KH-intégrale

Bonjour,
D'après vous, l'intégrale de Henstock remplacera-t-elle un jour celle de Lebesgue ? Ou bien y a-t-il des domaines où celle de Lebesgue reste incontournable ?
Merci.
Cordialement.
Jean-Louis.
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Réponses

  • Merci Jacquot!!(tu)
  • L'intégrale de Henstock n'a d'intérêt que dans R (et il est grand temps que le cours sur l'intégrale de Riemann soit remplacé par celle de Henstock).

    L'intégrale de Lebesgue est une brique des maths depuis 1920 environ, l'analyse moderne ne peut pas s'en passer. D'ailleurs la généralistion par Denjoy reste peu connu (moins que cela en fait).
  • Puisque je comprends que l'ensemble des fonctions Lebesgue intégrables est inclus dans l'ensemble des fonctions KH intégrables, quelles sont les choses que KH ne peut pas faire et Lebesgue oui ?
    Et merci de ta première réponse.
    Amicalement.
    Jean-Louis.
  • La grande force de la théorie de Lebesgue, c'est qu'elle permet d'intégrer des fonctions sur n'importe quel espace mesuré.
  • Je viens défendre l'intégrale de Riemann pour des raisons intuitives.
    Il me semble que toute personne qui fait des maths s'interroge un jour sur les aires et tente de les approcher par des rectangles. Puis encadre une aire sous la courbe d'une fonction par des rectangles "plus grands" et des rectangles "plus petits".
    En ce sens, elle est incontournable.

    Évidemment, n'étant pas très souple pour les problèmes modernes, on passe ensuite à une théorie avec moins de défauts.
  • La KH-intégrale est strictement plus puissante que l'intégrale de Lebesgue.
    Il y a un livre qui étudie les relations entre diverses intégrales, c'est : Russell A. Gordon, The Integrals of Lebesgue, Denjoy, Perron and Henstock, AMS 1994 (le Tchèque Kurzweil est passé à la trappe dans ce titre). La KH-intégrale ne s'applique pas seulement à $\R$ mais aussi à $\R^n$.
    Il y a eu et il y a peut-être encore des enseignements de cette intégrale, comme Jean Mahwin en Wallonie. Jean-PierreDemailly (Grenoble) a aussi attiré l'attention sur l'intérêt de cette intégrale.
    Il y a aussi un bon livre récent qui présente l'état de la question : Jean-Yves Briend, Petit traité d'intégration, Riemann, Lebesgue et Kurzweil-Henstock, EDP Sciences, 2014.

    Bonne soirée.
    RC
  • Je viens défendre l'intégrale de Riemann pour des raisons intuitives.
    Il me semble que toute personne qui fait des maths s'interroge un jour sur les aires et tente de les approcher par des rectangles. Puis encadre une aire sous la courbe d'une fonction par des rectangles "plus grands" et des rectangles "plus petits".
    En ce sens, elle est incontournable.

    Puis après les rectangles on passe aux trapèzes et plein d'autres méthodes de calculs...
    Je ne vois pas ce qui géne à généraliser rapidement. De plus l'exposé est bien plus économe qu'avec Riemann.
    Évidemment, n'étant pas très souple pour les problèmes modernes, on passe ensuite à une théorie avec moins de défauts.

