Un groupe d'extensions $p$-adique

$\newcommand{\F}{\mathbf F}$
Bonjour,

Je cherche à comprendre un peu $\mathrm{Ext}^1_\Z(\Q_p, \Z_p)$. J'ai pas besoin de beaucoup de choses, mais simplement j'aimerais comprendre sa taille en tant que $\Q_p$-module.

En fait ma motivation est que j'essaie de comprendre un énoncé donné sans preuve qui me semble suspect : je prends un espace $X$ dont la cohomologie à coefficients dans $\F_p$ est de dimension finie : chaque $H^i$ est de dimension finie et nul pour $i>>0$.
Alors, il parait que $H^*(X;\Z_p)\otimes \Q$ est aussi de dimension finie, sur $\Q_p$ cette fois-ci.

Je me souviens qu'on m'avait dit que ça utilisait Nakayama, mais je suis pas sûr de comment faire vu que le "gros" module n'a aucune raison d'être de type fini sur $\Z_p$.
En particulier, je me suis dit que si je prenais $X$ un "espace de Moore" bien choisi, ça marcherait pas. Donc par exemple si je prends $X$ un espace dont l'homologie (entière) vaut $\bigoplus_i \Q_p$ (en degré $2$ disons), $i$ variant dans un ensemble infini, alors son homologie à coefficients dans $\F_p$ est nulle (c'est juste le produit tensoriel parce que $\Q_p$ est plat, et ensuite $\Q_p\otimes_\Z\F_p = 0$)

On en déduit que la cohomologie sur $\F_p$ est aussi nulle par coefficients universels (sur $\F_p$), donc en particulier de dimension finie.
Si on regarde maintenant la cohomologie à coefficients dans $\Z_p$, on se retrouve par coefficients universels face à une suite exacte
$$0\to \mathrm{Ext}^1_\Z(H_{*-1}(X), \Z_p)\to H^*(X;\Z_p)\to \hom(H_*(X),\Z_p) \to 0$$

Le terme de droite est nul sauf en $*=0$ parce que $\hom(\Q_p,\Z_p) = 0$, et donc il me reste à voir le terme de gauche, en degré $*=3$ : je suis donc face à un truc du type $\mathrm{Ext}^1_\Z(\Q_p,\Z_p)$, et c'est lui que j'aimerais comprendre.

Si mon intuition à son sujet est pas trop mauvaise, ça devrait contredire le résultat en question, et ça m'ennuierait bien mais au moins je serais fixé.

Déjà ce machin devrait être un $\Q_p$-module, et j'imagine qu'il est non nul, ce qui suffirait en fait.
Si lui n'est pas facile à étudier, une construction similaire devrait me ramener à l'étude de $\mathrm{Ext}^1_{\Z_p}(\Q_p,\Z_p)$. Je ne sais pas dans quelle mesure il est différent du précédent (j'imagine au moins un peu); mais en tout cas si c'est plus simple je veux bien des infos là dessus aussi.

Je ne m'y connais pas vraiment en techniques $p$-adiques, du coup je ne sais pas trop quoi faire :-D

Réponses

  • Si je ne raconte pas de bêtise on a $Ext^1_{\mathbb{Z}_p}(\mathbb{Q}_p,\mathbb{Z}_p)=0$. En effet, pour tout $\mathbb{Z}_p$-module $M$ le groupe $Hom_{\mathbb{Z}_p}(\mathbb{Q}_p,M)$ est isomorphe à la colimite du diagramme $\ldots\to M\to M$ où les flèches sont les multiplications par $p$ (car il suffit de spécifier les images de $1, p^{-1}, p^{-2},\ldots$). En particulier, on a $Hom_{\mathbb{Z}_p}(\mathbb{Q}_p,\mathbb{Q}_p)\simeq\mathbb{Q}_p$ (chaque élément de $\mathbb{Q}_p$ admet un unique inverse pour la multiplication par $p^n$ pour tout $n$) et $Hom_{\mathbb{Z}_p}(\mathbb{Q}_p,\mathbb{Q}_p/\mathbb{Z}_p)$ est isomorphe à la colimite des $\mathbb{Q}_p/p^n\mathbb{Z}_p$ qui est encore $\mathbb{Q}_p$ (car ce dernier est complet). Maintenant, la suite exacte longue associée à $0\to \mathbb{Z}_p\to \mathbb{Q}_p\to \mathbb{Q}_p/\mathbb{Z}_p\to 0$ donne $0\to \mathbb{Q}_p\to \mathbb{Q}_p\to Ext^1_{\mathbb{Z}_p}(\mathbb{Q}_p,\mathbb{Z}_p)\to Ext^1_{\mathbb{Z}_p}(\mathbb{Q}_p,\mathbb{Q}_p)=0$ (la dernière égalité car $\mathbb{Q}_p$ est un $\mathbb{Z}_p$-module injectif). D'où $Ext^1_{\mathbb{Z}_p}(\mathbb{Q}_p,\mathbb{Z}_p)=0$.
  • Pea: en principe c'est la limite, pas la colimite : il faut que les images en question soient cohérentes entre elles. Mais je pense que c'est juste une coquille, vu la suite de ce que tu écris.
    Je suis ok pour $\hom_{\Z_p}(\Q_p,\Q_p)$, et pour $\hom_{\Z_p}(\Q_p, \Q_p/\Z_p)$ aussi, en modifiant encore "colimite" en "limite".
    Je n'avais pas pensé à la complétude, qui fait la différence avec $\hom(\Q,\Q/\Z)$ !

