires ?

    Merci d'avance,
  • Désolé pour le retard, oui bien sûr ça existe :-D

    Je trouve l'exposition particulièrement limpide dans le livre Module : théorie pratique, et un peu d'arithmétique de Grégory Berhuy chez Calvage & Mounet.
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