Suites oscillantes et convergence p.p.

Bonjour à tous,

Une colle que l'on m'a posée et à laquelle je n'ai su répondre ni à brûle-pourpoint, ni après (modeste, car point trop n’en faut) réflexion : il est facile de voir qu'une suite de fonctions oscillantes telle que $x\mapsto u_n(x)=(-1)^{\lfloor nx\rfloor}$ sur $[0,1]$, ou bien $u_n(x)=$ le $n$ème bit du développement de $x$ en binaire, n’admet aucune sous-suite qui converge presque partout. Un petit argument de convergence faible, et hop, emballé, c'est pesé.

La colle est la suivante, c’est une colle à deux temps. Comme on a quand même une écriture assez élémentaire de ces suites sous la main, est-il possible de démontrer cette absence de convergence presque partout de toute sous-suite

1. sans faire appel à l'analyse fonctionnelle, i.e., pas de convergence faible ?
2. sans faire appel à un gros théorème de théorie de la mesure/intégration (genre Egoroff, convergence dominée) ?

Bref, rien qu'avec ses propres petites mains dans le cas 2 à partir des formules, alors que dans 1, c'est juste l'analyse fonctionnelle abstraite qui est bannie.

PS. Je précise pour les mauvais esprits (et yen a, yen a...) que « ne pas faire appel à » ne signifie pas repartir des axiomes pour redémontrer ce à quoi on ne fait pas appel. C'est juste le sens commun de « ne pas faire appel à » aussi peu indiscutablement défini soit il, mais qui se comprend.

Réponses

  • EXERCICE
    C'est fini la blouse de médecin ?
  • Je n'ai jamais cru que remark était remarque. remark est un usurpateur, mais il répond aussi aux questions de probas alors on lui pardonne :-D

    Désolé pour cette contribution des plus utiles à une question à laquelle je ne sais pas répondre.
  • Eh oui, je ne suis effectivement pas mon presk homonyme... une coincidence troublante, certes, mais coincidence quand même.
  • Il y avait effectivement des choses troublantes !

    En faisant semblant de ne pas utiliser la convergence faible : Admettons qu'une sous suite $v_n$ converge presque partout vers $v$, par convergence dominée on a que la moyenne de $v$ sur chaque intervalle est $1/2$ mais que $v$ ne prend que les valeurs $1$ et $0$, ce qui contredit le théorème de différentiabilité de Lebesgue.

    Bien sûr on pourrait se passer de la différentiabilité de Lebesgue, on dit que $v$ est l'indicatrice d'un ensemble (presque partout) et on montre qu'il n'existe aucun ensemble $A$ tel que $|A\cap I|= |I|/2$ en utilisant le fait que la mesure de Lebesgue de $A$ peut être approchée aussi finement que voulu par une union finie d'intervalles (qu'on va à nouveau intersecter avec $A$ pour aboutir à une contradiction).
  • Ah oui, d'accord pour circonvenir la convergence faible comme ça. Merci.

    Et pour l'option 2 ?
  • Sinon avec Egoroff : Pour $n$ assez grand on a sur un compact $K$ de mesure $1-\varepsilon$ que $v_n$ est constante. Donc on a un compact $K'$ de mesure $\approx (1-\varepsilon)/2$ tel que $v_n$ vaut 1 sur ce compact (pour $n$ assez grand). On approche $K'$ (de l’extérieur) par une union finie d'intervalles $\bigcup P_i$, l'intégrale de $v_n$ sur cette union d’intervalles tend vers $1/2|\bigcup P_i|\approx 1/4$, ce qui est impossible puisque $\int_{\bigcup P_i}v_nd\lambda \geq \int_{K'}v_n d\lambda=|K'|\approx1/2$.

