Polynôme caractéristique?

Bonsoir,

Je me pose le problème suivant. Soit $n$ un entier et $p$ un nombre premier. On peut montrer que \[\forall A\in\mathcal{M}_n(\mathbb{Z}),\ \mathrm{Tr}\left(A^p\right)\equiv\mathrm{Tr}\left(A\right)\pmod{p}\textnormal{.}\]

Je conjecture que l'on a un résultat plus général, à savoir \[\forall A\in\mathcal{M}_n(\mathbb{Z}),\ \chi_{A^p}\equiv\chi_{A}\pmod{p}\textnormal{,}\] où $\chi_A$ désigne le polynôme caractéristique de $A$. Cependant, je n'avance pas du tout...

Si quelqu'un avait une idée, cela m'aiderait beaucoup!

Merci d'avance et bonne soirée à tous

Réponses

  • Là encore, je vais, même si cela ne répond pas directement à ta question, faire référence à mon livre : tu y trouveras la généralisation suivante (dans une certaine direction) du {\it petit théorème de Fermat pour les matrices entières} (exo 4.11) : Si $A \in \mathcal {M}_n(\N)$, alors on a $$\sum_{d \mid n} \mbox {Tr}(A^d) \mu(n/d) \equiv 0 \pmod n.$$ Ceci peut-il t'aider ?

    Borde.
  • Je ne sais pas. En fait, j'ai trouvé le résultat sur la trace dans ton ouvrage (que je suis d'ailleurs bien content d'avoir ;-) ), et j'ai essayé de le démontrer sans utiliser de fonctions arithmétiques. Ce qui peut se faire assez proprement, moyennant un vocabulaire assez précis (je crois que ma preuve fonctionne; je peux la poster si cela intéresse quelqu'un)

    Pour l'instant, les pistes que j'envisage seraient, d'une part, la méthode de Fadéev pour le calcul de $\chi_A$, qui n'aboutit pas; d'autre part, le fait que $\chi_A$ est une somme de polynômes symétriques élémentaires des valeurs propres ($\chi_A=\displaystyle\prod_{i=1}^{n}(X-\lambda_i)=\sum_{i=0}^{n}(-1)^iX^{n-i}\sigma_i$, où $\sigma_i=\displaystyle\sum_{1\leqslant k_1
  • Effectivement, tu pourrais mettre ta démo en ligne, cela intéresserait pas mal de gens...Il faut savoir également que l'on en trouve une autre, purement algébrique, dans le livre de {\bf Tauvel}, {\it Exercices de maths pour l'agrégation, algèbre 2}, Masson, exo 19 page 41.

    La relation proposée ci-dessus, particularisée avec $n = p^a$, fournit : $$\mbox {Tr}(A^{p^a}) \equiv \mbox {Tr}(A^{p^{a-1}}) \pmod {p^a},$$ mais l'on se rend bien compte que l'on utilise intrinsèquement la propriété "d'additivité" de la trace, et j'ai bien l'impression qu'il sera difficile de généraliser à tous les coefficients du polynôme caractéristique.

    Non ?

    Borde.

    {\bf PS}. Merci de ton intérêt pour mon livre...
  • Je suis bien d'accord avec toi sur le fait que la linéarité de la trace est cruciale. Mais après avoir fait l'hypothèse que cela marchait aussi pour le polynôme caractéristique (c'est vrai pour la trace et le déterminant, qui en sont les coefficients extrêmes, alors pourquoi ne pas pousser le bouchon un peu plus loin?...), j'ai fait quelques centaines d'essais qui bien sûr ne prouvent rien mais qui laissent à penser qu'il y a quand même quelque chose là-dessous.

    J'ai posé la question à mon prof de maths, qui a répondu que "les coefficients du polynôme caractéristique sont des traces, donc ce n'est pas complètement surprenant". Malheureusement, je doute que le problème le fascine, c'est pourquoi je me tourne vers ce phorum!

    Sinon, je joins ma démo sur la trace, merci de m'indiquer les éventuelles erreurs. Je trouve que somme toute, le résultat "se voit bien", quand on réfléchit à ce qui se passe quand on développe le produit.

    Merci encore!
  • Je suis bien d'accord avec toi sur le fait que la linéarité de la trace est cruciale. Mais après avoir fait l'hypothèse que cela marchait aussi pour le polynôme caractéristique (c'est vrai pour la trace et le déterminant, qui en sont les coefficients extrêmes, alors pourquoi ne pas pousser le bouchon un peu plus loin?...), j'ai fait quelques centaines d'essais qui bien sûr ne prouvent rien mais qui laissent à penser qu'il y a quand même quelque chose là-dessous.

