Mort aux déterminants

Bonjour,

Ci-joint un article de Sheldon Axler ; je ne suis, hélas, pas assez calé pour valider ou invalider la thèse de l'auteur.

Cela intéressera peut-être des pros de l'algèbre linéaire.

A+
Arcsinus arcsinum fricat.

Réponses

  • Le déterminant devient tout de suite naturel quand on le voit comme $\bigwedge^n u : \bigwedge^n R^n \to \bigwedge^n R^n$ pour $u: R^n\to R^n$.

    Les formules de calcul basiques (multiplicativité, développement en lignes/colonnes, formule explicite avec $\mathfrak S_n$,...) en découlent très facilement, et on peut même avoir sans trop se casser la tête des formules un peu plus avancées (formule de Cauchy-Binet par exemple); ainsi que des propriétés de "naturalité" (le déterminant d'une matrice à valeurs dans un sous-anneau est dans ledit sous-anneau, plus généralement le déterminant est compatible avec les morphismes d'anneaux commutatifs etc. )

    Donc le point de départ de l'article ("c'est pas naturel", "il y a pas d'interprétation", etc. ) est faux à mon sens.
    Cela dit, l'un des messages de l'article, à savoir quelque chose comme "on utilise souvent le déterminant alors qu'il est loin d'être nécessaire; et il y a souvent de 'meilleures' manières de voir, au sens où on comprend mieux ce qu'il se passe sans déterminant", n'est pas dénué de vérité, et mérite d'être dit.
    (après, beaucoup des résultats qu'il mentionne sont le plus souvent énoncés et prouvés sans déterminant donc je suis un peu perplexe à ce sujet :-S
    d'ailleurs, je n'aime pas sa définition de déterminant comme "produit des valeurs propres", parce que ça obscurcit la généralité de cette notion, en particulier je ne sais pas - mais peut-être ne m'y connais-je pas assez - s'il y a un moyen quelconque de rendre cette définition valable sur un anneau commutatif quelconque)
  • Ce n'est pas la première fois que je vois ce sujet de discussion sur le forum. Voilà ce que j'ai à en dire :

    1) Quand j'étais étudiant, le déterminant était une des notions qui me dérangeait le plus, parce que sa définition est complètement "parachutée". Quand on est en L1, et qu'on commence seulement à intégrer que l'algèbre linéaire c'est un truc avec des combinaisons linéaires partout, la définition "polynomiale" du déterminant sort vraiment de nulle part (elle ne se connecte à rien de ce qu'on a déjà vu à ce moment-là), et la définition "l'espace des formes multilinéaires alternées est de dimension $1$"... ben, elle sort aussi un peu de nulle part, on découvre à peine l'algèbre unilinéaire et là on fait artificiellement un immense bond en avant dans la théorie juste pour "débloquer" cette notion de déterminant. Le déterminant sort de nulle part, mais c'est un outil de calcul, donc facile à utiliser, et on peut montrer que tout ce qui a besoin de marcher avec le déterminant marche effectivement. Même si, encore une fois, en L1 les preuves des propriétés du déterminant sont très difficiles à comprendre. Comme l'a dit Maxtimax, le déterminant apparaît assez naturellement en algèbre multilinéaire quand on s'amuse avec les algèbres extérieures (lien pour les néophytes qui lisent ce fil), mais personne ne fait ça en L1.

    2) Le déterminant permet de démontrer une tonne de choses rapidement, par des calculs abstraits (racines de polynômes). Mais du coup, ben, c'est calculatoire, et pas visuel, pas géométrique*. C'est probablement pour ça que l'auteur de l'article estime que c'est "moins intuitif"... et je suis plutôt d'accord sur ce point-là.

    3) Deux preuves valent mieux qu'une, donc si l'auteur de l'article arrive à démontrer plein de choses, qui sont le plus souvent bazardées à coups de calculs de déterminants, SANS déterminants, ben, tant mieux, autant voir les deux preuves. Dans un cours, autant commencer par la preuve la plus simple d'un point de vue "outils théoriques nécessaires" (donc sans déterminants) puis redémontrer les choses à coups de déterminants plus tard pour montrer que ça marche et pour s'exercer sur le nouvel outil.

