Montrer $\Bbb K(X)\not\cong\Bbb K(X,Y)$ ?

Bonjour
Soit $\mathbb K$ un corps (commutatif). Avez-vous un argument simple pour montrer que les corps $\mathbb K(X)$ et $\mathbb K(X,Y)$ ne sont pas isomorphes ? À vrai dire, n'ayant pas de preuve, je ne suis pas sûr que ce soit vrai :-D, mais ça m'a l'air raisonnable (dites-moi si je suis dans l'erreur). Et je ne vois pas de façon de transposer aux fractions les arguments de $\mathbb K[X] \not\cong\mathbb K[X,Y]$ que je connais.
Merci d'avance.

Réponses

  • Si $\mathbb K$ est le corps des fractions rationnelles sur $\mathbb Q$, disons, en les variables $T_1,T_2,\ldots$ ?
  • Certes. Merci @GaBuZoMeu de me corriger !
    Changeons la question, alors : est-ce que $\mathbb Q(X)\not\cong\mathbb Q(X,Y)$ ? (Tu remarques que je suis moins affirmatif sur la vérité de mon énoncé cette fois :-D)
    C'est en fait mon vrai questionnement, mais je me suis cru malin en remplaçant $\mathbb Q$ par un corps quelconque.
  • Salut Calli

    Les extensions $\Q(X)/\Q$ et $\Q(X,Y)/\Q$ n'ont pas le même degré de transcendance.
  • Ils ne sont pas isomorphes parce qu'ils n'ont pas même degré de transcendance sur leur corps premier.

    (Avec mon exemple ci-dessus $\mathbb K(X)$ et $\mathbb K(X,Y)$ n'avaient pas même degré de transcendance sur $\mathbb K$, ce qui ne les empêchait pas d'être isomorphes).
  • Dans le cas $\mathbb{K}=\Q$, on utilise le fait qu'un morphisme de corps entre deux extensions de $\Q$ est automatiquement $\Q$-linéaire. Donc ton isomorphisme de corps est un isomorphisme d'extensions de $\Q$.
  • Merci beaucoup !
    Je ne connaissais pas les extensions transcendantes de corps, donc je suis allé voir sur Wikipédia ce que c'est. Si j'ai bien compris le degré de transcendance de $\mathbb{Q}(X)/\mathbb{Q}$ est 1 et celui de $\mathbb{Q}(X,Y)/\mathbb{Q}$ est 2. C'est ça ?

    Mais donc, ça veut dire que les corps $\mathbb{R}$, $\mathbb{R}(X)$, $\mathbb{R}(X,Y)$ et $\mathbb{R}(X_1,X_2,\dots)$ sont isomorphes ::o. Je ne m'y attendais pas.
  • Je sais bien, je faisais juste remarquer que ton argument n'était pas complet si tu ne dis pas que tout morphisme de corps contenant $\mathbb Q$ est l'identité sur $\mathbb Q$ (ou plus généralement que tout morphisme de corps induit l'identité sur le corps premier). Cela va sans dire, cela va mieux en le disant.
  • Qu'est ce qu'un corps premier ? C'est le corps de base de l'extension ?
  • Calli écrivait:

    > Mais donc, ça veut dire que les corps $\mathbb{R}$, $\mathbb{R}(X)$, $\mathbb{R}(X,Y)$
    > et $\mathbb{R}(X_1,X_2,\dots)$ sont isomorphes ::o. Je ne m'y attendais pas.

    Non, là tu vas trop vite en besogne ! $\mathbb R$ est réel clos, pas $\mathbb R(X)$. Ils ne sont donc pas isomorphes.

    Un corps premier est un corps qui n'a pas de sous-corps propre. Autrement dit, le corps premier dans un corps est le sous-corps engendré par 1.
  • Non, $\R$ et $\R(X)$ ne sont pas isomorphes. L'unique automorphisme de corps de $\R$ est l'identité, alors que $\R(X)$ a des automorphismes de corps non triviaux.
  • Ah zut. Je me suis emballé.
    J'ai lu sur Wikipédia :
    Wikipedia a écrit:
    Si L est engendré par une famille d'éléments algébriquement indépendants sur K, l'extension est dite purement transcendante. Cela équivaut à dire que L est le corps des fractions d'un anneau de polynômes (à plusieurs indéterminées, éventuellement une infinité), soit un corps de fractions rationnelles, à coefficients dans K.