    J'ai posé la question à mon prof de maths, qui a répondu que "les coefficients du polynôme caractéristique sont des traces, donc ce n'est pas complètement surprenant". Malheureusement, je doute que le problème le fascine, c'est pourquoi je me tourne vers ce phorum!

    Sinon, je joins ma démo sur la trace, merci de m'indiquer les éventuelles erreurs. Je trouve que somme toute, le résultat "se voit bien", quand on réfléchit à ce qui se passe quand on développe le produit. Par contre, il faut s'abstraire du vocabulaire pédant |-)

    Merci encore!
  • [Oups. Merci de supprimer les deux messages superflus...]
  • Bonsoir,

    Les coefficients du polynôme caractéristique d'une matrice sont des fonctions polynomiales de $M_n(\C)$, invariantes par conjugaison de $Gl_n(\C)$.
    Par conséquent (cf Mneimné, Réduction des endomorphismes, page 6), les coefficients du polynôme caractéristique sont des polynômes $P_i$ en les traces des puissances $k^{iemes}$ , pour $k \in \{1,\dots,n\}$.

    Ainsi, les coefficients de $\chi_A (X)$ sont les $P_i(Tr(A),\dots,Tr(A^n)$,
    et les coefficients de $\chi_{A^p}(X)$ sont les $P_i(Tr[A^p],Tr[(A^p)^2],\dots,Tr[(A^p)^n] = P_i(Tr[A^p],Tr[(A^2)^p],\dots,Tr[(A^n)^p] =
    P_i(Tr[A^p],Tr[(A^2)],\dots,Tr[(A^n)] \mod p.$

    Evidemment, tout est basé sur l'argument de Mneimné, qui donne le schéma de la preuve, en disant :

    "La démonstration du théorème fait bien sûr appel aux sommes de Newton, mais découle en fait de deux résultats sur la réduction : d'une part qu'une telle fonction polynomiale est entièrement déterminée par sa restriction aux matrices diagonalisables [ou ce qui revient au même que ces matrices sont denses dans $M_n(\C)$], et d'autre part que deux matrices diagonales sont semblables si, et seulement si, les termes diagonaux de l'une se déduisent par une permutation des termes diagonaux de l'autre."

    Cordialement,

    Ritchie
  • D'accord, il s'agit bien dans ce cas de sommes de Newton... Cependant on ne peut pas écrire de congruence si les coefficients des $P_i$ ne sont pas entiers, si je ne m'abuse? Ou alors je n'ai rien compris au précédent message...
  • Et en considérant $A$ comme élément de $M_{n}(\mathbb{F}_{p})$, puis en la réduisant dans une cloture algébrique de $\mathbb{F}_{p}$ ? ...
  • Oups, je n'ai pas bien fait attention.

    En effet, les coefficients des $P_i$ ne sont pas entiers, mais rationnels (formules de Newton).

    Par contre, ton résultat semble vrai, on pourra s'en convaincre avec le programme Maple suivant :

    > k:=1000:
    > n:=22:
    > p:=19:
    > for i from 1 to k do
    > M:=randmatrix(n,n,entries=rand(-10..10)):
    > if (expand(charpoly(M&^p,T)) mod p expand(charpoly(M,T)) mod p) then print(M):fi:od:

    Cordialement,

    Ritchie
  • Cela est-il correct ?

    Soit $\pi$ la surjection canonique de $\Z$ sur $\mathbb{F}_{p}$. Pour $A$ dans $M_{n}(\Z)$ d'éléments $a_{ij}$, on définit $B = \pi(A)$, dans $M_{n}(\mathbb{F}_{p}$, d'éléments $b_{ij} = \pi(a_{ij})$.
    Comme $\pi$ est un morphisme d'anneau, on a $det(B) = \pi[det(A)]$ et le problème revient à montrer que que $B$ et $B^{p}$ ont même polynôme caractéristique.
    Soit $\Omega_{p}$ la cloture algébrique de $\mathbb{F}_{p}$, dans $\Omega_p{p}[X]$ on a les factorisations :
    $\chi_{B} (x) = \displaystyle\prod_{i=1}^{n} (X - \lambda_{i})$ et $\chi_{B^{p}} = \displaystyle\prod_{i=1}^{n} (X - \lambda_{i}^p)$
    Ces polynômes on pour coefficients respectifs de $X^{n-k}$
    $(-1)^l{k}\sigma_{k}(\ambda_{1},\ldots,\lambda_{n})$ et $(-1)^l{k}\sigma_{k}(\ambda_{1}^{p},\ldots,\lambda_{n}^p)$
    qui sont éléments de $\mathbb{F}$
    Le morphisme de Frobenius $Fr$ sur $\Omega_{p}$ commute à toute application polynômiale, en particulier aux $\sigma_{k}$, et se restreint à l'identité sur $\mathbb{F}_{p}$, soit
    $\sigma_{k}(\ambda_{1}^{p},\ldots,\lambda_{n}^p) = \sigma_{k}[Fr(\ambda_{1}),\ldots,Fr(\lambda_{n})] = Fr[\sigma_{k}(\ambda_{1},\ldots,\lambda_{n}] = \sigma_{k}(\ambda_{1},\ldots,\lambda_{n})$
    et, me semble-t-il, le résultat voulu...
  • Bonjour,