    *en L1, je pense qu'aucun étudiant n'a une "idée géométrique" de la tronche de l'ensemble des racines d'un polynôme à coefficients complexes. C'est un truc auquel moi, je m'habitue doucement, mais ce n'est pas comme si j'y voyais très clair. Je pense que c'est difficile de faire un lien géométriquement évident entre les axes sur lesquels une application linéaire agit comme une homothétie, et les zéros d'un polynôme dans le plan complexe. Cela dit, si quelqu'un peut me montrer comment établir naturellement un lien visuel entre les deux, ça m'intéresse.
  • Bonjour,
    Homo Topi a écrit:
    Quand on est en L1, et qu'on commence seulement à intégrer que l'algèbre linéaire c'est un truc avec des combinaisons linéaires partout, la définition "polynomiale" du déterminant sort vraiment de nulle part

    Je suis assez d'accord.
    Homo Topi a écrit:
    le déterminant apparaît assez naturellement en algèbre multilinéaire quand on s'amuse avec les algèbres extérieures [...], mais personne ne fait ça en L1.

    Encore heureux. Ce serait trop abstrait à mon avis.
  • C'est vrai que la notion de volume est Ô combien peu naturelle. :-D

    Le déterminant d'une famille de vecteurs, c'est le volume du parallelotope qu'elles supportent, affectés d'un signe en fonction de l'orientation de la famille par rapport à une base choisie à l'avance.
    Le determinant d'un endormorphisme c'est l'effet de l'action de cet endomorphisme sur le volume en question.
    On comprend aisément qu'un endomorphisme qui "aplatit" un paralleleotope formé par une base (i.e qui lui donne un volume nul), envoie l'un des vecteurs sur une combinaison des autres.

    Il me semble que c'est en troisième que l'on voit que le volume est n-linéaire (avec n=2 ou 3 bien entendu) i.e si l'on multiplie les longueurs d'un parallelotope par $(a_1,...,a_p)$ alors le volume est multiplié par $a_1...a_p$, l'additivité est peut être le moins intuitif et nécessite un dessin, finalement c'est la même idée que le calcul de l'aire d'un parallélogramme.

    A partir de la et à partir du moment où on décide de parler de volume orienté, la notion de déterminant devient quand même assez "brûlante" à introduire.

    Avec au passage une jolie intuition de pourquoi le théorème de changement de variable dans une intégrale multiple fait apparaître le jacobien, qui agit comme un "multiplicateur de volume infinitésimal", et qui explique le lien avec les "volumes élémentaires" du type, $rd\theta r\sin(\theta)d\phi dr$ que l'on voit et manipule en physique.

    Et de là, avec d'autres choses plus sophistiques (par exemple t le lien entre déterminant et covolume d'un réseau).

    Ce serait dommage de s'en priver, non?
  • Ce que j'ai voulu dire, c'est que les histoires d'algèbre extérieure (moi j'ai vu ça en M1 dans un cours spécialisé prévu pour un M2 recherche), je ne pense pas que beaucoup de gens voient ça en Licence, et même si, ça serait dans un cours très poussé de L3... dans tous les cas, c'est beaucoup trop tard pour introduire les déterminants si on veut que les étudiants sachent faire des trucs avec des déterminants, typiquement, vérifier la résolubilité de systèmes linéaires ou faire de la réduction d'endomorphisme AVANT d'être en thèse de doctorat. Donc... soit on parachute la définition polynomiale, et c'est nul, soit on ne la parachute pas, on fait tout sans, mais dans ce cas les étudiants ne connaissent pas le déterminant du tout. Et vu que c'est quand même bien pratique (je me souviens de 2-3 résultats de topologie sur $\mathcal{M}_n(\mathbb{R})$ et $GL_n(\mathbb{R})$ en géo diff par exemple), ben, il faut faire un choix, malheureusement.
  • http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?3,1995582,1995838#msg-1995838
    Oui. Il vaut mieux introduire le déterminant par "parachutage" en L1 que d'attendre trop tard. Et puis, c'est normal que la découverte de nouvelles notions ne soit pas facile au début et demande de s'acclimater.
  • NoName : moi j'aime pas cette définition pour essentiellement deux raisons :

    1- ça marche bien pour $\mathbb R$, éventuellement $\mathbb C$, mais quid de $\mathbb F_p$ ? Alors il y a peut-être des notions de volume là aussi, mais les introduire en L1 (si c'est bien ça le débat...) euh...
    2-J'étais content en L1 de tout reprendre depuis les bases, c'est-à-dire de ne rien (ou en tout cas très peu) prendre pour acquis. En particulier, utiliser le volume (qui nécessite tout de même des choses non triviales - peut-être moins pour un parallélogramme tu me diras, mais quand même) pour définir le déterminant....
  • NoName : comment tu démontres, en L1 avec les outils de L1, que la formule du volume orienté d'un parallélotope est la formule polynomiale du déterminant ? Tu veux leur faire faire ça avec une récurrence, en leur montrant à peu près ce qu'il se passe en dimension 2 et 3, puis en leur proposant de généraliser ? Je te rappelle qu'il y a quand même des signatures de permutations dans la formule, je doute que ça soit si intuitif que ça en L1.