    Les intégrales généralisées (au sens de Riemann) sont déjà une abération même si elles sont justifiées historiquement.
    La KH-intégrale ne s'applique pas seulement à R.
    Dans ma réponse précédente, je pensais surtout à remplacer l'enseignement de l'intégrale de Riemann par celle de HK, je me limite vue la place indétronnable de l'intégrale de Lebesgue à partir du L3.
  • Soleil-Vert, pourquoi l'intégrale de Lebesgue est indétronable en L3 si KH est strictement "plus puissante"???
    Bonne soirée.
    Jean-Louis.
  • @JLouis: Les différences entre KH et Lebesgue sont assez mineures.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • @christophe c.
    Soit $f:[a,b] \to \mathbb R$ une fonction dérivable. Alors $f'$ est KH-intégrable et $\int_a^b f'(t) dt =f(b)-f(a)$.
    Ce théorème est faux pour l'intégrale de Lebesgue et sert à construire des fonctions KH non intégrables pour la mesure de Lebesgue.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • En fait le résultat ci-dessus est l'un des arguments publicitaires convaincants en faveur de KH puisqu'il réhabilite l'intégrale comme opération réciproque de la dérivée (comme l'ont voulu Newton ou Leibniz) et ce dans un cadre rigoureux et maniable.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • @foys, je suis bien d'accord, mais les fonctions non intégrables en question sont mesurables. Ca se joue juste sur des histoires d'infinis. Mais je ne pense absolument aucun mal de KH de toute façon (je n'en suis pas spécialiste, mais je la considère comme essentiellement la même chose que celle de Lebesgue dans l'angle où je regarde les choses)
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Je dis ça sous réserve, mais il me semble que [f Lebesgue intégrable] = [f et |f| sont KH intégrables] (ce étant ajouté pour préciser quand j'ai dit ci-dessus que ça se jouait sur des histoires d'infini)
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Christophe, oui mais KH me parait plus simple à introduire...
  • @JL: peut-être à cause des traditions de rédactions académiques. Je ne suis pas sûr que KH soit spécialement "simple". Après tout la mesure de Lebesgue, c'est aussi très simple et on passe aussi par une borne inf (ou une borne sup au choix)
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Jean--Louis écrivait:
    > Soleil-Vert, pourquoi l'intégrale de Lebesgue est indétronable en L3 si KH est strictement "plus puissante"???

    Parce que ce n'est pas vrai. L'intégrale de KH est limitée* à $\R^n$ ou des parties de $\R^n$ (où elle intègre effectivement un peu plus de fonctions que l'intégrale de Lebesgue). Ce n'est pas suffisant, on a besoin d'aller plus loin.

    * J'ajoute : et à la mesure de Lebesgue !
  • Bien reçu, Remarque, merci!
  • On a besoin de Lebesgue pour les probas par exemple.
  • Voyons la question de l’enseignement de l'intégration. Autrefois on enseignait l'intégrale de Riemann en Math Sup, en L1, et même en Terminale C durant une dizaine d'années après 1970, environ. Si vous avez l'occasion, jetez un œil sur les manuels de Vissio (Delagrave), ou sur les Aleph0 (Hachette), de Christian Gautier, Denis Gerll, Girard de cette époque. Avec des élèves dûment sélectionnés et un horaire convenable, ça marche. Je l'ai expérimenté moi-même comme professeur dans un lycée de la Seine-Saint-Denis.

    C'est depuis 1988 que l'on n'enseigne plus aucune théorie d'intégration en prépa. Le professeur bricole une intégrale capable d'intégrer les fonctions continues par morceaux, mais il n'y a aucune notion d'intégrabilité sur un segment, au sens de Riemann ou autre. Bizarrement, l'intégrabilité a refait surface en 1996, mais sur les intervalles non compacts uniquement. Mystère des programmes... Ainsi, nos prépas arrivent à Bac+2 sans aucune notion d'intégrabilité, ce qui pour moi est scandaleux.

    Un argument pour abandonner l'intégrale de Riemann était le suivant. Les étudiants passaient du temps à étudier l'intégrale de Riemann, et une fois celle-ci maîtrisée, il fallait revenir à zéro pour étudier l'intégrale de Lebesgue. Toujours entier dans ses opinions, le grand mathématicien Jean Dieudonné affirmait il y a quarante ans que l'intégrale de Riemann était "un exercice moyennement intéressant de la théorie de la mesure" et préconisait d'en abandonner l'étude. De nos jours les spécialistes semblent avoir un point de vue plus nuancé, voir par exemple un texte très intéressant de Hervé Quéffelec de 2012
    <http://smf4.emath.fr/en/Publications/Gazette/2012/132/smf_gazette_132_47-60.pdf&gt;

    Et la KH-intégrale dans tout ça ? Je vais y revenir...

    Bonne soirée.
    F. Ch.

