Polynômes irréductibles

Je sais que :
- les polynômes de $\mathbb{C}[X]$ qui sont irréductibles sur $\mathbb{C}$ sont exactement les polynômes de degré $1$
- les polynômes de $\mathbb{R}[X]$ qui sont irréductibles sur $\mathbb{R}$ sont les polynômes de degré $1$ et les polynômes de degré $2$ dont le discriminant est négatif

Pour les polynômes de $\mathbb{Q}[X]$ qui sont irréductibles sur $\mathbb{Q}$, je ne sais pas. Je connais le critère d'Eisenstein, mais ce n'est pas une condition nécessaire et suffisante. Existe-t-il une CNS pour $\mathbb{Q}$ ?

Pour un corps fini $F$, F[X] est un ensemble fini l'ensemble des diviseurs d'un polynôme de $F[X]$ est fini, donc à la limite on peut essayer de coder un algorithme qui teste tous les diviseurs possibles. Mais quand $F$ contient beaucoup d'éléments, ça devient probablement absurdement long. Est-ce qu'il y a mieux comme critère d'irréductibilité sur les corps finis ?

Merci.

EDIT : j'ai corrigé mon brainfart.

Réponses

  • Homo Topi a écrit:
    Pour un corps fini F, F[X] est un ensemble fini

    Ahhh, mes yeux !! (:P)
    Les $X^n$ sont distincts et en nombre infini sur tout corps (car on parle de polynômes formels et pas de fonctions polynômiales).
  • Oui j'ai écrit trop vite, ce que j'ai voulu dire c'est que l'ensemble des diviseurs d'un polynôme de $F[X]$ est forcément fini.
  • Si $F$ est un corp fini, $F[X]$ n'est pas fini.

    Il y a des algorithmes plus efficaces que "tester tous les diviseurs". Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Algorithme_de_Cantor-Zassenhaus.
  • Je viens de me corriger. En attendant, ça ne répond pas à mes questions (:D
  • Pour $\mathbb Q$ je pense que c'est un problème essentiellement impossible. En tout cas il existe des polynômes irréductibles de tout degré.

    Sur $\mathbb F_q$, il y a des polynômes irréductibles de tout degré aussi. On peut montrer que les polynômes unitaires irréductibles de degré $n$ sont exactement les facteurs irréductibles de $X^{q^n} - X$. On peut en déduire le théorème des nombres premiers dans ce contexte : le nombre de polynômes unitaires irréductibles de degré $\leq n$ est équivalent à $\frac{q^n}{n}$ quand $n$ tend vers l'infini (on peut même aller plus loin dans le développement car l'hypothèse de Riemann est démontrée dans ce contexte !).
  • Est-ce qu'il existe, un entier n supérieur à 1 étant donné, un polynôme irréductible de degré n dans Q[X] ?
  • Poirot : quel est le rapport entre ce que tu dis et le TNP ? :-S

    Bsd4u : Poirot vient de répondre à la question... mais pour ce qui est de trouver une formule générique ou un algorithme pour fabriquer un polynôme irréductible de n'importe quel degré, je ne sais pas encore.
  • Ce n'est pas le TNP dont parle Poirot, c'est le TPP : Théorème des Polynômes Premiers.

    Si $\pi_q(n)$ désigne le nombre de polynômes unitaires irréductibles de degré $n$ sur $\mathbb{F}_q$, alors
    $$\pi_q(n) = \frac{q^n}{n} + O \left( \frac{q^{n/2}}{n} \right) \quad \left ( q^n \to \infty \right).$$
  • Dans $\mathbb Z$ on compte les nombres premiers $\leq x$, dans $\mathbb F_q[T]$ on compte les polynômes irréductibles (unitaires) de degré $\leq n$. Je te fais un post un peu plus léché bientôt, je suis un peu pris là.
  • @ndt : Pardon mais c'est bel et bien ce qu'on appelle souvent le théorème des nombres premiers dans $\mathbb F_q[T]$ !
  • Oui, mais je n'aime pas trop cette dénomination : la preuve, elle a créé une certaine confusion dans la tête d'Homo Topi.
  • Je suis d'accord que ça serait plus logique d'appeler ça le théorème des polynômes premiers, puisque ça parle de polynômes premiers :-D.
  • L'analogie va beaucoup plus loin que ça, c'est pour ça qu'on garde cette terminologie. Je ferai un joli post plus tard.
  • Bsd4u : Poirot vient de répondre à la question... mais pour ce qui est de trouver une formule générique ou un algorithme pour fabriquer un polynôme irréductible de n'importe quel degré, je ne sais pas encore.