    Je ne connais aucune façon intuitive au niveau L1 pour expliquer d'où sort et comment marche le déterminant. C'est toujours assez lourd dans les bouquins.
  • Ben tu peux faire ca comme j'ai dit.

    Tu fais remarquer que la notion intuitive de volume orienté (dans $E$ un espace vectoriel réel de dimension $n$ disons) c'est un truc qui
    1) Affecte un nombre réel à un nombre $n$ de vecteurs.
    2) Doit etre $n$-linéaire vu les propriétés du volume vues dans les petites classes
    3) Doit etre alternée, pour etre une notion de volume orientée (more on that later si l'on prend $E$ orienté)

    Donc, un volume c'est une forme $n$-linéaire alternée $vol: E^n\to \R$, ca tombe bien il n'existe qu'une telle forme à un réel normalisant pres (là y a un théorème). Cela correspond à choisir un base (eventuellement orientée) et à fixer son volume à 1.

    On prouve ensuite par exemple que la formule de Lagrange (c'est bien son nom? celle qui dit que $\det(a_i)=\sum_\sigma (-1)^\sigma \prod a_{i, \sigma(i)}$ pour $(a_i)$ une famille de n vecteurs dans $\R^n$) définit une forme n-linéaire sur $\R^n$ et qu'elle donne 1 comme volume à la base standard. On va appeler celle là, le déterminant.

    Concernant l'orientation, on peut même, si l'on veut définir l’orientation au préalable, en disant qu'une fois choisie une base $e$ de $\R^n$, on obtient un unique application $s_e:[1, n]\to e$, on dit que deux bases $(e)$ et $f$ définissent la meme orientation ssi $s_f^{-1}s_e$ est une permutation positive de $[1,n]$. On fait le lien avec le déterminant, en disant que le volume est (strictement) positif ssi la famille de vecteur est positivement orienté. C'est facile de voir que $(e_i)$ est positive ssi $(e_{\tau(i)})$ ne l'est pas (pour $\tau$ une transposition) et donc on doit avoir $vol(e_1,...,e_i,...e_j,...e_n)=-vol(e_1,...,e_j,...,e_i,...,e_n)$ (sachant bien sur que l'on veut également $|vol(e_1,...e_n)|=|vol(e_{s(1)},...,e_s(n))|$ pour tout permutation $s$).
  • Techniquement, ce que tu décris est ce que je voulais dire quand je disais "l'espace des formes multilinéaires alternées est de dimension $1$". C'est comme ça qu'il introduit le déterminant dans le Gourdon, je ne connaissais que l'approche "parachutage" avant de me procurer ce bouquin. Tout ce que tu racontes, je l'ai vu en M1, justement.

    Je ne sais pas si tes points 2) et 3) sont si intuitifs que ça en L1, mais passons. Tu termines quand même en parachutant la formule polynomiale du déterminant et en disant "paf, ça marche". Je ne connais pas beaucoup d'approches compréhensibles niveau L1 qui dégagent naturellement cette formule. C'est pour ça que je parlais d'une récurrence, mais même là, faire apparaître les signatures de permutations et la formule générale rien qu'avec les cas particuliers en dimension 2/3, pour un étudiant de L1 (qui ne maîtrise pas vraiment les permutations, en général, sans parler des grosses formules avec des produits et des sommes) ça m'a quand même l'air d'être beaucoup de boulot.
  • Rien que visuellement, ce message est un argument en faveur d'Axler ! On veut trouver des vecteurs colinéaires avec leur image, et pour ça il faut ce pataquès de formes $n$-linéaires alternées, dont l'existence est aussi problématique que l'unicité, laquelle est à scalaire près (si on veut sortir de l'éther des $n$-vecteurs, i.e. trouver un nombre à la place) ?

    Après, il faut limiter la portée de ce que prône Axler à l'enseignement des débuts de l'algèbre linéaire : ce n'est manifestement pas un algébriste, en particulier il se moque des autres corps que $\R$ ou $\C$, et il ne refuse pas que

    Notez qu'on peut faire toute la réduction des endomorphismes à la Frobenius (ou Young ?), en faisant une espèce d'algorithme de Gauss avec restes pour trouver la forme normale de Smith de $A-X\mathrm{I}_n$ et obtenir tous les invariants de similitude sans parler de déterminant. Voir Les Matrices de Denis Serre ou, pour un anneau général, ce texte et les références qu'il contient.
  • Maxtimax écrivait:
    msg de Maxtimax

    Ben une fois que tu as suffisament manipuler sur $\R^n$, tu peux étendre la définition... comme on fait usuellement.