    [small]Que sont mes amis devenus
    Que j'avais de si près tenus
    Et tant aimés ?
    Ils ont été trop clairsemés
    Je crois le vent les a ôtés
    [/small]
  • Petite question (je ne suis pas spécialiste de la HK intégrale) : l'intégrale de Henstock permet-elle (facilement) d'intégrer des fonctions à valeurs Banach ? C'est pour moi un point essentiel à l'intégrale des fonctions réglées.
  • L'article de Quéffelec est en effet tout à fait intéressant. Mais certains de ses arguments sont spécieux : il suffit parfois d'avoir l'intégrale de Cauchy. Le jugement méprisant de Dieudonné est sans doute outré, mais la conclusion reste. D'autant plus que de nos jours, le temps qui serait nécessaire pour introduire correctement l'intégrale de Riemann dans les petites classes n'existe plus, ni les bases topologiques qui permettent d'assurer qu'une fonction continue est intégrable. Alors à quoi bon, quand on pourra reprendre tout ça correctement en L3 (en d'ailleurs, plutôt en M1 de nos jours...) ? Une simple intégrale de Cauchy pour les fonctions lipschitziennes ou $C^1$ suffit à faire tout ce que l'on fait avec des intégrales en premier cycle. Evidemment, on doit admettre et non pas prouver qu'une fonction continue admet une primitive. Mais comme il n'y a pas ce qu'il faut pour le prouver dans la vraie vie, est-ce si dramatique ? Combien d'étudiants de première année ont l'intuition de ce que peut être une fonction « juste » continue ? Je suis donc pour une intégrale au rabais, disons l'intégrale de Cauchy, pour commencer, puis le moment venu, passage à l'intégrale de Lebesgue. Inutile de perdre son temps avec les intégrales de Riemann et les intégrales généralisées. Si on en a besoin plus tard, on peut y revenir très facilement.
  • Queffelec a écrit:
    Nous pourrions .etre tent´es de dire, en pr´esentant l.int´egrale de Lebesgue, que « TOUT EST MESURABLE » Ce
    n.est pas tout 'a fait exact. Mais c.est ce que faisait J.-M. Bony dans son cours de l.X, c.est aussi ce que disait J. Deny :
    « la non-mesurabilit´e est un luxe de math´ematicien ». Ajoutons qu.il y a tellement de choses dix fois plus int´eressantes
    en int´egration que l.existence d.ensembles non-mesurables pathologiques ! Une introduction 'a cette int´egrale qui ignore
    les dicult´es de mesurabilit´e para.it donc tout 'a fait possible. (4) D'es qu.on parle d.esp´erance conditionnelle, de
    martingales, de processus... la notion de tribu devient essentielle, mais pas avant ! Il ne faut pas d´ecourager trop vite les
    ´etudiants avec ces concepts ´elabor´es.

    :-D c'est quand-même dommage, en conclusion d'un tel article, qu'il ne sache pas ou ne signale pas la consistance de "tout est mesurable" avec ZF. J'ai pas son mail, mais si quelqu'un pouvait l'en informer... (Pas la peine de dire d'où ça vient, je m'en fiche de ça)
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • De toute façon, les difficultés rencontrées dans le supérieur résulte directement du secondaire. La solution ne passera pas par des trucs du genre "alors, comment on enseigne l'intégration?"

    Ce qu'il aurait fallu (mais ça n'a pas été fait), c'est faire un garrot ABSOLU entre le secondaire et le supérieur (ie ne pas changer le supérieur, et ce quoiqu'il arrive dans le secondaire: aux étudiants de s'adapter). Au lieu de ça on a devancé (même en prépa) la nullité de nouveaux étudiants (donc on ne leur a même pas laissé la chance de s'adapter).
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • @Remarque : Je me souviens avoir enseigné (dans un passé lointain) l'intégrale des fonctions réglées, comme application du théorème de prolongement des fonctions uniformément continues dans les espaces adhoc.
    Pourquoi cette intégrale qui suffit très largement aux besoins a-t-elle été abandonnée ?

    C'est celle que Dieudonné introduit dans un premier temps dans son fameux livre bleu.
  • @ zephir : probablement parce que on en n'est plus du tout même à ce niveau-là en début d'études supérieures. Une position encore plus maximaliste que je pourrais aisément prendre (si l'on me poussait un peu) pour la première année, c'est de commencer par admettre que toute fonction continue admet une primitive, puis de définir l'intégrale d'une fonction continue à partir de ses primitives. Ca suffit encore largement, à condition de bien préciser qu'il ne s'agit que d'un point de vue provisoire, que l'on renversera quelques années plus tard.
  • probablement parce que on en n'est plus du tout même à ce niveau-là en début d'études supérieures

    Qu'entends-tu par niveau. Fut un temps où les premiers mois de maths sup consistait à partir de ZERO. Donc aucune culture n'était supposée admise.

