Différentielle de Kähler

Bonjour,
je tente à nouveau d'ouvrir un fil bien au-dessus de mon niveau et de mes capacités, par simple curiosité.

J'ai effectué quelques recherches sur les formes différentielles complexes, et je me suis alors demandé si l'on pouvait construire ce genre de structure avec des corps plus généraux. Une connaissance m'a parlé des différentielles de Kähler. Je viens de regarder l'article qui y est consacré sur wikipédia, mais je n'ai pas l'énergie nécessaire pour chercher à le comprendre. Est-ce que quelqu'un pourrait me déblayer un peu le chemin ?

ignatus.

Réponses

  • C'est un peu vague, non ? :-D Enfin c'est compliqué de t'aider sans plus de détails sur ce que tu cherches à comprendre.

    Je pense qu'un premier truc à prendre en considération c'est que dans la situation des formes de Kähler, l'anneau $R$ ne doit pas être vu comme $\mathbb C$ ou $\mathbb R$, mais comme $H(M)$ ou $C^\infty(M)$ voire $C^0(M)$ (l'anneau des fonctions holomorphes ou différentielles sur notre variété complexe ou réelle).
    (tous mes anneaux sont commutatifs unitaires)

    C'est dû par exemple au théorème de Serre-Swan qui nous dit qu'un fibré vectoriel sur notre variété c'est essentiellement pareil qu'un module projectif de type fini sur ledit anneau.

    Prenons un exemple (je me place sur $\mathbb R$ et en différentiel parce que je comprends mieux ce monde que le monde holomorphe) : si j'ai une fonction $f: M\to \mathbb R$, j'obtiens $df$, que je peux voir comme une section du fibré cotangent $T^*M\to M$.

    Ainsi, $d: C^\infty(M)\to \Gamma(T^*M,M)$. ça tombe bien, dans notre analogie entre anneaux et espaces, le fibré $E$ correspond au module des sections $\Gamma(E,M)$.

    Donc la dérivation c'est un machin $d: R\to M$ où $R$ est notre anneau, $M$ un certain module sur $R$. On va demander, non pas que ce soit $R$-linéaire (est-ce que $d$ au-dessus est $C^\infty(M)$-linéaire ?) mais que ce soit $S$-linéaire, pour une certaine base $S$ (munie donc d'un morphisme $S\to R$ - ici, $S$ correspond à $\mathbb R$ dans la situation plus haut); et que $d$ vérifie la relation de Leibniz: $d(ab) = d(a)b+ a d(b)$, exactement comme dans le cas des fonctions plus haut.

    ça te donne, pour une $S$-algèbre $R$ et un $R$-module $M$, un $R$-module $Der_S(R;M)$ de dérivations de $R$ à valeurs dans $M$.

    Pour des raisons formelles (ou pas, on peut le prouver à la main, le construire de différentes manières), $M\mapsto Der_S(R,M)$ est représentable, c'est-à-dire qu'il existe un $R$-module $\Omega_{R/S}$ muni d'une dérivation universelle $d: R\to \Omega_{R/S}$ qui est telle que pour tout $R$-module $M$ et toute dérivation $\partial : R\to M$, il existe un unique morphisme $R$-linéaire $f:\Omega_{R/S}\to M$ tel que $f\circ d = \partial$ (dessine le diagramme).
    On l'appelle "module des différentielles de Kähler". On peut le définir par générateurs et relation, mais il a aussi une description "plus explicite" en termes du noyau de $R\otimes_S R\to R$

    (à noter que cela dépend, naturellement, beaucoup de $S$)
  • Excellent Maxtimax, comme toujours !! Merci beaucoup.

    En fait, je ne pouvais pas préciser ma question, car je ne comprenais rien, et je ne me sentais pas capable de fournir l'effort nécessaire pour essayer de comprendre. D'où mon intervention ici... Et ta réponse est exactement ce que je cherchais : une présentation globale, pédagogique qui me donne une bonne image de l'objet, et me motive pour entrer un peu dans les raffinements...

    Je vais essayer d'y réfléchir plus intensément, dans mon effort de comprendre les interactions entre géométrie algébrique et géométrie différentielle.

    Merci.

    ignatus.
  • Bonsoir Maxtimax,

    je reviens à la charge !!