    Il ne s'agit pas d'utiliser ce qu'on a vu dans les petites classes, mais utiliser l'intuition de volume vues dans les petites classes pour motiver la définition formelle de volume: une forme n-linéaire alternée, et ensuite de travailler formellement dessus.
  • Je pense que l'approche de l'article fonctionne bien pour toutes les choses où on se permet d'aller dans une clôture algébrique du corps de base (il commence par un théorème sur $\mathbb{C}$ qui utilise uniquement le caractère algébriquement clos), mais dès qu'on veut généraliser à des matrices sur un anneau quelconque (cf le Perrin qui fait la majorité de son cours comme ça) ça risque de devenir tout aussi lourd que de définir "en détail" le déterminant en L1 comme on en discute depuis avant.
  • NoName : ah effectivement, vu comme motivation je peux être d'accord. Après je ne sais pas si les volumes m'auraient tant motivé que ça à l'époque :-D
    Mais je suis déjà plus d'accord.
  • Dans le cours que je fais sur les déterminants (qui n'a rien d'original)

    * en dimension 2 et 3: lien entre volume et famille libre/matrice inversible, ce qui fait apparaître naturellement le déterminant
    * propriétés du déterminant en dimension 2 et 3: en gros c'est une forme multi-linéaire antisymétrique et alternés
    * on généralise en dimension $n$ et on remarque (en caractéristique qui va bien) que antisymétrique ssi alternée
    * on calcule l'image d'un vecteur $x$ (exprimé dans une base $\mathcal B$) d'une forme $n$-linéaire alternée $f$ , ce qui fait apparaître naturellement la formule magique
    $$f(x) = f(\mathcal B) \sum_{\sigma \in \mathfrak S_n} [formule\ degueu](\mathcal B,\sigma,x)$$
    ce qui montre que l'espace des formes $n$-linéaires alternées est de dimension 1, engendré par le truc $\sum_{\sigma \in \mathfrak S_n} [formule\ degueu](\mathcal B, \sigma,\cdot)$ qu'on appelle... le déterminant dans la base $\mathcal B$ (:P)
    * on vérifie qu'on retombe bien sur le déterminant en dimension 2 et 3
    * à partir de là, grâce à la formule magique, toutes les propriétés du déterminant tombent facilement.

    Ca n'a pas l'air de larguer les élèves plus que ça.
  • Tes étudiants ont une bonne connaissance préalable des groupes symétriques ? Ce n'était pas mon cas quand j'ai découvert les déterminants, en tout cas. Du coup, dans ton calcul de $f(x)$, j'aurais pu faire apparaître UNE formule dégueu, mais je ne sais pas si j'aurais su la réécrire comme "somme sur les permutations de...".
  • Non, ils n'ont même pas vu la notion de groupe symétrique. Ce n'est pas grave, on voit apparaître naturellement les permutations de $\{1,\ldots , n\}$ et la signature apparaît naturellement comme $(-1)^r$ où $r$ est le nombre d'échange qu'on fait pour ramener $(x_{\sigma(1)},\ldots,x_{\sigma(n)})$ à $(x_1,\ldots,x_n)$ (en gros on décompose la permutation en produit de transposition sans le dire).

    De toute façon, cette formule ne sert guère en pratique, le but est d'avoir la formule magique sous la forme $f = f(\mathcal B) \det_{\mathcal B}$, avec $\det_{\mathcal B}$ $n$-alternée et tel que $\det_{\mathcal B)}(\mathcal B) = 1$. Ce qu'il y a sous le capot, on l'oublie vite.
  • Je suis d'accord qu'on l'oublie vite, mais, j'aime bien expliquer les choses de façon constructive tant que c'est possible. Dans ma conception des choses, il faudrait que les étudiants aient un peu vu les groupes avant de commencer l'algèbre linéaire, et le fait que les permutations apparaissent naturellement ici fournit une bonne excuse pour revenir sur les groupes et parler du groupe symétrique si on ne l'a pas déjà fait avant.
  • Je me souviens que mon prof nous avait fait un chapitre "Groupe symétrique" juste avant celui sur le déterminant !
  • Quel INCROYABLE hasard ! :-D
  • Homo Topi je suis d'accord mais ce n'est pas moi qui fait les programmes de là où j'enseigne. Je pense quand même que ma présentation du déterminant évite quand même un maximum le côté parachutage et construit le déterminant.
  • Héhéhé : je préfère ne pas rentrer dans les débats "le programme". Je trouve que la plupart des programmes que j'ai regardés sont mal foutus, mais... ce n'est pas moi qui vais changer le monde. En tout cas, oui, ton approche m'a l'air plutôt sympa !
  • Pour avoir ouvert pas mal de fils ici présent sur le déterminant et investigué très très longuement (ça doit être le sujet non logique que j'ai regardé le plus longtemps), et tout en essayant de rester objectif:

