Polynôme minimal d'une matrice

Bonjour.
Si $L/K$ est une extension de corps, le polynôme minimal d'une matrice $A\in\mathcal{M}_n(K)$ est-il le même si on voit la matrice comme élément de $\mathcal{M}_n(L)$.
J'ai l'impression que oui, mais je ne vois pas comment montrer ça. Et les livres que j'ai sous la main ne prennent pas la peine d'évoquer ce problème.
Merci pour toute indication.
Romain

Réponses

  • Il ne me semble pas, prends par exemple le cas d'une rotation d'un quart de tour direct dans le plan vectoriel. Son polynome mimimal sur R est X²+1 tandis que sur C, c'est X - i.
  • Bonjour,

    Et en utilisant les modules et les éléments invariants, ça doit marcher non ? (Algorithme de Smith si ma mémoire est bonne, à vérifier)

    Rappel :

    On considère la matrice $A - XI$ et avec des opérations élémentaires sur les lignes et les colonnes on se ramène à une matrice diagonale dont les éléments diagonaux $d_i$ sont tels que $d_i$ divise $d_j$ pour tout $i < j$ (cette forme est unique aux élements inversibles près). Le polynôme minimal de A est alors $d_n$.

    Retour à la question :

    On peut effectuer dans $L$ les mêmes opérations élémentaires que dans $K$ et on trouve alors les mêmes invariants : le polynôme minimal est donc le même.

    Mais il y a peut-être plus simple que de passer par les modules... :)

    aeiouy : $X - i.I$ n'est pas un polynôme annulateur pour la matrice associée à la rotation que tu décris. Le polynôme minimal de cette rotation est $X² + 1$ sur $\R$ et $\C$.

    SadYear

    17'5 n1c3 70 83 1mp0r74n7, 8u7 17'5 m0r3 1mp0r74n7 70 83 n1c3.
  • Bonjour,

    En voici une autre démonstration :

    Le polynôme minimal $P\in K[X]$ de $M\in M_n(K)$ est le polynôme unitaire de plus
    petit degré (dans $K[X]$) tel que $P(M)=0$. De même le polynôme minimal
    $Q\in L[X]$ de $M$ considérée comme élément de $M_n(L)$ est le polynôme
    unitaire de plus petit degré de $L(X]$ tel que $Q(M)=0$.
    Comme $P(M)=0$, $P$ est un multiple de $Q$ dans $L[X]$ et on a donc $\mbox{degré}(P)\ge\mbox{degré}(Q)$.
    On montre maintenant que $P$ et $Q$ ont même degré, ce qui donnera $P=Q$.

    Les matrices $M_{i,j}$ classiques (1 à la i--ème ligne, j--ème colonne
    et 0 ailleurs) forment une base de $M_n(K)$ et de $M_n(L)$. Si $d$ est
    le degré de $P$, les matrices $I,M,\ldots,M^{d-1}$ sont $K$--indépendantes.
    En désignant par $S$ la matrice des composantes de $I,M,\ldots,M^{d-1}$
    dans la base $(M_{i,j})$ de $M_n(K)$, on a $S$ de rang $d$. $S$ étant
    aussi la matrice des composantes de $I,M,\ldots,M^{d-1}$ considérées
    comme éléments de $M_n(L)$, ces matrices sont $L$--indépendantes et
    $\mbox{degré}(Q)\ge d$. Ainsi $P$ et $Q$ ont le même degré et sont égaux.

    Amicalement
    Omar
  • Je n'aime trop l'argument de la fin faisant appel à un argument de rang... c'est un peu fumeux. On ne voit pas pourquoi le rang pris sur $K$ ne change pas lorsque l'on passe au rang pris sur $L$.

    Autrement dit, si on considère les vecteurs colonnes, on ne voit pas pourquoi $rang_K (vecteurs colonnes) = rang_L(vecteurs colonnes)$...
  • Rien de fumeux dans les histoires de rang, si on se souvient que :

    Une matrice est de rang d (d < n) ssi tous les déterminants extraits de taille d + 1 sont nuls et il existe un déterminant extrait de taille d non-nul.

    Une matrice est de rang n ssi son déterminant est non-nul.

