Quotient et restriction

Bonjour,

on considère $f\colon E\to F$ une surjection entre deux espaces vectoriels hilbertiens.

D'après le théorème de factorisation, il existe un unique isomorphisme $g\colon E/\ker f\to F$ tel quel $f=g\circ s$ où $s\colon E\to E/\ker f$ est la surjection canonique.

D'autre part, j'ai l'impression qu'on peux s'amuser à construire un autre isomorphisme $h = f|_{(\ker f)^\bot}$, la restriction de $f$ à $(\ker f)^\bot$.
Si je suppose $f$ bornée (continue) alors $\ker f$ est fermé et donc $E = \ker f\oplus (\ker f)^\bot$. En notant $\pi\colon E\to (\ker f)^\bot$ la projection orthogonale sur $(\ker f)^\bot$ on a $f=h\circ\pi$.

Dans la première construction on considère les classes d'équivalences, dans la seconde construction on considère les représentants ayant la plus petite norme de chacune des classes d'équivalence.

Ce que je viens de dire est-il correct ? Je poste ce message, car je viens de réaliser que je confondais les deux.
Je vous remercie par avance pour vos lumières.
Cordialement,
Mister Da

Réponses

  • Oui, c'est une manière de le dire.

    Plus généralement, mettant toute considération topologique de côté, dès que tu as un espace vectoriel (ou un module, un groupe abélien, ...) $V$, et un sous-espace $W$ qui a un supplémentaire $S$, la restriction de $\pi : V\to V/W$ à $S$ réalise un isomorphisme; dont la réciproque peut être obtenue comme tu le décris en regardant la projection $V\to S$ et en la faisant passer au quotient.

    Dès que toutes ces opérations sont "topologisées", tu as le même résultat avec la topologie qui se ramène : les opérations en question vont être le passage au quotient (il faut donc mettre la topologie quotient sur $V/W$), et la projection sur $S$ : il faut donc que $S$ (ou équivalemment $W$) soit fermé.
    Après, en se restreignant au cadre hilbertien, ce que tu racontes donne en particulier que sur un sous-espace fermé $W$ d'un Hilbert $V$ on a "canoniquement" une structure de Hilbert sur $V/W$ : on prend celle induite par $W^\bot$.
    On vérifie aussi facilement que dans ce cadre, l'application $V/W \to W^\bot$ peut être vue (en termes de classes), comme tu le dis, par $C\mapsto $ l'unique élément de $C$ qui minimise la norme.
  • Il faut aussi montrer que les deux normes $\|.\|_E$ et $\|f(.)\|_F$ sur $\ker(f)^\perp$ sont équivalentes. Misterda ne l'a pas dit mais il suppose que $f$ est continue donc il faut montrer que si $\|v\|_E \not\le c\|f(v)\|_F$ alors $f$ n'est pas surjective.
  • Bonjour,
    merci beaucoup à vous deux.

    je ne suis vraiment pas à l'aise dès qu'il s'agit de topologie.

    @Maxtimax, merci pour toutes les précisions, c'est beaucoup plus claire maintenant. Juste pour ma culture personnelle, l'application $V/W\to W^\bot$ porte-t-elle un nom ?

    @reuns : en fait, je suppose la continuité de l'application $f$ au moment où je souhaite invoquer la projection (pour utiliser le théorème de projection sur un convexe fermé). Il aurait fallu que je mette cette hypothèse un peu avant, au moment où j'invoque la restriction de $f$ à l'orthogonal de son noyau, c'est ça ?

    Encore merci beaucoup pour votre aide.
    Cordialement,
    Mister Da
  • @reuns, pour cette histoire d'équivalence de normes je crois que je viens de comprendre Si je considère $f\colon E\to F$ surjective et continue (bornée) alors $h = f|_{(\ker f)^\bot}$ est bijective et continue (bornée).

    Ainsi, il existe $C>0$ tel pour tout $v\in (\ker f)^\bot$, on a $\|h(v)\|_F\leq C\|v\|_E$.

    D'autre part $h^{-1}$ est également borné (car nous sommes entre deux hilbertiens donc deux espaces de Banach), ainsi il existe $c>0$ tel que pour tout $w\in F$ $\|h^{-1}(w)\|_E\leq \frac{1}{c}\|w\|_F$. Comme $h$ est bijectif, pour tout $w\in F$ il existe un $v\in(\ker f)^\bot$ tel que $y=h(v)$. La dernière inégalité devient alors $c\|v\|_E\leq \|h(v)\|_F$.

    Ainsi, pour tout $v\in (\ker f)^\bot$, $c\|v\|_E\leq\|h(v)\|_F\leq C\|v\|_E$ et donc les normes sont équivalentes.

    Donc pour prétendre que $h$ est un isomorphisme je dois supposer que $f$ est continue. C'est ça que tu disais ?