    Tu as les outils (au vu de ton premier message) pour en trouver un facilement pour n'importe quel degré, ce qui te permet au passage de prouver leur existence, que tu n'as pas pour l'instant à priori.
  • Poirot a écrit:
    L'analogie va beaucoup plus loin que ça, c'est pour ça qu'on garde cette terminologie.

    je sais très bien jusqu'où va l'analogie. Ceci dit, les anglo-saxons parlent le plus souvent the "Prime Polynomial Theorem" (PPT), et je suis d'accord pour le choix de cette dénomination.

    Il y a certes des analogies, mais aussi des différences conceptuelles majeures entre les corps finis et le reste.
  • @ndt : je me doute que tu sais jusqu'où l'analogie va ! Je répondais à Homo Topi.
  • Laissons à Poirot le temps d'écrire son truc en détail, et que chacun utilise la terminologie qui lui plaît, bordel :-D
  • Le post de Poirot m'intéresse. :)

    Homo Topi, en plus de Cantor-Zassenhaus, tu peux regarder l'algorithme de Berlekamp. Sur $\mathbb{F}_q$, dire que $P$ est irréductible revient à dire que l'application qui à un élément $a$ de $\mathbb{F}_q[X]/(P)$ associe $a^q-a$ (qui est linéaire) a un noyau de dimension $1$ : on veut que les seuls éléments vérifiant $a^q = a$ soient les constantes. Il faut utiliser le lemme des restes Chinois pour voir ça : les facteurs de $\mathbb{F}_q[X]/(P)$ correspondent aux facteurs de $P$.

    Enfin, il faut déjà s'assurer que $P$ est sans facteur carré en fait : il faut regarder que le pgcd de $P$ et $P'$ est $1$.
  • OK ! De toute façon, le cours que Poirot va faire sera nécessairement instructif : il va montrer l'analogie avec le TNP classique (fonction zêta, produit eulérien, etc) et ce sera pédagogiquement intéressant de voir jusqu'où il y a analogie...et où s'arrête la comparaison.
  • Champ-Pot-Lion : Je m'intéresserai de plus près à ces algorithmes quand j'en aurai le temps ! Les démonstrations ne m'ont pas l'air particulièrement simples/courtes, ça me prendra un peu de temps pour comprendre en détail.
  • noix de totos me met la pression en parlant de cours !

    Bon, comme promis, je tente d'expliquer l'analogie, au moins dans le cas du théorème des nombres premiers (ou des polynômes premiers selon votre religion). Je pense que l'analogie entre nombres premiers et polynômes irréductibles est assez claire (ce sont les éléments irréductibles des deux anneaux $\mathbb Z$ et $\mathbb F_q[T]$, qui se trouvent être factoriels, et donc ces éléments irréductibles interviennent dans la décomposition des éléments de ces anneaux).

    Dans $\mathbb Z$, on dispose d'une notion naturelle de taille, donc quand on compte les nombres premiers, on a juste à dire "je cherche les nombres premiers plus petits que $x$".

