Suite exacte d'espaces vectoriels

J'ai fait un devoir de MPSI qui donne la définition de suite exacte pour les groupes pour ensuite les appliquer aux ev (par exemple la caractérisation de l'injectivité ou la formule de Grassmann). J'ai essayé d'en trouver d'autres car je trouve le concept intéressant.

Par contre, je ne trouve pas de lien avec la notion de somme directe d'ev. S'il y en a, pouvez-vous me l'indiquer (je n'ai pas non plus trouvé sur Internet) ?

Réponses

  • Bonjour

    Je suppose que tu parles de suites exactes courtes de la forme $0\rightarrow E\rightarrow F\rightarrow G\rightarrow 0$. Dans une telle suite d'espaces vectoriels, $F$ est la somme directe de $E$ et $G$. Tu peux utiliser une base de $F$.

    Attention, ceci est faux en général, par exemple pour les groupes.
  • Oui je vais chercher ça, merci !
  • Étant donnée une suite exacte courte, je dirais plus volontiers que $F$ est isomorphe à la somme directe de $E$ et $G$. En effet, d'une part $G$ n'est pas naturellement un sous-espace de $F$, d'autre part l'isomorphisme n'étant pas canonique en général (n'importe quel supplémentaire de $E$ dans $F$ permet d'en définir un).

    (Cela dit, il est vrai que l'expression « somme directe » est ambiguë, entre somme directe « intérieure » de deux supplémentaires et somme directe « extérieure » de deux espaces quelconques.)
  • Bonjour Math Coss. Oui, tu as raison, mais je n'ai pas voulu trop compliquer. Petite question: comment obtient-on le symbole somme directe, oplus n'a pas marché.
  • OK, j'essaie de (faire) préciser un peu.

    Renversons la vapeur. On part de deux sous-espaces supplémentaires $E$ et $G$ d'un espace $F$. Vois-tu, hk-futur-mpsi, comment construire une suite exacte $0\to E\to F\to G\to 0$ ? (Cette question est assez précise.)

    Revenons à la situation où la donnée initiale est une telle suite exacte : vois-tu, hk-futur-mpsi, ce qui manque / ce qu'il faut ajouter pour te ramener à la situation ci-dessus ? (Cette question est trop vague.)
  • Pour la première question, je renote $E=F\oplus G$. Alors on la suite exacte $0\longrightarrow F\overset{j}\longrightarrow E\overset{p}\longrightarrow G\longrightarrow 0$ avec $j$ l'injection canonique et $p$ la projection sur $G$ parallèlement à $F$. Cette suite est exacte car $j$ injective, $p$ surjective et $\mathrm{Im}(j)=F=\mathrm{Ker}(p)$.

    Pour la deuxième question je ne vois pas pour l'instant.
    Edit : il faut rajouter que $F\cap G=\{0_E\}$ ?
  • Attention, les notations ont glissé par rapport au message de Magnolia.

    OK pour la première question : la projection sur $G$ parallèlement à $F$ donne lieu à la suite exacte $0\to F\to E\to G\to 0$.

    À l'envers, supposons avoir une suite exacte\[0\to F\stackrel{f}{\longrightarrow}E\stackrel{g}{\longrightarrow}G\to 0.\] Il n'y a rien à supposer de plus, on peut même avoir $F=G$ si on veut. Par exemple, on peut prendre :
    • $F=G=\R$ et $E=\R^2$ ;
    • l'application $F\to E$ est $x\mapsto (x,0)$ ;
    • l'application $E\to G$ est $(x,y)\mapsto y$.
    Ce qui manque pour avoir une projection parallèlement à $F$ : un supplémentaire $G'$ de $F$ dans $E$. On en choisit un. Dans $E$, cela définit une projection $p$ sur $G'$ parallèlement à $F$.

    Fixons alors $y\in G$. On choisit un antécédent $z$ de $y$ dans $E$ par l'application $g$. On décompose $z=x+y'$ avec $x\in F$ est $y'\in G'$ (une telle décomposition est unique). Autrement dit, on pose $y'=p(z)$. Tu devrais montrer que
    • $y'$ ne dépend que de $y$ et pas du choix de $z$ ;
    • l'application $s$ qui à $y$ associe $y'$ est linéaire ;
    • on a $g\circ s=\mathrm{id}_G$ (on dit que $s$ est une section de $g$) ;
    • l'application $F\times G\to E$, $(x,y)\mapsto x+s(y)$ est un isomorphisme (quel est l'iso réciproque ?)
      (ici, j'ai noté $F\times G$ la « somme directe externe » des espaces vectoriels : c'est l'ensemble des couples formés d'un vecteur de $F$ et d'un vecteur de $G$ muni des opérations évidentes, composante par composante – par exemple $\R\times\R$ est le $\R^2$ le plus banal).
  • Merci pour ces infos. Toutefois, je n'arrive pas à vérifier que $F\times G\rightarrow E,(x,y)\mapsto x+s(y)$ est bijective.
  • En fait c'est bon j'ai réussi !
  • On a donc la propriété suivante :

