Burnout

Je vous raconte un peu ma vie. Je suis devenu un régulier du forum, j'interagis régulièrement avec bon nombre d'entre vous (je vous salue sans vous citer, sinon je vais en oublier, schtroumpf distait que je suis), donc j'avais envie de vider un peu mon sac.

J'ai emménagé au Luxembourg fin août 2019, ça fait donc bientôt un an que je vis ici. J'avais été pris en stage pour devenir enseignant-fonctionnaire ici. C'est un stage de 2 ans, avec une tonne de boulot (cours, formations à côté, travaux de recherche...). Je suis donc en première année, et normalement, je ne passerai pas en deuxième année. Rien de dramatique, on a de l'argent pour tenir un bon moment, mais bon, c'est dommage.

Je n'ai pas vraiment eu de chance. Bon, j'arrive dans un autre pays, je parle couramment 2 des 3 langues nationales mais manque de bol, au lycée et aux formations, tout se fait en luxembourgeois. Normal que je galère un peu. J'ai pas mal appris la langue depuis, je commence à bien me débrouiller (je suis allemand natif, et ça ressemble à l'allemand, ça aide, d'autant plus que j'ai un talent inné pour les langues), mais au début de l'année, j'étais paumé. J'ai raté pas mal d'infos importantes, je n'ai pas osé/pensé à les demander aux autres, et ça a fini par me retomber dessus. Donc il me manquait pas mal d'infos sur les travaux à rendre pour les formations. Du coup, je ne les ai pas tous rendus à temps, ça ne leur a pas plu. Bon, on peut encore dire que c'est de ma faute. Par contre... on reçoit une adresse e-mail "professionnelle" ici, en début d'année. On reçoit l'adresse, plus un "login" spécial pour tous les services de l'Etat auxquels on a besoin d'avoir accès avec notre fonction (l'intranet du lycée, principalement). Ce login, il faut le demander soi-même (allez savoir pourquoi) et je ne l'ai pas reçu très rapidement, donc pendant un moment, j'ai échangé avec mes formateurs, directeurs etc grâce à une adresse GMail que j'avais créée exprès pour l'occasion. SAUF QUE... bien plus tard, en novembre, quand j'avais déjà transmis à tout le monde mon adresse pro et demandé explicitement de ne plus utiliser que celle-là, un des gens importants de la formation nous envoie LE mail avec TOUT dedans : exactement quoi faire et comment, pour quand, etc. TOUT était là dedans... et il l'a envoyé à mon adresse GMail. Sauf que moi, à ce moment-là, ça faisait 2 mois que je ne la regardais plus, et il m'avait envoyé d'autres choses sur la nouvelle adresse pro entre temps, donc, je ne comprends pas pourquoi ça s'est passé comme ça. Quoi qu'il en soit, j'ai appris l'existence de ce mail et de son contenu fondamentalement important (qui n'est trouvable sulle part sur internet si on n'a pas le lien direct qui n'est pas sur le site) qu'en janvier. A ce moment-là, j'avais déjà des tonnes de travaux en retard, plus d'autres qui arrivaient, et pas des moindres. J'ai essayé de faire des choses comme j'ai pu, mais mon corps a souvent dit non.

