Plongements d'un corps de nombres

Julia Paule
Modifié (May 2023) dans Algèbre
Bonjour
Dans mon cours, on a montré que si $K=\mathbb{Q}(\theta)$ est un corps de nombres, avec $P \in \mathbb{Q}[X]$ le polynôme minimal de $\theta$ sur $\mathbb{Q}$ de degré $n$, alors il existe $n$ plongements (morphismes injectifs) de $K$ dans $\mathbb{C}$, chacun envoyant $\theta$ sur une racine de $\theta_i$ de $P$.
Si on prend un autre élément de $\theta' \in K$, sont-ce les mêmes plongements ? (mon cours ne précise pas)
J'ai pris par exemple $e^{i \pi /3}$, de polynôme minimal $X^2-X+1$ sur $\mathbb{Q}$, de racines $e^{i \pi /3}$ et $e^{-i \pi /3}$, c'est ok, on a l'identité et le morphisme qui envoie $e^{i \pi /3}$ sur $e^{-i \pi /3}$, envoie aussi $e^{-i \pi /3}$ sur $e^{i \pi /3}$. Est-ce général ?

Il me semble que c'est vrai si $\theta$ et $\theta' \in K$ ont le même polynôme minimal. L'écueil c'est que tous les $\theta \in K$ tels que $K=\mathbb{Q}(\theta)$ n'ont pas le même polynôme minimal ... Dans mon exemple précédent, $e^{2i \pi /3} \in \mathbb{Q}(e^{i \pi /3})$, mais il est de polynôme minimal $X^2+X+1$.

Merci d'avance.

Réponses

  • Bonjour,

    Je ne comprends pas bien ta question. Si $K$ est de degré $n$ sur $\mathbb Q$, il y a toujours $n$ plongements de $K$ dans $\mathbb C$, quel que soit le $\theta\in K$ tel que $K=\Q(\theta)$.

    Qu'est-ce qui te préoccupe exactement ?

    PS. Tu peux prendre $\mathbb Q(e^{i\pi/3})=\mathbb Q(e^{2i\pi/3})=\mathbb Q(e^{i\pi/3}+1)=\ldots$, il a toujours deux plongements dans $\mathbb C$, qui s'échangent par conjugaison.
  • Julia Paule
    Modifié (May 2023)
    Merci GaBuZoMeu. Dans mon exemple, il y a deux plongements : l'identité et le morphisme qui envoie $e^{i \pi /3}$ sur $e^{-i \pi /3}$. Seulement, ces plongements ont été définis à partir de $e^{i \pi /3}$ et de son polynôme minimal.

    Si on prend un autre élément du même corps qui a un autre polynôme minimal (par exemple $e^{2i \pi /3}$), et qui génère le corps, pour quelle raison ces deux plongements restent les mêmes (puisqu'ils ont été définis à partir de $e^{i \pi /3}$ et de son polynôme minimal), si c'est bien le cas ?
    Mon exemple est simpliste.

    Ah je crois comprendre ce que tu veux dire !
  • Je crois comprendre : si on prend un autre élément $\theta'$ du même corps $K=\mathbb{Q}(\theta)$, qui génère ce corps, i.e. $K=\mathbb{Q}(\theta)=\mathbb{Q}(\theta')$, son polynôme minimal est de même degré, le degré de l'extension.
    Comme $\theta'$ appartient au corps, il va s'écrire en fonction de $\theta$ (combinaison linéaire de puissances). Les plongements définis pour $\theta$ ont des chances d'envoyer les racines du polynôme minimal de $\theta'$ sur d'autres racines du même polynôme.

    En fait ma question est : ces plongements définis en fonction de $\theta$, sont-ils en fait indépendants de $\theta$ ?
    Si oui, pour quelle raison, et comment le montre-t-on ?
  • Ben, il y a $n$ plongements distincts (où $n$ est le degré de l'extension), et il n'y en a pas d'autre. Ceci, quel que soit l'élément primitif que tu choisis pour engendrer ton extension.
    Pour l'exemple que tu cites, il y a l'inclusion et l'inclusion composée avec la conjugaison, épicétou. Ceci qu'on prenne comme élément primitif $e^{i\pi/3}$ ou $e^{2i\pi/3}$ ou $e^{i\pi/3}+1$ ou ...

