Sous-variété algébrique de C^n, résultant

Bonjour,
Je prépare une leçon d'agreg sur le résultant et je vois qu'une des applications sont les sous-variétés algébriques de C^n. L'un des théorèmes que l'on démontre est le théorème des zéros faibles qui stipule qu'une sous-variété V(I) est vide SSI I=C[X1,...,Xn].
La démonstration n'est pas très dure (peut faire l'objet d'un développement je pense) par contre je ne vois absolument pas d'applications à ce théorème. En connaissez-vous (des élémentaires si possible...)
Par ailleurs, une des autres applications du résultant est l'intersection des courbes algébriques planes (n=2) ; dans le cas des coniques cela donne de jolies applications, par contre lorsqu'on s'intéresse à des polynômes de degré supérieur il faut parler de géométrie projective. J'ai quelques bases de cette géométrie par contre je ne comprends pas ce que sont les points d'intersections à l'infini de courbes algébriques planes. Pouvez vous me donner quelques éclaircissements ?
Cordialement,
François

Réponses

  • Par curiosité, une petite question : comme fais-tu intervenir le résultant dans la démonstration du théorème des zéros ?

    Le théorème des zéros est un résultat de base en géométrie algébrique. Il précise le lien entre variétés algébriques et algèbres de type fini sur le corps (algébriquement clos) de base.

    Pour ce qui est des points d'intersection à l'infini : considère par exemple l'hyperbole $xy=1$ et la parabole $y=x^2-2$. Tu vois trois points d'intersection dans le plan. Où est le quatrième (deux coniques se coupent en quatre points, en comptant les multiplicités) ? Il est à l'infini : on homogénéise les équations en $XY-Z^2=0$ et $X^2-2Z^2-ZY=0$ (la droite à l'infini est $Z=0$). En coupant avec cette droite à l'infini on obtient :
    $XY=0$ : l'hyperbole a deux points à l'infini, dans la direction de l'axe des $y$ et dans celle de l'axe des $x$
    $X^2 = 0$ : la parabole est tangente à la droite de l'infini au point dans la direction de l'axe des $y$.
    Le quatrième point d'intersection est le point à l'infini dans la direction de l'axe des $y$.
  • J'ajoute un petit exemple d'application du théorème des zéros : Soit $I$ un idéal de $\C[X_1,\ldots,X_n]$ tel que l'ensemble des zéros communs des polynômes de $I$ est fini. Alors le quotient $\C[X_1,\ldots,X_n]/I$ est de dimension finie comme espace vectoriel sur $\C$.
  • Bonjour,
    Pour préciser un peu le lien variétés affines / algèbre des polynômes, la version forte du théorème des zéros de Hilbert (ou Nullstellensatz) dit ceci :
    * Tu prends un idéal I de C[X1, ..., Xn]. Tu prends l'ensemble des zéros communs à ces polynômes : c'est la variété affine V(I) associée à I. Ensuite tu peux considérer l'ensemble des polynômes qui s'annulent en tous les points de V, par définition cet ensemble contient I.
    Maintenant le théorème des zéros te dit que cet ensemble, c'est exactement le radical de ton idéal (à savoir tous les polynômes dont une certaine puissance est dans I).

    Si on se limite aux idéaux radicaux, on obtient ainsi deux types d'objets :
    * Les idéaux radicaux
    * Les variétés affines

    Et on a une correspondance bijective entre les deux, comme expliquées ci-dessus. Ce théorème dit donc en substance qu'étudier une variété affine, ou son idéal annulateur, c'est la même chose. C'est absolument faux sur un corps non algébriquement clos, où le théorème faible est déjà faux. (par exemple la variété affine associée à l'idéal engendré par X^2 + Y^2 + 1 est vide sur R.

    Ensuite on peut faire le même genre de choses en se plaçant dans l'espace projectif et en se limitant aux polynômes homogènes. On a le même genre de correspondance que précédemment et se placer dans le projectif permet d'éviter certains cas dégénérés. Par exemple, le théorème de Bezout affirme que deux courbes dans le plan projectif définies par des polynômes de degré d et d' s'intersectent en exactement dd' points, avec multiplicité (une notion à définir).
    D'une part, c'est clairement faux dans R : Considérer deux cercles concentriques de rayons distincts. Et d'autre part, c'est faux en affine : une hyperbole ne rencontre une de ses aymptotes qu'à "l'infini".
    Pour le calcul des points à l'infini en pratique, le message précédent t'aidera sans doute.