    Je pense que les réformes du sup ont été faites en décrétant gratuitement que les étudiants ne s'adapteraient pas, et c'est un crime. Autrefois pas plus que maintenant la culture supplémentaire diffusée au lycée d'alors n'était supposée acquise: on définissait $\N,\Z,\Q,\R$ formellement. Je ne comprends pas en quoi la nullité culturelle consécutive à la disparition des maths du secondaire a autorisé les réformistes à supposer qu'avec ça, les maths supiens étaient devenus plus bêtes que leurs prédecesseurs.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • La KH-intégrale a été découverte à la fin des années 1950, par une curieuse sérendipité, comme la pénicilline. Elle ne s'est fait connaître que lentement. Moi, j'ai pris conscience de son intérêt par l'article de Robert G. Bartle dans l'American Mathematical Monthly d'octobre 1996 : "Return to the Riemann Integral" (retour à l'intégrale de Riemann), titre accrocheur et selon moi bien choisi.

    Le premier intérêt de la KH-intégrale c'est qu'elle est, comme on a dit, strictement plus puissante que celle de Lebesgue, ce qui signifie qu'elle intègre des fonctions qui ne sont pas Lebesgue-intégrables, notamment toutes les fonctions dérivées, et inclut les intégrales ci-devant semi-convergentes.

    Oskar Perron en 1912 et Arnaud Denjoy en 1914 avaient déjà découvert de tels procédés d'intégration plus puissants que l'intégrale de Lebesgue, prouvés équivalents seulement en 1921. Mais ces intégrales n'ont pas connu une grande popularité dans le public mathématique, je pense que c'est à cause de leur complication. Les informations sur ces questions ardues sont dans l'ouvrage que j'ai déjà évoqué : Russell A. Gordon, The Integrals of Lebesgue, Denjoy, Perron and Henstock, AMS 1994.

    Et c'est ici qu'on voit le second intérêt de la KH-intégrale, bien résumé dans le titre de Bartle : c'est que son exposé est très simple, et dans le prolongement de l'intégrale de Riemann. Et l'on a une intégrale équivalente à celle de Denjoy-Perron. Cela ne signifie pas un renoncement à l'intégrale de Lebesgue, puisque sont L-intégrables les fonctions $f$ telles que $f$ et $|f|$ sont KH-intégrables. On obtient donc un exposé cohérent qui comprend les intégrales de Riemann, de Lebesgue, de Kurzweil-Henstock. Pour s'en convaincre, voir l'excellent livre que j'ai déjà cité : Jean-Yves Briend, Petit traité d'intégration, Riemann, Lebesgue et Kurzweil-Henstock, EDP Sciences, 2014, 290 p. Ou bien : Robert G. Bartle, A Modern Theory of Integration, AMS 2001, 455 p., avec exercices et fascicule de corrigé de ceux-ci.

    On voit les retombées pédagogiques possibles. Je ne méconnais pas les arguments pragmatiques de remarque, qui est sans doute un professeur d'Université légitimement préoccupé par le niveau de ses étudiants. J'y répondrai dans un prochain message. Là je vais voter.

    Bonne et belle journée pour la France.
    F. Ch.

    Quelques références:
    <https://fr.wikipedia.org/wiki/Intégrale_de_Kurzweil-Henstock&gt;
    <http://www.maa.org/sites/default/files/images/upload_library/22/Ford/Bartle625-632.pdf>.
    <http://www.univ-irem.fr/exemple/reperes/articles/31_article_212.pdf&gt;
    <https://www-fourier.ujf-grenoble.fr/~demailly/manuscripts/henstock.pdf&gt;
  • @ cc : dans le temps passé dont tu parles, la formation reçue au collège et au lycée en mathématiques était loin d'être nulle. On arrivait, mettons en sup, avec un bagage très conséquent sur lequel les profs de l'époque pouvaient s'appuyer, et il n'y avait pas de remise à zéro à effectuer. Tout au plus commençait-on par construire $\R$, ce qui permettait d'éviter l'arnaque initiale dans laquelle nous sommes souvent coincés de nos jours. Mais tout cela se situait dans la continuité de ce qui avait été vu auparavant. Rien de tel aujourd'hui et il faut faire comme on peut dans les horaires existants.

