Du remâché oublié (entiers sur anneaux)

Pardon de vous déranger pour "si peu" je lutte contre mon entropie interne :-X :

quelqu'un pourrait-il me rappeler pourquoi deux entiers sur un anneau ont une somme et un produit qui sont entiers aussi sur l'anneau?

Je sais que j'ai dû poser cette question au moins 15 fois en 15ans, mais j'oublie à chaque fois (un argument informelle me suffirait, je voudrais retenir une clé qui fait qu'ensuite c'est évident)

Précision, soient $B$ un anneau intégre, $A$ sous-anneau de $B$. Un élément de $B$ est entier sur $A$ quand il est racine d'un polynôme unitaire à coefficients dans $A$
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Réponses

  • -L'intégrité de $B$ est superflue.
    -Il y a à ma connaissance deux façons de faire ça; la première est calculatoire et passe par les résultants (les polynômes annulant les sommes et produits envisagés sont explicitement constructibles).
    La deuxième plus conceptuelle se base sur Cayley-Hamilton: un élément $x$ de $B$ est entier sur $A$ si et seulement si il appartient à un sous anneau $C$ de $B$ contenant $A$ qui est aussi un $A$-module de type fini (et alors $y\mapsto xy$ est un endomorphisme dont on regarde le polynôme caractéristique, ce dernier va annuler $x$).

    Des déterminants sont utilisés à chaque fois bien sûr.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Parodiant le sketch du permis de conduire (Jean Yann et …), je vois bien Christophe annoncer :
    « J’aime pas les déterminants, c’est plein de boue et ça sent mauvais ».
  • Christophe, fais-toi un cahier/classeur de pense-bêtes ! J'en ai un moi aussi, soit pour les travaux plus longs que j'ai réalisés, soit pour les trucs que je considère comme importants que je n'ai pas dans mes bouquins et que je risque d'oublier. Je m'en sers régulièrement, c'est très pratique.
  • Il y a une petite subtilité dans la 2è explication de Foys qui est qu'on ne peut pas directement considérer le polynôme caractéristique de $x$ ($A[x]$ n'est pas forcément libre, même si de type fini), on doit utiliser une version légèrement plus subtile de Cayley-Hamilton (mais pas dure non plus :-D)
    Mais sinon oui, le principe est ensuite celui décrit par Foys
  • Il me semble qu'il n'y a pas besoin de Cayley-Hamilton. Soit $x$ et $y$ sont deux éléments de $B$ entiers sur $A$, de degrés respectifs $m$ et $n$. alors pour tout $i<m$ et $j<n$, $(x+y)x^iy^j$ est combinaison linéaire à coefficients dans $A$ de $(x^ky^l)_{\substack{k<m \\ l<n}}$. Ceci montre que la matrice colonne de coefficients $(x^ky^l)_{\substack{k<m \\ l<n}}$ est un vecteur propre d'une matrice à coefficients dans $A$ pour la valeur propre $x+y$. Ainsi, $x+y$ annule le polynôme caractéristique d'une matrice à coefficients dans $A$ et est donc entier sur $A$.

    On fait de même avec $xy$.
  • @Maxtimax: jette un oeil à ce lien http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?3,2144326,2145224#msg-2145224
    En fait dans la preuve de CH la plus courte que je connaisse on ne se sert pas de la liberté du module en question.
    Mais c'est vrai qu'il y a ambiguïté dans la formulation du résultat.
    Dans mon souvenir Lang fait comme ça aussi.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Un grand merci à vous tous, avec un gros bisou à foys pour la rapidité de sa réponse que j'avais vue de mon téléphone. La clé que j'attendais m'a été donnée et j'espère ne pas revenir avec cette question dans X temps. Je lirai attentivement le détail calculatoire de la démarche de Guego, qui a l'air mériter des applaudissements comme devant un but marqué par un défenseur.
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  • Foys: oui je sais qu'il n'y a pas besoin de liberté, mais dans ce cas tu ne peux plus parler du "polynôme caractéristique", tu dois dire "il y a un polynôme qui". C'est ce que j'appelais "version légèrement plus subtile de CH" plus haut.