    Pour toutes ces questions, je ne peux que conseiller très vivement la lecture des 2-3 premiers chapitres de Perrin, Géométrie algébrique. (Il explique en particulier très bien qu'en projectif, il n'existe qu'un seul type de conique et que les distinctions usuelles correspondent au choix d'une droite à l'infini ; c'est très important et c'est le genre de choses qu'il faut bien comprendre si on ose s'aventurer à prendre la leçon sur les Coniques). Et son introduction est très importante aussi.

    Bon courage pour l'agrég.
  • La théorie de Galois dit que les idéaux maximaux de $k[X]$, correspondent exactement aux polynômes irréductibles sur $k$ qui eux mêmes correspondent aux orbites du groupe de Galois absolu $G_k = Gal(k^{sep}/k)$ opérant sur une clotûre algébrique $\overline{k}$. Ex: les idéaux maximaux de $\R[X]$ sont les idéaux engendrés par $(X-a)$, $a\in \R$ et les idéaux engendré par $(X-z)(X-\bar{z})$, $z\in \C\setminus \R$. Ils correspondent bien aux orbites de $\C$ sous $Gal(\C/\R)$.

    Le corollaire au théorème des zéros qui me parait le plus intéressant à mon sens est la généralisation de ce résultat en dimension supérieure: les idéaux maximaux de $k[x_1,\ldots,x_n]$ sont les orbites de $G_k$ opérant sur $\bar{k}^n$.

    Plus précisément, soit $A$ de type fini sur un corps $k$, alors
    (1) Pour tout $\mathfrak{m} \in Spm(A)$, l'ensemble $O_{\mathfrak{m}}$ des idéaux maximaux $\mathfrak{M} \in Spm(A\otimes_k \bar{k})$ tels que $\mathfrak{M} \cap A = \mathfrak{m}$ est fini et non vide.
    (2) Le groupe de Galois $G_k$ opère transitivement sur $O_{\mathfrak{m}}$ de sorte que
    $$
    Spm(A) = (Spm(A\otimes_k \bar{k}))/G_k, ~~\textrm{en particulier}~~ Spm(k[x_1,\ldots,x_n]) \simeq \bar{k}^n/G_k
    $$
    (3) Soit $\mathfrak{M} \cap A = \mathfrak{m}$ comme en (1). Choisissant des générateurs de $A$, on a $k[x_1,\ldots,x_n]/(f_1,\ldots,f_p) \simeq A$ d'où $Spm(A\otimes_k \bar{k}) \subset \bar{k}^n$ et $\mathfrak{M} = (x_1-a_1,\ldots,x_n-a_n)$. Alors, si $k$ est parfait,
    $$
    card(O_{\mathfrak{m}}) = [k(a_1,\ldots,a_n):k]
    $$

    Ceci dit je ne suis pas sur de voir le lien entre Nullstellensatz et résultant.
  • Pour ce qui est du théorème de Bezout, tu as plein d'exemples où il manque des points d'intersection à nos courbes dans le plan affine. C'est typiquement le cas quand on considère deux droites parallèles: $X= \{x +y = 0\}$ et $Y = \{x + y = 1\}$. Le produit de leurs degrés est 1 mais on a 0 point d'intersection dans l'espace affine $\mathbb{A}^2(k)$. Le problème disparait si on compactifie le plan affine en le plan proejctif. Plus précisément, on a

    (1) Le plan projectif s'obtient en rajoutant au plan affine un point à l'infini pour chaque direction.

    (2) Sur un corps algébriquement clos, deux courbes algébriques planes ont une intersection non vide.


    L'espace projectif $\mathbb{P}^n(k)$ est l'ensemble des droites vectorielles de $k^{n+1}$. Etant donné un point non nul $(x_0,\ldots,x_n) \in k^{n+1} \setminus \{0\}$, il existe une unique droite vectorielle passant par ce point: c'est la droite des $\{(\lambda x_0,\ldots, \lambda x_n) , ~~\lambda \in k\}$. On en déduit que l'espace projectif est le quotient $\mathbb{P}^n(k) = (k^{n+1}\setminus \{0\})/k^\times$. On note $[X_0 : \ldots : X_n]$ l'image de $(x_0,\ldots,x_n)$. On dit que ce sont les coordonnées homogènes du point de $\mathbb{P}^n(k)$.

