Morphisme de groupe dans un corps

Bonjour,
Par pure curiosité:
Peut-on trouver des corps $(K,+,\cdot )$ tels qu'il existe un morphisme de groupe injectif de $(K,+)$ dans $(K^*,\cdot)$? (à part $\mathbb{R}$)

Pour l'instant, le seul début de réponse que je puisse faire est "si il y en a, ce ne sont pas des corps premiers", car dans ce cas, le seul morphisme $f$ de $(K,+)$ dans $(K^*,\cdot )$ qu'on puisse construire est tel que $\forall x\in K [f(x)=1_K]$.

Réponses

  • Que dire de $\mathbb{C}$ ? Plus généralement de corps algébriquement clos de caractéristique $0$ ?
  • Soit $f$ un tel morphisme. Si $K$ est de caractéristique $p > 0$ alors puisque $(K, +)$ est d'exposant $p$, $K$ doit contenir beaucoup de racines $p$-ièmes de l'unité, en fait trop dès que $|K| > p$ puisque le polynôme $X^p-1$ ne peut avoir au plus que $p$ racines, et le cas $K = \mathbb F_p$ est immédiat à exclure car alors $|K^*| = p-1 < |K|$ (ce qui excluait d'ailleurs immédiatement les corps finis).

    $K$ est donc de caractéristique $0$, et donc son groupe additif est divisible puisqu'il contient $\mathbb Q$. $K$ doit alors contenir une racine $n$-ième de chaque élément de $Im(f) \setminus \{1\}$, pour tout entier $n \geq 1$. On remarque que les racines de l'unité différente de $1$ dans $K$ ne peuvent être dans l'image de $f$ puisqu'il s'agit d'éléments d'ordres finis dans $K^*$.
  • Exemple de corps : le plus petit sous-corps de $\R$ stable par l'exponentielle.
  • Poirot : pourquoi une et une seule racine $n$-ième ? si $K$ a plusieurs racines $n$-ièmes, il peut n'y en avoir qu'une dans l'image, ça ne posera pas de souci. A nouveau, n'importe quel corps algébriquement clos de caractéristique $0$ convient
  • @Maxtimax : je me suis mal exprimé, je voulais dire que la racine devait être toute seule dans l'image. Tu fais comment dans $\mathbb C$ par exemple ?
  • Poirot: avec ça je suis d'accord. Bon je réponds à ta question en espérant ne pas spoiler trop de gens :
    Soit $K$ un corps algébriquement clos de caractéristique $0$ (il me faudra peut-être une hypothèse de plus sur le cardinal, que $\mathbb{C}$ vérifie automatiquement, mais bon on verra au cours de la preuve).

    Dans ce cas $K$ est uniquement divisible donc c'est un $\mathbb{Q}$-espace vectoriel. Il est nécessairement de dimension infinie.

    Je regarde $G=K^\times$. Par hypothèse, $K^\times$ et donc $tor(K^\times)$, son groupe de torsion, est divisible (pas uniquement, cette fois-ci). En particulier $tor(G)$ est injectif en tant que groupe abélien, et donc l'inclusion $tor(G)\to G$ est scindée : donc $G\simeq tor(G)\oplus G/tor(G)$. $G/tor(G)$ est divisible en tant que quotient d'un groupe divisible, et sans torsion, donc uniquement divisible donc c'est un $\mathbb{Q}$-espace vectoriel. Il va donc suffire de voir que sa dimension est $\geq$ celle de $K$.

    C'est là que je me pose la question du cardinal : $tor(G)$ est une réunion de racines de $X^n-1$ donc est dénombrable, donc $G/tor(G)$ a le même cardinal que $G$ donc que $K$; donc si ce cardinal est $>\aleph_0$, il est égal à sa dimension en tant que $\mathbb{Q}$-espace vectoriel, donc les deux ont la même dimension donc j'ai mon injection.

    Ah ! Mais si $K$ est dénombrable, alors étant algébriquement clos il est de dimension infinie sur $\mathbb{Q}$, mais cette dimension ne peut pas être $>\aleph_0$, il est donc de dimension précisément $\aleph_0$; reste à voir si $G/tor(G)$ peut être de dimension finie. ça me semble peu raisonnable : regardons en effet l'ensemble des nombres premiers : il est infini et linéairement indépendant dans $G/tor(G)$ (si $\displaystyle\sum_i \lambda_i p_i = 0$, déjà on peut supposer les $\lambda_i$ entiers, et alors en retraduisant en termes multiplicatifs c'est dire $\displaystyle\prod_i p_i^{\lambda_i} = $ une racine de l'unité, donc quitte à mettre à la puissance $n$ pour le bon $n$, ce qui impose naturellement $\lambda_i = 0$ si on a pris des $p_i$ distincts), qui est donc de dimension infinie, et donc on a toujours notre injection !

    Donc même s'il faut (j'ai l'impression) faire une preuve distincte pour (le) $K$ dénombrable, cela marche dans tous les cas

    Malheureusement je ne peux pas exhiber l'injection obtenue, parce que j'utilise à deux reprises l'axiome du choix : 1) pour dire que divisible => injectif; et 2) pour raisonner sur les dimensions des $\mathbb{Q}$-ev (leur trouver une base)

    Remarque : je n'utilise pas algébriquement clos en réalité, uniquement "j'ai des racines $n$-ièmes pour tout le monde", mais c'était plus rapide à énoncer

    Remarque 2 : le morphisme qu'on obtient pour $\mathbb{C}$ par exemple est violemment non continu. Si une personne sait répondre à la question : "y a-t-il des corps topologiques $K$ avec aucune application continue non constante $K\to K^\times$ ?", je voudrais bien voir la réponse, car ça me permettrait de finalement résoudre un problème qu'on m'a posé il y a un moment :-D
  • Ouais! Merci pour ces réponses! Je me trouve un peu idiot de ne pas avoir pensé à la caractéristique nulle (j'avais pourtant traîné pas loin). Et j'ai été impressionné de constater que le plus petit sous-corps de $\mathbb{R}$ stable par l'exponentiel n'était pas $\mathbb{R}$ lui-même.
    En ce qui concerne le long spoiler de Maxtimax, le coup de passer à $K^*/tor(K*)$ avec $(K,+,\cdot)$ algébriquement clos pour avoir un groupe qui se présente aussi comme un $\mathbb{Q}$-espace vectoriel de même cardinal que le $\mathbb{Q}$-espace vectoriel $K$ a été une belle leçon d'algèbre pour moi.
  • Par rapport à l'exponentielle, il est peut-être bon de savoir que ça n'a rien à voir avec l'exponentielle : pour toute fonction $f: \mathbb{R\to R}$, le plus petit corps stable par $f$ n'est pas $\mathbb{R}$ (on peut naturellement encore généraliser, mais la preuve de ça devrair pointer assez naturellement vers la généralisation)
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