J'ai eu 3 classes. 3 classes VRAIMENT difficiles : même les collègues expérimentés sont en galère avec ces classes. Avec les 3. Bon, tant pis. J'étais optimiste, je me disais : au moins, j'aurais vu ce qu'il peut m'arriver de pire. Et je le pense toujours. Il y a eu des "remaniements" avec le COVID et j'ai une autre classe maintenant, avec laquelle ça se passe beaucoup mieux (au niveau de la discipline, en tout cas. Pour le niveau, c'est... autre chose). Ma classe la plus âgée s'est pas mal améliorée aussi pendant l'année, mais les petits, laissez tomber. Toujours aussi graves qu'au début, et toute l'équipe de profs est d'accord sur ça... donc ce n'est pas "juste moi". Quand mes supérieurs sont venus assister à mes cours, ils m'ont dit, ça ne va pas, change ça et ça et ça et ça. Bon, d'accord, j'apprends le métier, ils sont exigeants, normal que je ne fasse pas tout bien dès le début. J'ai même une tutrice qui doit m'aider, je dois lui montrer mes cours, sujets de devoir en classe, copies corrigées, etc, c'est elle qui valide les choses. Mais quand je demandais COMMENT précisément apporter certains changements, je n'obtenais souvent pas de réponse "dont je savais quoi faire", donc je me sentais un peu largué. Elle ne travaille pas à temps plein pour pouvoir s'occuper de ses enfants, elle fait quand même des heures sup', elle se coltine mes trucs aussi (et des formations pour savoir comment m'encadrer), je ne voulais pas non plus la surcharger, mais du coup tout retombait sur moi. Et c'était un peu trop.

Oui, parce que, en plus des travaux en retard à rattraper, je n'ai pas encore mentionné ça : cette tutrice que j'ai, ben, normalement le lycée devait la désigner avant la rentrée pour moi. J'ai passé 3 semaines à ne pas avoir de tuteur attitré. Les classes qu'on m'avait données, on me les avait transmises sous forme de "codes" que je ne savais pas tout à fait lire, sans explication. Fin juillet, et les lycées sont fermés en août (la rentrée est le 15 septembre ici). On ne m'avait pas dit où trouver les programmes scolaires (qui sont semi-officiels et en principe propres à chaque lycée, mais le site de mon lycée n'a pas d'informations sur ça), où trouver quels manuels scolaires sont utilisés dans le lycée... rien. J'avais envoyé un e-mail en panique juste avant la rentrée où j'exprimais poliment que "mais bordel c'est quand qu'on m'aide un peu ici ? c'est normal qu'on laisse les débutants à l'abandon comme ça ?". Du coup, depuis la rentrée, je fais beaucoup de choses à la dernière minute parce que je n'ai réussi à prendre aucune avance, et les infos manquantes du côté des formations ne m'ont pas permis de rattraper le retard.

J'oublie probablement plein de détails, surtout ceux qui me permettent d'être positif quand même : je sais que ce n'est pas que je n'aime pas faire ce métier, ou que je n'aime pas bosser, ça c'est faux. J'ai beaucoup investi, mais pas suffisamment et pas en de bonnes conditions non plus. J'avais une heure de "soutien maths" à donner par semaine, pendant les pauses de midi, ben figurez-vous que la majorité des élèves qui allaient au soutien venaient chez moi au lieu d'aller chez les profs plus expérimentés. Parfois j'avais tellement d'élèves au soutien que ce n'était même plus gérable, ils s'arrachaient les places assises chez moi. Si ça ne veut pas tout dire... ils ont beau dire que je ne réponds pas aux critères de ma direction, si les élèves aiment mon cours et si ma direction ne m'a pas beaucoup soutenu "activement", pour moi ça veut quand même dire quelque chose. Je n'ai quand même pas donné 10 ans de cours particuliers et de tutorats à la fac avec d'excellents retours à chaque fois pour qu'on me dise que je ne suis pas fait pour ça...

Enfin bref. Donc aujourd'hui, en guise de cadeau d'anniversaire en retard à moi-même, je suis allé voir un psychiatre. On a parlé pendant une heure, malheureusement ça ne suffit pas pour tout savoir sur tout, mais on s'est beaucoup dit. Visiblement, c'est irréaliste que je sois en dépression, c'est ça que je croyais au départ (j'ai pas mal de connaissances qui m'ont dit que ça y ressemblait). Manque d'énergie chronique, même quand je dors beaucoup et travaille peu, manque d'efficacité au travail, parfois mais pas systématiquement manque de motivation - et pas uniquement pour le travail, je suis un vrai légume alors que j'aimerais être plus actif - et d'autres choses. Quand on lit ça, on pense dépression, non ? En tout cas, après m'avoir écouté parler pendant pas mal de temps, il m'a décrit les symptômes et les raisons d'apparition d'un burnout. Et ça correspondait franchement bien à environ tout ce que je ressens en ce moment.