    Cordialement,
    Mister Da

    Edit : correction d'une coquille.
  • L'hypothèse $f$ continue c'est parce qu'avec l'axiome du choix on peut toujours dire qu'il existe une famille $(b_j)_{j\in J}$ (où $J$ n'est pas énumérable) telle que tout élément de $E$ s'écrit de manière unique comme combinaison linéaire d'un nombre fini de $b_j$ et en faisant pareil pour $F$ on peut envoyer l'un sur l'autre sans aucun rapport avec la continuité.

    Ça serait bien de préciser la preuve que bijective continue implique inverse continue : le point important c'est qu'un petit voisinage de $v\in E$ est envoyé surjectivement sur un petit voisinage de $f(v)$, parce que si ce n'est pas le cas, alors ?
  • Bonjour,
    merci pour ton message.

    "L'hypothèse f continue c'est parce qu'avec [...]"
    Je n'ai pas compris ton premier paragraphe en fait. En gros, si on admet l'axiome du choix, tous les espaces vectoriels admettent des bases algébriques (non dénombrables si les espaces sont de dimensions infinies). Dans ces bases tout vecteur se décompose à l'aide d'un nombre fini de coefficients non nuls. Du coup on fait de l'algèbre pure et dure et on n'a plus besoin de topologie et donc plus de besoin de continuité. C'est ça ? En fait je ne vois pas le rapport avec le reste.

    "Ça serait bien de préciser la preuve que bijective continue implique inverse continue"
    Je n'ai jamais trop regardé la preuve, c'est le théorème de Banach (ou de l'application ouverte ou du graphe fermé, je ne sais/fais pas la différence entre tous ces résultats).
    Parce que si ce n'est pas le cas, l'application ne serait pas ouverte non ? La surjectivité fait que l'image de tout ouvert de $E$ est un ouvert de $F$ non ?

    Désolé pour le flou de mes réponses mais je ne sais pas trop quoi dire au final.

    Par rapport à mon précédent message, ce que j'ai dit est-il juste ? A savoir que si je considère une application $f\colon E\to F$ surjective, pour pouvoir dire que la bijection $h = f|_{(\ker f)^\bot}$ est un isomorphisme une condition suffisante est de supposer que $f$ est continue (pour avoir une bijection continue donc l'inverse est donc continue par le théorème de Banach) ?

    Cordialement,
    Mister Da
  • Mister Da a écrit:
    tous les espaces vectoriels admettent des bases algébriques (non dénombrables si les espaces sont de dimensions infinies)

    Bah non, $(1, X, X^2, \dots)$ est une base dénombrable de $\mathbb R[X]$.
  • oups, merci Poirot. Je reprends, tous les espaces vectoriels admettent des bases algébriques (éventuellement non dénombrables dans le cas d'espace de Banach de dimension infinie).
    Désolé pour le manque de rigueur.
    Cordialement,
    Mister Da
  • Soit $f$ bijective et continue $E' \to F$ deux Hilbert (avec ta fonction de départ $E'=\ker(f)^\perp$), on veut montrer que $f^{-1}$ est bornée
    • Si on pouvait trouver la SVD de $f$ ça aiderait parce qu'avec $f(x) = \sum_n s_n<x,u_n> v_n$ où $(u_n),(v_n)$ sont des bases orthonormales de $E',F$ il serait clair que $f$ est continue implique $|s_n|\le b$, $f$ injective implique $0<|s_n|$, et si $|s_{e_j}|\to 0$ alors il existe $(c_j)\in \ell^2, (\frac{c_j}{|s_{e_j}|}) \not \in \ell^2$ telle que $\sum_j c_j v_{e_j}$ n'est pas dans l'image de $f$.

      Mais comme $f$ n'est pas compacte c'est chaud de trouver sa SVD et donc le théorème est chaud. Si on suppose que $f^{-1}$ n'est pas bornée est-ce qu'on peut trouver un sous-espace sur lequel $f$ est compacte ?
    • Sinon j'ai pensé à utiliser pour $\|w\|_F=1$, $N(w) = \inf_{v\in E',\|f(v)-w\|_F<1/3} \|v\|_{E'}$ qu'on étend via $N(cw)=cN(w)$ à tout $F$,

      de supposer qu'on a une suite $(w_n)$ telle que $N(w_n) > 2^n N(w_{n-1})$ et dire que ça donne une contradiction si avec $w=\sum_{n=1}^\infty \frac1n w_n $ on a $v$ tel que $\| f(v)-w)\|_F < |w|_F /3$,

      mais je n'arrive pas à traiter le cas où $\| f(v)-w)\|_F = |w|_F /3$.
    • Il n'existe pas d'argument topologique trivial dans le sens qu'il faut utiliser la complétude de $E',F$ car avec $X$ l'ensemble des suites finies $\subset \ell^2$ et $F(x)_n= \frac1n x_n$ on a $F$ bijective continue mais $F^{-1}$ non bornée.
    • Libre à toi d'utiliser un théorème mais ce serait bien de préciser exactement lequel et comment fonctionne sa preuve.
  • Bonjour,

    Pour le coup je suis un simple utilisateur voire même un utilisateur simpliste. J'admets les théorèmes, j'étudie les exemples et contre-exemples histoire de m'imprégner de l'ambiance et plus tard, bien plus tard (parfois jamais) je m'attaque aux démonstrations.