    D'ailleurs la preuve dans ton lien se ramène essentiellement au cas libre, sans le dire.
  • La preuve de Guego est très élégante mais il faut supposer les anneaux intègres (comment déduire $\det(M-\lambda I)=0$ de la non injectivité de $v \mapsto Mv - \lambda v$, où $M$ est la matrice en question sinon ? C'est l'hypothèse que fait Christophe dans son message).
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Merci pour cette précision Foys : dans un anneau (commutatif unitaire) quelconque le déterminant d'une non injection est singulier :-D

    Je ne sais pas si à l'époque tu y avais prêté attention, ça avait constitué une des mes grandes aventures forumiques de faire le plus possible le tour de "cette réalité serpent de mer mal statutée dans les études actuelles"

    Il ne semble pas en exister de preuve simple, elles sont toutes "un peu profondes". Une des plus constructives et plus belles étant avec des formes alternées utilisant les quantificateurs d'une manière comme on le voit rarement en maths.
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  • Pardon en fait c'est la partie triviale. Le sens profond est injection => det régulier.
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  • auto-citation a écrit:
    utilisant les quantificateurs d'une manière comme on le voit rarement en maths.

    bien que le faisant "pour moi-même", je le poste sur le forum, car c'est un peu calculatoire (ma hantise) et ma phrase peut être frustrante pour des visiteurs qui pourraient se demander de quelle preuve je parle. Anneau commutatif quelconque, module sur cet anneau, énoncé :

    $EstLiee(u) \iff \exists a\forall f,\ af(u)=0,$
    où $u$ renvoie à famille finie de vecteurs sur cet anneau, $f$ forme alternée de même arité que $u$ et $a$ élément de l'anneau.

    Je donne une preuve qui passe de $6$ à $7$ pour le confort du lecteur.

    Preuve :

    1/ $(u_1,..,u_7)$ et $a$ tel que $\forall f : af(u)=0$.

    2/ Soit $g$ forme 6-alternée telle que $ag(u_2,..,u_7)\neq 0$

    3/ L'application $v\mapsto g(v_2,..,v_7)v_1-g(v_1,v_3..,v_7)v_2+g(v_1,v_2,v_4,..)v_3-...$ est 7-alternée non nulle

    4/ Là il me faudrait chercher trop longtemps, donc j'admets: on peut supposer que c'est une forme (en composant par blabla)

    5/ $af(u)$ étant nulle et $u$ libre, il suit $ag(u_2,..,u_7) = 0$, contradiction avec $2$.

    Sauf erreur (et pardon pour avoir admis qu'un élément non nul d'un module n'annule pas toute les formes linéaires à l'étape4, rien ne me vient qui me rende ça évident (l'âge? :-D ) . Peut-être quelqu'un passera-t-il "tué" ce trou en 2 lignes, on verra, merci d'avance si oui)

    Je précise que ce n'était pas le sujet car seul le sens facile avait été pointé par Foys dans son objection à Guego, mais juste en ayant parlé, je ne voulais pas faire perdre de temps à d'éventuels lecteur de chercher dans documentation et moi-même voulait refaire l'exo.
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  • Christophe : l'énoncé est faux pour un module quelconque, et vrai pour un module libre (ou projectif), l'étape admise devenant évidente dans ce cas
  • Aie aie aie MIIIINNNCEEE

    Merci à toi.

    Mais que reste-t-il du théorème global que j'avais fait mien depuis longtemps??
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  • Le théorème est tout autant faux pour un module quelconque - pense à $\mathbb Q$. Il est peut-être vrai pour un module de type fini, mais je ne suis pas du tout sûr (à vrai dire je parierais contre)
    Ta preuve montre qu'il est vrai pour les modules "torsionless" par définition (à ne pas confondre avec torsion-free)
  • Sur un anneau intègre on peut se ramener au cas d'un corps et obtenir le résultat pour tout module de type fini.
  • De mon téléphone.

    Tu parles bien de la caractérisation des familles liées par les formes alternées?

    Pour le reste j'ai compris.

    Parce que sauf erreur d'interversion de signes ou autre il est pas du tout de moi, ni la preuve non plus d'ailleurs. Et théoriquement l'intégrité ne doit SURTOUT PAS être supposée (sinon aucun intérêt)

    Par contre tu as peut être raison qu'il supposer le module de TYPE FINI.

    Mais libre... Bon après tout je faisais un exercice de mémoire et ce argument ne m'avait servi que pour une unique chose: les matrices objectives ont des déterminants réguliers.

    Donc in fine ça va.

    Je suis un peu déçu qu'on ne puisse pas caractériser les familles liées comme ça dans tout module mais pas grave.
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  • Bon en tout cas voilà comment je vois les choses.