    Comment construit-on des p-formes ? Qu'en est-il de la cohomologie de De Rham ?

    ignatus.
  • Peut-être que si quelqu'un possède un document accessible, cela serait mieux que de passer du temps à me répondre. En fait, je suis en train de me poser des questions autour du théorème de Stokes, et j'aimerais bien savoir si dans le contexte algébrique, il y a quelque chose qui ressemble à ça...

    Merci.

    ignatus.
  • J'ai l'impression qu'il y a des informations à glaner dans le fil "le caractère étale en algèbre commutative", mais je ne sais pas si j'aurais le courage de parcourir ce long fil, en ne comprenant pas grand chose...

    ignatus.
  • $\Omega^p_{R/S}$ est défini simplement par $\bigwedge^p\Omega_{R/S}$.

    Tu peux ensuite définir (il faut montrer que c'est bien défini) $\Omega^p_{R/S}\to \Omega^{p+1}_{R/S}$ par $x_0 dx_1 \wedge ... \wedge dx_p \mapsto dx_0 \wedge ... \wedge dx_p$.
    La cohomologie de de Rham est la cohomologie de ce complexe.

    Plus loin que ça, je n'y connais pas grand chose dans le cas algébrique, et il faudra demander à d'autres. Le Stacks Project contient certainement tout ce que tu veux, mais je ne pense pas que ce soit le mieux à lire pour débuter.
  • Oui, cela ne pouvait être que ça !! Merci Maxtimax.

    Ma connaissance m'indique que l'intégration n'existe pas en géométrie algébrique "abstraite", et encore moins un théorème de Stokes...Il y a seulement des petites choses dans le monde p-adique, mais c'est déjà très compliqué.

    Je te propose donc comme sujet de thèse, Maxtimax, d'inventer la théorie de l'intégration en géométrie algébrique !!

    ignatus.
  • Bonjour,

    j'aurais peut-être une dernière question à poser. La présentation qu'a donnée Maxtimax est basée sur ce qu'il appelle le théorème de Serre-Swan. Ce serait bien de comprendre un peu de quoi il s'agit...

    ignatus.
  • Le théorème de Serre-Swan s'énonce comme suit:

    Soit $X$ un espace topologique compact Hausdorff, $C(X)$ l'anneau des fonctions continues sur $X$ à valeur dans $\mathbb R$. Alors $E\mapsto \Gamma(E,X)$ établit une équivalence de catégories entre les fibrés vectoriels de rang fini sur $X$ et les modules projectifs de type fini sur $C(X)$.

    Ce théorème permet de mieux comprendre une partie de la géométrie algébrique; et aussi de faire le lien entre $K$-théorie topologique et $K$-théorie algébrique.

    Il y a "évidemment" des variations de ce théorème, notamment une version différentielle:
    Soit $X$ une variété différentielle, $C^\infty(X)$ l'anneau des fonctions $C^\infty$ sur $X$ à valeurs réelles. Alors le même énoncé reste vrai, où bien sûr on prend uniquement des fibrés vectoriels différentiels.

    Il doit aussi y avoir une version holomorphe.
    Cet article énonce visiblement un théorème plus général, qui a comme conséquences ces variations.

    Il y a des généralisations qui affaiblissent les hypothèses (fibré localement trivial, module projectif) et permettent de donner des intuitions à la géométrie algébrique (qu'est-ce qu'un faisceau de modules quasi-cohérents en termes topologiques ?).
  • Merci beaucoup pour la peine que tu te donnes Maxtimax, c'est très gentil. Je me doutais qu'il y avait tout un monde derrière ce théorème...

    Sinon, j'ai vu que dans le premier chapitre du fameux livre d'algèbre commutative de Claude Quitté et Henri Lombardi, il y avait dans le premier chapitre toute une discussion autour des fibrés vectoriels et des modules projectifs de type fini. Je vais y jeter un coup d'oeil...

    ignatus.
  • Oui tu devrais la lire, c'est une discussion très intéressante ! Ils y mentionnent, je crois, ledit théorème.
  • Je pense que tu connais déjà ce domaine, mais je le mentionne au cas où. Je ne sais pas si ce problème de construire une théorie de l'intégration en géométrie algébrique a quelque chose à voir avec ce que l'on appelle l'intégration motivique, dont j'ai juste lu le nom une fois...

    ignatus.
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