    Donc voilà je me suis dit. Si on note $\mathbb A$ l'ensemble des réels algébriques sur $\mathbb Q$, alors l'extension $\mathbb R$ de $\mathbb A$ est purement transcendante, donc $\mathbb R$ est isomorphe à un corps de fractions sur $\mathbb A$ en une infinité d'indéterminées. Et ensuite regarder $\mathbb R(X)$ ne rajoute qu'une indéterminée, donc $\mathbb R(X)$ est isomorphe au même corps de fractions sur $\mathbb A$. Qu'est-ce qui cloche dans ce raisonnement ?
  • $\mathbb{R}$ n'est pas une extension purement transcendante de $\mathbb{A}$.
  • Merci. J'ai cru au début que le fait que les éléments de $\mathbb R\setminus \mathbb A$ soient transcendants sur $\mathbb A$ suffisait à ce que $\mathbb R$ soit une extension purement transcendante de $\mathbb A$.
  • Calli : si tu cherches à prouver ce que tu imagines, tu pourras par exemple Zorner pour obtenir un $S$ maximal tel que $\mathbb A(S)/\mathbb A$ soit totalement transcendante, mais alors rien ne t'assure que $\mathbb A(S) = \mathbb R$, a priori tu pourras seulement dire que $\mathbb R/\mathbb A(S)$ est algébrique (et c'est ce qui se passe d'ailleurs)

    Par exemple, si je prends $K$ le corps des fractions de $\mathbb Q[X,Y]/(X^2+Y^2-1)$, alors tu auras que les algébriques là-dedans sont peu nombreux, pour autant $K\neq\mathbb Q(X)$ et aussi $\mathbb Q(X,Y)$ n'est pas là.

    Donc en fait il y a un sens qui marche : être isomorphe au-dessus de $k$ implique avoir le même degré de transcendance au-dessus de celui-là; mais inversement on peut avoir le même degré de transcendance sans être isomorphe.
  • Merci pour ce contre-exemple explicite @Maxtimax. Je me suis rendu compte après la remarque de @JLT qu'il y a un blocage. Mais $\mathbb R$ et $\mathbb A$ étant difficiles à visualiser, ça restait flou pour moi, alors que ton exemple est clair.
  • Avec $\mathbb R$ et $\mathbb A$ : si on avait $\mathbb R\simeq \mathbb A( (X_i)_{i\in I})$, alors l'indéterminée $X_i$ devrait être un carré ou l'opposé d'un carré dans le corps de fractions rationnelles. Dur dur.
  • Ah oui, bien vu. Je n'y avais pas pensé. Merci @GaBuZoMeu.
  • Puisque le degré de transcendance de l'extension $\mathbb Q(X)$ de $\mathbb Q$ est 1, on a sauf erreur de ma part : $\forall A,B\in \mathbb Q(X),$ $\exists P\in \mathbb Q[Y,Z],$ $P(A,B)=0$ $\text{et}$ $P\neq 0$. Comment peut-on montrer ça à la main ?
  • On prend $A= \frac{F}{G}, B = \frac{H}{D}$, et on regarde pour $n$ assez grand, l'espace vectoriel engendré par les $G^{n-j}F^jD^{n-i}H^i$ pour $i,j\leq n$. Le degré de ce machin-là est $(n-j)\deg(G) + j\deg(F) + (n-i)\deg(D) + i\deg(H) = n\deg(G) + n\deg(D) + i\deg(A) + j\deg(B)\leq n(\deg(A)+\deg(B)+\deg(G)+\deg(D)) $ pour $i,j\leq n$

    Or on a $(n+1)^2$ de ces machins-là (pour $i,j$ variant dans $\{0,...,n\}$). Donc si je trouve $n$ tel que $(n+1)^2 > n(\deg(A)+\deg(B)+\deg(G)+\deg(D)) +1$, alors l'espace engendré est inclus dans $\mathbb Q_{n(\deg(A)+\deg(B)+\deg(G)+\deg(D)) }[X]$ mais pourtant j'ai $(n+1)^2$ vecteurs : ils sont donc liés.

