Base de K[[X]] ?

Salut à tous!

Tout le monde sait que la famille (X^k)k€N est une base de l'espace vectoriel des polynômes K[X].
En revanche, ce n'est pas vrai pour KX : la série formelle Sum(X^k,k=O..infini) ne s'écrit pas comme une combinaison linéaire finie d'éléments de cette famille.
Et pour cause, il me semble que KX est un espace vectoriel de dimension infinie non dénombrable.
Ma question est la suivante : bien qu'on sait qu'il existe une base de KX, je n'en ai jamais vu de "concrète" et je n'en ai jamais trouvé.
En connaissez-vous?

Merci.

Réponses

  • Je gage qu'Aleg va nous expliquer qu'on ne peut pas en exhiber de "concrète".
  • Exact...Pour la même raison que l'on ne peut pas exhiber de base concrète de l'espace des fonctions continues de $\mathbb{R}$ dans $\mathbb{R}$.

    Par exemple, si on prend $K=\mathbb{R}$, les séries formelles

    $$e^{\alpha X}=\sum\frac{\alpha^n}{n!}X^n$$ sont linéairement indépendantes lorsque $\alpha$ parcourt $\mathbb{R}$.
  • J'en profite, question a laquelle je n'ai jamais vraiment reflechi : qu'est ce qui impose dans la definition d'un espace vectoriel de ne prendre que des combinaisons lineaires finies ? en quoi les axiomes des espaces vectoriels seraient violés ? ca pose simplement le probleme que 2 espace ayant meme "base" ne seraient pas identique, mais je pense qu'on s'en accomode pour peu qu'on precise ce qu'on fait..

    Je m'exprime sans doute mal, mais pour manipuler facilement $kh$, ne serait il pas plus simple de le voir comme une sorte de completion de $k[h]$, et de considerer que les $h^k$ forment une sorte de base ?

    Ca m'arrive par exemple de devoir mainpuler des produits tensoriels complétés ou j'autorise l'existence de sommes avec un nombre infini de coefficients non nuls, et il me semble que ca ne pose pas vraiment de problèmes.
  • Tout simplement parce que si on veut prendre des sommes infinies, cela signifie qu'implicitement on a une notion de convergence, et donc il faut mettre une topologie sur ton espace.

    C'est en tout cas comme ça que je le vois. Au passage, quand on parle de complétion, on complète par rapport à une topologie.


    Maintenant, imaginons que l'on soit dans l'espace de Hilbert $\ell^2$. On a deux façons de considérer cet espace. En tant qu'espace vectoriel idiot, il a une base infinie (non dénombrable).
    En tant qu'espace topologique, la famille $(e_n)_{n\geq 0}$ est une famille {\bf normale}, c'est-à-dire que l'espace vectoriel engendré est dense pour la topologie.


    C'est la bonne notion qui remplace la notion de famille génératrice, car elle tient compte de la topologie sur $\ell^2$.

    On a alors une base topologique (i.e famille libre et normale). Tout élément de $\ell^2$ s'écrit comme "combinaison linéaire infinie" des $e_n,n\geq 0$ de façon unique.

    Sauf erreur...j'ai pas fait de Hilbert depuis 1994 lol
  • Il me semble que du point de vue purement algébrique, on ne peut pas donner de sens à une combinaison linéaire à une infinité de termes. Par contre il peut être pratique d'écrire, de cette façon, un élément d'un espace vectoriel que l'on a parfaitement défini par ailleurs.
    C'est bien ce que l'on fait avec les séries entières formelles.

    Sinon il faudrait pouvoir expliquer {\it a priori} pourqoui on a le droit d'écrire, pour tout $\alpha$, la combinaison $e^{\alpha X} = \sum \dfrac{\alpha^n}{n!} X^n$, alors que l'on ne peut pas écrire la combinaison $\sum n! e^{nX}$, alors que la famille des $e^{nX}$ est tout aussi libre que celle des $X^n$.
  • Je me pose une question : j'ai l'impression que KX est toujours de dimension non dénombrable sur K (Baire ?). Quelqu'un confirme ?