    J'ai admis le théorème que les anglo-saxons appellent "Bounded Inverse Theorem" (en français je ne le trouve pas sous ce nom). C'est par exemple le théorème 3 de ce document : http://people.math.sc.edu/schep/Openmapping.pdf : un opérateur linéaire bornée bijectif entre deux espace de Banach est d'inverse borné.

    Au départ si on a affaire avec un opérateur surjectif borné $f\colon E\to F$ entre deux espaces de Hilbert, on construit un opérateur bijectif borné $h$ en restreignant $f$ à l'orthogonal de son noyau : $h = f|_{(\ker f)^\bot}\colon (\ker f)^\bot\to F$.
    Le sous-espace $(\ker f)^\bot$ est un sous espace fermé d'un espace de Hilbert, c'est donc également un espace de Hilbert (pour la restriction du produit scalaire). Ainsi $h$ est un opérateur bijectif borné entre deux espaces de Hilbert donc deux espaces de Banach. D'après le "Bounded Inverse Theorem", $h^{-1}$ est borné.

    Et je viens de réaliser que pour pouvoir appeler $h$ un isomorphisme d'espace hilbertien il faut qu'il préserve le produit scalaire... donc là que ne peux que dire que c'est opérateur bijectif normé c'est ça ?
    Cordialement,
    Mister Da
  • Je ne comprends rien à ton lien, le théorème 1 est trivial, le théorème 2 sort du chapeau le résultat qu'on veut prouver (que la boule unité de $F$ est contenue dans l'image d'une boule de $E'$ de rayon fini), et le théorème 3 utilise le théorème 2.

    Le résultat qu'on veut montrer c'est https://en.wikipedia.org/wiki/Open_mapping_theorem_(functional_analysis) que l'image d'une boule unité de $E'$ contient une boule de $F$.

    Oui l'isomorphisme c'est au sens de normes équivalentes, donc que le product scalaire de l'un se trouve en appliquant une transformation bornée d'inverse bornée. Quand $f$ est bijective continue on ne peut rien faire d'autre,

    quand $f$ est seulement surjective continue et que $\ker(f)$ est suffisamment grand on peut peut-être trouver un supplémentaire $E'$ autre que $\ker(f)^\perp$ tel que $\|v\|_{E'}=\|f(v)\|_F$
  • Bonjour,

    merci énormément pour ton aide et le temps que tu me consacres. Ça commence à décanter un peu mais au final je ne sais plus ce qu'on essaye de faire. Je comprends surtout que je suis complétement hermétique à la topologie.

    Je replante le décors en reprenant mon tout premier message et en le corrigeant : on considère $f\colon E\to F$ une surjection bornée/continue entre deux espaces vectoriels hilbertiens.
    Comme $f$ est bornée (continue) son noyau $\ker f$ est fermé.
    1. D'après le théorème de factorisation, il existe un unique isomorphisme $g\colon E/\ker f\to F$ tel quel $\boxed{f=g\circ s}$ où $s\colon E\to E/\ker f$ est la surjection canonique. J'imagine ici que la topologie quotient est telle que le produit scalaire est bien conservé. J'ai l'impression que c'était le sens de l'intervention de Maxtimax. Comme tout isomorphisme entre espace de Hilbert, $g$ est une bijection.
    2. D'autre part, j'ai l'impression qu'on peux s'amuser à construire une autre bijection $h = f|_{(\ker f)^\bot}$, la restriction de $f$ à $(\ker f)^\bot$. Comme $f$ est bornée (continue) son noyau $\ker f$ est fermé et donc $E = \ker f\oplus (\ker f)^\bot$. En notant $\pi\colon E\to (\ker f)^\bot$ la projection orthogonale sur $(\ker f)^\bot$ on a $\boxed{f=h\circ\pi}$.
    Dans la première construction on considère les classes d'équivalences, dans la seconde construction on considère les représentants ayant la plus petite norme de chacune des classes d'équivalence.

    Remarque : initialement, j'avais qualifié à tort $h$ d'isomorphisme (j'avais complétement oublié à ce moment là qu'il fallait préserver le produit scalaire) et je n'avais pas supposé $f$ bornée dès le départ.

    Finalement, maintenant que j'utilise les bons mots et que je parle de bijection, ta première intervention est-elle encore d'actualité ? Autrement dit, pourquoi faudrait-il "aussi montrer que les deux normes $\|.\|_E$ et $\|f(.)\|_F$ sur $\ker(f)^\perp$ sont équivalentes" ?

    Désolé pour ma lenteur...
    Cordialement,
    Mister Da
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