    Bon bah trouver un tel $n$ n'est pas compliqué, puisque $(\deg(A)+\deg(B)+\deg(G)+\deg(D))$ est fixé, et donc le côté droit grandit linéairement alors que celui de gauche grandit quadratiquement.

    Une relation de liaison fournit un polynôme $P$ comme tu le souhaites, puisque si $\sum_{i,j} a_{i,j}G^{n-j}F^jD^{n-i}H^i = 0$, on a (en multipliant par $G^{-n}D^{-n}$) $\sum_{i,j}a_{i,j} A^jB^i = 0$ et les $a_{i,j}$ non tous nuls.
  • $X$ est algébrique sur $\Q(B)$ puisque racine du polynôme $R(T)=B(T)-B(X)$. Comme l'ensemble des éléments de $\Q(X)$ qui sont algébriques sur $\Q(B)$ est un corps, c'est $\Q(X)$ tout entier.
  • JLT : ah c'est bien ça ! moins calculatoire que moi :-D
  • Merci @Maxtimax ! Je n'avais pas pensé à utiliser les outils des ev. Je m'attendais plus à des outils d'arithmétique des polynômes.
    D'ailleurs, on s'est croisé 2 ou 3 fois hier (dans la vraie vie, je veux dire). C'est assez marrant parce que, d'habitude, on ne se croise pas souvent. Pas sûr que ça t'aide à deviner qui je suis, mais ça m'amuse. 8-)

    Merci @JLT ! Un détail : si $B\in\mathbb Q(X)$, alors $R$ n'est pas un polynôme ; mais ce n'est pas très grave, quitte à multiplier $R$ par le dénominateur de $B$ en la variable $T$.

    C'est bien, j'ai d'un côté la réponse de Maxtimax qui est élémentaire, et de l'autre celle de JLT qui est très efficace. :-)
  • Calculons (avec SageMath)
    R.<a,b,x>=PolynomialRing(QQ,'a,b,x')
    
    def relation(A,B) :
        P=A.numerator()-a*A.denominator()
        Q=B.numerator()-b*B.denominator()
        return P.resultant(Q,x)
    

    Un premier essai facile.
    A=(1-x^2)/(1+x^2)
    B=2*x/(1+x^2)
    relation(A,B)
    
    donne
    4*a^2 + 4*b^2 - 4
    

    C'est rassurant. Plus fort :
    A=FunctionField(QQ,'x').random_element(degree=3)
    B=FunctionField(QQ,'x').random_element(degree=4)
    print("A =",A)
    print("B =",B)
    relation(A,B)
    
    nous répond
    A = (-10*x^3 - 1/9*x^2 - 1/18)/(x^3 + 1/3*x^2 + 2/3*x)
    B = (x^4 - 43/4*x^3 + 2*x^2 + x - 2)/(x^4 + 3*x^3 + 2/3*x^2 - 4*x - 6)
    
    19144/81*a^4*b^3 - 35383/243*a^4*b^2 + 6852094/729*a^3*b^3 + 108436/243*a^4*b - 6595423/729*a^3*b^2 + 915952235/6561*a^2*b^3 - 11447/81*a^4 + 17455163/1944*a^3*b - 7851556837/52488*a^2*b^2 + 17876957524/19683*a*b^3 - 1522633/648*a^3 + 1718771731/23328*a^2*b - 591247513679/629856*a*b^2 + 2036689367633/944784*b^3 - 155211007/11664*a^2 + 143930352491/419904*a*b - 1978813076189/944784*b^2 - 611926627/13824*a + 1711176943219/2519424*b - 124569676727/1679616
    
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