    Bien sûr, un petit bémol, le « on » indiqué plus haut ne représentait sans doute qu'une petite partie de la population, faut pas idéaliser le passé outre mesure. Ce qu'on peut espérer aujourd'hui pour les mathématiques, c'est qu'une petite partie de la population actuelle finira par rattraper tous ces retards accumulés (retards par rapport au passé idéalisé). Et que les autres trouveront leur chemin ailleurs et n'en s'en porteront pas plus mal.
  • Parce que ce n'est pas vrai. L'intégrale de KH est limitée* à ou des parties de (où elle intègre effectivement un peu plus de fonctions que l'intégrale de Lebesgue). Ce n'est pas suffisant, on a besoin d'aller plus loin.

    * J'ajoute : et à la mesure de Lebesgue !

    J'ai peur quand je lis on a besoin d'aller plus loin mais je me lance : peut-on avoir plus de détails?
    (on sort du cadre "pédagogique-licence", et je reconnais être largué...)
  • Plus de détails ? Ben pourquoi pas. Déjà, en probabilités, tu dois utiliser des mesures de probabilités. Elles sont définies sur un ensemble $\Omega$ qui n'a pas de raison d'être une partie de $\R^n$, et elles n'ont que rarement de rapport avec la mesure de Lebesgue quoi qu'il arrive. Ensuite, on peut avoir besoin d'identifier le dual de l'espace des fonctions continues à support compact sur un espace topologique pas trop méchant, parce qu'on a une suite d'objets qui converge naturellement dans cet espace, et là encore, il faut intégrer contre une mesure. Même si on travaille dans $\R^n$, on va tôt ou tard avoir besoin de mesures qui ne sont pas la mesure de Lebesgue et avoir besoin d'intégrer contre ces mesures. Là, l'intégrale de KH ne sert à rien (pour autant que je sache).
  • Ne serrait-ce que la théorie des probabilités : peut-on réécrire la théorie des probabilités avec l'intégrale de KH plutôt qu'avec l'intégrale de Lebesgue?

    Edit : Grillé


    Et d'autre part, il me semble que toute la théorie des espaces $L^p$ ne passe pas avec l'intégrale de KH
  • pour info, voici la réponse que j'avais faite à Hervé

    (oui, je l'avais déjà postée)
  • @aléa @remarque l'intégrale de Cauchy plus les bases des intégrales curvilignes serait bien en L2 (elles étaient au programme de prépa dans les années 1970) avec un enseignement optionnel de HK pour les meilleurs.
    Je suis donc bien convaincu, tu le vois, de la nécessité d’une bonne pratique de l’intégrale de Riemann, propédeutique(?) nécessaire avant d’aller plus loin.

    J'imagine que l'on apprendrait de bonnes pratiques dans le cadre HK aussi.

    Dans les messages ci-dessus on voit bien à quel point la multitude des approches de "la" théorie de l'intégration a semé le trouble.

    @remarque je vois la question concerne les spécialistes.
  • Remarque, je sais que tu trouves plus naturelle l'approche de Lebesgue que celle de Riemann et de ses prédecesseurs. Mais ne te sens -tu pas en minorité , et le fait qu'historiquement on ait découpé en "tranches à la Riemann" ne te convainc-t-il pas que cette approche est plus naturelle.
    Amicalement.
    Jean-Louis, dont la vie a changé depuis sa découverte de KH..


    P.S.; Je hais les probabilistes...:-X
  • En minorité !!! Pas vraiment, non... (:D La question d'être plus naturelle ou pas est une question de goût. Ici, il n'y a pas photo entre les champs d'application des deux approches, donc le choix est vite fait.
  • Je suis assez d'accord avec remarque. Et pour rester dans le champ du subjectif, la théorie de l'intégration de Lebesgue, le concept de mesure et ce qui en découle, sont à mes yeux d'une grande beauté.
    Pour ce qui est de la minorité, vu l'importance de la théorie de la mesure, je doute que ce soit un mot approprié.
  • Réponse rapide, étant donné que je suis loin d'être un connaisseur:

    Il y a en gros deux "problèmes" majeurs:
    1) L'espace associé n'est pas aussi sympathique que celui que l'on a pour Lebesgue : https://en.wikipedia.org/wiki/Alexiewicz_norm
    2)L'intérêt majeur de KH est de revenir au temps "newtonien" où intégrale = inverse de la dérivée. Simplement, les extensions en dimension supérieure sont en fait plus problématiques, puisque, en gros soit on a Fubini, soit on intègre (toutes) les divergences, mais pas les 2, si je ne me trompe pas. On a aussi un problème de non-invariance par rotation.
    Mais du travail est encore en train d'être fait là-dessus... Il y a beaucoup de références sur le net, j'en cite quelques unes en passant:

    un "survey" :Non absolute integrals in the twentieth century. (pdf trouvable sur le net qui vient de la conf. citée après)
    un séminaire AMS : http://www.emis.de/proceedings/Toronto2000/
    qq réfs MO: http://mathoverflow.net/questions/34077/what-are-the-obstructions-for-a-henstock-kurzweil-integral-in-more-than-one-dime
    (contient des références)
    qq bouquins sur les intégrales: A garden of integrals, The Riemann approach to integration theory (Pfeffer), + les bouquins mentionnés précédemment.

