Conduire sa pensée en mathématiques

Bonjour.
Lorsque vous résolvez un problème mathématique, lors de la phase de recherche et de réflexion, comment utilisez-vous votre pensée ? Avez-vous recours à un monologue intérieur ? Essayez-vous d'imbriquer ensemble des concepts pour donner lieu à suite d'implications ? Autre chose ? Personnellement j'utilise plutôt la seconde méthode, quand je cherche, il n'y pas vraiment de phrase dans ma tête, c'est comme si j'essayais de résoudre un Rubik's cube avec l'esprit.

Réponses

  • Je pense que la nature du problème conditionne l'approche pour le résoudre.

    Ce que je veux dire est que face à certains problèmes il y a une série de trucs que tu vas faire parce que tu sais qu'en général les informations que cela apporte sont souvent déterminantes dans la résolution d'un problème.
    C'est là où l'expérience dans la résolution de problèmes est utile.
    Face à certains problèmes on se constitue inconsciemment une check list.
    C'est comme une enquête policière on collecte les indices pour se constituer un faisceau de preuves qui permettra de démasquer le "coupable". B-)-
    .
    Face à un problème qui ne ressemble à rien* de ce que je connais je laisse mon imagination flotter sans a priori.
    Il ne faut pas avoir peur de passer du temps à emprunter des impasses avant de trouver le passage.
    (cela peut prendre du temps, du temps qu'on n'a pas forcément à disposition, c'est vrai)

    *: on finit toujours par associer quelque chose d'inconnu à quelque chose de connu et c'est parfois peu pertinent.
  • Bonjour,
    En général, j'écris au brouillon pour tenter des choses sans qu'il ne passe rien de particulier dans mes pensées. Si je ne sais plus trop quoi tenter, je fais autre chose et remets à plus tard le problème (si possible). Des fois quand je suis vraiment bloqué je me dis "mais qu'est-ce que je pourrais bien faire, là ?". Mais quand j'arrive à ce point, je sors rarement de mon blocage, ou alors avec force réflexions qui peuvent donner plus ou moins mal à la tête et avec difficulté.

    Edit : JLT, il ne faut pas supprimer mon "bonjour". ;-)
  • D'accord avec Calli sur l'aspect écrire sans que rien ne se passe; parfois juste écrire des truc vides ça permet de débloquer.

    Typiquement, en topologie je fais parfois des dessins, mais ultra-basiques (genre un cercle mal fait) qui ne servent à rien concrètement, mais qui aident à débloquer - même si je n'ai rien fait d'autre que le dessin, j'ai parfois l'impression que je n'aurais pas trouvé sans.
    Aussi, comme ça a peut-être été remarqué sur le forum, j'aime beaucoup les diagrammes, et c'est principalement comme ça que je réfléchis: j'écris des diagrammes qui résument la situation, ce qu'on connait, et ce qu'on cherche, etc. - ça aide beaucoup à packager l'information et c'est très pratique pour organiser ses pensées.

    Ensuite je ne sais pas trop comment ça marche, mon monologue interne n'est pas très doué en trouvage de solutions, lui il est plus là pour m'énerver. La partie de mon cerveau qui trouve des solutions est plus comme un blob informe qui parfois me dit d'écrire des trucs et parfois ça marche, parfois pas. Les deux cas me font avancer de toute façon.

    Et comme le di(sai)t FdP, pour les trucs classiques (exos de prépa ou problèmes qu'on sait "classiques"), il y a des check-lists qu'on peut faire consciemment ou pas (exemple : en analyse de prépa, tu es face à une fonction, ta check-list peut être "continue ? dérivable ? combien de fois ? points d'annulation ? de la dérivée ? intégrable ? " etc., selon le contexte et l'exo)

