Morphismes de schémas et schéma non séparé

Dans mon cours de géométrie algébrique, je fais face à l'exercice suivant.

Soit $X$ un schéma et considérons une propriété suivante de $X$.
« Pour tout morphisme injectif d'anneaux $R_1\to R_2$, l'application induite $\operatorname{Mor}(\operatorname{Spec} R_1,X)\to \operatorname{Mor}(\operatorname{Spec} R_2,X)$ est injective. »

Dans un exercice préalable, j'ai démontré que pour un schéma séparé satisfait cette propriété. Maintenant, je cherche un contre-exemple (avec un schéma forcément non-séparé).

Je pensais à la chose suivante : on prend $R_1$ un anneau de valuation discrète et $R_2$ son corps de fractions, et $R_1\to R_2$ l'injection canonique. Le seul exemple d'un schéma non-séparé que je connais un peu est "la droite affine à deux origines", quoique je ne me sente pas suffisamment à l'aise avec.

Je voudrais définir deux morphismes de schémas de la manière suivante : pour le premier on envoie un point de $\operatorname{Spec} R_1$ vers une origine et l'autre point vers l'autre origine, pour le deuxième on envoie les deux points de $\operatorname{Spec} R_1$ vers la même origine.

Or, je n'ai absolument aucune idée si tout cela définit un morphisme de schémas et comment démontrer cela. De plus, quelle est l'intuition derrière cette propriété, a-t-elle un nom ?
Toute aide est la bienvenue.

Réponses

  • Salut,

    Effectivement, pour la droite double ta propriété ne semble pas fonctionner.

    Je ne vais pas pouvoir expliquer vraiment proprement car je n'ai pas les mêmes définitions que toi. Donc j'explique avec les mains !

    Mais la droite double disons $X$ est recouverte par deux droites $\mathbb{A}^1$ que je note $D_0$ et $D_1$.

    On va prendre $R_1 = \Z$, et former deux morphismes
    $$
    \phi_0 : \text{Spec}(\Z) \to D_0 \subset X \qquad \phi_1 : \text{Spec}(\Z) \to D_1 \subset X
    $$

    Vu que les ouverts $D_i$ sont isomorphes à $\mathbb{A}^1$, il revient au même de se donner un morphisme d'anneau $ \phi^{\#} : \Z[T] \to \Z$ et via la propriété universelle de $\Z[T]$, cela revient a se donner un élément $t$ de $\Z$. Ici je prend $t = 2$ pour les deux morphismes $\phi_0$ et $\phi_1$.

    Il faut voir que $\phi_0 \ne \phi_1$, et bien l'intersection de $D_0$ et $D_1$ est $\mathbb{A}^1 \setminus \{0 \}$ i.e $\text{Spec}\Z[T,T^{-1}]$. Et comme $2$ n'est pas inversible dans $\Z$, on doit voir que $\phi_0 \ne \phi_1$.

    Maintenant, si tu regardes les choses sur $\Q$ (donc $R_2 = \Q$ et l'injection $\Z \to \Q$) et bien vu que $2$ est inversible dans $\Q$ les deux morphismes vont être égaux !
  • Merci beaucoup pour votre réponse.

    Soient $\iota_i:D_i\to X$ l'injection de $D_i$ dans $X$. Si je comprends bien, on considère les $\Phi_i:=\iota_i\circ \phi_i$ comme les deux morphismes $\operatorname{Spec} \Z\to X$. On veut montrer que $\Phi_0\neq \Phi_1$.

    Pouvez-vous élaborer un peu la partie suivante de votre argument ?
    "Si les morphismes étaient égaux, alors on aurait des morphismes $\operatorname{Spec} \Z\to D_1\cap D_2=\operatorname{Spec} \Z[T,T^{-1}]$ induits par $T\mapsto 2$", ce qui est impossible car $2$ n'est pas invertible dans $\Z$.
  • Les $\Phi_i$ envoient $[(0)]$ sur $[(T-2)]$, ce qui correspond au point "2" sur les deux droites affines, qui sont identifiés, donc les compositions des $\Phi_i$ avec $Spec (\Q)\to Spec (\Z)$ sont égaux.

    J'essaie de voir pourquoi les $\Phi_i$ ne sont pas égaux.
  • Je pense avoir trouvé une solution. On ne prend pas les deux origines $[(T)]$ comme d'habitude, mais plutôt $[(2,T)]$. Alors, les $\Phi_i$ envoient $[(2)]$ sur $[(2,T)]$, un dans $X_1$ et l'autre dans $X_2$, qui ne sont pas égaux dans $X$ car on ne les identifie pas par construction.
  • Salut Heinz
    Comme je t'ai dit je n'ai pas les mêmes définitions que toi pour les schémas et c'est complexe pour moi de faire la traduction (disons que ça va prendre un peu trop de temps de refaire le truc).