    Désolé pour les références peu précises et rapides. Le survey est assez complet et intéressant, il évoque aussi pas mal d'autres sujets qui expliquent l'engouement pour les travaux de Denjoy, Perron... Le travail qui reste à accomplir dans le domaine est vaste, et intéressant. Notamment sur l'extension éventuelle à autre chose que les R^n, l'étude des diverses KH-intégrales sur R^n (il y a en fait un phénomène intéressant puisque qu'une "même intégrale" (définitions équivalentes) sur R^n donne des intégrales différentes sur R (c'est expliqué dans le survey, mais je n'ai pas regardé en détail)) et sur l'espace KH ou Denjoy ou Perron ou MacShane ou ... muni de la norme d'Alexiewicz (et son complété).
  • On parle de subjectivité, certes.
    Je me plaçais au niveau d'un nouveau Bachelier qui a bien compris que l'aire sous la courbe d'une fonction continue (mouais...disons "intuitivement continue" puisqu'on définit la continuité intuitivement) peut être approchée par les rectangles.

    Riemann offre une rigueur à l'intuition.
    C'est en ce sens que j'utilise le terme "plus naturel". Je le rends ainsi un peu plus objectif, non ?

    La théorie de la mesure est-elle faisable, digérable, pour un nouveau Bachelier ?
    Est-ce "naturel" quand on cherche l'aire sous une courbe ? Je ne le pense pas (est-ce encore subjectif, sérieusement ?).

    J'entends les arguments pragmatiques sur le temps qu'on passe(rait) à bien faire le boulot et en effet de ce point de vue là, Riemann est chronophage si on veut que ça passe dès la première louche.

    En fait je suis d'accord avec à peu près tout ce que je lis dans ce fil (cependant sans connaitre réellement KH, c'est pourquoi j'interviens peu et fais assez confiance aux intervenants).

    Le problème se situe, non pas dans les différents concepts, mais j'ai l'impression que c'est en ce qui concerne l'enseignement et ses contraintes (évolution du niveau, des programmes, du quotat horaire, et même d'autres paramètres sociétaux allais-je dire...).
    En relisant le fil, c'est ce qui me saute aux yeux. Comme si la question était "qu'est-il primordial de donner à moudre à des gens qui font des maths, quand on n'a pas le temps de tout faire ?" .

    Merci pour ce fil. Au plaisir de lire la suite.
  • Je pense en effet que la théorie de l'intégration de Lebesgue n'est pas facilement abordable pour un étudiant moyen entrant en bachelier. Cependant, j'ai été un peu "frustré" d'avoir des cours de calcul différentiel et intégral, de probabilités et de statistiques qui ont eu une sorte de doublon par la suite pour que la rigueur et la généralité soient améliorées. Notons que je ne nie pas l'aspect pédagogique (dans ce cas-ci la pédagogie en question me semble bien mise en place) évident.
    Je pense qu'un cours d'introduction à la topologie en première année de bachelier est tout à fait abordable, par contre, et permettrait une approche intéressante; mais je ne connais pas la manière dont sont construits les programmes (ni si mon université est l'une des rares à n'introduire la topologie qu'en deuxième année) et j'imagine qu'ils sont un minimum réfléchis.
  • C'est un débat qui est compliqué car souvent quand on dit intégrale de Riemann on pense intégrale de Cauchy et souvent quand on dit intégrale de Lebesgue on pense intégration abstraite par rapport à une mesure.

    Enseigner, c'est faire des choix dans le réel, pas dans des situations hypothétiques.
    Construire une théorie de l'intégration, c'est très beau, mais il me semble qu'aujourd'hui dans la formation d'un jeune mathématicien ou d'une jeune mathématicienne, il y a des choses qui sont plus prioritaires, par exemple la pratique des majorations.