    si je reconnais que cette notion est parachutée un peu brutalement (comme un peu tout ce qui est fait dans l'enseignement où un échelon suivant panique en stressant les victimes des échelons précédents), et difficile, calculatoirement parlant, elle reste l'un des plus incontestable gros joyau, et des plus grandes découvertes des mathématiques du fini.

    Pour éviter les discours philosophiques, voici un exercice que je vous recommande de faire sans utiliser le déterminant:

    Soit $E$ un ensemble (qui peut tout à fait être infini aucune limitation n'est supposée), $n$ un entier et $f$ une application de $E\times n$ dans un anneau commutatif $A$ quelconque.

    On suppose que pour toute application $s$ de $n$ dans $E$, la matrice carrée $(i,j)\mapsto f(s(i),j)$ a ses lignes liées avec des coefficients engendrant l'idéal $A$ tout entier (je crois qu'on dit "premiers entre eux globalement.

    Prouver qu'alors il existe $i\in n\mapsto c_i$, non tous nuls, tels que pour tout $e\in E: $

    $$ \sum_{i\in n} \ c_i f(e,i) = 0$$

    Des théorèmes de maths de cette nature vous n'en croiserez pas beaucoup qui, pour être prouvés, nécessite une découverte majeur et assez "cadeau du ciel".
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Je rappelle qu'avec le déterminant, une preuve est relativement accessible en procédant par exemple par contraposée; par récurrence, et en développant un certain déterminant selon lignes (ou colonnes je sais plus qui est quoi mais c'est pas important).

    Sur un corps, il y a aussi une preuve accessible sans déterminant, qui utilise qu'en dimension $n$, une suite strictement décroissante de sous-espaces vectoriels a pour taille au plus $n$ ($+$ ou $-1$ selon les conventions sur la taille de la suite, mais ça ne change rien non plus)
  • Bonjour,

    Du point de vue notation, que signifie $i\in n$ (appartenir à un entier) ?

    Cordialement,

    Rescassol
  • Je suppose que c'est le truc habituel de von Neumann : $0=\emptyset$ et $n+1=n\cup\{n\}$, autrement dit $n=\{0,\ldots,n-1\}$.
  • Oui, pardon, je confirme la réponse de GBZM. Et Merci GBZM.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Bonjour,

    J'ai rarement vu un auteur s'impliquer autant pour couvrir autant de notions issues de son livre.

    C'est une chose que d'introduire "brutalement" (comme j'ai pu le lire) le déterminant en L1, ne serait ce que pour permettre à un étudiant de L1 d'acquérir différentes techniques pour pouvoir le calculer ; c'en est une autre que de l'introduire comme le fait par exemple Bourbaki (A III.90) au moyen du diplodocus reposant sur les "algèbres extérieures", elles-mêmes reposant sur les "algèbres tensorielles" de modules.

    Cordialement,

    Thierry
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • Bourbaki fait les choses de manière formelles, certes, mais le principe est intelligent et simple, de compter "de volume 0", les $x\otimes x$ et de quotienter. (Un parallélo dont 2 côtés pas censés vivre dans la même dimension sont égaux est plat)

    C'est juste ça l'algèbre extérieure. C'est ce que les petits zenfants font quand ils déplacent un point $A$ sur une parallèle $d$ à $(BC)$ et disent "chouette, l'aire de $ABC$ ne change pas". (Bon évidemment, ils ne font plus ça en 2020, c'est leur manuel qui le leur propose :-D )
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • En parlant du Gourdon. Au premier semestre de cette année, j'ai donné un cours d'algèbre aux M2/agrégatifs de Poitiers et comme tout bon prof, j'ai parcouru quelques livres pour établir une bibliographie. C'est là que je me suis aperçu qu'il manque un argument dans le Gourdon dans son chapitre sur le déterminant. Il affirme sans démonstration que l'antisymétrisée d'une forme multilinéaire est alternée (d'ailleurs il en a besoin plus loin pour l'existence du déterminant). Or la preuve de ceci n'est pas triviale et mérite un argument.