    Soit $F$ et $G$ deux sev de $E$. Alors $E=F\oplus G$ si et seulement s'il existe une suite exacte $0\longrightarrow F\longrightarrow E\longrightarrow G\longrightarrow 0$ :-)

    Auriez-vous d'autres mini-propriétés d'algèbre linéaire de mpsi pouvant se voir par les suites exactes ? Pour l'instant j'ai : formule de Grassmann, injectivité, surjectivité, bijectivité, théorème du rang, dimension d'un ev quotient, espaces supplémentaires.
  • Contre-exemple à la propriété de ce message. On prend $E=\R^2$, $F=G=\{(x,0),\ x\in\R\}=\{(x,y),\ y=0\}$. Il est manifeste que $F$ et $G$ ne sont pas supplémentaires ; pourtant on a la suite exacte suivante : \[\xymatrix@R-2em{
    0\ar[r]&F\ar[r]&E\ar[r]^{\left(\begin{smallmatrix}0&1\\0&0\end{smallmatrix}\right)}&G\ar[r]&0\\
    &(x,0)\ar@{|->}[r]&(x,0)\\
    &&(x,y)\ar@{|->}[r]&(y,0)}\]Cela rend nécessaire la distinction entre $E=F\oplus G$ et $E\simeq F\oplus G$. Cet isomorphisme est vrai (dans l'exemple) à condition d'interpréter la somme directe comme une somme directe « externe » (ou, si on veut, un produit de deux espaces vectoriels ; ici la somme directe interne n'a pas de sens puisque $F$ et $G$ ne sont pas en somme directe).
  • Je vais regarder et chercher où est l'erreur dans la démonstration de la propriété que je pensais vraie.
  • Tu peux aussi essayer de démontrer l'équivalence, pour $F$ et $G$ sous-espaces de $E$ donné : il existe une application $f:E\to G$ surjective dont le noyau est $F$ (c'est-à-dire une suite exacte $0\to F\to E\to G\to0$, où l'on fixe l'injection de $F$ dans $E$) si et seulement si $\dim F+\dim G=\dim E$.
  • Bonsoir
    Je vous ai lu, c'est très intéressant. Cependant je n'arrive pas à voir clair.

    Si j'ai bien compris, Magnolia affirme que l'existence d'une suite exacte implique un isomorphisme avec une somme directe.
    Cependant j'ai l'impression que le contre-exemple de Math Coss permet d'infirmer ce résultat. La subtilité serait-elle que $F$ et $G$ vus comme sous-espaces vectoriels de $\R^{2}$ sont égaux. Mais vus comme espaces vectoriels, c'est-à-dire isomorphe [à] $\R$ alors on obtient une somme directe ? Mais pour moi $F = G$ quoi qu'il arrive. J'ai du mal à voir la subtilité. Pouvez-vous m'en dire plus s'il vous plaît ?
    Merci d'avance !
  • La subtilité c'est peut-être de distinguer somme directe de sous-espaces vectoriels et produit cartésien.

    [Ne peux-tu te relire pour corriger les accords et les manques de traits d'union ? Merci. AD]
  • Je pense que tu sens où est le problème. Il y a deux types de somme directe :
    • la somme directe « interne » de deux sous-espaces $F$ et $G$ d'un même espace $E$ : elle n'est définie que si $F\cap G=\{0\}$ et, si c'est le cas, elle est égale à la somme $F+G$, c'est-à-dire l'ensemble des vecteurs qui s'écrivent comme somme d'un vecteur de $F$ et d'un vecteur de $G$ ;
    • la somme directe «externe », qu'il est très difficile de discerner du produit direct ; étant donné deux espaces vectoriels quelconques $F$ et $G$ (pas d'objection à ce qu'ils soient des sous-espaces d'un même espace $E$ mais ce n'est pas obligatoire), leur produit direct $F\times G$ est l'ensemble des couples $(u,v)$, l'addition et le produit par un scalaire se fait composante par composante, etc.
    Lien entre les deux : si $F$ et $G$ sont deux sous-espaces dont l'intersection est nulle, leur somme directe interne est isomorphe à leur somme directe externe (i.e. leur produit direct).