    Modulo les quelques erreurs de frappe, ça me semble correct, et efficace.

    On peut toutefois éviter l'argument de la clotûre algébrique en passant par le corps de décomposition de $\chi_B$.

    Cordialement,

    Ritchie
  • Je m'excuse pour les fautes de frappe, mais j'ai tapé ça ce matin avant de partir au boulot, entre une douche et un bol de café...
    On peut évidemment remplacer la cloture algébrique par tout corps dans leque le polynôme caractéristique est scindé, j'ai d'ailleurs failli en faire la remarque dans ma réponse.
    L'utilisation de la cloture algébrique évite d'avoir à réfléchir, et d'être réutilisable si l'on a besoin d'autres polynômes par la suite, auquel cas on pourrait tout aussi bien se limiter à une extension ou tous les polynômes utiles sont scindés...
    Comme l'on dit : "qui peut le plus, peut le moins", et si cela ne coûte pas plus cher...
  • Bonsoir,

    Je plaisantais bien sûr pour les fautes de frappe. Encore bien vu pour la preuve.

    "cela ne coûte pas plus cher..." : un peu quand même. C'est d'ailleurs une question récurrente chez le jury d'agrégation.

    Cordialement,

    Ritchie
  • Ca coûte une zornification. Si l'on refuse l'axiome du choix, c'est ennuyeux
    On peut discuter longuement, mais je n'y tiens pas, à l'intérêt d'utiliser le minimum d'outils. C'est parfois indispensable, et ici j'utilise peut-être un marteau-pilon pour écraser une mouche, mais pour moi, l'essentiel est de comprendre le ressort de la méthode utilisée, qui ne réside pas dans la minimalité de l'extension utilisée.
  • Merci à Skilveg pour sa démonstration.