    Et merci à Omar pour cette démo qui ne fait pas appel aux modules. :)
  • Bonjour,

    Merci SadYear d'avoir répondu à ma place. Fumeux, fumeux... qui a dit fumeux...

    Omar
  • Je préfère personnellement le point de vue des systèmes linéaires avec une belle application de l'utilisation des opérations élémentaires sur les matrices qui ramène la matrice initiale du système linéaire à une forme réduite donnant une paramétrisation directe des solutions ainsi que les équations de compatibilité.

    \textit{Lemme.} Si $Q$ est le polynôme minimal de $M$ considérée comme étant à coefficients dans $M_n(L)$, on va montrer en fait que $Q$ est à coefficients dans $M_n(K)$.

    Cela achèverait la démonstration :

    $Q$ est le poly minimal de $M$ sur $M_n(L)$ et $P$ annule $M$ et est à coefficients $M_n(L)$, donc $Q|P$ dans $M_n(L)$.

    $P$ est le poly minimal de $M$ sur $M_n(K)$ et $Q$ annule $M$ et est à coefficients $M_n(K)$, donc $P|Q$ dans $M_n(K)$, donc donc $P|Q$ dans $M_n(L)$.

    Finalement $P$ et $Q$ sont assiciés dans $M_n(L)$ et unitaires, donc égaux.


    \textit{Preuve du lemme.} En notant $d$ le degré de $Q$, on a des scalaires $x_0$, ..., $x_{d-1}$ dans L tels que :

    $M^d=x_{d-1} M^{d-1}+...+x_1 M+x_0 I$.

    Mais l'équation précédente revient à dire que le vecteur $(x_0, ..., x_{d-1})$ est une solution d'un système d'inconnue le vecteur colonne $X$ :

    $A \times X = transposée(y_0, y_1, ... y_{d-1})$

    La matrice $A$ possédant $n^2$ lignes et $d$ colonnes à coefficients dans $K$, les scalaires $y_0$, ..., $y_{d-1}$ étant dans $K$ puisque les puissances de $M$ ont des scalaires à coefficients dans $K$.

    Or par des opérations élémentaires sur les lignes uniquement, on obtient un système équivalent, de la forme :

    $B \times X = transposée(z_0, z_1, ... z_{d-1})$.

    La matrice $B$ étant sous forme réduite (savoir donner sa description précise est essentielle, je ne le fais pas ici, mon exposé est déjà trop long!), ses $r$ dernières lignes étant toutes nulles.

    Comme ce système admet un vecteur solution à coeffs dans dans $L$, cela prouve que les équations de compatibilités sont satisfaites : les $r$ derniers $z_i$ sont donc tous nuls. Cela prouve que le système linéaire n'est pas impossible.

    La forme réduite de $B$ donne directement une paramétrisation des solutions. $B$ étant à coefficients dans $K$, on en déduit l'existence d'un vecteur solution à coefficients dans $K$.

    Il y a donc un autre polynôme $R$, unitaire de degré $d$, tel que $R(M)=0$. $R$ étant à coeffs dans $L$ également, $Q$ divise $R$ et par égalité de degrés $Q=R$, donc $Q$ est dans $K[X]$.


    *** Cette méthode est beaucoup plus naïve mais permet de comprendre que la notion de polynôme minimal est simplement liée à la résolution d'un système linéaire comportant beaucoup d'équations.

    *** Ce lemme assez naïf permet de voir que plus généralement, si $P$ est un poly annulateur de $M$ de degré $d$, il existe un autre poly annulateur de $M$ de degré $d$ à coefficients dans le sous corps engendré par les coefficients de $M$.

    *** Concernant Omar, il n'y avait rien de méchant dans mes propos, je regrette que mes propos sur le côté "fumeux" n'aient pas été compris.
    Ta démonstration est excellente pour une question orale à l'agreg, c'est concis et ça cadre parfaitement avec ce que voudrait entendre un jury à mon avis. Ma démo proposée est beaucoup trop longue, elle est à proscrire pout une agreg mais elle offre l'intérêt d'un autre point de vue.
  • Merci pour vos réponses.
    Celle d'Omar me plaît bien.
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