    Dans $\mathbb F_q[T]$, il n'y a priori pas de telle notion de taille. Cependant, la taille d'un entier naturel $n$ peut se lire algébriquement de la manière suivante : c'est le cardinal du quotient $\mathbb Z/n \mathbb Z$. Eh bien on fait la même chose dans $\mathbb F_q[T]$ : le taille du polynôme (non nul) $P$ c'est le cardinal de $\mathbb F_q[T]/(P)$, autrement dit $|P| = q^{\deg P}$.

    On s'intéresse aux polynôme unitaires pour des questions de normalisation : si $\lambda \in \mathbb F_q^{\times}$, $P$ et $\lambda P$ sont associés dans $\mathbb F_q[T]$ (tout comme $n$ et $-n$ le sont dans $\mathbb Z$ !).

    Il est bien connu que $$\pi(x) := \#\{p \leq x \mid p \text{ premier}\} \underset{x \to +\infty}{\sim} \frac{x}{\log x},$$ c'est le Théorème des Nombres Premiers. Dans $\mathbb F_q[T]$ on a $$\pi_q(n) := \#\{P \in \mathbb F_q[T] \mid P \text{ irréductible, unitaire et } \deg P \leq n\} \underset{n \to +\infty}{\sim} \frac{q^n}{n}$$ autrement dit $$\#\{P \in \mathbb F_q[T] \mid P \text{ irréductible, unitaire et } |P| \leq X\} \underset{n \to +\infty}{\sim} \frac{X}{\log_q X}$$ en notant $X = q^n$ et $\log_q$ le logarithme en base $q$.

    On va faire la démonstration qui est très simple dans ce cas ! Et tant qu'à faire on va le faire en poursuivant l'analogie avec le cas classique (il y a une démonstration purement algébrique, mais qui a le défaut de ne pas se généraliser à d'autres situations). On introduit donc la fonction $$\zeta_q : s \mapsto \sum_{Q \in \mathbb F_q[T] \text{ unitaire}} \frac{1}{|Q|^s},$$ à comparer avec $$\zeta : s \mapsto \sum_{n \text{ entier strictement positif}} \frac{1}{|n|^s}.$$ Pour déterminer la région de convergence, on réécrit la somme en utilisant la définition de $|Q|$. Il est clair que pour tout $n \in \mathbb N$, il existe exactement $q^n$ polynômes unitaires de degré $n$ dans $\mathbb F_q[T]$, et donc $$\zeta_q(s) = \sum_{n=0}^{+\infty} \sum_{\underset{\deg Q = n}{Q \in \mathbb F_q[T] \text{ unitaire}}} \frac{1}{q^{ns}} = \sum_{n=0}^{+\infty} \frac{1}{q^{n(s-1)}}.$$ La série converge donc lorsque $\frac{1}{\left|q^{s-1}\right|} < 1$, autrement dit lorsque $\mathfrak{Re}(s) > 1$, et dans ce cas on a $$\zeta_q(s) = \frac{1}{1 - q^{1-s}}.$$ Dans ce cadre, la fonction zêta est une bête bien plus sympathique que dans le cas usuel : c'est juste une fraction rationnelle en $q^{-s}$ ! C'est un phénomène sur lequel je dirai un petit mot un peu plus loin. En attendant, pour alléger les notations, je pose $u := q^{-s}$ de sorte que $\zeta_q(s) = \frac{1}{1-qu}.$

    Passons au lien avec les polynômes irréductibles. Comme dans le cas classique, l'existence et l'unicité de la décomposition en facteurs irréductibles permet de voir facilement que $$\zeta_q(s) = \prod_{P \in \mathbb F_q[T] \text{ irréductible unitaire}} \left(1 - \frac{1}{|P|^s}\right)^{-1}$$ (il suffit de développer chaque facteur en série géométrique et distribuer le produit, ce qui est justifié par la convergence absolue).