    PS. Je viens de voir ton dernier message. Un plongement, c'est un plongement, la définition de plongement ne fait intervenir aucun élément primitif. Après, pour les compter, on choisit un élément primitif. Un plongement est entièrement défini par l'image de cet élément primitif, qui est une racine du polynôme minimal dans $\C$.
  • Fin de partie
    Modifié (May 2023)
    Julia Paul. Tu veux dire, comme le $\theta$ qui apparait dans l'écriture $\mathbb{Q}(\theta)$ n'est pas unique, c'est-à-dire qu'il existe $\theta'$ tel que $K=\mathbb{Q}(\theta)=\mathbb{Q}(\theta')$.
    On ne sait pas a priori ce que sera l'image de $\theta'$ par un plongement mais cela ne changera rien à l'application plongement considérée. Elle continue à envoyer $\theta$ vers une racine du polynôme minimal de $\theta$ et l'image de toute valeur de $K$ est inchangée.
  • Fin de partie
    Modifié (May 2023)
    Par ailleurs, si on a $K=\mathbb{Q}(\theta)=\mathbb{Q}(\theta')$ alors $\theta'$ n'a aucune raison a priori d'être une autre racine du polynôme minimal de $\theta$.
    Par exemple, tu peux prendre $\theta'=r.\theta$ avec $r$ un rationnel non nul.
    PS.
    Cela marche aussi avec $a+b.\theta$ avec $a,b$ des rationnels et $b$ non nul.
  • Merci beaucoup à vous. Je me demandais si on avait à chaque fois un jeu de $n$ morphismes différent selon l'élément primitif choisi, ou bien si c'était le même jeu. Donc c'est bien le même ! Une grosse incertitude tombe.

    Pour m'en convaincre, je tente une démonstration : soit $\theta'$ qui s'écrit $\theta'= \sum a_k \theta^k$, un autre élément primitif. Soit $P$ son polynôme minimal, et $\sigma$ un plongement défini à partir de $\theta$.
    Alors, $P(\theta')=0$, donc $P(\sigma(\theta'))=\sigma(P(\theta'))=\sigma(0)=0$, donc $\sigma$ envoie bien une racine de $P$ sur une racine de $P$, donc une racine d'un polynôme minimal de tout élément primitif de $K$ vers une autre racine. Donc les plongements ne dépendent pas de l'élément primitif choisi. Ca marche ! Merci, j'y vois plus clair.
  • Ok GaBuZoMeu, un plongement d'un corps dans un autre ne dépend de rien, on choisit juste un élément primitif pour les compter. Ma démonstration semble superflue.
  • Julia Paule: le concept d'application est défini indépendamment de tous les concepts dont parle le cours d'algèbre que tu étudies actuellement.
    En particulier si on a deux applications $\sigma$ et $\varphi$ définies sur le même ensemble $E$ à valeurs dans le même ensemble $F$ alors $\sigma=\varphi$ si et seulement pour tout $x$ de $E$ on a $\sigma(x)=\varphi(x)$.

    Ce qui cause sans doute ta confusion est que pour caractériser un plongement de $\mathbb{Q}(\theta)$ dans $\mathbb{C}$ on a seulement besoin de connaître l'image de $\theta$ par ce plongement.

    Si un autre plongement envoie $\theta$ sur la même valeur , les deux plongements sont égaux dans le sens rappelé ci-dessus.
  • La situation est plus complexe. Je réalise que ces plongements sont dans $\mathbb{C}$. Avec l'exemple classique du polynôme $X^3-2$, ils échangent $\mathbb{Q}(\sqrt[3] {2})$, $\mathbb{Q}(j\sqrt[3] {2})$ et $\mathbb{Q}(j^2\sqrt[3] {2})$, mais à l'intérieur de ces trois corps, on peut prendre d'autres éléments primitifs avec leurs polynômes minimaux respectifs, cela ne changera rien aux trois plongements.
  • Ok merci Fin de Partie, nos messages se sont croisés. Tu veux dire qu'il faut s'affranchir des polynômes minimaux.
    Un plongement envoie un élément primitif sur un autre élément primitif (qui peut être le même pour l'identité), pas forcément du même corps d'ailleurs (vu mon message précédent), et il se trouve que cet autre élément primitif est racine du même polynôme minimal sur le corps de base.
  • Si je me souviens bien, quand on parle de plongement, on parle d'un morphisme d'un corps $K$, inclus dans $\mathbb{C}$, dans $\mathbb{C}$ avec $K$ une extension d'un corps $k$, et on a que l'image d'un élément de $k$ par le plongement est lui-même.
    Dans ce cas on parle de $k$-plongement.
    Si $\theta$ est algébrique sur $\mathbb{Q}$ l'image de $\theta$ par un $\mathbb{Q}$-plongement est une racine du polynôme minimal de $\theta$ sur $\mathbb{Q}$.
  • FdP, c'est exactement ça. Ce qui cause ma confusion, c'est que ces plongements ont été "fabriqués" en choisissant un élément du corps $K$, puis en regardant ses images possibles dans $\mathbb{C}$. Du coup, je me demande si la situation aurait été la même (i.e. les mêmes plongements) si on avait choisi un autre élément. Donc la réponse est oui (mais il faut que je me pince encore pour y croire).
  • @Julia Paule : Si tu veux, pour expliciter ces plongements, on fait en pratique référence à un choix d'élément primitif, mais la liste de ces $n$ plongements ne dépend pas de ce choix, puisque l'on montre facilement qu'il en existe exactement $n$, et leur définition "abstraite" (en tant que morphisme de $K$ dans $\mathbb C$) ne fait référence à aucun élément primitif.
  • Merci Poirot. C'est ce que je me disais confusément. On montre qu'il y a $n$ plongements, point, cela devrait me suffire.
  • Soit maintenant $K=\mathbb{Q}(\theta)$ un corps de nombres de degré $n$ sur $\mathbb{Q}$, et $\sigma_i, 1 \leq i \leq n$ ses plongements.
    Soit $\alpha \in K$. Alors $\mathbb{Q} \subset \mathbb{Q}(\alpha) \subset \mathbb{Q}(\theta)$, donc le degré de $\mathbb{Q}(\alpha)$ sur $\mathbb{Q}$ divise le degré de $\mathbb{Q}(\theta)$ sur $\mathbb{Q}$, et les racines du polynôme minimal $\pi_{\alpha}$ de $\alpha$ sur $\mathbb{Q}$ sont les $\sigma_i (\alpha)$.
    On en déduit que les $\sigma_i (\alpha)$ ne sont pas forcément distinctes (au vu du degré de $\pi_{\alpha}$), et on a $\pi_{\alpha} \mid \prod_i (X-\sigma_i (\alpha))$.
    (je devine tout ça car ce n'est pas dit dans mon cours).