    Dans notre équipe pédagogique, on a choisi de refaire le déterminant rigoureusement en M1 ou M2. En effet, en L1 le cours sur le déterminant n'est pas donné au matheux seuls, mais en commun avec les physiciens, chimistes, sciences de l'ingénieur. Même s'il était donné aux matheux seuls, il est hors de question de tout démontrer. Dans la plupart des cas on admet l'existence d'une fonction qui vérifie un certain cahier des charges, et on l'appelle "déterminant", et c'est très bien pour les L1 !
  • Il y a plein de choses qui ne sont pas démontrées dans le Gourdon, c'est normal ce n'est pas un livre de cours. Ça me parait difficile de lui reprocher cela... C'est clairement dit dans l'avant-propos que ce sont des rappels de cours et des compléments (ainsi que des exercices et des problèmes).
  • bonjour

    dans les concours d'entrée dans les écoles de commerce
    on a supprimé brutalement dans les années 1970
    les déterminants des programmes de math

    ce qui fait que les professeurs des classes préparatoires ont inventé des procédés tordus
    pour démontrer qu'un système de trois équations à trois inconnues x, y et z du premier degré
    comportait ou non un triplé unique de solutions en x, y et z

    alors que le critère du déterminant nul (calculé avec la méthode de Sarrus)
    permettait d'exclure simplement cette éventualité

    Edgar Faure demandait ingénument : "pourquoi faire simple lorsqu'on peut faire compliqué ?"
    certains matheux sont tombés dans le panneau

    cordialement
  • Ce que dit Jean Lismonde n'est pas vrai. Mon premier poste en classe préparatoire, c'était en prépa-HEC à la rentrée 1981, au lycée Carnot à Paris, et on traitait les déterminants, comme forme multilinéaire alternée. Ayant ensuite eu d'autres classes, je ne saurais dire quand les déterminants ont disparu de prépa-HEC, en tous cas l'excellent manuel de J.-L. Roque & alii, Ellipses, dans sa réédition de 1987, en traite encore.
    C'est une notion paraît-il « peu naturelle », comme beaucoup de notions qu'on voit en mathématiques. C'est pour ça qu'il faut des génies créateurs qui trouvent du nouveau. Avec des élèves dûment sélectionnés, dotés de capacités d'intelligence et de travail, on y arrive. Les autres n'ont qu'à faire autre chose.
    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
  • Si $A$ est un anneau commutatif (mettez un corps si ça vous émeut, ça ne change strictement rien en fait), $n$ un entier, $E$ un $A$-module libre de type fini dont on notera $e_1,...,e_n$ une base, $F$ un $A$-module et $f:(A^n)^n \to E$ une application $n$-linéaire alternée, alors par manipulation de la seule définition de forme linéaire alternée, on montre que pour tous $(x_{p,q})_{1\leq p,q \leq n} \in (A^n)^n$, on a l'égalité $$f\left( \left (\sum_{j=1}^n x_{i,j} e_j\right)_{1\leq j \leq n}\right) = \left ( \sum_{\sigma \in \mathfrak S_n} \varepsilon(\sigma) \prod_{i=1}^n x_{i,\sigma(i)} \right ) f(e_1,e_2,...,e_n) \tag{1}$$ et donc $f$ ne dépend que de la valeur qu'elle prend sur $(e_1,...,e_n)$. D'autre part, pour tout $v\in F$, l'application $\left (\sum_{j=1}^n x_{i,j} e_j\right) \mapsto \left ( \sum_{\sigma \in \mathfrak S_n} \varepsilon(\sigma) \prod_{i=1}^n x_{i,\sigma(i)} \right ) v$ est $n$-linéaire (comme somme d'application $n$-linéaire) et alternée (calculs et manipulation de $\mathfrak S_n$ dont la connaissance est indispensable de toute façon).

    Ainsi le $A$-module des applications $Alt_n(E,F)$ des $n$-linéaires alternées de $E^n$ dans $F$ est isomorphe à $F$.

    Lorsque $F$ est égal à $A$, $Alt_n(A^n,A)$ est donc un module libre de dimension $1$. Si $\varphi:A^n \to A^n$ est un endomorphisme, notons l'application $D(\phi): f\in Alt_n(A^n, A) \mapsto (u_1,...,u_n) \mapsto f\left ( \varphi (u_1),...,\varphi(u_n)\right )$. $D(\varphi)$ est alors une application linéaire de $Alt_n(A^n,A)$ dans lui-même, et on a clairement pour tous $\psi, \theta \in Hom(A^n,A^n)$, $D(\psi \circ \theta) = D(\theta) \circ D(\psi)$ (*). Or puisque $Alt_n(A^n,A)$ est libre de dimension 1, les $D(\varphi)$ sont des homothéties pour tous $\varphi$.