    Si c'est vrai, ça donne une réponse immédiate à : montrer que la K-algèbre KX n'est pas de type fini, alors que la solution qu'on m'avait donnée pour ce dernier exercice est un peut plus compliquée...
  • Un corps $K$ contient au moins $2$ éléments, donc $KX$ a au moins la cardinalité $2^{\aleph_0}$ (on choisit les coefficients de chaque puissance de $X$), donc est non dénombrable, non?
  • Merci Greg, si je traduis :

    - Si K est dénombrable, alors KX est de dimension non dénombrable car non dénombrable.

    - Si K est non dénombrable, on prend des exponentielles comme tu l'a déjà fait.

    C'était bien ta pensée ?
  • GreginUK et PB : oui mais $\R$ n'est pas dénombrable non plus ??? Ou il y a un truc que je ne pige pas ?

    En tant qu'ev $KX=K^\N$. S'il avait une base dénombrable, on aurait une bijection de $K^\N$ sur l'ensemble des suites d'éléments de $K$ presque toutes nulles. Il me semble que ceci est de cardinal strictement inférieur à celui de $K^\N$, mais pourquoi, \c ca m'échappe pour le moment.
  • remarque : où est le problème avec R ?

    PS : K^N a parfois le même cardinal que K^(N). Par exemple si K=R. Preuve (en omettant les "card" et en notant < pour inférieur ou égal) : R<R^(N)<R^N=(2^N)^N=2^(N^2)=2^N=R.
  • Je viens de me rendre compte qu'il y a une autre preuve pour "K^N est de dimension non dénombrable" :

    Le théorème de Erdos-Kaplansky dit que si I est infini, alors la dimension de K^I est égale à son cardinal (donc >= 2^I >I)

    En particulier, la dimension de K^N est >N
  • Ok, j'ai rien dit pour le cardinal. Pour le premier truc, je ne comprends pas pourquoi $KX$ non dénombrable implique qu'il est de dimension non dénombrable.
  • Théorème d'Erdös-Kaplansky : pour tout corps $K$ et tout ensemble infini $I$, on a $\dim(K^I) = (\mathrm{Card}(K))^{\mathrm{Card}(I)}$.

    (N. Bourbaki, {\it Algèbre}, Chapitres 1 à 3, Hermann, Paris, 1970, ex. 3, A.II.192)
  • Si K est dénombrable, tout K-ev de dimension dénombrable est dénombrable.

    Exemple de preuve : tout K-ev de dimension finie est dénombrable. Ensuite, un K-ev de dimension dénombrable est une union dénombrable (croissante) de K-ev de dimensions finies.
  • Ah ok ! Je croyais qu'on parlais d'un K quelconque, j'avais mal lu. Et bien, je dormirai moins idiot ce soir ! Merci PB :)
  • Pardon...j'ai seulement démontré que $KX$ était non dénombrable, j'avais mal lu la question...Cela n'implique pas a priori que $KX$ est de dimension non dénombrable.

    Je résume l'argument complet, du a PB a $99\%$:


    1) Si $K$ est non dénombrable, on prend effectivement les series $\frac{1}{X-\alpha}=\sum \alpha^n X^n$. (On ne peut pas prendre les séries exponentielles car $K$ pourrait être de caractéristique positive!)

    2) Si $K$ est dénombrable, alors tout $K$-ev de dim. denombrable est denombrable.

    3) Comme $KX$ est non denombrable, si $K$ est denombrable, cela implique
    que $K[X]]$ est de dim non denombrable par 2).
  • Ok, merci. Je pense que maintenant c'est clair.

