Séries sur les premiers

Bonne soirée,

est-ce que la série sur les nombres premiers $p$ : $$\sum_{p \in {\cal P}} \frac{e^{2i \pi p \theta}}{p^s}$$ converge pour $\Re(s)>0$ et $\theta$ non entier?

Merci de me débloquer.

Réponses

  • Il y a peu de chance.

    Soit $s = \sigma + it \in \mathbb{C}$ tel que $0 < \sigma < 1$ et $N \geqslant 2$ entier. On suppose $\theta \not \in \mathbb{Q}$. Par sommation partielle
    $$\sum_{p \leqslant N} \frac{e(p \theta)}{p^s} = N^{-s} \sum_{p \leqslant N} e(p \theta) + s \int_2^N t^{-s-1} \left( \sum_{p \leqslant t} e(p \theta) \right) \textrm{d}t.$$
    La majoration triviale donne
    $$\left | \sum_{p \leqslant t} e(p \theta) \right| \ll \frac{t}{\log t}$$
    d'où
    $$\left | \sum_{p \leqslant N} \frac{e(p \theta)}{p^s} \right | \ll \frac{N^{1 - \sigma}}{\log N}.$$
  • Merci, mais la série admet-elle un prolongement analytique sur la bande critique en dehors de $1$, ou sur le plan complexe? Merci de me débloquer!
  • L'hypothèse de Riemann généralisée dit que pour tout caractère de Dirichlet non-principal $\sum_p \chi(p)p^{-s}$ converge pour $\Re(s) > 1/2$,
    ce qui est équivalent à pour toute suite $q$-périodique $f(n)$ telle que $\sum_{n=1, \gcd(n,q)=1}^q f(n) = 0$ alors $\sum_p f(p) p^{-s}$ converge pour $\Re(s) > 1/2$
    et donc pour tout $\theta = \frac{a}{q} \in \mathbb{Q} \setminus\mathbb{Z}$ avec $C =\frac{1}{\varphi(q)} \sum_{n=1, \gcd(n,q)=1}^q e^{i \pi \frac{a}{q} n}$ que $\sum_p (e^{i \pi \theta p}-C) p^{-s}$ converge pour $\Re(s) > 1/2$.

    Si tu essayes de remplacer $\theta = \frac{a}{q}$ par un nombre réel, alors tu dois prendre une suite de rationnels $\theta_k$ qui tendent vers $\theta$ et utiliser une version uniforme de GRH pour voir si les $C_k$ correspondants ont un impact ou pas.
  • Apollonius a écrit:
    la série admet-elle un prolongement analytique...?

    Pour quelle raison en aurait-elle un ?
  • Les $L$-séries définies par des caractères de Dirichlet vérifient une équation fonctionnelle qui les font se prolonger au plan...On pourrait peut-être en déduire que les séries sont prolongeables un peu de la même manière(?).
  • Non. $\sum_{n=1}^\infty e^{2i \pi n \theta} n^{-s}$ a plus ou moins une équation fonctionnelle mais pas $\sum_{p}^\infty e^{2i \pi p \theta} p^{-s}$ au moins quand $\theta \not \in \mathbb{Q}$.

    Et $L(s,\chi)=\sum_{n=1}^\infty \chi(n) n^{-s}$ a une équation fonctionnelle donc $\log L(s,\chi)=\sum_{p^k} \frac{\chi(p^k)}{k} p^{-sk}$ aussi, mais $\sum_p \chi(p) p^{-s}=\sum_{k=1}^{K-1} \frac{\mu(k)}{k} \log L(sk,\chi^k) + \mathcal{O}(\frac{1}{\Re(s)-1/K})$ a une frontière naturelle en $\Re(s) = 0$.
  • Deux ou trois choses supplémentaires pour bien comprendre le problème...

    1. Une équation fonctionnelle n'est pas nécessaire pour prolonger analytiquement au demi-plan $\sigma > 0$. Par exemple, pour le cas de la fonction zêta de Riemann, une simple formule sommatoire d'Euler ou une sommation partielle fait le job.

    Exemple. Je refais le même calcul qu'au-dessus, mais pour $\zeta$ : pour tout $s = \sigma + it$ tel que $\sigma > 1$ et tout $N \in \mathbb{N}^*$
    $$\sum_{n \leqslant N} \frac{1}{n^s} = N^{-s} \sum_{n \leqslant N} 1 + s \int_1^N t^{-s-1} \left( \sum_{n \leqslant t} 1 \right) \textrm{d}t = N^{1-s} + s \int_1^N t^{-s-1} \left \lfloor t \right \rfloor \textrm{d}t.$$
    Je note $\{t\} = t - \lfloor t \rfloor$ la partie fractionnaire de $t$. En remplaçant $\lfloor t \rfloor$ dans l'intégrale par $t - \{t \}$, il vient
    $$\sum_{n \leqslant N} \frac{1}{n^s} = \frac{s}{s-1} - \frac{N^{1-s}}{s-1} - s \int_1^N t^{-s-1} \left \{ t \right \} \, \textrm{d}t$$
    puis $N \to \infty$ donne
    $$\zeta(s) = \frac{s}{s-1} - s \int_1^\infty t^{-s-1} \left \{ t \right \} \, \textrm{d}t \quad \left ( \sigma > 1 \right).$$
    Et là on voit la chose suivante : comme $0 \leqslant \{ t \} < 1$, l'intégrale du membre de droite converge dans le demi-plan $\sigma > 0$ et est uniformément convergente dans tout compact contenu dans ce demi-plan, de sorte que le membre de droite est une fonction analytique dans ce demi-plan privé du point $s=1$, ce qui constitue donc un prolongement analytique de $\zeta$ dans cette région.

    2. Ainsi, le point important ici est que l'on a pu faire apparaître une fonction bornée à côté du terme $t^{-s-1}$. On pourrait faire la même chose avec toute fonction $L$ associée à un caractère $\chi$ de Dirichlet. D'ailleurs, lorsque $\chi \neq \chi_0$ n'est pas le caractère principal, c'est encore plus simple : la périodicité d'un tel caractère entraîne que les sommes partielles $\displaystyle \sum_{n \leqslant N} \chi(n)$ sont uniformément bornées.

    3. Malheureusement, on ne peut plus (du moins dans les connaissances actuelles) faire la même chose avec les sommes partielles portant sur des nombres premiers. Dans l'état des connaissances actuelles, on n'a pas mieux que
    $$\left | \sum_{p \leqslant N} \chi(p) \right | = O \left( \frac{q^{1/2} N}{(\log N)^A} \right)$$
    à condition que $\chi$ soit primitif de module $q > 2$, et ce pour tout $A > 0$. De même, si $\theta \not \in \mathbb{Q}$, on a
    $$\left | \sum_{p \leqslant N} e (p \theta) \right | = O \left( \frac{N}{(\log N)^A} \right).$$
    C'est loin d'être suffisant pour assurer un prolongement analytique à $\sigma > 0$.

    4. Enfin, rappelons que l'équation fonctionnelle des fonctions $L$ ne concerne que celles associées à des caractères primitifs.
  • Merci noix de totos, toujours aussi intéressant (tu)
  • De rien, et merci pour ton opinion, c'est toujours utile d'avoir des retours qui permettent de voir si les messages qu'on écrit ont un quelconque intérêt.
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