    J'ai deux questions :
    - cette division dans $\mathbb{C}[X]$ est-elle toujours dans $\mathbb{Q}[X]$ ? Oups il me semble que oui en posant la question (ce sont des polynômes unitaires de $\mathbb{Q}[X]$ et division euclidienne dans cet anneau) ;
    - a-t-on toujours $\prod_i (X-\sigma_i (\alpha))=\pi_{\alpha}^{n / \deg (\alpha)} $ ? cela me semble découler de la question précédente.

    Merci d'avance.
  • Ah pour la 2ème question, mon cours dit : $\chi_{\alpha, K / \mathbb{Q}}$ (polynôme caractéristique de $\alpha$ dans l'e-v $K$ sur $\mathbb{Q}$) = $\pi_{\alpha}^{[K: \mathbb{Q} (\alpha)]}$. Le 2ème membre de l'égalité coïncide (multiplication des degrés). Il reste donc à voir le 1er membre de l'égalité.
  • Personne ? Tant pis.

    J'ai une autre question. Mon cours parle de la signature $(r,s)$ d'un corps de nombres $K$, de degré $n=r+2s$.
    Elle est telle que $(\sigma_i)_{1 \leq i \leq n}$ étant l'ensemble des plongements de $K$, alors en choisissant un élément primitif $\theta$ de ce corps, $r$ est le nombre d'éléments de $\sigma_i(\theta) \in \mathbb{R}$, et $2s$ le nombre d'éléments de $\sigma_i(\theta) \in \mathbb{C}$.

    Qui nous dit que $(r,s)$ est indépendant de l'élément primitif choisi ?
  • Le nombre $r$ est l'ensemble des plongements réels (inclus dans les réels) du corps et $s$ celui du nombre de paires de plongements complexes (non réels) conjugués.
    Il ne dépend pas de $\theta$.
  • Pour ta question d'avant la réponse est aussi oui.
    Les plongement de $K$ sont "partitionnés" par leur action sur $\alpha$.
    Autrement dit si $H$ est le sous ensemble des plongements de $K$ qui fixe $\alpha$ alors ceux qui fixent $s.\alpha$ sont les $sHs^{-1}$.
    De sorte que $s.\alpha$ pour $s$ parcourant les plongements est réduit à $s_1\alpha,...,s_r.\alpha$ avec $s_1,...,s_r$ des representants des classes d'équivalences de plongements pour la relation $s\sim t$ ssi $st^{-1}$ fixe $\alpha$.
    Comme $(T-s_1(\alpha))....(T-s_r(\alpha))$ est le polynôme minimal de $\alpha$, cela te donne le résultat, puisqu'il suffit de l'elever à la puissance $h=|H|$ pour obtenir $\prod(T-s.\alpha)$ et que le nombre de paire de plongements distincts vaut $\deg_{\mathbb{Q}}(\alpha)$, donc $n=h.\deg_{\mathbb{Q}}(\alpha)$
  • Merci beaucoup. Mais cela nécessite une démonstration ? Par exemple $\mathbb{Q}(\theta=j\sqrt[3]2)$, la signature est $(1,1)$ car les images de $j\sqrt[3]2$ par les plongements sont $j\sqrt[3]2, j^2\sqrt[3]2 \in \mathbb{C} \setminus \mathbb{R}$, et $\sqrt[3]2 \in \mathbb{R}$. Qui nous dit qu'en prenant un autre élément primitif, cette propriété d'appartenance des conjugués à $\mathbb{R}$ et à $\mathbb{C} \setminus \mathbb{R}$ reste vrai ?