    Si on veut, on a démontré un "petit" Erdös-Kaplansky (mais la preuve du "grand" est aussi élémentaire).
  • GreginUK Écrivait:
    > Tout simplement parce que si on veut prendre des
    > sommes infinies, cela signifie qu'implicitement on
    > a une notion de convergence, et donc il faut
    > mettre une topologie sur ton espace.
    >
    > C'est en tout cas comme ça que je le vois. Au
    > passage, quand on parle de complétion, on complète
    > par rapport à une topologie.
    >

    Je suis d'accord dans l'idée, mais la question que je me pose, c'est "à quel niveau la notion de somme infinie viole les axiomes des espaces vectoriels" ? je suis d'accord que la notion de completion se rattache a une notion de topologie, mais d'un autre coté, si je fixe un ensemble $S$ quelquonque, et que je considere l'ensemble des sommes formelles (eventuellement infinie, mais peu importe c'est formel!!!) sur cet ensemble, j'ai envie de dire que c'est un espace vectoriel dont une base est $S$....
  • - C'est un espace vectoriel : d'accord avec toi.
    - Dont une base est S : non, S n'est même pas génératrice car dans la définition d'une famille génératrice, il n'est question que de sommes finies.
  • Je le sais, c'est pour ca que j'ai dit "j'ai envie de dire que", parce que ca m'intrigue.

    Est ce que ca vient de la definition d'espace vectoriel, ou de la definition de base ? Quitte a lui donner un autre nom, n'est il pas possible de donner un sens au fait que S est une sorte de base ? parce que moralement, elle est libre, et elle est generatrice pour peu que j'autorise les sommes infinies, ce qui est le cas puisque mon "truc" est defini comme ca..

    Je ne sais pas si c'est clair, et c'est sans doute doute du coupage de cheveux en 4, mais ca m'intrigue. Si j'autorise des sommes infinies pour construire mon ensemble, pourquoi les refuserai-je dans ma definition de "generatrice" ? $S$ engendre bien mon espace et d'une "maniere lineaire" il me semble...
  • Je n'y avais pas pensé, mais le fait que "generateur => somme finie" vient sans doute du fait que rigoureusemnent, l'espace engendré par un ensemble est le plus petit sous espace contenant cet ensemble.

    Ca n'empeche pas tout cela de m'intriguer :)
  • Il y a un formalisme pour ce que tu veux : les espaces vectoriels topologiques (notion de combinaisons linéaires (finie) + une topologie (compatible)).

    Par exemple, si $K$ est un corps quelconque et $I$ un ensemble quelconque, on peut muni $K$ de la topologie discrète et le $K$-ev $E=K^I$ de la topologie produit (qui n'est pas discrète si $I$ est infini). Si $x=(x_i)$ est un élément de $E$, et si on note $\delta_i$ l'élément de $E$ qui vaut $1$ en $i$ et $0$ ailleurs, on a envie d'écrire :
    $$x=\sum_i x_i \delta_i$$
    Pas de problème : la famille à droite est sommable et a pour somme $x$ :)

    Dans un espace vectoriel topologique, on parle souvent de "s.e.v. fermé engendré par ..." (plus petit ensemble qui contient les combinaisons linéaires finies ou infinies). On a une notion de famille "génératrice" version combinaisons linéaires infinie, je crois qu'on dit "famille totale". On a une notion de "base" aussi, je crois qu'on dit "base de Schauder". Dans l'exemple ci-dessus, je ne serais pas étonné que les $\delta_i$ forment une base de Schauder (un spécialiste confirmera peut-être) :)
  • Jobherzt,

    Les axiomes d'espace vectoriel portent des conditions sur 2 lois de composition.
    Une loi de composition agit sur 2 éléments.
    Par itération, on peut définir les combinaisons linéaires finies.

    Soit $S$ un ensemble. On veut définir formellement un ensemble $CL(S)$ des combinaisons linéaires (finies, ordinaires...) de $S$ et un ensemble $CL_{\infty}(S)$ de combinaisons linéaires infinies, on a alors :

    $CL(S)$ est stable par combinaisons linéaire finie (j'en suis certain).
    $CL_{\infty}(S)$ n'est pas stable par combinaisons linéaires infinies (en général, il y a peut-être des cas où ça marche).