    On appelle déterminant (et on note $\det (\varphi)$) le rapport de l'homothétie $D(\varphi)$. Compte tenu de (*), on a $\det(\psi \circ \theta)=\ det(\psi) \det (\theta)$ pour tous $\psi,\theta\in Hom(A^n,A^n)$.

    Le reste du cours sur les déterminants se déroule mécaniquement sur la base de ces constats.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Chaurien a écrit:
    C'est une notion paraît-il « peu naturelle », comme beaucoup de notions qu'on voit en mathématiques.
    Les caractères "peu naturels" des notions mathématiques sont les prophéties autoréalisatrices des faiseurs de programmes (qui enlèvent les concepts un par un, faisant du reste des cursus des listes de notions plus en plus incompréhensibles).
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Bonjour,

    C'est effectivement comme ça que je l'avais vu en C3-Algèbre et Géométrie (en maîtrise, M1 aujourd'hui).

    Cordialement,

    Rescassol
  • Il y a un très jolie preuve, qui utilise d'une manière assez peu courante les variables liées, du coup on est vraiment au coeur des problématiques enseignementales du premier cycle, qui caractérise les familles liées dans $A^n$.

    Cette preuve m'avait été communiquée par la bande dSP, Ritchie, afk, Clairon à l'époque où le déterminant était un extra-terrestre pour moi.

    Au pifomètre, l'énoncé est qu'une famille $u$ est liée ssi il existe $a$ tel que pour toute forme alternée $f$:

    $$ af(u_1,..,u_n) = 0 $$

    Je ne crois pas qu'on soit "complet" dans sa formation scientifique sans avoir un jour croisé cette preuve "originale". Je la laisse en exercice, mais l'idée est de la rédiger extrêmement soigneusement pour sentir passer dans vos veines le traitement spécial et inhabituel des variables liées dans cette histoire. J'espère ne pas me tromper, ceci dit. Je n'ai pas exploré cette contrée des mois durant :-D

    Remarque: comme toute forme alternée est multiple du déterminant ça carétérise les matrices injectives $M$ par le fait que $x\mapsto ax$ est injective dans l'anneau avec $a:=det(M)$. Là encore, jolie "réflexion" (au sens "se réfléter") d'un gros anneau non commutatif dans sa toute petite ombre commutative.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Maintenant, je ne suis pas contre la méthode du pivot, au contraire je pense que c'est une bonne introduction pour un cours d'Algèbre linéaire. Jean Lismonde évoque avec nostalgie la résolution des systèmes d'équations linéaires par déterminants, mais il devrait savoir que cette résolution était fantasmée car le calcul effectif d'un déterminant par les méthodes qu'on donnait prend un temps énorme dès que la taille est un peu grande. La méthode du pivot est bien meilleure, sauf pour la dimension 2, où il est indispensable d'apprendre par cœur la solution par déterminants, qui ne demande pas la théorie générale. Je le traitais avec ma classe de Troisième à Noisy-le-Sec (93) à mes débuts, en un lycée qui ne s'appelait pas encore Olympe de Gouges.
    La méthode du pivot n'est pas un simple expédient numérique, elle a un vrai intérêt théorique, mais ceci ne s'oppose pas du tout à l'étude des déterminants.
    Je m'étais posé la question suivante. Une matrice carrée inversible $A$ peut être transformée en une matrice $Diag (1,1,...,1,\delta)$ par une suite finie d'opérations élémentaires sur les lignes $L_i \leftarrow L_i+ \lambda L_j$, $i \neq j$. On retrouve la génération du groupe spécial linéaire par les transvections : vous voyez que le pivot ce n'est pas du pipeau ;-). Il y a plus : si l'on trouvait une démonstration a priori du fait que le scalaire $\delta$ est indépendant de la suite de ces opérations élémentaires, alors on aurait une définition du déterminant qui ne nécessiterait pas les formes multilinéaires alternées. Mais je doute qu'une telle démonstration existe.
    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
  • si l'on trouvait une démonstration a priori du fait que le scalaire $\delta$ est indépendant de la suite de ces opérations élémentaires

    Une "démonstration" peut-être pas, mais cette non dépendance est quand le fait que $\delta$ est le volume. Or en dimension 2, c'est une activité d'éveil à 10ans et "on voit" ce qu'il se passe, on prend une scie, on découpe et recolle le paralléloTruc pour un faire un paralléloTruc rectangle
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • On n'a qu'une vie (en fait, non mais peu importe), et vu le sujet et l'âge moyen des participants, je donne la preuve du critère de liaison, je m'en veux de l'avoir laissé à la devinette.

