Groupes libres...

Bonsoir tout le monde,

Joseph Rotman écrit ceci dans son livre intitulé "Advanced Modern Algebra", troisième édition, deuxième partie, page 93, comme étant un résultat trivial :

Tout groupe libre de présentation $(X,\,R)$, où $X$ est fini, est de présentation finie[, i.e. est telle que $R$ est également fini].

Pourquoi ? Peut-on me proposer une démonstration, s'il vous plait ?

Bien cordialement,

Thierry

PS : peut-être suis-je stupide.
Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).

Réponses

  • Je viens de vérifier, la phrase exacte est "Of course, every finitely generated free group is finitely presented".

    Rotman ne veut-il pas simplement dire que si $G$ est libre et finiment engendré, alors $(G , \varnothing)$ est une présentation finie de $G$ (enfin plutôt, $(X, \varnothing)$ où $X$ est une base finie de $G$)?

    Reste à voir si tout groupe libre finiment généré est de rang fini. Disons que $G$ est un quotient libre d'un groupe libre $F(X)$ où $X$ est fini. Le groupe abélianisé $G/G'$ est abélien libre, de rang le rang de $G$ (lemme C-1.123). On a une surjection $F(X) \to G \to G/G'$ (composé de deux surjections). Donc $G/G'$ est abélien libre et de type fini car finiment engendré. C'est gagné.
  • Chat-maths : il y a plus simple pour ton dernier paragraphe : si $X$ est fini et engendre $G$ et $Y$ engendre librement $G$, alors tous les éléments de $X$ s'écrivent avec un nombre fini d'éléments de $Y$, donc un nombre fini d'éléments de $Y$ engendrent $G$. Par liberté, c'est que $Y$ est fini.

    Thierry : Le résultat que tu écris est vrai, plus précisément, $R$ est finiment engendré. C'est analogue au cas des modules sur un anneau : si $M$ est un $R$-module de présentation finie, et $f:R^n\to M$ est une surjection ($n$ fini), alors $\ker(f)$ est de type fini.

    La preuve que je connais utilise (on peut l'écrire sans évidemment, mais c'est de là que ça vient) une caractérisation catégorique des groupes (resp. $R$-modules, resp. n'importe quoi d'algébrique) de présentation finie.

    Théorème : Soit $G$ un groupe. Alors $G$ est de présentation finie si et seulement si $\hom(G,-)$ commute aux colimites filtrées; c'est-à-dire que pour tout système filtrant $(X_i)_{i\in I}$ de groupes, la flèche canonique $\mathrm{colim}_i \hom(G,X_i)\to \hom(G,\mathrm{colim}_i X_i)$ est un isomorphisme.

    Preuve : Dans un sens, si $G$ est de présentation finie, c'est très simple : si $f: G\to \mathrm{colim}_i X_i$ est un morphisme, alors les générateurs de $G$ sont envoyés dans une étape finie $X_{i_0}$, et les relations sont tuées dès une étape finie $i_1\geq i_0$, donc $f$ se factorise par $X_{i_1}$, ce qui prouve la surjectivité. De même, si $f : G\to X_i$ et $g: G\to X_j$ deviennent égales dans la colimite, les générateurs de $G$ deviennent égaux dans une étape finie $X_k, k\geq i,j$, et donc $f=g$ dans le côté gauche - cela prouve l'injectivité (remarque que pour l'injectivité on n'utilise que le caractère "de type fini" de $G$).

    Réciproquement, si $\hom(G,-)$ commute aux colimites filtrées, en filtrant $G$ par ses sous-groupes de type fini, on obtient facilement que $G$ est un rétract d'un de ses sous-groupes de type fini, en particulier $G$ est de type fini.