    EDIT : Ah et un autre truc amusant: parfois je ne sais pas répondre à une question (sur un forum, celui-ci ou MSE typiquement), et du coup je commence à écrire une réponse comme si je savais. Souvent, ça m'aide à trouver moi-même la solution en l'écrivant comme si je la connaissais, du coup c'est un exercice auquel j'aime bien me coller
    (et parfois je regarde des réponses que j'ai données et je me demande comment j'ai bien pu trouver ça - c'est quasiment à chaque fois que je me suis mis à écrire comme si je savais, alors que je ne savais pas, et la solution est venue en cours d'écriture)
  • Maxtimax a écrit:
    Typiquement, en topologie je fais parfois des dessins, mais ultra-basiques (genre un cercle mal fait) qui ne servent à rien concrètement, mais qui aident à débloquer - même si je n'ai rien fait d'autre que le dessin, j'ai parfois l'impression que je n'aurais pas trouvé sans.

    Ça me rappelle qu'au premier contrôle de maths en MPSI, il y avait la question : soient $E$ un ensemble tel qu'il n'existe aucune surjection $\Bbb N\to E$ et $(u_n)$ une suite d'éléments deux à deux distincts de $E$ ; montrer que $E$ et $E\setminus \{u_n\mid n\in\Bbb N\}$ sont en bijection. Le prof avait dû la juger un peu plus dure que les autres parce qu'elle avait une étoile (je ne sais pas si l'étoile était justifiée). Je ne savais pas quoi faire. J'ai dessiné une patate – c'est $E$ – puis un trait dans la patate – c'est $(u_n)$. Bon. Puis je dessine un second trait dans la patate sans vraiment y réfléchir. Et là dans ma tête : "ah tiens, je vais poser $(v_n)$ une deuxième suite d'éléments de $E$ deux à deux distincts et distincts des $u_n$, et grâce à ça je peux poser la bijection bla bla...". C'est marrant :-D. Mais j'ai rarement des déclics de ce genre (c'est le seul dont je me souviens).
    Maxtimax a écrit:
    D'accord avec Calli sur l'aspect écrire sans que rien ne se passe; parfois juste écrire des truc vides ça permet de débloquer.

    Je ne voulais pas dire qu'il ne se passait rien dans ma tête (j'ai dit "rien de particulier"). Par exemple dans un exercice d'analyse, je vais essayer telle technique d'analyse que je connais et qui me vient à l'esprit, donc j'écris les calculs sur le papier (le cerveau travaille, mais assez mécaniquement) ; si ça ne marche pas, je vais essayer telle autre méthode, et hop re-brouillon, etc. Mais on ne réfléchit pas forcément de la même manière quand on fait de l'analyse ou de l'algèbre. ;-)
  • Merci pour vos retours. Pas mal ton histoire de patate Calli :-D .
  • Pour moi c'est un mélange de représentations visuelles et de raisonnement verbal.

    Un exemple pour cet exercice : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?4,2069016,2069016#msg-2069016

    1) Je vois une expression du type $a x+(1-a)y$, donc je pense à un barycentre. Je me représente $u_{n+1}$ entre $f(u_n)$ et $u_n$, et très proche de $u_n$.

    2) Je vois que $f:[a,b]\to [a,b]$ donc $u_n$ reste bien dans l'intervalle $[a,b]$. Je me représente un segment avec une suite de points dessus, telle que deux points consécutifs soient de plus en plus proches.

    3) Le dessin me rappelle le fait que $[a,b]$ est compact et que toute suite à valeurs dans un compact admet une valeur d'adhérence.

    4) J'essaye de me représenter ce que fait la suite lorsqu'elle s'approche d'une valeur d'adhérence, mais ça ne donne rien, la suite peut balayer l'intervalle.

    5) En voyant la suite de points balayer l'intervalle, je vois que les points ne balaient pas tout l'intervalle mais qu'il y a une plus petite valeur d'adhérence $\alpha$ et une plus grande $\beta$. Je me représente des points qui montent de $\alpha$ vers $\beta$, puis qui redescendent, etc. et je vois que l'ensemble des valeurs d'adhérence est $[\alpha,\beta]$.