    Le problème est vraiment là : tu ne peux pas te permettre de faire une combinaison linéaire infinie de n'importe quoi. Le principe limitateur n'est pas algébrique, et ne ressort pas à la théorie des espaces vectoriels.

    Peut-être en itérant la construction de $CL_{\infty}$, arrive-t-on à un objet qui convient ?
    On pose pour tout ordinal $\alpha$ :
    $S_{\alpha} = S$ si $\alpha = 0$
    $S_{\alpha} = CL_{\infty}(S_{\beta})$ si $\alpha$ est le successeur de $\beta$
    $S_{\alpha} = \bigcup\limits_{\beta < \alpha} S_{\beta}$ si $\alpha$ est limite

    La classe des $S_{\alpha}$ est-elle strictement croissante, ou bien stationne-t-elle (avec une magnifique preuve zornifiante) ?
  • Je n'ai pas tout lu de la longue conversation sur les cardinalités, mais, si ça peut aider:

    Une base B permet d'écrire chaque élément du K-ev d'une manière unique sous la forme d'une fonction de domaine fini inclus dans B à valeurs dans K

    Votre conversation concerne donc le cardinal (en général) de l'ensemble T des dites fonctions. Il faudrait que je relise en détails vos "soucis", mais il y a plusieurs cas:

    1) tout est infini (corps et base): dans ce cas, l'ensemble T est réunion dénombrable d'ensembles tous de cardinal égal à celui B×K (qu'est-ce que je suis content de taper des touches utf8 au clavier lol)

    2) Le corps est fini mais pas B: T a alors le cardinal de B (je viens de déjeuner, 3 verres de vin, garantie 97%)

    3) B est fini, mais pas K: T a le cardinal d'un des K^n

    4) les 2 sont finis: blabla

    Je pense que 1..4 donnent les réponses (enfin j'espère) à tel ou tel point discutés ci-dessus

    Remarque: à très franchement parler, c'est seulement en présence de l'axiome du choix qu'on a le droit d'affirmer sans proces que E×E est de même cardinal que E

    Mais c'est aussi seulement en présence de l'axiome du choix qu'on est bien inspiré de parler de "bases algébriques**" (mis à part exemples artificiels, la plupart des ev n'ont pas des bases canoniques qui se voient au premier coup d'oeil et l'axiome "tout espace vectoriel admet une base algébrique" implique (dans ZF) un axiome très proche de l'axiome du choix* (je me demande même si ça implique l'axiome du choix entier)

    * je vous passe les détails...

    ** j'ai la flemme... famille libre telle que tout élément est combinaison linéaire finie (ne pas confondre avec "bases de Hilbert (je crois) ou autre) qui sont des familles libres engendrant des ev dont les adhérences (modulo telle ou telle topologie donnée, par exemple, celle du produit scalaire (hilbertien)) sont l'ev tout entier)
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Merci à tous pour vos réponses.

    Apparemment, on ne peut exhiber de base de l'e.v KX.
    Pourquoi pas, mais avez vous une raison fondamentale à tout ça.
    L'existence d'une base vient de l'axiome du choix, d'accord, donc non explicite.
    Mais n'existe-t-il pas un autre moyen?
  • Si on prend K = Z/pZ, KX, muni d'une distance associée à la valuation canonique est un espace vectoriel topologique complet qui vérifie le théorème de Baire.Or si on a une base de cet espace.En prenant tous les vecteurs qui engendrent les fractions rationnelles à dénominateur une puissance de X, on obtient avec ces vecteurs et une partie de ceux qui restent,un sous-espace dense de codimension dénolmbrable qui ne vérifie donc pas la proporiété de Baire. Dans un modèle de type Solovay, où on a le choix dénombrable seulement et où toute partie de R(qui est en bijection borélienne avec KX on n'a alors pas de base pour KX.

    Amitié

    Anatole
  • je pense qu'il faut lire : << Dans un modèle de type Solovay, où on a le choix dénombrable seulement et où toute partie de R (qui est en bijection borélienne avec KX) est mesurable, on n'a alors pas de base pour KX. >>
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