    De plus [ NB : c'est cette astuce qui nous servira dans l'application de ce théorème ], soit $X$ un ensemble fini de générateurs de $G$ et $f : F(X)\to G$ la surjection canonique ($F(X)$ désigne le groupe libre engendré par $X$). Soit $R:= \ker(f)$, notre but est de prouver que $R$ est de type fini.
    On fait pareil : on le filtre par ses sous-groupes de type fini, et alors le système des $F(X)/\overline{N}$ (où $\overline N$ désigne le sous-groupe normal engendré par $N$) pour $N$ sous-groupe de type fini de $R$ est un système filtrant, dont la colimite n'est rien d'autre que ... $G$. En particulier si on utilise à nouveau que $\hom(G,-)$ commute aux colimites filtrées, on obtient une flèche $h : G\to F(X)/\overline N$ pour un certain $N$ telle que la composition $G\to F(X)/\overline N\to G$ est $id_G$.
    En particulier, la composition $F(X)/\overline N\to G\to F(X)/\overline N \to G$ n'est autre que le morphisme canonique.
    $F(X)/\overline N$ est de présentation finie donc vérifie la première partie du théorème, donc la composition $F(X)/\overline N\to G\to F(X)/\overline N$ et l'identité de $F(X)/\overline N$ deviennent égaux à un stade fini de la colimite: disons avec $M$ contenant $N$, on a $F(X)/\overline N\to G\to F(X)/\overline N\to F(X)/\overline M$ qui est égale à $F(X)/\overline N \to F(X)/\overline M$.

    En particulier maintenant $G\to F(X)/\overline M \to G$ est aussi $id_G$, et $F(X)/\overline M\to G\to F(X)/\overline M$ est égale à l'identité aussi (car si je précompose avec la surjection $F(X)/\overline N \to F(X)/\overline M$, j'obtiens elle-même). Donc $G\cong F(X)/\overline M$, $G$ est de présentation finie.

    Ce théorème est valable dans n'importe quelle catégorie du type "modèles dans $\mathbf{Ens}$ de $T$", où $T$ est une théorie algébrique (au sens de Lawvere par exemple, ou au sens que j'avais décrit à Homo Topi dans un autre fil), en particulier dans $R-\mathbf{Mod}$ - ça se voie à la preuve (qui peut être simplifiée sur la fin dans certains cas, par exemple dans $R-\mathbf{Mod}$ c'est plus simple de montrer qu'un rétract d'un module de présentation finie est de présentation finie).

    Maintenant on va appliquer ça à la question de Thierry : en fait c'est déjà fait dans la preuve. Regardez que pour la réciproque, je suis parti d'un ensemble quelconque de générateurs de $G$, et j'ai montré que pour un certain sous-groupe de type fini du noyau de la présentation $M$, la projection $F(X)/\overline M\to G$ était un isomorphisme. C'est bien que $\overline M$ est le noyau de $F(X)\to G$, et donc que le noyau est de type fini (en tant que sous-groupe normal !!)
  • @Max, effectivement, c'est bien plus simple. :-D Je suis un peu une quiche avec les groupes libres généraux alors j'ai tendance à sortir les bazookas et à oublier les bases (jeu de mot surprise).
  • Ouah ! Que de travail. Je vous remercie tous les deux pour votre investissement.

    @Maxtimax : que me suggères-tu comme lecture pour pouvoir comprendre ce que tu as écrit, s'il te plait ? Je veux m'y intéresser de très près.

    Merci encore ! (:D
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • Je pense qu'il suffit de savoir ce qu'est une colimite (filtrée) et un foncteur, ainsi que de savoir comment se calculent les colimites filtrées d'ensembles et de groupes.
    Pour la notion de colimite tu peux jeter un oeil à Simmons, An introduction to category theory - je pense que les exemples des groupes/ensembles y sont traités mais je ne suis plus sûr. En tout cas ce livre porte bien son nom : c'est une bonne introduction !
    Je suis certain par contre que c'est traité dans Borceux, que tu as (je crois ?) acquis. Cette histoire se trouve aussi dans Adamek-Rosicky je pense.

    Sinon, il y a toujours le nLab (mais attention, on s'y perd vite)
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