Base d'un groupe ?
Bonjour,
Plus j'y réfléchis, plus je pense qu'il est possible de parler de "base" d'un groupe, notamment avec les générateurs. Est-ce bien possible (s'il y a deux mots différents, c'est certainement parce que ce n'est pas la même chose) ?
Si c'est le cas, je suppose que la notion est affaiblie (ne serais-ce que par manque de commutativité). Mais peut-on quand même en tirer des choses intéressantes (dimension, sommes directes, décompositions, etc...) ?
En espérant ne pas complétement délirer
Merci
Cordialement
Plus j'y réfléchis, plus je pense qu'il est possible de parler de "base" d'un groupe, notamment avec les générateurs. Est-ce bien possible (s'il y a deux mots différents, c'est certainement parce que ce n'est pas la même chose) ?
Si c'est le cas, je suppose que la notion est affaiblie (ne serais-ce que par manque de commutativité). Mais peut-on quand même en tirer des choses intéressantes (dimension, sommes directes, décompositions, etc...) ?
En espérant ne pas complétement délirer
Merci
Cordialement
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Réponses
Effectivement, si le groupe est abélien, il peut être considéré comme un Z-module ; et on peut donc naturellement parler de base du groupe. Si cette base est finie, il s'agit alors d'un groupe Z^n. Si cela t'intéresses, tu peut regarder du côté des groupes abéliens libres. Un résultat très pratique (il me sert souvent) est que les groupes abéliens de type fini sans torsion sont libres (c'est-à-dire de la forme Z^n)
Lebesgue
Mais s'il n'est pas abélien, on peut quand même en tirer quelque chose ou bien c'est comme les corps non commutatifs : on oublie ?
Dans le cas des groupes libres, il y a bien une notion de base mais il faut bien faire attention qu'une famille libre ne se complète pas nécessairement en une base. Il y a pas mal de chose qui changent.
Toutefois, il existe un certain nombre de résultats partiels, comme celui dont parlait Lebesgue dans le cadre (restreint) des groupes abéliens de type fini sans torsion. Ce genre de résultats vient de la théorie des modules, qui ne sont autres que des espaces vectoriels, sauf qu'on a remplacé le corps de base par un anneau. Cette théorie marche bien, est très utile, mais possède quelques inconvénients. En particulier, le cardinal d'une famille libre génératrice peut varier. Sans trop rentrer dans les détails, on peut quand même attribuer ce genre de problèmes au fait que (k.x = 0 n'implique plus k=0 ou x=0, quand k est un scalaire et x un vecteur). Tu peux apprendre ce genre de belles choses dans Basic Algebra I de Jacobson qui est un excellent bouquin.
Un autre résultat partiel, magnifique, est le théorème de la base de Burnside, qui dit que le résultat auquel on s'attend (invariance du cardinal d'une famille libre génératrice) est aussi atteint quand le groupe en question est un p-groupe. La preuve est très jolie (en tout cas celle que je connais, qui passe par le sous-groupe de Frattini) et est, de manière anecdotique, un des plus beaux développements d'agreg que je connaisse. Ma référence pour ces trucs-là est le Rotman de théorie des groupes.
--
Ludo
(À Clémentine, pour toujours)
Je vais me pencher là dessus.
Merci à vous
Cordialement
Si l'on regarde les bases dans les espaces vectoriels, on constate que ces objets codent les isomorphismes entre espaces vectoriels de dimensions finies et dans les cardinaux supérieurs à celui du corps de base. Cette propriété repose sur la suivante :
\begins{quote}
{\it Une partie~$X$ d'un $\mathbb K$-espace vectoriel~$E$ est une base de~$E$ si, et seulement si toute application $\phi : X \longrightarrow F$ de~$X$ dans un $\mathbb K$-espace vectoriel~$F$ se prolonge en une unique application linéaire de~$E$ dans~$F$.}
\end{quote}
L'existence du prolongement correspond à une notion d'{\it indépendance} et l'unicité à la {\it génération}. Il me semble qu'on peut commencer à retenir cette propriété pour définir une notion de base dans diverses structures quitte à affiner ultérieurement.