    Considérons dans $\mathbb{P}^n$ le sous-ensemble d'équation homogène $\{X_0=0\}$. Alors, il est facile de voir qu'il paramètre les droites qui sont contenues dans l'hyperplan vectoriel de $k^{n+1}$ d'équation $\{x_0=0\}$. Un tel hyperplan est isomorphe à $k^n$ donc le sous-ensemble $\{X_0=0\}$ est isomorphe à $\mathbb{P}^{n-1}$. On l'appelle l'hyperplan (projectif) à l'infini. Le complémentaire est $\{ [X_0:\ldots : X_n] \in \mathbb{P}^n(k) ~|~ X_0 \neq 0 \}$. Il s'identifie à $\mathbb{A}^n(k)$ via les morphismes
    $$
    [X_0:\ldots : X_n] \mapsto (\frac{X_1}{X_0}:\ldots : \frac{X_{n}}{X_0}) \qquad \qquad
    (y_1,\ldots,y_n) \mapsto [1:y_1:\ldots:y_n]
    $$

    Considérons le cas $n=1$. L'hyperplan à l'infini est simplement le point de coordonnées homogènes $[1:0]$. On le note $\infty$. On a $\mathbb{P}^1(k) = \mathbb{A}^1(k) \cup \{\infty\} = k\cup \cup \{\infty\}$. Cela revient à identifier une droite à sa pente. En particulier, pour $k=\C$, on trouve la sphère de Riemann $S^2$.

    Considérons le cas $n=2$. L'hyperplan à l'infini est $\{ [0 : X_1: X_2] \in \mathbb{P}^2 \} \simeq \mathbb{P}^1 = k\cup \{\infty\}$. Le complémentaire est l'espace affine $\mathbb{A}^2 = \{ [1 : y_1: y_2] \in \mathbb{P}^2 \} $. Si on se donne une courbe affine d'équation $f(y_1,y_2) = 0$, avec $f$ un polynôme de degré $d$, alors le polynôme
    $$
    F(X_0,X_1,X_2) := X_0^d f(\frac{X_1}{X_0},\frac{X_2}{X_0})
    $$
    est homogène de degré $d$. Le sous-ensemble
    $$
    \{ [X_0 : X_1: X_2] \in \mathbb{P}^2 ~|~ F(X_0,X_1,X_2) = 0\}
    $$
    (Noter que cela a du sens car $F(X_0,X_1,X_2) = 0 \Leftrightarrow F(\lambda X_0,\lambda X_1, \lambda X_2) =0$) est l'adhérence dans $\mathbb{P}^2$ de la courbe
    $$
    \{ (y_1,y_2) \in \mathbb{A}^2 ~|~ f(y_1,y_2) = 0 \}
    $$
    au sens de la topologie de Zariski (ou de la topologie complexe si $k=\C$). On l'appelle la fermeture projective de notre courbe. L'intersection avec l'hyperplan à l'infini est
    $$
    \{ [0: X_1 : X_2] \in \mathbb{P}^2 ~|~ F(0,X_1,X_2) = 0\}
    $$

    Si notre courbe est une droite, i.e. si $f(y_1,y_2) = ay_1 + by_2 + c$ est de degré $1$, alors $F = aX_1+bX_2 + cX_0$. L'intersection de l'adhérence de notre droite avec l'hyperplan à l'infini les solutions de $F(0,X_1,X_2) = aX_1+bX_2 = 0$: c'est le point coordonnées homogène $[0 : -b : a]$. Deux droites affine ont même point à l'infini ssi elles sont parallèles. Et tout point de l'hyperplan à l'infini correspond à une unique direction du plan affine.

    Ainsi, le plan projectif s'obtient en rajoutant au plan affine un point à l'infini pour chaque direction.

    La bonne nouvelle c'est qu'en rajoutant des points pour les droites, on en a rajouté assez pour que 2 courbes quelconquent s'intersectent(sur un corps algébriquement clos $\bar{k}$). En effet, soient $X$ et $Y$ sont des courbes algébriques affines d'équations $f(y_1,y_2)$, $g(y_1,y_2)$. Par hypothèse $f$ et $g$ sont non constants sinon $X$ et $Y$ seraient $\emptyset$ ou $\mathbb{A}^2$. Leurs homogénéisés $F(X_0,X_1,X_2)$, $G(X_0,X_1,X_2)$ engendrent un idéal non trivial $(F,G) \subset \bar{k} [X_0,X_1,X_2]$. D'après le théorème des zéros l'ensemble $V(F,G) \subset \bar{k}^3$ est non vide. Et il n'est pas réduit à $(0,0,0)$ car l'idéal de définition de l'origine est $I(0,0,0) = (X_0,X_1,X_2)$ qui ne peut pas être engendré par $2$ éléments. Donc $V(F,G) \cap \bar{k}^{3}\setminus \{0\} \neq \emptyset$. Prenant le quotient par $\bar{k}^\times$, on en déduit que
    $$
    \bar{X} \cap \bar{Y} = \{ [X_0 : X_1 : X_2] \in \mathbb{P}^2 ~|~ F(X_0,X_1,X_2) = G(X_0,X_1,X_2)=0 \} \neq \emptyset.
    $$
    Deux courbes projectives planes ont donc une intersection non vide ce qui montrent l'intérêt du projectif sur l'espace affine.