    En gros, la donné pour tout $R$ de $\text{Mor}(\text{Spec}(R), X)$ (avec $X$ la droite double) et des flèches $\text{Mor}(\text{Spec}(R_1), X) \to \text{Mor}(\text{Spec}(R_2), X)$ forme un foncteur de la catégorie des anneaux vers la catégorie des ensembles, je vais le noter $F$. Il se trouve que je connais un peu ce foncteur !

    Il existe un isomorphisme naturel entre $F$ et le foncteur suivant $$R \mapsto \{ r,e) \in R \times R/rR \mid e^2=e \}
    $$ et pour un morphisme d'anneau $\phi : R_1 \to R_2$, l'application induite est $$(r,e) \mapsto (\phi(r), \overline{\phi}(e)).
    $$ Avec $$ \overline{\phi} : R_1/rR_1 \to R_2 / \phi(r_1) R_2 \qquad \qquad \text{induite par $\phi$}.

    $$ Avec ça, c'est gagné pour comprendre mon exemple $\Z \to \Q$, en effet, dans $\Z/2\Z$ on dispose de deux idempotents et donc deux $\Z$-points de la droite double $(2,0)$ et $(2,1)$ mais si tu regardes $2 \in \Q$ et bien comme $\Q/2\Q$ est l'anneau trivial, tu as un seul idempotent et donc une application d'un ensemble de cardinal $2$ vers un ensemble de cardinal $1$ n'est pas injective.

    Bref, tout le truc c'est de comprendre l'isomorphisme fonctoriel dont je parle (hum je ne sais pas si je sais le faire :-D)
  • Je ne comprends pas pourquoi on peut pas dire : si $\Phi_0 = \Phi_1$, alors $\Phi$ atterrit dans $D_0\cap D_1$, ce qui veut dire que $\Phi_0$ (ou $\Phi_1$ équivalemment) se factorise sous la forme $\Z[T]\to \Z[T,T^{-1}]\to \Z$, or on sait que ce n'est pas le cas.

    Si on post-compose avec $\Z\to\Q$, alors les deux morphismes que tu décris se factorisent effectivement sous la forme précédente, et sont alors égaux à valeurs dans l'intersection, donc égaux.

    ?
  • Merci flipflop pour votre réponse, les foncteurs sont toujours intéressants, je vais y jeter un coup d'œil sans aucun doute.

    Pour rebondir sur votre réponse d'avant, je me pose la même question que Maxtimax.

    Vous dites "je n'ai pas les mêmes définitions que toi pour les schémas".
    Pour le schéma $X$, je prends deux copies $X_1$ et $X_2$ de $Spec \Z[T]$. Soient $U_1,U_2$ les ouverts $Spec (\Z[T]) \setminus \{[(2,T)] \}$. On recolle $X_1$ et $X_2$ le long de l'isomorphisme identité $U_1\cong U_2$. On a alors identifié tous les points de $X_1$ et $X_2$ et on a une origine dédoublée qui est $[(2,T)]$. (c.f. lien, page 26) Ceci est bien un schéma obtenu par le procédé de recollement.

    Soient $X_i\hookrightarrow X$ les morphismes d'inclusion.
    Soit $Spec \Z\to X_i$ le morphisme induit par $\Z[T]\to \Z,T\mapsto 2$.

    Alors $Spec \Z\to X_i\hookrightarrow X$ envoie $[(2)]$ sur $[(2,T)]\in X_i$. Ces deux points ne sont pas identifiés, donc le morphisme 1 n'est pas égal au morphisme 2.
    En précomposant par $Spec\Q\to Spec \Z$, les deux morphismes deviennent égaux, car $0$ est envoyé vers $0$, puis vers $T-2$ et $(T-2)$ dans $X_1$ et $(T-2)$ dans $X_2$ sont identifiés.

    J'avoue, c'est moins élégant que la solution de Maxtimax, mais je me demande: est-ce correct au moins ?
  • Si Max c'est ce que j'avais en tête ce matin, mais je voulais en dire un peu plus de " où je sors l'exemple " et donc un peu plus sur la construction des morphismes $\text{Spec}(R) \to X$ !
  • Salut Heinz,

    Je pense que l'on ne s'est pas compris. J'ai l'impression que tu changes $X$ en fabriquant une droite avec le points $2$ double ? Mais ici, ce n'est pas ça, le schéma $X$ dont on parle c'est bien la droite avec double origine.
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