    Le seul point "difficile" est de prouver que si pour toute $f$, $af(u) = 0$ alors $u$ est liée. Vous allez voir que la beauté de ce passage est assez inédite. (On suppose $u=(u_1,..,u_7)$)

    1/ On peut supposer que quelque item qu'on retire à $u$, ça en fait une famille libre.

    2/ Il existe donc une $6$-alternée $g$ telle que $ag(u_1,u_2,..,u_6)\neq 0$.

    3/ C'est là qu'intervient un ingrédient de ouf de chez ouf: pour tout $x$, posons

    $$ f(x):= g(x_2,..,x_6)x_1 - g(x_1,x_3,..)x_2 + .. - .. + .. - ..$$

    4/ Alors $f$ est une application linéaire alternée (à justifier le alternée). Attention, son image n'est pas l'anneau de base, on ne peut pas directement la considérer comme une forme alternée.

    5/ On sait que pour toute forme linéaire $h$,

    $$ ah(f(u)):= ah(g(u_2,..,u_7)u_1 - g(u_1,u_3,..)u_2 + .. - .. + .. - ..) = 0$$

    6/ Ce qui entraîne moyennant une hypothèse très faible*** sur l'anneau que $af(u)=0$ ce qui lie $u$ (son coefficient devant $u_7$ n'est pas nul.

    *** qu'un vecteur annulé par toute forme est nul.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • C'est sympa Foys de raconter exactement ce que j'avais dit (:P)
  • RE

    Ne pourrait-on pas définir un déterminant de degré $2$ de la façon suivante ?
    Etant donnés quatre nombres $a, b, c, d$ pris dans cet ordre, leur déterminant est l'expression $ad - bc$, laquelle indique si les quatre nombres forment ou non une proportion, donc indique s'il existe ou non un réel $\lambda$ tel que $a = \lambda b, c = \lambda d$.
    Exemples d'application : colinéarité de deux vecteurs du plan, système linéaire de deux équations à deux inconnues, concours de deux droites du plan, etc.
    On établit facilement les propriétés fondamentales du déterminant : nul si deux rangées égales ou proportionnelles, etc. etc.

    On passe ensuite au degré $3$ ?
    Etant donnés neuf nombres $a, b, c, a', b', c', a'', b'', c''$ pris dans cet ordre, par analogie avec le degré $2$ le déterminant de ces neuf nombres est une expression indiquant s'il existe ou non deux réels $\lambda, \mu$ tel que $a = \lambda b + \mu c, a' = \lambda b' + \mu c', a'' = \lambda b'' + \mu c''$.
    En éliminant $\lambda, \mu$ entre les trois relations précédentes, on obtient que le déterminant doit être
    $ab'c'' + a'b''c + a''bc' - a''b'c - ab''c' - a'bc''$.
    Exemples d'application : coplanéarité de trois vecteurs de l'espace, etc.

    Ensuite
    On montre que le déterminant de degré $3$ est la combinaison de trois déterminants de degré $2$, ce qui fournit l'amorce d'une définition par récurrence pour un déterminant de degré quelconque.
    En adoptant une notation à indices pour les éléments du déterminant, on tombera assez vite sur le groupe symétrique, etc.

    A+
    Arcsinus arcsinum fricat.
  • Non, on ne peut pas parce que c'est faux, dès le degré deux. Contre-exemple au test : $\begin{vmatrix}1&0\\7&0\end{vmatrix}=0$ mais il n'existe pas de $\lambda$ tel que $a=\lambda b$ et $c=\lambda d$.
  • RE

    On doit pouvoir adapter la définition pour prendre en compte les valeurs nulles.

    A+
    Arcsinus arcsinum fricat.
  • Bien sûr : $ad-bc=0$ si et seulement s'il existe $\lambda$ et $\mu$ qui ne sont pas tous deux nuls tels que $\mu a=\lambda b$ et $\mu c=\lambda d$.
  • Il y a doute depuis longtemps sur le substantif qui désigne la qualité d'être coplanaires :
    http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?8,313250,313335
    Moi ma préférence va vers la coplanarité, même si le correcteur d'orthographe du forum ne connaît pas ce mot..
    Ce qui est certain c'est que ce n'est pas la coplanairitude (:D.
    Bonne après-midi.
    Fr. Ch.
  • Héhéhé a écrit:
    C'est sympa Foys de raconter exactement ce que j'avais dit spinning smiley sticking its tongue out
    Jlavais pas vu :D
    Et puis j'ai mis la formule dégueu en entier (tu)
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
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