    6) Je tourne un peu en rond dans mes pensées, alors je regarde un "cas particulier" : $a_n=1$. Ce n'est pas vraiment un cas particulier puisque la suite $(a_n)$ doit tendre vers $0$ mais faisons comme si. On se retrouve avec $u_{n+1}=f(u_n)$ et dans ce cas $(u_n)$, si elle converge, doit tendre vers un point fixe.

    7) Peut-être qu'il faudrait d'abord voir si $f$ admet un point fixe. Je me souviens de l'exercice classique que si $f:[0,1]\to [0,1]$ est continue alors elle admet un point fixe, donc c'est une bonne chose.

    8) Rien ne prouve que ce point appartient à $[\alpha,\beta]$ mais faisons comme si pour le moment. Je m'imagine un point $\gamma\in [\alpha,\beta]$ tel que $f(\gamma)=\gamma$ et je visualise $u_n$ très proche de $\gamma$... mais ça ne donne rien, je vois des points qui se rapprochent de $\gamma$ mais je ne vois rien qui les empêchent de s'éloigner ensuite.

    9) Peut-être qu'il faut déjà montrer qu'il existe un point fixe dans $[\alpha,\beta]$. Pour cela il suffirait de montrer que $[\alpha,\beta]$ est stable par $f$. Si c'est vrai, alors il faudrait que $f(\alpha)\geqslant \alpha$.

    10) Je raisonne par l'absurde : supposons que $f(\alpha)<\alpha$. Je me représente un point $u_n$ très proche de $\alpha$, tandis que $f(\alpha)$ est beaucoup plus gauche. Alors $f(u_n)$ est aussi beaucoup plus à gauche, et comme $u_{n+1}$ est attiré par $f(u_n)$, je vois que $u_{n+1}$ est à gauche de $u_n$. Je vois donc une suite de points qui se déplace petit à petit vers la gauche, et ça me rappelle le théorème qu'une suite décroissante minorée converge, et c'est gagné.

    11) Je vois immédiatement qu'on peut raisonner de même pour $\beta$, donc on a aussi $f(\beta)\leqslant \beta$.

    12) Ceci prouve que $f$ admet un point fixe dans $[\alpha,\beta]$ (je vois le graphe de $f$ qui démarre au-dessus de la diagonale et qui finit en-dessous, donc le graphe doit croiser la diagonale) mais ça ne m'avance pas plus, je tourne encore en rond comme au point 6) avec des schémas qui ne mènent à rien.

    13) Quelques minutes après je prends $\gamma\in [\alpha,\beta]$ et j'essaye d'appliquer le même raisonnement que pour $\alpha$. Je vois que la "dynamique" marche tant que $u_n\geqslant \gamma$ mais ça m'embête parce que $u_n$ peut être des deux côtés de $\gamma$, donc quand $u_n$ est gauche la suite de points s'éloigne petit à petit.

    14) Je me refais un schéma dans la tête avec $f(\gamma)>\gamma$ et $u_n$ très proche de $\gamma$, vers la droite. Alors $u_{n+1}$ est attiré vers la droite, donc ne peut pas s'approcher de $\gamma$ par la droite. Bingo ! On a trouvé que $f(\gamma)>\gamma$ est impossible, et l'inégalité inverse aussi, donc $f(\gamma)=\gamma$.

    15) Je vois que tout le segment $[\alpha,\beta]$ est constitué de points fixes, et comme j'ai visualisé des points $u_n$ dessus, je vois que $f(u_n)=u_n$, et comme $u_{n+1}$ est sur $[f(u_n),u_n]$ je vois que la suite de points s'arrête de bouger.
  • Quand j'étais enseignant en classe de 4ème (vers 1994) j'avais acquis une brochure du C.R.D.P de Lille qui avait pour titre:
    Méthodes en pratique, mathématiques au collège, la démonstration en 5e et 4e. (1993)
    Cette brochure contient des fiches méthodes, comment démontrer que...

    Je ne crois pas avoir jamais vu d'ouvrage destiné à des élèves de licence qui soit aussi explicite dans l'intention.
    Ce serait bien évidemment une tâche difficile de faire une liste de méthodes pour démontrer des trucs standard.
    (elle serait bien évidemment incomplète) mais cela aurait certainement un intérêt.