    Borde.
  • En tout cas, merci à tous pour vos réponses... Et en particulier à gb, même s'il utilise des arguments qui me dépassent encore un peu :-)
  • Je m'excuse d'utiliser des arguments qui peuvent être audacieux au niveau L1/L2 annoncé pour cette question. Le niveau d'audace a été le sujet de la petite discussion avec Ritchie.
    L'idée est simple : au lieu de travailler sur des congruences modulo $p$ dans $\Z$, je travaille sur des égalités de classes dans $\Z/p\Z$. L'essentiel est que, tant que l'on ne dépasse pas la structure d'anneau, les égalités de classes se manipulent comme les congruences, tout est transparent. Du point de vue formel (et un peu pédant), c'est le morphisme canonique surjectif $\pi$ de $\Z$ sur l'anneau quotient.
    Ensuite, je veux trigonaliser la matrice, c'est plus sympa pour calculer le polynôme caractéristique !
    Pour ce faire, j'ai besoin de scinder $\chi_{A}$.
    Quand tu as une matrice réel avec $\chi_{A} = (X^{2}+1)(X^{2}+X+1)^{3}$, tu passes dans le corps des complexes, afin d'avoir des valeurs propres...
    Là c'est pareil, $\Omega_{p}$ est à $\Z/p\Z$ ce que $\C est à $\R$ (et je ne vois pas l'intérêt (dans mon exemple réel, de passer dans $\Q[i,j]$, même si les calculs se feront dans ce corps, avec Maple par exemple), cela me permet d'avoir une expression simple des polynômes caractéristiques de $A$ et $A^{p}$ (ou plutôt de leurs classes modulo $p$).
    Le TRUC, c'est le morphisme de Frobenius $x \mapsto x^p$ dans les anneaux de caractéristique $p$ : $(xy)^{p} = x^{p}y^{p}$ est immédiat, alors que $(x+y)^{p} = x^{p} + y^{p}$ demande une vieille propriété des coefficients binômiaux. Ce truc permet de se débarasser des puissances $p$ièmes.
  • Réenvoi de mon message.
    Je m'excuse d'utiliser des arguments qui peuvent être audacieux au niveau L1/L2 annoncé pour cette question. Le niveau d'audace a été le sujet de la petite discussion avec Ritchie.
    L'idée est simple : au lieu de travailler sur des congruences modulo $p$ dans $\Z$, je travaille sur des égalités de classes dans $\Z/p\Z$. L'essentiel est que, tant que l'on ne dépasse pas la structure d'anneau, les égalités de classes se manipulent comme les congruences, tout est transparent. Du point de vue formel (et un peu pédant), c'est le morphisme canonique surjectif $\pi$ de $\Z$ sur l'anneau quotient.
    Ensuite, je veux trigonaliser la matrice, c'est plus sympa pour calculer le polynôme caractéristique !
    Pour ce faire, j'ai besoin de scinder $\chi_{A}$.
    Quand tu as une matrice réel avec $\chi_{A} = (X^{2}+1)(X^{2}+X+1)^{3}$, tu passes dans le corps des complexes, afin d'avoir des valeurs propres...
    Là c'est pareil, $\Omega_{p}$ est à $\Z/p\Z$ ce que $\C$ est à $\R$ (et je ne vois pas l'intérêt (dans mon exemple réel, de passer dans $\Q[i,j]$, même si les calculs se feront dans ce corps, avec Maple par exemple), cela me permet d'avoir une expression simple des polynômes caractéristiques de $A$ et $A^{p}$ (ou plutôt de leurs classes modulo $p$).
    Le TRUC, c'est le morphisme de Frobenius $x \mapsto x^p$ dans les anneaux de caractéristique $p$ : $(xy)^{p} = x^{p}y^{p}$ est immédiat, alors que $(x+y)^{p} = x^{p} + y^{p}$ demande une vieille propriété des coefficients binômiaux. Ce truc permet de se débarasser des puissances $p$ièmes.
  • Très pédagogue, gb!

    Cordialement,

    Ritchie
  • Donc, $\Omega_p$ est de caractéristique $p$? Effectivement, dans ce cas il ne reste plus grand chose à vérifier...

    Merci encore pour ces précisions! N'empêche que je me demande encore si le recours aux clôtures algébriques est vraiment nécessaire, et s'il n'existe pas une preuve plus élémentaire... Mais bon, le principal est que le résultat soit démontré!
  • Bien sûr, $\Z/p\Z$ est de caractéristique de $p$, il en est donc de même de tous ses sur-corps, dont il est le corps primitif.
    Encore une fois, le passage à la clôture algébrique n'est que suffisant (et très largement), puisqu'il nécessite l'axiome du choix.
    On peut à moindre frais se contenter du corps de décomposition du polynôme caractéristique, ce qui ne demande qu'une extension finie de $\Z/p\Z$.
  • Tres beau resultat Skilveg.
    Question :
    A-t'on aussi \[\forall A\in\mathcal{M}_n(\mathbb{Z}),\ \mu_{A^p}\equiv\mu_{A}\pmod{p}\textnormal{,}\] où $\mu_A$ désigne le polynôme minimal de $A$?
  • Je ne crois pas, du moins pour $n\geqslant 2$: si $A=E_{ij}$ avec $i\neq j$, on a pour tout $p\geqslant 2$
    \[\mu_{A^p}\equiv X\not\equiv X^2 \equiv\mu_{A}\pmod{p}\textnormal{.}\]
  • Je me permets de déterrer ce sujet un bref instant... Après moult essais numériques, il semble bien que, si $A$ est à coefficients entiers, $p$ un nombre premier et $\alpha$ un entier strictement positif, alors
    \[\chi_{A^{p^{\alpha}}}\equiv\chi_{A^{p^{\alpha-1}}}\pmod{p^{\alpha}}\textnormal{.}\]
    Je doute qu'une récurrence sur $\alpha$ soit possible... Peut-être pourrait-on voir les résidus modulo $p^{\alpha}$ des coefficients des $(\chi_{A^n})_{n\in\N^*}$ comme des termes de suites réalisables? ;-) Auquel cas on aurait une relation du genre
    \[\sum_{d\mid n}\chi_{A^d}\mu\left(\frac{n}{d}\right)\equiv 0\pmod{n}\textnormal{...}\]
    D'où la question: comment montrer qu'une suite est réalisable?

    Bonne fin d'année à tous!!
Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.