Représentations d'algèbres

Bonjour,

il y a un point que j'ai du mal à saisir au sujet des représentations de $K$-algèbres ($K$ corps) :

on a vu que les représentations d'une $K$-algèbre $A$ s'identifient naturellement aux $A$-modules :
à $(V,\rho)$ représentation de $A$, on associe le $A$ module $M:=V$ muni de la loi externe sur $A$ : $a.m=\rho(a)(m)$ et inversément.

Ceci (si j'ai bien compris le cours (que j'ai rattrapé...)) permet de définir de façon naturelle ce qu'est une sous-représentation (représentation associée à un sous-A-module du module identifié à la représentation de départ), un quotient de représentation, une somme de représentations...

Ce qui me gène, c'est que plus loin, il est dit que faire un produit tensoriel de représentations n'a pas de sens en général. Je ne vois pas ce qui est différent des cas précédents : pourquoi ne peut-on pas prendre la représentation associée au produit tensoriel des $A$-modules correspondant ?

Réponses

  • Peut-être parce que le produit tensoriel des A-modules n'est pas un A-module.
  • Euh... mais c'est un A-module !? Je ne vois pas ce que vous voulez dire .
  • En fait il y a 2 choses :

    - deja en general, si on se place sur un anneau $R$ non commutatif, il faut faire attention aux histoires de module à gauche ou module à droite, et le produit tensoriel {\bf au dessus de $R$} ne donne pas forcement un $R$-module.

    - ensuite, dans ton cas, la situation est encore différente. Il faut bien faire attention au fait que quand on parle de produit tensoriel de représentations, on sous entend qu'on prend le produit tensoriel {\bf en tant qu'espace vectoriels, cad au dessus de $K$}. (Souviens toi de ce qu'il se passe pour les groupes, par exemple). C'est d'ailleurs ce qui fait qu'on n'a pas de soucis a prendre le produit tensoriel de deux $A$-modules à gauche. Mais si $A$ n'est pas commutative, le resultat n'est pas necessairement un $A$ module, mais seulement un $A \otimes_K A$-module.Pour que ca devienne un $A$-module, il faut avoir un morphisme d'algèbre de $A$ dans $A \otimes A$.C'est le cas par exemple pour les algèbres de groupes, pour les algèbres enveloppantes, et plus généralement pour les bialgèbres (ou les algèbres de Hopf). Mais ce morphisme n'est pas necessairement unique, donc sauf contexte clair ca n'a pas de sens de parler de produit tensoriel de representation, il faut preciser quelle action on prend.
  • A priori le produit tensoriel de deux $A$-modules n'est pas un $A$-module. C'est un juste un groupe abélien qui satisfait une propriété.

    [La case LaTeX. Jobherzt]
  • Ah d'accord, j'avais oublié qu'on avait supposé les anneaux commutatifs lorsqu'on a construit les produits tensoriels dans mon cours, je ne comprenais pas la remarque de gb pour cela. J'essaie de voir où cette hypothèse intervient dans la construction qu'on nous a faite : dans tous les cas le produit vérifie $am\otimes_A n=m\otimes_A an$ pour a dans A, m dans M et n dans N. Donc on ne peut pas définir une loi extérieur du type $(a,m\otimes n)\mapsto am\otimes n=m\otimes an$, car sinon il y a problème avec $(ab).m\otimes n=(abm)\otimes n=(am)\otimes(bn)=(bam)\otimes n=(ba).m\otimes n$, c'est cela ?

    (je suis désolé de vous embêter avec des questions de bases, mais le cours que je suis va vraiment vite, beaucoup de points de détails comme celui ci sont "laissés à l'auditeur", ça ne fait pas très longtemps qu'on a traité les produits tensoriels, et je n'ai pas d'autre support que mon cours manuscrit)

    ps : je n'ai pas entendu parler de module à gauche ou à droite (même si je me doute bien qu'il s'agit d'agir seulement à gauche ou à droite pour éviter un problème), ni de produit tensoriel au dessus de R, nous n'avons traité en cours que le produit tensoriel de modules sur un anneau commutatif.
  • Alors :

    - deja, dans le doute, est ce que tu ne serais pas tombé directement sur le message de Monk sans lire le mien :) ? La notion de produit tensoriel de représentation n'est {\bf pas} un produit tensoriel au dessus de $A$ mais au dessus de $K$, cad qu'on prend le produit tensoriel en tant qu'espace vectoriel. Ne serait ce que parce que par convention on identifie les représentations avec des $A$-modules à gauches, et donc que si $A$ n'est pas commutatif ca n'a pas de sens de prendre le produit tensoriel au dessus de $A$.

    - ensuite, non on a pas $am\otimes_A n = m\otimes_A an$, car si $A$ n'est pas commutatif, le module $M$ doit etre un module à droite, donc $am$ n'a pas de sens. On a $ma\otimes_A n = m\otimes_A an$.

    Donc attention, remarque que ce que tu ecris comme etant un probleme ne necessite pas de loi externe ! si tu enleves les membres de gauche et de droite, cad si tu gardes :
    $$(abm)\otimes n=(am)\otimes(bn)=(bam)\otimes n$$

    tu vois que ce que tu ecris est en fait {\bf la raison pour laquelle on a besoin que $M$ soit un un module à droite} :) Donc tu as bien mis le doigt sur un probleme mais pas exactement sur le bon, meme si l'idée est un peu la meme :) (tu suis toujours ?)