    C'est quand même plus ou moins la même idée qu'avant, à savoir approcher l'ensemble de convergence vers $1$ par une union finie de pavés. Peut être qu'on peut se passer d'Egoroff ou de convergence dominée pour montrer la contradiction mais pour le moment je ne vois pas.
  • En fait, ce qui serait bien pour l'option 2, serait étant donnée une sous-suite, exhiber plus ou moins explicitement une partie de mesure positive où elle ne converge pas. Mais je ne sais pas si c'est un but raisonnable.
  • Enfin, il est revenu, c'est un jour magnifique, sublime, immensément beau. Tu nous as manqué notre très cher remarque.
    Le 😄 Farceur


  • @Remarque: peut être avec un peu de théorie des nombre ? En parlant de théorie des nombres, on peut utiliser le joli théorème suivant : Soit $n_k$ une suite strictement croissante d'entiers, pour presque tout $x$ la suite $(n_k x)_k$ est équirépartie modulo 2. Ce qui donne immédiatement le résultat :-D

    On voudrait juste montrer quelque chose comme "$(\lfloor n_k x\rfloor)_k$ diverge dans $\mathbf Z/2\mathbf Z$ pour presque tout $x$", ce qui est un résultat plus faible que le théorème que j'ai énoncé mais je doute que ce soit plus simple à démontrer.
  • @mojojo : ça me dit confusément quelque chose, j'ai dû apprendre ça il y a longtemps, mais heureusement je l'ai désappris depuis belle lurette. :-D Ceci dit, je veux bien croire que ce genre de théorie des nombres intervient naturellement là-dedans, voire même puisse permettre de décrire un peu plus explicitement un ensemble adéquat de divergence.

    @gebrane0 : euh, tu es sûr que tu ne pourrais pas mettre le bouton "hyperbole" carrément sur 11 ? :-D
  • Soit $n\mapsto u(n,x)$ la suite de bits de $x$ en base $2$.
    Soit $\alpha: \N \to \N$ une fonction strictement croissante.
    Si $p,q\in \N$ soit $V_{p,q}$ l'ensemble des $x\in \R$ tels qu'il existe $2q+1$ entiers $b,k_1,...,k_q, \ell_1,...,\ell_q$ supérieurs à $p$ tels que:
    pour tout $i\in \{1,...,q\}$, $b>k_i$ , $b>\ell_i$, $u\big(\alpha (k_i),x\big)=0$ et $u \big(\alpha (k_i),x\big)=1$
    et tels que $2^bx$ ne soit pas entier.

    Alors pour tous $p,q$, $V_{p,q}$ est un ouvert de $\R$ (c'est la raison pour laquelle on a introduit ce mystérieux $b$) et cet ouvert est dense dans $\R$ (évident).
    L'intersection des $V_{p,q}$ est dense par Baire et dessus, $u(n,\_)$ ne peut pas converger (car n'est pas constante à partir d'un certain rang).

    Pour la première suite (NB: $n\mapsto u(n,\_)$ en est une sous-suite après transformation affine) un argument similaire doit marcher, en un peu plus technique.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Merci Foys. Ton ensemble est dense par Baire, mais est-il de mesure strictement positive ?
  • A vue de nez, les $V_{p,q}$ sont de mesure pleine.
    En fait si $\alpha: \N \to \N$ est strictement croissante, l'application qui à $x\in [0,1]$ associe $\sum_{k=0}^{+\infty} 2^k u\left (\alpha(k),x \right)$ préserve la mesure de Lebesgue (ça revient à extraire une sous-suite de variables aléatoires de Bernoulli indépendantes identiquement distribuées: on retrouve une suite de même loi).
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Mmmm, ça va me prendre un peu de temps pour réfléchir à ça. Merci en tout cas !
  • En fait si $u: x\in [0,1] \mapsto (\lfloor 2^n x\rfloor)_{n \in \N} \in \{0,1\}^{\N}$, l'image de la mesure de Lebesgue $\mu$ par $u$ est la mesure produit usuelle $\mu'$sur $\{0,1\}^{\N}$. Soit à nouveau $\alpha:\N \to \N$ strictement croissante et $p_{\alpha}: s\in \{0,1\}^{\N} \mapsto (s_{\alpha(n)})_{n\in \N}$.