    Le résultant de polynômes te permet d'aller plus loin et de démontrer le théorème de Bezout: le nombre de points de l'intersection (comptés avec multiplicités) est le produit des degrés. Tu peux par exemple regarder cette note de Waldschmidt.
  • @afk: ne dois-tu pas plutôt remplacer ta clôture algébrique $\overline{k}$ par $k^{sep}$ partout dans ton message?
  • Bonjour à tous,
    merci pour vos nombreuses réponses. Tout d'abord en ce qui concerne le théorème des zéros faible et la notion de résultant il ne s'agit a priori que d'une nécessité technique. Je veux dire par là que pour en donner une démonstration d'un niveau élémentaire cette notion est utile, mais le livre où j'ai trouvé cette preuve précise qu'à l'aide de maths plus évoluées (je ne sais pas lesquelles...) on peut prouver ce résultat sans résultant.
    Ensuite, les notations de afk (spmm tenseurs...) me sont inconnues...
    Merci pour la référence pour la géométrie algébrique de Perrin (je cours l'emprunter !); je ne connaissais de ce monsieur que le fameux cours d'algèbre !
    Cordialement,
    François
  • fanf a écrit:
    le livre où j'ai trouvé cette preuve précise

    Peux-tu préciser de quel livre il s'agit ? Ca m'intéresse.
  • @GreginGre Une extension finie $K/k$ inséparable est aussi un quotient $K = k[x_1,\ldots,x_n]/\mathfrak{m}$ par un idéal maximal. Ex: $k = \mathbb{F}_p(T)$, $K = \mathbb{F}_p(T^{1/p})$, on a $K= k[X]/(Y^p-T)$. L'idéal maximal $\mathfrak{m} = (Y^p-T) \in Spm(k[X])$ correspond à l'orbite de $O_\mathfrak{m} = \{T^{1/p}\} \subset \bar{k} \setminus k^{sep}$. En revanche, $card(O_{\mathfrak{m}}) < [K/k]$ ce qui justifie l'hypothèse $k$ parfait dans le point (3).

    Le groupe de Galois $G_k = Aut(k^{sep}/k)$ n'opère a priori que sur $k^{sep}$ mais tout morphisme d'un corps dans un corps parfait s'étend de façon unique à une extension radicielle de sorte qu'on a $Aut(\bar{k}/k) = Aut(k^{sep}/k)$ et l'action de $G_k$ s'étend canoniquement à $\bar{k}$. L'exemple montre qu'il faut bien considérer les orbites dans $\bar{k}$ pour récupérer tous les idéaux maximaux.
  • Oui il s'agit de Mathématiques L3 (!) Algèbre, sous la direction de Szpirglas chez Pearson éducation
  • Merci. Je voulais consulter ce bouquin, je ne l'ai pas encore fait.

    Je te signale aussi "Eléments d'algèbre commutative" de Briançon et Maisonobe (Ellipses), pages 128 et suivantes, ou la fin de ce texte.
  • Une dernière question, quelles sont les solutions de l'équation homogène X²=Y² dans le plan projectif P²(C²) ? Il s'agit de l'équation que j'obtiens en cherchant les points d'intersections à l'infini des cercles de centre 0 et de rayon 1 et 2 respectivement. Je dirais [1:1:0]=[-1:-1:0] et [1:-1:0]=[-1:1:0]. On devrait avoir 4 points (d'après le thm de Bézout). Est ce que la notion de multiplicité intervient ici , Ou bien ai-je mal raisonné pour la résolution de ce problème ?
    Cordialement,
    François
  • Oui, tu as dû te tromper quelque part. Les points à l'infini doivent t'être donnés par $X^2+Y^2=0$. Ca te donne donc les fameux "points cycliques" qui sont les points à l'infini dans les direction de pente $i$ et $-i$. Chacun des points cycliques est un point double (puisque l'intersection est celle de $X^2+Y^2=0$ et $Z^2=0$). Bingo, $2\times 2= 4$ !
  • Et enfin comment procède-t-on pour montrer le résultat que Meu annonce à propos de la dimension de C[X1,...,Xn]/I lorsque le cardinal des zéros communs des polynomes de I est fini ?
  • Commence par montrer que l'idéal $I$ contient des polynômes $P_1(X_1),P_2(X_2),\ldots,P_n(X_n)$ non nuls (ici le théorème des zéros -forme forte- intervient). Ensuite, déduis-en que le quotient est de dimension finie.
  • Oui effectivement on obtient X²+Y²=0 ...8-) !
    Merci pour l'indication pour l'application du théorème des zéros,
    François
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