    Si, $F$ et $G$ étant des sous-espaces d'un espace $E$, tu écris $E=F\oplus G$, la somme directe est par défaut la somme directe interne ; l'exemple que j'ai donné plus haut montre qu'il n'est pas nécessaire d'avoir $F\cap G=\{0\}$ pour qu'il existe une suite exacte $0\to F\to E\to G\to 0$.

    Une condition nécessaire et suffisante, c'est que $E\simeq F\times G$, c'est-à-dire que $E$ soit isomorphe (et pas nécessairement égal) à la somme directe externe (la seule qui existe sans hypothèse sur l'intersection). Quand est-ce que cela arrive ? Comme deux espaces vectoriels sont isomorphes SSI ils ont la même dimension et comme la somme directe externe a pour dimension la somme des dimensions, la condition équivaut à $\dim E=\dim F+\dim G$.


    NB : La différence entre somme directe externe et produit direct se fait quand on a une infinité de composantes. Quand on a une famille disons dénombrable $(F_n)_{n\in\N}$ d'espaces vectoriels, on forme :
    • leur produit direct $\prod_{n\in\N}F_n$ : un élément du produit est une suite $(v_n)_{n\in\N}$ où, pour tout $n$, $v_n\in F_n$ ; la somme et le produit par un scalaire se font composante par composante ;
    • leur somme directe $\bigoplus_{n\in\N}F_n$ est le sous-espace formé des suites $v_n$ presque nulles ou à support fini : $\mathrm{card}\{n\in\N,\ v_n\ne0\}<+\infty$.
    Si par exemple $F_n=\R$ pour tout $n$, alors la somme directe $\bigoplus_{n\in\N}F_n$ est naturellement isomorphe à l'espace des polynômes $\R[X]$ alors que le produit $\prod_{n\in\N}F_n$ est naturellement isomorphe à l'espace des séries formelles $\RX$.
  • Une super application des suites exactes : la formule $$0 = \sum_{k=0}^n (-1)^k \binom{n}{k}$$

    [size=x-small]Comment ça on peut calculer $(1-1)^n$ de deux manières différentes ? [/size]
  • C'est aux complexes de Koszul auxquels tu penses Lupulus ? X:-(
  • Bonjour Math Coss,

    C'est très instructif de vous lire, merci pour vos explications.
    L'existence d'une suite exacte implique un isomorphisme avec un produit cartésien lui même isomorphe à une somme direct car le produit cartésien est fini en l’occurrence. D'ailleurs on peut directement le voir, la suite exacte
    \[
    0 \to F \stackrel{f}{\longrightarrow} E \stackrel{g}{\longrightarrow} G \to 0.
    \]
    est scindé par $s$. Et on peut écrire $E = f(F) \oplus s(G)$
  • Tout à fait. Tu as bien compris la différence entre l'égalité $E=f(F)\oplus s(G)$ et l'isomorphisme qui en résulte : $E\simeq F\oplus G$, dû au fait que $f(F)\simeq F$ et $s(G)\simeq G$.

    Il faudrait détailler la construction de « la » section $s$, qui apparaît d'on ne sait trop où (les guillemets sont dus au fait que tu en mentionnes une mais qu'il en existe plusieurs en général). Voici une façon de procéder.

    On choisit un supplémentaire $G'$ de $f(F)$ dans $E$. La restriction de $g$ à $G'$ est une injection (car $\ker s_{|G'}=\ker s\cap G'=f(F)\cap G'=\{0\}$) et une surjection (on vérifie que $\mathrm{im}g_{|G'}=\mathrm{im}g=G$) donc elle admet un inverse $s:G\to G'$ (qu'on identifie à une application linéaire $s:G\to E$ dont l'image est $G'$).

    J'insiste là-dessus parce que l'existence de supplémentaires est (presque) une spécificité des espaces vectoriels : elle entraîne que toute suite exacte est scindée. Quand on étudie des suites exactes de groupes abéliens ou plus largement de modules sur un anneau, il est rare qu'une suite exacte soit scindée. Un exemple simple : \[\newcommand{\l}{\longrightarrow}
    \xymatrix@R-2em{0\ar[r]&\Z\ar[r]&\Z\ar[r]&\Z/2\Z\ar[r]&0\\&x\ar@{|->}[r]&2x}\]
  • @mathcoss: toutes les suites sont scindées peut-être parce que les espaces vectoriels non triviaux sont de dimension infinie...
  • Au plan algébrique, si on admet l'axiome du choix, la finitude de la dimension n'intervient pas – le théorème de la base incomplète reste vrai. Si on ajoute de la topologie dans l'histoire, évidemment, ça change tout.
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