    Donc tu as tort, mais en fait tu as raison, car definir de maniere raisonnable une structure de module à gauche sur le produit tensoriel, revient forcement en defintive a exiger que $M$ soit un module à gauche (mais ecrit avec les scalaires à droite :) ), ce qui nous fait retomber sur le probleme que tu souleves.

    Tout ca peut paraitre obscure, mais l'idee à retenir est la suivante : {\bf la notion de module à gauche ou a droite n'est pas juste une convention d'ecriture}. Quand on fait agir un produit $ab$ sur un module à gauche, on fait agir d'abord $b$, ensuite $a$. Tandis que sur un module à droite, on fait agir d'abord $a$, ensuite $b$. C'est pour ca que dans le cas ou $A$ n'est pas commutatif, un module à gauche n'a vraiment pas de raison d'etre un module à droite, et reciproquement..

    Voila, meme si encore une fois tout ceci n'intervient pas vraiment au niveau de la theorie des représentations...
  • Bonjour,

    déjà merci beaucoup pour cette réponse détaillée :)
    On va essayer point par point :

    _si si, j'ai bien vu votre message aussi, j'avais bien lu que vous m'aviez dit qu'on faisait toujours le produit des deux représentations sur $K$ ("au dessus de $K$" ?, mon prof n'a pas employé ce vocabulaire, mais je suppose que c'est de cela qu'il s'agit)

    _si je comprends bien votre remarque, la loi externe de l'anneau sur un module à droite doit vérifier : $(ab)*m=b*(a*m)$, ce qui amène a re-noter loi $a*m:=m.a$, pour avoir une écriture moins troublante. Ensuite j'ai bien saisi que si le module $M$ est à droite et $N$ est à gauche, le problème que j'ai partiellement soulevé n'est plus.
    Si on veut toujours faire le produit tensoriel d'un module à droite et d'un module à gauche, c'est parcequ'on ne veut pas que le produit vérifie $abm\otimes n=bam\otimes n$, mais rien n'empêcherait de construire un tel objet, non ?

    Sinon, auriez vous une référence sur les modules non commutatifs et leurs produits tensoriels ? (sur internet ou un bouquin)

    Une dernière question : pour en revenir plus aux représentations, justement vous disiez qu'on pouvait faire le produit sur $K$ de représentations de $KG=\bigoplus_{g\in G}K.\delta_g$. Et pour cela, il suffit de trouver un morphisme de $K$-algèbre de $KG$ dans $KG\otimes_K KG$. J'ai dans mes notes que l'on prend
    $\Delta : KG \rightarrow KG\otimes_K KG$ défini sur les générateurs $\delta_g$ par $\Delta(\delta_g)=\delta_g\otimes \delta_g$.
    Mais pourtant $\Delta$ n'est pas $K$-linéaire, c'est bien cette application qu'il faut prendre ?
  • Si on veut toujours faire le produit tensoriel d'un module à droite et d'un module à gauche, c'est parcequ'on ne veut pas que le produit vérifie $abm\otimes n=bam\otimes n$, mais rien n'empêcherait de construire un tel objet, non ?

    Bien sur, et dans ce cas il me semble qu'on obtient un module sur le quotient de $A$ par l'idéeal engendré par les commutateurs $ab-ba$
    Une dernière question : pour en revenir plus aux représentations, justement vous disiez qu'on pouvait faire le produit sur $K$ de représentations de $KG=\bigoplus_{g\in G}K.\delta_g$. Et pour cela, il suffit de trouver un morphisme de $K$-algèbre de $KG$ dans $KG\otimes_K KG$. J'ai dans mes notes que l'on prend
    $\Delta : KG \rightarrow KG\otimes_K KG$ défini sur les générateurs $\delta_g$ par $\Delta(\delta_g)=\delta_g\otimes \delta_g$.
    Mais pourtant $\Delta$ n'est pas $K$-linéaire, c'est bien cette application qu'il faut prendre ?

    Ok, donc ton cours aborde cette notion de coproduit, je n'etais donc pas hors sujet :) Par contre, pourquoi cette application ne serait pas linéaire ? les $\delta_g$ forment une base (en tant qu'espace vectoriel) de $KG$, et pour definir une appli lineaire il est suffisant de donner l'image d'une base ! Plus precisement, tu as :

    $$\Delta(\sum_{g \in G} \lambda_g \delta_g)=\sum_{g \in G} \lambda_g \delta_g \otimes \delta_g)$$

    Tu peux verifier ensuite que c'est un morphisme d'algèbre. En fait, ce morphisme n'est rien d'autre que la traduction au niveau des algèbres du fait que l'application "diagonale" $G \rightarrow G\times G$ qui envoit $g$ sur $(g,g)$ est un moerphisme de groupe, avec l'identification $K(G \times G) \cong KG \otimes KG$.

    Note que ce coproduit satisfait en plus une condition qu'on appelle coassociativité, qui garantit en gros que le produit tensoriel de représentation est associatif.

    Pour les references je n'ai pas ca en tete, je t'avoue que j'ai appris deux trois trucs sur le sujet un peu sur le tas, mais je vais regarder.
  • pour definir une appli lineaire il est suffisant de donner l'image d'une base !

    Mais oui, tout simplement ! En fait ce qui m'embêtait c'était que je me disais $\Delta(\lambda\delta_g)=\lambda\delta_g\otimes \lambda\delta_g=\lambda^2\Delta(\delta_g)$, mais pas du tout, puisqu'on déclare l'application linéaire...
    Merci beaucoup pour tous ces éclaircissements ! :)
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