    Cette factorisation montre en particulier que $\zeta_q$ ne s'annule pas sur le domaine $\Omega_1 := \{s \in \mathbb C \mid \mathfrak{Re}(s) > 1\}$ de convergence du produit, on peut donc passer au logarithme : \begin{align*}\log \zeta_q(s) = - \sum_{P \in \mathbb F_q[T] \text{ irréductible unitaire}} \log \left(1 - \frac{1}{|P|^s}\right) &= - \sum_{P \in \mathbb F_q[T] \text{ irréductible unitaire}} \log \left(1 - u^{\deg P}\right)\\ &= \sum_{P \in \mathbb F_q[T] \text{ irréductible unitaire}} \sum_{k=1}^{+\infty} \frac{u^{k \deg P}}{k}.\end{align*} En dérivant tout ça (ce qui est justifié car tout converge absolument sur tout compact de $\Omega_1$), et en souvenant que quand on dérive $u$ par rapport à $s$ on obtient $-u \log q$, on obtient \begin{align*}\frac{\zeta_q'}{\zeta_q}(s) = - \log q \sum_{P \in \mathbb F_q[T] \text{ irréductible unitaire}} \sum_{k=1}^{+\infty} \deg P u^{k \deg P} &= - \log q \sum_{n=1}^{+\infty} \sum_{\underset{P \in \mathbb F_q[T] \text{ irréductible unitaire}}{\deg P = n}} \frac{nu^n}{1-u^n}\\ &= - \log q \sum_{n=1}^{+\infty} \frac{n \pi^*_q(n) u^n}{1-u^n}\end{align*} où $\pi^*_q(n)$ désigne le nombre de polynômes irréductibles unitaires de degré exactement $n$.

    En réutilisant la formule $\zeta_q(s) = \frac{1}{1 - qu}$, on calcule la dérivée logarithmique $$\frac{\zeta_q'}{\zeta_q}(s) = - \log q \frac{qu}{1 - qu}.$$

    On a donc obtenu l'identité $$\frac{qu}{1 - qu} = \sum_{n=1}^{+\infty} \frac{n \pi^*_q(n) u^n}{1-u^n}.$$ Les calculs peuvent paraître fastidieux, mais c'est très simple par rapport au cadre usuel, et tout est élémentaire, il n'y a que des développements en séries géométriques et de logarithmes. Je passe les détails du prochain calcul qui sont du même ressort : on développe en série les deux membres, et on identifie les coefficients devant $u^n$. On aboutit à $$\sum_{d \mid n} d \pi^*_q(d) = q^n.$$ En appliquant la formule d'inversion de Möbius, on obtient finalement une formule pour $\pi^*_q(n)$ : $$\pi^*_q(n) = \frac{1}{n} \sum_{d \mid n} \mu\left(\frac{n}{d}\right) q^d$$ d'où l'on tire facilement l'estimation $$\pi^*_q(n) = \frac{q^n}{n} + O\left(\frac{q^{n/2}}{n}\right).$$ Le fait que le reste soit de l'ordre de la racine carrée du terme principal est une manifestation de l'hypothèse de Riemann, qui est vraie dans ce contexte. En sommant, on obtient également l'équivalent annoncé du TNP (ou TPP :-P ) : $$\pi_q(n) \underset{n \to +\infty}{\sim} \frac{q^n}{n}.$$

    Quelques mots pour finir : cette démonstration a le mérite de se généraliser à beaucoup d'autres problèmes de type "théorème des nombres premiers". On montre de même un théorème des nombres (polynômes) premiers en progressions arithmétiques ou plus généralement un théorème de Chebotarev sur les corps finis. Des travaux profonds de Artin, Davenport, Hasse, Weil, Dwork, Schmidt, Grothendieck et finalement Deligne montrent que dans chacun de ces cas, les fonctions $\zeta$ et $L$ sous-jacentes vérifient toutes les propriétés qu'on peut attendre d'elles : ce sont des fractions rationnelles en $u$ comme ce qu'on a vu au-dessus, satisfaisant une équation fonctionnelle reliant leurs valeurs en $s$ et en $1-s$ (donc en $u$ et en $\frac{q}{u}$, comme dans notre cas très simple) et satisfont l'hypothèse de Riemann : leurs zéros ont pour partie réelle $1/2$ !