    Oui bon, en posant la question, j'ai presque répondu (il faut faire une démonstration je pense en utilisant que $\alpha$ un autre élément primitif de $K$ s'écrit $\alpha=\sum_{0 \leq k \leq n-1} a_k \theta^k, a_k \in \mathbb{Q}$, et en calculant les conjugués).

    Je n'ai pas vu ta réponse complémentaire entre-temps.
  • NoName
    Modifié (May 2023)
    Si $\theta$ est un element primitif de $K$ (sur les rationnels) et si $\sigma$ est un plongement de $K$ dans $\mathbb{C}$, alors $\sigma(\theta)$ est réel implique $\sigma(K)\subset \mathbb{R}$, puisque tout element de $K$ s'ecrit $a_0+\dots+a_j\theta^j$ avec les $a_i$ rationels donc $\sigma(a_0+\dots+a_j\theta^j)=a_0+\dots+a_j\sigma(\theta)^j$ est réel.
  • Si $\theta \in \mathbb{C} \setminus \mathbb{R}$, et $\sigma=Id$, je ne vois pas comment $\sigma(\theta)$ peut être réel ?
  • Super pour ta démonstration de la question précédente. Il y a quelques affirmations à démontrer, je vais m'y pencher.
  • Ben il l’est pas, mais je vois pas bien le rapport avec mon message précédent.
  • Ah ok, $\sigma(\theta)$ est réel implique ...
    C'est l'autre qui est moins évident : $\sigma(\theta) \in \mathbb{C} \setminus \mathbb{R}$ implique $\sigma(K)\subset \mathbb{C} \setminus \mathbb{R}$.
  • NoName
    Modifié (May 2023)
    Il l'est aussi évident (même plus encore !).
    Mais ça n'est pas ce que tu as écrit qu'il faut démontrer, ce serait d'ailleurs faux.
  • Peut-être. Mais l'image des éléments primitifs par un tel $\sigma$ est alors forcément dans $\mathbb{C} \setminus \mathbb{R}$, et du coup je vois la démonstration. Merci beaucoup !
  • Donc à tout $x$ élément primitif de $K$, on peut associer un vecteur $(\sigma_1(x), \ldots, \sigma_r(x), \sigma_{r+1}(x), \ldots, \sigma_{r+s}(x))$ de $\mathbb{R}^r \times \mathbb{C}^s \cong \mathbb{R}^n$.

    Mon cours parle d'un plongement (morphisme injectif) $\iota$ de $K$ (ou de $J$ idéal de l'anneau des entiers de $K$) dans $\mathbb{R}^r \times \mathbb{C}^s \cong \mathbb{R}^n$ (de telle sorte que $\iota (J)$ est un réseau de $\mathbb{R}^n$).

    Ceci veut donc dire que la propriété ci-dessus est valable pour tout élément $x \in K$ ?

    Oups, en l'écrivant c'est évident (puisque la propriété est valable sur $\mathbb{R}$), désolée.
  • Concernant ma 2ème question : a-t-on toujours $\prod_i \big(X-\sigma_i (\alpha)\big)=\pi_{\alpha}^{n / \deg (\alpha)}$ ?

    En combinant deux résultats de mon cours :
    1) $\prod_i \big(X-\sigma_i (\alpha)\big)$ est une puissance entière du polynôme minimal de $\alpha$ sur $\mathbb{Q}$,
    2) le polynôme caractéristique $\chi_{\alpha,K}$ de $\alpha$ dans $K=\mathbb{Q}(\theta)$ aussi, comme ils ont le même degré (et les mêmes racines $\sigma_i(\alpha)$), donc la puissance est la même ; on en déduit que $\chi_{\alpha, K}=\pi_{\alpha}^{n / \deg (\alpha)}=\prod_i \big(X-\sigma_i (\alpha)\big)$.

    L'analogie est importante avec les polynômes annulateurs, minimaux, et caractéristiques des endomorphismes, et les sous-espaces propres et caractéristiques, dans la réduction des endomorphismes.
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