    Alors:
    1°) Pour tout $x\in [0,1]$, $p_{\alpha}\circ u (x)=\left (u_{\alpha(n)} (x)\right )_{n\in \N}$.
    2°) l'image de $\mu'$ par $p_{\alpha}$ est $\mu'$ elle-même: en effet la tribu usuelle de $\{0,1\}^{\N}$ est engendrée par les parties cylindriques (i.e. les parties vides ou de la forme $\left \{ x \in \{0,1\}^{\N} \mid \forall i \in \{1,...,d\}, x_{k_i} = e_i\right \}$ où $d\in \N^*$, $e\in \{0,1\}^d$ et $k_1<...<k_d$), qui forment une famille stable par intersection finie sur laquelle $\mu'$ et $\mu' \# p_{\alpha}$ coïncident et on applique le lemme de classe monotone.

    Bref si on note $\nu \# g$ l'image de la mesure $\nu$ par la fonction $g$, et si $T$ est l'ensemble des éléments de $\{0,1\}^{\N}$ non constants à partir d'un certain rang, alors
    $$\mu \left (\left \{x\mid \big (u_{\alpha(n)} (x) \big)_{n \in \N} \in T \right\} \right)
    =(p_{\alpha} \circ u) ^{-1}(T)
    =\mu \# (p_{\alpha} \circ u) (T)
    = (\mu \# u) \# p_{\alpha} (T)
    =\mu' \# p_{\alpha} (T)
    = \mu' (T)
    =1 $$.

    Or $ \left \{x\mid \big (u_{\alpha(n)} (x) \big)_{n \in \N} \in T \right\}$ est également l'ensemble des $x\in [0,1]$ tels que $\big (u_{\alpha(n)} (x) \big)_{n \in \N} $ diverge.

    Bref il y a convergence sur un ensemble de mesure nulle après extraction.


    Traduit en langage probabiliste, 2°) exprime simplement le fait que si $(X_n)_{n\in \N}$ est une suite de lancers de piles ou faces équilibrés et indépendants, $\left (X_{\alpha(n)} \right )_{n\in \N}$ en est aussi une et l'idée consiste en fait à dire que si la première diverge presque sûrement la seconde fait de même.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Habile foys !

    Remarque, pourrais-tu mettre ta démo à base de convergence faible ?
  • Mais comment prouve-t-on qu'un représentant exhibé des sous-suites de cette suite oscillante lui est égal excepté sur un ensemble inclus dans un ensemble de mesure nulle ? :-S


    Au fait : remarque = remark (simple translation)
  • @Foys : je dois bien reconnaître (à mon corps défendant) que parfois l'intuition probabiliste n'est pas dénuée d'intérêt.

    @mojojo : c'est la même que la tienne, avec un passage inutile par la convergence faible. On sait qu'il y a une sous-suite qui converge faiblement, on identifie sa limite en prenant les moyennes sur tout intervalle et en utilisant les points de Lebesgue. Mais comme tu l'as vu (et comme j'aurais dû le voir:-(), ce passage par la convergence faible ne sert à rien pour montrer le résultat. Bon, il sert à d'autres choses, mais pas à ça.

    Romyna écrivait :

    > Au fait : remarque = remark (simple translation)

    Tiens donc. D'où tiens-tu ce fake news ?
  • Ok, bon mais de toute façon le fait que la moyenne converge vers $1/2$ sur chaque intervalle est équivalent à la convergence faible vers $1/2$. D'où le "en faisant semblant" de mon deuxième message.
    Remar-k-que a écrit:
    fake news ?
    Tu dis ça, mais remark s'intéressait à des questions de proba et tu viens juste d'admettre que c'était parfois "pas dénué d'intérêt", c'est louche :-P
  • Oui, on est d'accord sur le fond. Mais de fait, on n'a pas besoin de toute la puissance de la convergence faible : seulement de la convergence des crochets avec les fonctions caractéristiques des intervalles.

    Pour les probas, tu noteras que c'est à mon corps défendant quand même, faut pas pousser. Je ne comprends pas pourquoi tant de gens croient à ces fake news... :-D
  • Enigme a écrit:
    Le premier disparut,
    l'autre apparut,
    l'autre disparut,
    Le premier réapparut
    Quis-suis-je ? :-D

    On dirait le jour et la nuit
    Le 😄 Farceur


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