    Le théorème des nombres premiers classique se démontre avec une stratégie similaire : on étudie la dérivée logarithmique de $\zeta$ pour en tirer des informations sur la taille de ses coefficients (c'est une série de Dirichlet), ce qui mène au théorème des nombres premiers. Bien sûr c'est beaucoup plus difficile car il n'y a pas d'analogue de la gentille formule $\zeta_q(s) = \frac{1}{1-qu}$, et il faut à la place utiliser pas mal d'analyse complexe, ainsi qu'une région sans zéro non triviale pour $\zeta$. J'avais donné plus de détails, et le rapport avec l'hypothèse de Riemann, dans ce message : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?16,1966044,1967770#msg-1967770
  • Et sinon pour justifier qu'il existe des polynômes irréductibles de tout degré sur $\mathbb Q$ on peut justement utiliser le critère d'Eisenstein : $X^n - 2$ est irréductible dans $\mathbb Z[X]$ et donc dans $\mathbb Q[X]$.

    Ou sinon utiliser le fait que si la réduction modulo $p$ (premier) de $P \in \mathbb Z[X]$ (unitaire) est irréductible, alors $P$ est irréductible, et le fait qu'il existe des polynômes irréductibles dans $\mathbb F_p[X]$ en tout degré comme je viens de l'expliquer !
  • Merci Poirot, très intéressant pour comprendre un tout petit peu le lien entre la fonction zeta et les nombres premiers.

    Je crois que tu as écrit $\pi^*_q(n) = \frac{1}{n} \sum_{d|n} q^d$ au lieu de $\pi^*_q(n) = \frac{1}{n} \sum_{d|n} \mu(n/d) q^d$ (même si ça ne change rien). C'est vrai que pour arriver à cette formule, la preuve algébrique est plus rapide...
  • Vu la longueur du truc, je vais écrire mes remarques comme elles me viennent en lisant.

    1) Comment sais-tu que le cardinal de $\mathbb{F}_q[T]/(P)$ est $q^{\deg(P)}$ ?

    2) Je n'arrive pas à justifier que $\displaystyle \sum_{\substack{\deg P = n \\ \text{$P \in \mathbb{F}_q[T]$ irréductible unitaire}}} \dfrac{n u^n}{1 - u^n} = \dfrac{n \pi_q^*(n)u^n}{1 - u^n}$

    3) Il faudrait que je fasse le passage à la somme avec $d \mid n$ à la main, mais je n'ai pas très envie de le faire maintenant, j'ai la tête dans le c... aujourd'hui.

    Sinon, je me demandais si ça pouvait se généraliser à certains $A[X]$ où $A$ est un anneau qui n'est pas un corps (par exemple un anneau principal) mais au vu des formules/calculs ça m'a l'air légèrement compromis.
  • @Champ-Pot-Lion : Merci, j'avais oublié bêtement le $\mu$. 8-)

    @Homo Topi :

    1) Cherche un représentant de chaque classe modulo $P$. Indice : division euclidienne.

    2) La somme ne dépend pas de $P$ !

    3) La clé est de regrouper les termes qui contribuent à une même puissance $u^n$ donnée.
  • D'accord !

    Et dans ton encadré qui n'a pas bien compilé, tu as écrit \left au lieu de \left( et je pense que c'est ça qui fait que ça a déconné.
  • Vu que nos nombreux lecteurs trépignent d'impatience, je donne la preuve algébrique.

    Lemme : Soit $n \geq 1$. Dans $\mathbb F_q[T]$ on a $$X^{q^n} - X = \prod_{\underset{\deg P \mid n}{P \in \mathbb F_q[X] \text{ irréductible unitaire}}} P.$$

    Démonstration : $X^{q^n}-X$ est premier avec sa dérivée, donc ses facteurs irréductibles apparaissent avec multiplicité $1$ chacun (sinon il y aurait des racines multiples dans une clôture algébrique !). Puisque $X^{q^n}-X$ est unitaire on peut choisir chacun de ces facteurs unitaires.