    Ca me semble beaucoup plus important qu'un grand nombre d'élèves pratique au quotidien l'intégrale et en devienne familiers plutôt que d'être informés sur les détails d'une horlogerie complexe, alors qu'ils ne sont pas formés pour en apprécier les finesses.

    L'intégrale de Cauchy des fonctions continues est utile et formatrice; en revanche vouloir intégrer sur une classe plus grande avant l'étude de l'intégrale par rapport à une mesure ( indispensable pour faire des probabilités) me semble un luxe que nous n'avons pas.
  • En vérité, aucune intégrale ne "remplace" aucune autre. Newton, Cauchy, Riemann, Lebesgue, Denjoy, Perron, Kurzweil-Henstock, ou autres, elles existent toutes dans l'univers mathématique, au fil d'une magnifique histoire multiséculaire. Voir par exemple : Jean-Paul Pier, Histoire de l'intégration, vingt-cinq siècles de mathématiques, Masson, 1996.

    Le savoir mathématique n'a pas à se justifier par son utilité réelle ou supposée pour d'autres disciplines scientifiques, il est depuis des siècles une part indiscutable du corpus de savoirs reconnus pour leurs qualités intellectuelles intrinsèques et que nous devons transmettre. Particulièrement, la théorie de l'intégration est une construction conceptuelle du plus haut intérêt, qui doit être enseignée comme telle dès que possible. Généralement, on enseignait l'intégrale de Riemann à Bac+1, mais pendant une période, comme j'ai dit, on l'a fait en Terminale C, et les élèves ont survécu, et pas seulement à Louis-le-Grand (*).

    La KH-intégrale m'a semblé une chance parce qu'elle se situe dans le fil de l'intégrale de Riemann, ainsi que le soulignait l'article de Bartle de 1996 dont j'ai parlé, ainsi qu'un des premiers traités d'initiation : Robert Mc Leod, The generalized Riemann integral, MAA, 1980. Alors l'intégrale de Riemann enseignée en Terminale constituerait une préparation pertinente et cohérente à la KH-intégrale en Math-Sup ou L1. Et on aurait ainsi un accès possible à l'intégrale de Lebesgue à Bac+2.

    Moi j'ai tendance à imaginer des choses impossibles, je sais, mais j'observe que Jean-Pierre Demailly, autrement plus qualifié que moi, va plus loin dans un document de 2008, du plus haut intérêt : "Perspectives pour une renaissance de l'enseignement des mathématiques dans le primaire et le secondaire", qu'on trouve ici :
    <https://www-fourier.ujf-grenoble.fr/~demailly/manuscripts/renaissance.pdf&gt;

    Il part d'un souci que je partage : << Si les étudiants échappent à l'intégrale de Lebesgue - comme cela arrive à un nombre de plus en plus grand de CAPESiens-, ils n'auront donc jamais eu l'occasion de se voir exposer une théorie "sérieuse" de l'intégration, ce qui est préoccupant. >>,

    Et il évoque la possibilité d'enseigner la KH-intégrale dès le lycée, en précisant : << Un prérequis indispensable est d’avoir déjà assimilé l’art de couper les $\varepsilon$ en quatre – ou d’être prêt à faire l’effort de creuser la question. Le public visé est celui des élèves de Terminale très motivés >>.

    "Très motivés" ? Hum... Il manque peut-être quelque chose comme condition... Et c'est peut-être pousser le bouchon un peu loin...

    J'y reviendrai... http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?4,1180537,1184141#msg-1184141

    Bonne journée.
    F. Ch.
    ..............................................................................................
    [small](*) Grosso modo je dirais pendant près de vingt ans entre 1968 et 1988, mais j'aimerais qu'un professeur chevronné (par exemple Rescassol) précise cette période.[/small]

    [Ajout du lien. AD]
  • Bonjour,

    J'ai passé le bac en 1968 et j'ai vu l'intégrale de Riemann en TC au lycée Alphonse Daudet de Nîmes.
    Mais j'avais un professeur qui prenait quelques liberté avec le programme.
    Je l'ai revue après à nouveau en taupe.
    Mais je n'ai pas de renseignement sur la période où elle a été enseignée en TC.

    Cordialement,

    Rescassol
  • Alors l'intégrale de Riemann enseignée en Terminale constituerait une préparation pertinente et cohérente à la KH-intégrale en Math-Sup ou L1. Et on aurait ainsi un accès possible à l'intégrale de Lebesgue à Bac+2.