Attention à ne pas confondre avec les notions de {\it bases d'ouverts} ou de {\it bases de filtres}. Bref, je ne pense qu'aux structures algébriques.
C'est en effet un problème, mais on a le problème analogue avec les modules sur un anneau fixé.
Je ne prétend pas avoir proposé une solution :-( mais apporter une petite contribution.
Bruno
Le critère que propose Bruno vient de l'algèbre linéaire : toute application linéaire est complétement déterminée par l'image des vecteurs de bases de l'ev de départ. C'est donc un critère très séduisant : déjà connu et puissant (puisqu'on définit alors une base de manière "indirecte"). La question qui vient naturellement : est-ce que cette définition peut se voir comme un "prolongement" de la famille minimale génératrice pour les groupes quelconques ?
Sinon, je pensais qu'un groupe libre était un groupe admettant une base (i.e : tout élèment se décompose de manière unique). D'après la remarque de Ludovic, ça n'a pas l'air d'être la bonne définition. J'ai bien cherché, mais c'est peu clair : pourriez-vous me donner la définition d'un groupe libre ?
Enfin, au risque de vous montrer que je n'ai pas tout compris (et moi qui croyait que les modules n'étaient pas plus compliqués que les espaces vectoriels !), je voudrais savoir pourquoi ne pas prendre la définition suivante pour "base d'un groupe" (si tant est qu'elle existe) :
Soit $\phi_x : \Z \rightarrow G$ définie par $\phi_x(n) = x+x+x+x... = n.x$ . Alors une partie $X \subset G$ est une base de $G$ si et seulement :
$$\forall g \in G, \, \exists ! (\lambda_{k})_1^{p} \in \Z^p, \, g = \sum_{e_i \in X} \phi_{e_i}(\lambda_i) $$
$p$ étant le cardinal de $X$. Après, il faut pouvoir déterminer des CNS d'existence, des conditions pour trouver $p$ minimal, etc... Apparamment, ce sont des choses qui sont traitées (post de Lebesgue).
Mais bon, il est très probable que ma proposition ne fasse pas avancer le sujet : je suis sûr qu'à travers vos suggestions, c'est ce que vous essayez d'obtenir (au moins serons-nous d'accord sur l'objectif) !
Pendant qu'on est à deux pas des modules : est-il vrai que l'on a dans les modules des bases non-génératrices, ou des trucs au moins aussi bizarres ?
Merci
Cordialement
Un groupe libre de base $X$ se définit exactement comme je l'ai écrit, c'est une couple $(i,G)$ tel que $g$ soit un groupe et $i : X \lonorightarrow G$ tel que toute application de $X$ dans un groupe se factorise de façon unique à travers $i$.
Un groupe libre de base $X$ est unique à un isomorphisme près car c'est une caractéristique des objets libres d'une catégorie. La démonstration est très simple, on se donne deux couples $(i,G)$ et $(i',G')$ résolvant le problème universel, alors $i'$ se factorise à travers $i$, on a donc un morphisme $g : G \longrightarrow G'$ tel que $i' = g \circ i$ et de même $g' : G' \longrightarrow G$ tel que $i = g' \circ i'$. On en déduit $i = (g' \circ g) \circ i$ or, bien entendu, $i = \text{Id}_G \circ i$. Par unicité du morphisme de factorisation, on a $g' \circ g = \text{Id}_G$. Symétriquement on a $g \circ g' = \text{Id}_{G'}$ ce qui prouve que $g$ et $g'$ sont des isomorphismes réciproques. On parle alors du groupe libre de base $X$.
Si $X = \{a\}$, alors le groupe libre est $\Z$ avec $i : a \longmapsto 1$ (ou $-1$ au choix puisqu'il y a isomorphisme).