    Quand il est vrai pour les familles de UN SEUL vecteur il l'est n vecteurs quelconques EPICTOU :-D

    Ça m'évitera de chercher le bon énoncé :-D en attendant ...
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  • J'apprends (sans doute pas beaucoup, malheureusement) en m'amusant (pas beaucoup non plus, il faut dire) : torsionless, torsion-free.
  • Oui je parle bien de ça.

    Et oui, ça a peu d'intérêt pour les anneaux intègres, je le mentionnais juste en passant (en fait l'aspect crucial étant que sur un anneau intègre, pour un module de type fini, sans torsion implique "torsionless" - oui, ce terme est très mal choisi).

    Pour un anneau quelconque, et même en restriction aux modules de type fini, ta preuve semble difficilement récupérable sans cette hypothèse de "torsionless" (qui est ce que tu as réécrit en "vrai pour les familles de un seul vecteur" ;-) ), mais j'ai un peu la flemme de chercher des contre-exemples :-D (en tout cas je n'ai jamais vu personne l'énoncer en dehors de ce cadre)
  • Ah, un potentiel contre-exemple : je considère l'anneau $R= \mathbb F_2[x,y]/(x,y)^2$ qui est même noethérien (ça aurait pu jouer un rôle), et l'idéal $ I =(x,y)$ dans $R$.

    J'ai alors un morphisme $f: I\to R$ qui envoie $x$ et $y$ sur $x$ (je vous laisse vérifier que c'est bien défini), et je vais considérer le pushout suivant :

    $$\xymatrix{I \ar[r]^f \ar[d]^i & R \ar[d]^j \\ R \ar[r]^h & P }$$

    où $i$ est l'inclusion
    ("pushout" abrège $P := R\oplus R / (i(z), 0) = (0,f(z)), z\in I$, et $j$ est l'inclusion dans le second facteur)

    Alors, puisque $i$ est injective, $j : R\to P$ aussi (en particulier, $j(1)$ est une famille libre)

    Reste à montrer que pour toute forme linéaire $\ell : P\to R$, $\ell(j(1))$ est annulé par $x$ et $y$ (en particulier l'énoncé est faux pour $a= x$ ou $y$)

    Bon, bah si $\ell$ est une telle forme linéaire, elle est donnée sur $R\oplus R$ par deux scalaires $\alpha$ et $\beta$ ($\ell(h(1))$ et $\ell(j(1))$ respectivement) et ils doivent vérifier $\alpha i(z) = \beta j(z)$ pour tout $z\in I$. Prenant $z= x$, on a $x(\alpha - \beta) = 0$, et prenant $z=y$ on a $\alpha y = \beta x $ et donc $\alpha x= \alpha y$. Le premier implique que $\alpha - \beta \in I$ et le dernier implique que $\alpha \in I$, donc $\beta \in I$.

    Donc $\ell(j(1)) \in I$ quel que soit $\ell$, ce qui prouve l'énoncé.
  • De grands bravo et merci à toi. Je lirai ça demain. Et oui je crois que c'était à la base énoncé comme tu dis et que c'est moi qui ai tout occulté du fait que c'était pour le determinant la motivation.
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  • Merci pour ton aide, je récapitule ce que j'archive dans ma chtite cabesa pour un temps indéterminé:

    pour tout $A$ module $M$, il y a équivalence entre:

    1/ Toute famille libre de longueur 1 vérifie (P)

    2/ Toute famille libre de longueur finie vérifie (P)


    La propriété $(P(u))$ étant : pour tout $a\in A$, il existe une forme alternée $f$ d'arité celle de $u$ telle que $af(u)\neq 0$.

    Ceci valant pour tout anneau commutatif unitaire et tout module dessus.
    .
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  • Je viens de corriger une coquille dans la preuve, qui me fait penser que bien qu'on quotiente le produit $\otimes$ par ce que tout le monde devine pour obtenir $\wedge$, un novice comme moi reçoit l'impression (probablement naïve) qu'on pourrait prendre une sorte de règle de calcul comme suit (je pense que ce n'est pas pertinent, mais ça ne me saute pas au yeux pourquoi) :
    $$

    a_1\wedge \cdots\wedge a_n := \sum_{s\in \mathfrak S_n}\ Signature(s) . [a_{s(1)}\otimes \cdots \otimes a_{(s(n))}] .

    $$ Par exemple pour $n:=2$, ça donne le truc rigolo: $a\wedge b:=a\otimes b - b\otimes a$.
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  • christophe : ça marche quand les entiers sont inversibles dans ton anneau.