J'ai besoin d'une pause. Encore 2 semaines de cours, normalement je perds mon boulot après ça, puis, PAUSE. J'ai besoin de ramasser les morceaux. Je retrouverai du travail assez facilement normalement, quand je me sentirai prêt, en attendant de recommencer le stage, ce n'est pas un problème très grave (bon, ça reste gênant parce que je stagne dans ma "carrière"), on a de l'argent pour tenir un moment. J'aurai du temps libre (on n'a que ça, quand on est au chômage), j'en profiterai pour re-préparer des cours : ça m'entraînera, et ça me permettra d'avoir plus de choses déjà prêtes quand je recommencerai. Maintenant, les programmes, les bouquins, ce qu'ils attendent, je connais tout ça, donc je pourrai mieux m'en sortir. Mais là j'ai besoin d'une pause et d'un nouveau départ.

Voilà.

EDIT : dans un groupe d'amis anglophones, quelqu'un vient de partager cette image. Je n'en suis pas à ce point-là, mais ça y ressemble un peu quand même. En tout cas ça m'a fait rire, et vu le contexte ça fait du bien. Désolé pour le fait que ce soit en anglais.

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Réponses

  • Oh ne

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  • Salut Homo Topi,

    C'est bien dommage que tout cela t'arrive, et je trouve ça en effet surprenant (pour dire le moins) que l'admin fasse comme si tu n'étais pas un débutant (je ne sais pas, quand on envoie un mail super important, on prend la précaution de demander en personne si tu l'as bien reçu, ou quelque chose de ce genre...).
    Mais je vois (j'ai l'impression en te lisant) que tu n'es pas prêt d'abandonner : bravo pour ça. Je te souhaite que ta période de repos (forcé ou pas, ça reste du repos) te soit bien profitable et que tu guérisses de ce burnout; et que tu reviennes plus tard (si tu le souhaites encore) en pleine forme. Comme tu le dis, la prochaine fois, tu seras au courant !
    (c'est d'ailleurs très cool pour toi que vos ressources financières te permettent de prendre cette pause dont tu as l'air d'avoir besoin)

    En tout cas : bon repos, bon courage pour la suite, et au plaisir de re-discuter avec toi sur le forum !
  • Les maths sur le forum, c'est sûr que je n'arrêterai pas. Aussi bizarre que ça puisse paraître, ça ne me fatigue pas de faire des maths. Allez savoir pourquoi !
  • Bonsoir Homo Topi,
    Je ne peux que te souhaiter bon courage pour passer cette période difficile de burn-out, mais c'est de bon coeur !
    Bien cordialement
    JLB
  • Bonsoir H.T

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  • Merci pour le soutien. Ça aide !

    Flora : déjà, arrête de me vouvoyer, par pitié :-D

    J'ai essayé de réfléchir à ma situation tout seul pendant longtemps. Puis j'ai commencé à en parler avec mes supérieurs. L'idée m'est venue qu'il y a des professionnels à qui on peut parler de ça, alors c'est ce que j'ai fait.

    Je pense que le temps d'adaptation c'est une chose, ma capacité de travail en est une autre, et la responsabilité de mes supérieurs en est une autre. Moi, j'ai fait ce que j'ai pu, je me suis rendu malade. Eux, non.

    Mes élèves sont difficiles, mais je les aime bien. Je n'ai pas de problème avec le fait qu'ils soient parfois très indisciplinés, mais le fait est que parfois on n'arrive plus à faire cours de maths parce qu'il faut faire un cours de savoir-vivre. C'est stressant parce que ça prend du temps, que je DOIS prendre, sans que ça fasse avancer le programme.
  • Oh

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  • Je ne suis pas mal entouré, ou déprimé... juste extrêmement fatigué. J'avais un mal de tête depuis lundi, il commence à partir maintenant, comme par hasard pile quand la semaine se finit.
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