Tout se corse dès que le cardinal de $X$ dépasse ou égale $2$ en raison de la non commutativité. Posons $X = \{a,b\}$, on doit donc considérer le groupe libre de base $\{a\}$ ce qui donne $\{a^n \mid n \in \Z\}$, idem pour $b$ puis les produits de la forme $\prod_{i = 1}^ka^{n_i}b^{p_i}$ où l'on admet d'entrée $a^0 = b^0 = e$. Je ne te dis pas la foire que c'est pour un ensemble $X$ infini, mais on a une petite chance : on fabrique uniquement les groupes libres à un nombre fini de générateurs, puis on fait des limites inductives :-)).
Pour ta seconde question, il faut y réfléchir, mais je me demandes si nos idées sont tellement éloignées ?
Bruno
Je suis vraiment désolé pour le temps que j'ai mis à répondre.
Je pense qu'il me faut d'abord me documenter sur les modules et la théorie des catégories avant de poursuivre dans cette voie.
Merci à vous, en particulier à toi Bruno, d'avoir pris le temps de me répondre.
Cordialement
En algèbre linéaire, la notion de base fait référence à la conjonction de 2 propriétés :
$(1)\ $L'existence d'une décomposition de tout élément selon cette base,
$(2)\ $L'unicité de la décomposition de tout élément selon cette base.
Le point $(1)$ apparait pour toute famille génératrice
Le point $(2)$ pourrait donc caractériser les familles "libres" génératrices qui seraient des bases.
Ces 2 points apparaissent naturellement avec les produits de sous-groupes d'un groupe.
Si $H,K$ sont deux sous-groupes de $G$, tels que $G=H.K =\{h.k\mid h\in H,\ k\in K\}$
$H \cup K$ est une famille génératrice puisque $G=H.K$
Si $H\cap K = \{1\}$ alors il y a unicité de décomposition selon $H$ et $K$.
(En effet si $h.k=h'.k'$ alors $h^{-1}h'=k.k'^{-1} \in H\cap K = \{1\}$ )
Si donc $H$ et $K$ admettent chacun une base, la réunion de ces deux bases serait une base de $G$.
Ce qui amène une caractérisation des groupes (finis dans un premier temps) satisfaisant ces conditions : il admettent une suite de composition (qu'on peut supposer cyclique par raffinement successifs), dont chaque quotientage est scindé : $$ \{1\} =G_0 \subset G_1 \subset \ldots \subset G_n =G$$ telle que $G_{i-1} \lhd G_{i}, \ G_i/G_{i-1}$ est cyclique et $G_i \rightarrow G_i/G_{i-1}$ est scindé. En d'autres termes $G_i \simeq G_{i-1} \rtimes G_i/G_{i-1}$ ou encore $$G \simeq \left(\ldots\left(G_1\rtimes \frac{G_2}{G_1}\right)\rtimes\ldots\rtimes\frac{G_{n-1}}{G_{n-2}}\right)\rtimes \frac{G_n}{G_{n-1}}$$ Ce qui puisque chaque $G_i/G_{i-1}$ est cyclique $$G \simeq \left(\ldots\left(\frac{\Z}{d_1\Z}\rtimes \frac{\Z}{d_2\Z}\right)\rtimes\ldots\rtimes\frac{\Z}{d_{n-1}\Z}\right)\rtimes \frac{\Z}{d_n\Z}$$ (C'est presque la décomposition des groupes abéliens !)
Certains produits semi-directs pouvant être "dégénérés" càd des produit directs (si tous sont dégénérés, on retrouve le cas $G$ abélien).
Dans ce contexte, une base est constituée d'un générateur de chacun des n facteurs.
Il y en a donc $\varphi(d_1)\varphi(d_2)\ldots\varphi(d_n)$ et tout élément se décompose de façon unique selon cette base.
Malheureusement tous les groupes finis ne satisfont pas ces critères. Par exemple les groupes simples non commutatifs mais aussi ceux ne se décomposant pas en produit semidirect, le groupe des quaternions $\mathbb{H}_8$ par exemple, et tous les produits directs ou semi-directs faisant intervenir au moins l'un de ces groupes.
Alain
Vous pourrez trouver une très belle généralisation de la notion de dépendance (et par suite de base) dans la théorie des matroïd (Matroïd theory - James G.Oxley Oxford science publications) qui est peu enseignée en France.
Bonne journée.