    Si $P$ est un polynôme irréductible de degré $d \mid n$, son corps de rupture sur $\mathbb F_q$ est un corps fini de cardinal $q^d$, et donc ses racines $\alpha$ vérifient $\alpha^{q^d-1}=1$ par le théorème de Lagrange. Comme $d$ divise $n$, $q^d-1$ divise $q^n-1$ et donc les racines de $P$ sont bien racines de $X^{q^n}-X$. Par le lemme de Gauss, $P$ divise donc $X^{q^n}-X$.

    Réciproquement, si $P$ est un facteur irréductible de $X^{q^n}-X$ de degré $d$, alors son corps de rupture $K$ est de cardinal $q^d$ et il est inclus dans $L$, le corps de décomposition de $X^{q^n}-X$, qui est de cardinal $q^n$. Ainsi, $L$ est un $K$-espace vectoriel de dimension finie (puisque ce sont des ensembles finis !) $m$, et donc $q^n = \#L = \#K^m = q^{md}$ et donc $d$ divise $n$.
    CQFD

    Il n'y a plus qu'à prendre les degrés de chaque côté pour obtenir comme précédemment $q^n = \sum_{d \mid n} d \pi^*_q(d)$, et on conclut comme avant par inversion de Möbius.
  • Poirot a écrit:
    Vu que nos nombreux lecteurs trépignent d'impatience, je donne la preuve algébrique.

    Oh oui ! (:D

    Il est étonnant ce lemme (enfin, moi il m'étonne).
  • Me concernant, ce lemme est tristement associé à l'agrégation et son caractère absurdement totalement discontinu (enfin ça rend mieux en anglais : "totally disconnected").
  • Je n'aurais pas trouvé la démonstration tout seul, mais je ne le trouve pas si étonnant que ça : $X^{q^n} - X = X(X^{q^n - 1} -1)$ et $X^{q^n - 1} -1$ fait penser aux polynômes cyclotomiques. Et ça ressemble quand même un peu !
  • Dans un corps finis, tout élément est une racine de l'unité (c'est ce qui fait marcher la démo ci-dessus d'ailleurs), donc effectivement on peut relier ça aux polynômes cyclotomiques !
  • Poirot : Très bon !

    Par ailleurs, la limite dans la comparaison avec ce qui se passe dans $\mathbb{Z}$ est claire, vu ton texte.
  • En attendant, on n'a pas donné une vraie réponse au problème initial.

    Certes, pour $\mathbb{Q}$ et les corps finis, il n'y a pas de CNS simple basée sur le degré, mais ça ne veut pas dire qu'on ne peut rien trouver. Cependant, je pense que depuis le temps, quelqu'un l'aurait mentionné s'il existait quelque chose de connu.
  • Merci ndt. :-)

    @Homo Topi : Je pense que c'est impossible de donner une condition nécessaire et suffisante d'irréductibilité dans $\mathbb Q[X]$. On se ramène à $\mathbb Z[X]$ en multipliant par un certain entier, et dans ce contexte il est naturel de chercher des conditions "locales", c'est-à-dire portant sur la réduction de notre polynôme modulo tous les premiers $p$. Comme je l'ai dit, pour les $p$ ne divisant pas le coefficient dominant, l'irréductibilité locale implique l'irréductibilité globale (c'est-à-dire dans $\mathbb Z[X]$), mais la réciproque est fausse. Par exemple $X^4+1$ est irréductible dans $\mathbb Z[X]$ mais réductible dans tous les $\mathbb F_q$. Donc on ne peut pas espérer un énoncé du style "$P$ est irréductible si et seulement si sa réduction modulo chaque nombre premier, sauf un nombre fini, est irréductible" (il existe des énoncés dans ce style qui sont vrais !).
  • D'accord.