    Plus précisément, si $k!$ est inversible dans $R$, alors le morphisme $\bigwedge^k R^n \to ((R^n)^{\otimes k})^{\mathfrak S_k}$ décrit par ce que tu as écrit (divisé par $k!$, pour faire bonne mesure) est un isomorphisme; où $(-)^{\mathfrak S_k}$ désigne le sous-module des points fixes.

    Si $k!$ n'est pas inversible, il n'y a aucune garantie
  • Maxtimac, pour la puissance extérieure, tu ne voudrais pas faire intervenir la signature plutôt que les points fixes ?
  • MathCoss : ah oui, je n'ai pas décrit l'action de $\mathfrak S_k$ ;-) l'action à laquelle je pensais est donnée par $\sigma \cdot (v_1\otimes \cdots \otimes v_n) = \epsilon(\sigma) (\text{ce que tu imagines})$ ! (parce que la puissance extérieure est donnée par les orbites pour cette action, au moins lorsque $2$ est inversible).

    Elle est simplement donnée par le tenseur de l'action "usuelle" et l'action sur $R$ donnée par la signature.
  • Merci, c'est genialissime cette concrétisation calculatoire...
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  • Christophe : plus généralement, si $G$ est un groupe fini et $M$ un groupe abélien muni d'une action de $G$, alors il y a un morphisme $\mathrm{Nm}_G : M_G \to M^G$ des orbites vers les points fixes, qui est naturel en $M$ et défini par $\overline m\mapsto \sum_{g\in G} g\cdot m$ où $\overline m$ désigne la classe de $m$ dans le quotient $M_G$. (exercice : c'est bien défini, et ne dépend que de $\overline m$, pas de $m$)

    Si $|G|$ est inversible sur $M$ (au sens où $m\mapsto |G|m$ est un isomorphisme) alors $\mathrm{Nm}_G$ est inversible, d'inverse $m\mapsto \frac{1}{|G|}\overline m$

    Preuve: si $m\in M^G$ est un point fixe, il est clair que $\frac{1}{|G|} m$ est un représentant de $\frac{1}{|G|}\overline m$ et donc $\mathrm{Nm}_G( \frac{1}{|G|}\overline m) = \sum_{g\in G}\frac{1}{|G|} g\cdot m = \sum_{g\in G} \frac{1}{|G|} m = m$; et réciproquement $\frac{1}{|G|} \overline{\sum_{g\in G} g\cdot m} = \frac{1}{|G|}\sum_{g\in G} \overline{g\cdot m} = \frac{1}{|G|}\sum_{g\in G} \overline{m} = \overline m$.

    Bon, il y a plus conceptuel comme preuve, mais je pense que tu aimerais moins les autres que je connais :-D

    Bref, ça te dit que de manière générale, si $|G|$ est inversible, tu peux représenter tes classes dans le quotient (donc les éléments de $\bigwedge^k R^n$ par exemple) par des éléments spécifiques de $M$ ( $(R^n)^{\otimes k}$ dans notre exemple), à savoir les $\sum_{g\in G} g\cdot m$ (qui correspondent à tes sommes de tenseurs "twistés" par des signatures)

    Attention, ça ne marche pas si $|G|$ n'est pas inversible !!
    (bon, parfois si mais ce serait aller beaucoup trop loin pour ce post :-D )
  • Merci. Le rôle de la signature de ton dernier post étant peu important, je vois que tu me signales un cas "d'axiome du choix renforcé partiel" (je crois que les gens parlent de section).

    Ce qui me plait bien dans la formule que j'ai signalée n'est pas tant la recherche de morphisme que le fait de tester une égalité dans le quotient (bon ok, ça revient aux mêmes activités plus ou moins) que je trouve séduisante.

    Je réponds tardivement à dom (je ne sais plus si c'est dans ce fil qu'il m'a interpellé, mais j'y pense) : dom tu n'as pas suivi toute ma relation avec le déterminant "en live" sur le ofurm :-D . Aujourd'hui, je peux dire que sans être au niveau expert, je le comprends plutôt bien et l'admire beaucoup. Il ne me viendrait pas à l'idée de le critiquer. Je rappelle souvent qu'il reste encore un mystère, même pour les experts je pense.
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