    Par exemple, aujourd'hui, je pensais à , pour démontrer qu'une suite $(u_n)$ tend vers $0$ , si on sait que $u_n$ est le terme général d'une série convergente on obtient ce qu'on veut.
  • Les Methodix ;-) ?
  • @b&amp;b je met des trucs au pif quand je comprends pas et sa marche dès fois
  • Oui, et la plupart du temps ça amène à écrire des grosses âneries comme dans ce message. Le meilleur moyen de passer pour un imbécile.

    Tu devrais apprendre à te taire !
  • Désolé :-(
  • Lucas,
    Contrairement à ce que tu peux croire, on tente tous ici des choses "au hasard" face à des problèmes dont on ne connaît pas la solution. Plus précisément, on se dit des choses comme : "Bon, je n'ai pas d'idée, qu'est ce que je peux faire ? Je vais essayer parmi ces possibilités."
    Ce qui fait qu'on y arrive, c'est qu'on y passe du temps et surtout qu'on y a passé beaucoup de temps, ce qui nous permet d'identifier des classes de problèmes auxquels on connaît des méthodes de résolutions. Attention ! Je ne suis pas entrain de dire que nous avons des méthodes pour tout résoudre automatiquement.

  • Le grand secret pour être bon en maths, c'est de ne truander personne à commencer par soi-même Lucas.
  • @Lucas : Le mot "imbécile" de gerard0 est un peu fort. En fait, tu as le droit d'écrire ce que tu veux, tant que c'est sur ton brouillon. C'est, disons, une phase de recherche, qui aboutit à une proposition de solution. Mais il ne faut pas négliger l'étape suivante : il faut relire la proposition de suggestion et se demander : 1) est-ce que si une autre personne que moi lisait ça, elle comprendrait ou arriverait à lire ce que je veux dire ? 2) est-ce que cette personne serait convaincue, pas pour me faire plaisir, mais vraiment au niveau des tripes, que ce que j'ai écrit est une solution à l'exercice ? Si ta proposition de solution ne passe pas ces deux tests, alors il vaut mieux ne rien dire du tout.
    C'est un peu comme aux échecs : tu peux jouer des coups au hasard dans ta tête, mais les coups que tu joues réellement sur l'échiquier, il vaut mieux que tu sois convaincu que ce sont des bons coups, sinon c'est idiot de jouer ! Les échecs, tout comme les maths, ne sont pas un jeu de hasard.

    @Boole et Bill : Moi, la première chose que je fais, c'est : est-ce que je n'ai pas déjà lu la solution de cet exercice quelque part ? Et si la réponse est non, à partir de là je ne sais pas trop comment je fais :-D
  • Un conseil que nous avait donné mon prof de math. sup. et que je donne systématiquement en TD/CM du L1 jusqu'au doctorat : dérouler les définitions des objets que l'on manipule jusqu'à tomber sur des objets pour lesquels on a une intuition claire. Tant qu'on n'est pas au clair sur les définitions, on ne pourra jamais rien démontrer. Ca paraît bête mais dans une grande majorité d'exercices, c'est 75% du travail.
  • Bonsoir Boole et Bill,

    bon je ne sais pas si ça compte, car je ne fais pas des Maths de votre niveau. Personnellement, j'ai besoin de poser des images sur les concepts mathématiques et de construire une histoire hors- mathématiques pour comprendre le concept.

    Par exemple pour la démonstration de la lois de De Morgan.
    Je définis l'ensemble E que j'appelle gâteau.
    Une partie A qui s'appelle brownie
    Une partie B qui s'appelle Cookie
    L'intersection des deux qui sera le Brookie ( ça existe vraiment le brookie :-) ) et ainsi de suite, je me construis une petite histoire et après je traduis en langage mathématique (A union B ) barre c'est ça, donc on a ceci ou cela etc...

    Voilà voilà,
    Bonne soirée à vous ;-)
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