    Justement la KH (comme insiste le poly de Demailly https://www-fourier.ujf-grenoble.fr/~demailly/manuscripts/kurzweil_light.pdf ) sert à éviter de traiter l'intégrale de Riemann!
    C'est pas pour en faire un prérequis.

    Quand à l'intégrale de Lebesgue, son enseignement est motivé par la théorie de la mesure pour les probas, pour faire d'une pierre deux coups.
    Difficile d'avoir un objectif clair dans ce cas.
  • soleil_vert écrivait:

    > Quand à l'intégrale de Lebesgue, son enseignement est motivé par la théorie de la mesure pour les probas,

    Bah non. Il n'y a pas que les probas dans la vie (fort heureusement, il y a aussi l'algèbre l'analyse), et l'intégrale de Lebesgue est un des piliers de l'analyse moderne. Je ne comprends pas cette excitation autour de l'intégrale de KH, qui fait bien le petit boulot de réciproque de la dérivation dans $\R$, certes, mais ne va pas beaucoup plus loin. Elle aurait un intérêt pédagogique dans un monde idéal où les horaires d'enseignement des mathématiques seraient multipliés par deux (et où les étudiants issus du lycée connaîtraient les bases des mathématiques).
  • @remarque je sais.
    Mais arrivé au L3 il devient nécessaire (au moins pour l'agreg) de faire des probas d'où la tentation de faire au plus facile, Villani http://cedricvillani.org/wp-content/uploads/2013/03/IAF.pdf dit clairement pourquoi il refuse de faire des probas dans la foulée.
    Comme tu le dis le manque de temps...
    Je ne comprends pas cette excitation autour de l'intégrale de KH, qui fait bien le petit boulot de réciproque de la dérivation dans , certes, mais ne va pas beaucoup plus loin. Elle aurait un intérêt pédagogique dans un monde idéal où les horaires d'enseignement des mathématiques seraient multipliés par deux (et où les étudiants issus du lycée connaissaient les bases des mathématiques).

    Personellement, je n'aime pas l'analyse fonctionnelle, et l'intégrale de Lebesgue n'est pas un objectif je n'ai donc aucune motivation particulière.
    Par contre les intégrales généralisées me rendent malades! Juste à l'évacation du nom...
    J'imagine que le KH est le dernier espoir pour beaucoup ici de sauver les maths au lycée (mais les maths comme il y a 25-30 ans sont mortes au lycée depuis lontemps) et le premier cycle universitaire.
    Comme on le sait peu d'étudiant voit la théorie de l'intégrale de Lebesgue (l'analyse complexe non plus), la crainte augmente de plus en plus de voir ces théories disparaitre.
  • "Peu d'étudiants voient la théorie de l'intégrale de Lebesgue (l'analyse complexe non plus)"
    C'est assez étonnant. Peu d'étudiants de quelles filières? Je ne doute pas de ton propos, mais il m'étonne grandement car, en Belgique, même les étudiants en polytechnique voient l'analyse complexe et toutes les universités belges que je connais enseignent bien entendu l'analyse complexe et l'intégrale de Lebesgue durant le bachelier.
    Probablement que le modèle français est différent, mais cela m'étonne.
  • MoebiusCorzer a écrit:
    même les étudiants en polytechnique voient l'analyse complexe

    Même les étudiants en polytechnique ?? Dans ce cas, dur à croire que d'aucuns pourraient prétendre ne jamais avoir entendu parler de formule intégrale de Cauchy !
  • Il n'y a pas vraiment de modèle français ;-). Mais bien sûr que dans les licences raisonnables, on passe par la case Lebesgue en L3. J'ai la sensation de me répéter un peu, mais c'est indispensable pour avancer en analyse (à propos, l'analyse fonctionnelle s'intéresse aux propriétés abstraites des espaces fonctionnels, pas un truc autant les mains dans le cambouis qu'une intégrale. C'est également un outil indispensable en analyse).
  • Bon, je sais qu'ils ont un cours d'analyse complexe, mais j'ignore ce qu'il couvre réellement.
  • Moebiuscorzer, Welfar:
    Je ne sais pas ce qui se passe en Belgique mais les étudiants français ne font pas (aujourd'hui en 2015) de mathématiques jusqu'à l'âge de 18 ans et doivent tout rattraper en un temps très court lorsqu'ils sont dans le supérieur.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
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