    A la base, je regardais ça pour les histoires de polynôme minimal dans la réduction des endomorphismes, et dans ce contexte-là, je ne sors pas vraiment du cadre réel ou complexe, donc ce n'est pas gênant s'il n'y a pas de CNS pour les rationnels ou les corps finis.

    Mais vu que ça peut toujours servir ailleurs (je pense notamment à la théorie de Galois), je me suis dit que ça valait le coup de demander !
  • Un autre argument pour $\mathbb Q$ : il est bien connu que pour tout $n \geq 2$, l'extension engendrée par $X^n-X-1$ a $\mathfrak S_n$ pour groupe de Galois sur $\mathbb Q$. Le fixateur de $n$ en est un sous-groupe isomorphe à $\mathfrak S_{n-1}$ et donc y est d'indice $n$. Le sous-corps fixé par ce sous-groupe est donc une extension de $\mathbb Q$ de degré $n$. D'après le théorème de l'élément primitif, c'est le corps de rupture d'un polynôme de degré $n$ irréductible sur $\mathbb Q$.

    L'argument avec la réduction modulo $p$ se généralise à tout corps de nombres (extension finie de $\mathbb Q$) et tout corps $p$-adique (extension finie de $\mathbb Q_p$, et pour celles-ci Eisenstein suffit) mais je ne sais pas répondre en général à la question suivante :

    Soit $K$ un corps tel que $\overline K/K$ soit infinie. Existe-t-il des polynômes irréductibles sur $K$ de tout degré ?

    Je crois que quelqu'un avait posé la question il y a quelques mois sur le forum, mais n'avait pas obtenu de réponse.
  • Il y a bien la question de Christophe: http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?16,1008195,1963472#msg-1963472

    Mais ce n'est pas exactement cette question (on demande simplement si on a un nombre infini de degrés possibles).

    Question très naïve: si on prend les nombres constructibles (i.e la clôture quadratique de $\mathbb{Q}$), on a pas, par définition, pas de polynômes irréductibles de degré $2$?
  • Je ne sais pas si ça a été dit, mais une CNS connue d'irréductibilité dans $\mathbb{F}_p[X]$ est donnée par l'équivalence suivante.

    Soit $p$ premier et $P \in \mathbb{F}_p[X]$ de degré $n$. Alors
    $$P \ \textrm{irréductible dans} \ \mathbb{F}_p[X] \Longleftrightarrow \begin{cases} P \mid X^{p^n} - X & \textrm{dans} \ \mathbb{F}_p[X] \\ \textrm{pgcd} \left( P, X^{p^{n/q}} - X \right) = 1 & \forall q \mid n \ \textrm{premier}. \end{cases}$$
  • Chat-maths : oui effectivement on peut supprimer le degré $2$.
    En fait de la même manière on peut supprimer n'importe quels degrés bornés je dirais (au-delà, il restera les $X^p-2$, $p$ premier plus haut que le degré fixé qui sont irréductibles j'ai l'impression; ah en fait je ne suis pas sûr mais intuitivement c'est raisonnable ?) - mais j'ai pas écrit les détails.

    On pourrait reformuler la question de Poirot: sous les mêmes hypothèses existe-t-il des polynômes irréductibles de tout degré $\geq n$ pour au moins un $n$ ?

    J'ai envie de croire que la réponse est non, en faisant une construction idiote (résoudre tous les polynômes de degré $p_n$ pour une certaine suite $(p_n)$ non bornée, qui est assez petite en "densité" pour que ça n'implique pas de résoudre tous les polynômes et donc de finir sur la clôture algébrique de $\mathbb Q$ ? je ne sais pas si ça peut marcher)
  • noix de totos : Poirot avait mentionné un résultat moins précis que toi au moment de raconter son truc sur le TNP ici.
  • Ah ! Soit $(p_n)$ une suite croissante non bornée de nombres premiers, qui ne les contient pas tous. Je suppose que $p_1 = 2$ (c'est pour être sûr d'avoir un $i$ et ne pas me casser la tête)