    Pour la conclusion il y a un mot de plus à dire, mais je crois que c'est bon (il faut dire un mot sur la flèche $\Q_p\to \Q_p$ obtenue, mais cette dernière n'est autre que $x\mapsto ax$ pour un certain $a$, et par exactitude, et car $\Q_p \neq 0$, ce $a$ est forcément inversible. Donc on a bien ce que tu dis. Merci !

    Bon du coup il faudrait se concentrer sur $\mathrm{Ext}^1_\Z(\Q_p,\Z_p)$
    (j'essaie de voir ce qui ne s'adapte pas dans ton argument à ce cas-ci - il s'agit des calculs de $\hom$'s si je ne m'abuse : $\hom(\Q_p,\Q_p)$ est beaucoup plus gros sur $\Z$, puisque $\Q_p$ est un $\Q$-espace vectoriel de dimension indénombrable, et ensuite je pense que $\hom_\Z(\Q_p,\Q_p/\Z_p)$ est beaucoup plus gros aussi)
  • D'ailleurs par le même argument je crois qu'on obtient aussi $Ext^1_{\mathbb{Z}}(\mathbb{Q}_p,\mathbb{Z}_p)=0$. On a toujours $Hom_{\mathbb{Z}}(\mathbb{Q}_p,\mathbb{Z}_p)=0$ et $Ext^1_{\mathbb{Z}}(\mathbb{Q}_p,\mathbb{Q}_p)=0$ d'où la suite exacte $0\to Hom_{\mathbb{Z}}(\mathbb{Q}_p,\mathbb{Q}_p)\to Hom_{\mathbb{Z}}(\mathbb{Q}_p,\mathbb{Q}_p/\mathbb{Z}_p)\to Ext^1_{\mathbb{Z}}(\mathbb{Q}_p,\mathbb{Z}_p)\to 0$. Il suffit donc de montrer que $Hom_{\mathbb{Z}}(\mathbb{Q}_p,\mathbb{Q}_p)\to Hom_{\mathbb{Z}}(\mathbb{Q}_p,\mathbb{Q}_p/\mathbb{Z}_p)$ est un isomorphisme. Comme $\mathbb{Q}_p$ est une somme directe de copies de $\mathbb{Q}$, on est ramené à montrer que $Hom_{\mathbb{Z}}(\mathbb{Q},\mathbb{Q}_p)\to Hom_{\mathbb{Z}}(\mathbb{Q},\mathbb{Q}_p/\mathbb{Z}_p)$ est un isomorphisme. Or, on a cette fois $Hom_{\mathbb{Z}}(\mathbb{Q},\mathbb{Q}_p)=\mathbb{Q}_p$ et $Hom_{\mathbb{Z}}(\mathbb{Q},\mathbb{Q}_p/\mathbb{Z}_p)=\varprojlim_{n} \mathbb{Q}_p/p^n\mathbb{Z}_p=\mathbb{Q}_p$ (à nouveau car $\mathbb{Q}_p$ est complet).
  • Oui tu as raison pour colimite, je m'embrouille toujours entre les deux (ou alors j'utilise l'ancienne terminologie limite projective/inductive).
  • Pea : aah bien vu, tu réponds pile en même temps que moi, mais toi avec la réponse :-D
    Tu as tout à fait raison, j'ai l'impression ! Merci !!
  • Bon cette affaire me surprenait quand même un petit peu, et j'ai résolu une partie de ma perplexité, donc je dis quelques mots pour d'autres personnes éventuellement intéressées.

    En effet je me souvenais avoir vu qu'un espace dont la cohomologie est nulle a aussi une homologie nulle - et je ne me souvenais plus de la preuve, donc en particulier je n'étais pas sûr de pourquoi ça ne marchait pas pour homologie/cohomologie à coefficients dans $\Z_p$.
    J'ai réussi à retomber sur la preuve (voir ici par exemple) et en fait justement la grosse différence c'est que $\mathrm{Ext}^1_{\Z_p}(\Q_p,\Z_p) = 0$, alors que $\mathrm{Ext}^1_\Z(\Q,\Z)\neq 0$, donc c'est vraiment la complétude de $\Q_p$ qui joue.
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