    Soit $K$ l'extension algébrique de $\mathbb Q$ construite comme suit : je rajoute une racine à chaque polynôme irréductible de degré $p_n, n\in\mathbb N$, j'obtiens $K_1$, puis je réitère, j'obtiens $K_2$, puis je réitère etc. et je prends l'union (je devrais être plus précis. $K_{n+1}$ est une union dénombrable d'extensions du type $K_{n,m+1}=K_{n,m}(x)/K_{n,m}$ où $x$ est racine d'un polynôme irréductible de degré $p_k$ pour un certain $k$ - je fais une liste de tous ces polynômes et à chaque étape, je rajoute une racine si le polynôme est resté irréductible, et non sinon). J'obtiens un corps $K:=\bigcup_{n\in\mathbb N}K_n$.

    Déjà $K$ n'a pas de polynômes irréductibles de degré $p_n$ (il apparaît dans un des $K_n$, et donc on lui rajoute une racine ou bien il perd son irréductibilité, absurde), pour aucun $n$. Donc pour $K$, la réponse à ma question modifiée de Poirot est négative.

    Reste à voir si $K$ est algébriquement clos. Je prétends que non. Soit $p$ premier n'apparaissant pas dans la liste $\{p_n, n\in \mathbb N\}$. Je prétends qu'alors $X^p-2$ n'a pas de racine dans $K$. En effet supposons que $x\in K$ soit une telle racine. Alors par construction, $x$ apparaît dans une des extensions successives, disons $K_n$.
    Il me suffit donc de prouver par récurrence sur $K_n$ que $x$ n'y apparaît pas.
    Pour $K_0 :=\mathbb Q$, c'est clair.
    Supposons que c'est vrai au rang $n$ et supposons $x\in K_{n+1}$. Alors pareil, $x$ apparaît après qu'on a rajouté un certain nombre de racines de polynômes irréductibles de degrés $p_{i_1},...,p_{i_k}$. Donc $K_n(x) /K_n$ est une sous-extension d'une tour d'extensions de degrés premiers à $p$. C'est absurde par multiplicativité des degrés.

    Donc $x\notin K_{n+1}$.

    On conclut ainsi.

    Je raconte peut-être n'importe quoi (il est tard, et j'ai pas écrit tous les détails), mais ça a pas l'air fou. Au début d'ailleurs j'avais mal écrit la construction de $K_{n+1}$ à partir de $K_n$ : c'est important de ne pas rajouter de racines aux polynômes qui deviennent réductibles au fur et à mesure, sinon la sur-extension de $K_n(x)/K_n$ peut ne pas être de la forme souhaitée.

    On verra au réveil si je divague ou pas.
  • à Homo Topi : oui ! J'avoue avoir eu la flemme de tout lire...Sorry !
  • @Max : ça m'a l'air de fonctionner. Bien joué, notamment le fait de ne pas ajouter bêtement les racines de polynômes qui ne sont plus irréductibles pour faire jouer la multiplicativité des degrés. (tu)
  • Pour ceux que ça intéresse, j'ai rajouté un petit paragraphe à la fin de mon gros message pour parler du théorème des nombres premiers classique.
  • Bonjour,

    Tu pourrais nous mettre tout ça dans un pdf, Poirot ? Je sais, c'est du boulot.

    Cordialement,

    Rescassol
  • Je peux faire ça, mais sans mise en page car je n'ai pas beaucoup de temps à consacrer à ça ces temps-ci !
  • Poirot : merci de confirmer (tu) je suis d'accord que même après m'être réveillé (bon, il est re-tard) ça me semble tenir la route.
  • J'ai compilé un petit pdf contenant mes deux posts sur le théorème des polynômes premiers et le théorème des nombres premiers comme l'avait demandé Rescassol.
  • Bonjour,

    Merci, Poirot.

    Cordialement,

    Rescassol
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