Quasi-polynomiale

Bonjour
Je sèche sur un exercice tombé à l'oral de Centrale en 2015 (source : RMS N°126-2, exercice 725).
Voici la partie de l'énoncé qui me pose problème.
On dit qu'une suite $u$ est quasi-polynomiale lorsqu'il existe un entier $N$ naturel non nul et des polynômes $\left(P_0,...,P_{N-1}\right)$ tels que pour tout $n\in\mathbb{N}$, $u_n=P_{n\%N}(n)$ où $n\%N$ désigne le reste de la division euclidienne de $n$ par $N$.
[...]
Montrer que pour tout $p\in\mathbb{N}$, pour tout $p$-uplet $\left(a_1,...,a_p\right)$ d'entiers naturels non nuls, la fonction $\displaystyle F:x\mapsto \prod_{k=1}^p \frac{1}{1-x^{a_k}}$ est développable en série entière au voisinage de $0$ et la suite des coefficients de ce développement est quasi-polynomiale.

Il y a quelques questions intermédiaires relativement aisées... mais je ne vois pas du tout comment conclure que la suite des coefficients est quasi-polynomiale.

Si vous avez des idées, je suis preneur !

Réponses

  • Bonjour,

    Les questions intermédiaires ne pourraient-elles aider ?

    En étant taupin-bourrin :

    On développe une fraction rationnelle en série entière : la suite des coefficients satisfait une relation de récurrence linéaire dont l'équation caractéristique est le dénominateur \(P\) de \(F\).

    Les coefficients de la série entière s'expriment comme des combinaisons linéaires de termes de la forme \(Q(n)\xi^n\), où les \(Q\) est un polynôme, et \(x\) une racine de \(P\), donc une racine de l'unité.

    Comme les coefficients de la série entière sont réels, à des racines de l'unité ayant même polynôme minimal sur \(\mathbf{Q}\), i. e. racines d'un même polynôme cyclotomique, correspond un seul et même polynôme \(Q\) donc, si on regroupe les termes qui contiennent ces racines,on fait apparaître les sommes de Newton correspondantes, qui sont les termes de suites numériques \(N\)-périodiques, \(N\) étant le [small]PPCM[/small] des \(\alpha_k\). On peut donc noter ces sommes \(S_{n\%N}\).

    Les coefficients de la série entière s'expriment désormais comme combinaisons linéaires de termes de la fome \(Q(n)S_{n\%N}\), et voilà la suite quasi-polynomiale…
  • On peut commencer par le cas de $\dfrac{1}{(1-X^\beta)^\alpha}$, où $\beta$ et $\alpha$ sont des entiers $>0$. On passe ensuite à $\dfrac{P}{(1-X^\beta)^\alpha}$ où $P$ est un polynôme de degré $<\beta \alpha$, et on ramène le cas général à ce cas par décomposition en éléments simples (tous les dénominateurs qui apparaissent dans cette décomposition sont de la forme $Q^\alpha$ où $Q$ est un diviseur d'un $1-X^\beta$).
  • @gb : Les autres questions :
    1) Montrer que, pour $m\in\mathbb{N}^*$ fixé, la suite $K^m:n\mapsto \text{card}\{k\in\mathbb{N},km=n\}$ est quasi-polynomiale.
    2) Montrer que si $u$ est quasi-polynomiale, la série entière $\displaystyle x\mapsto \sum_{k=0}^{+\infty}u_k x^k$ est de rayon de convergence supérieur ou égal à 1.
    3) Montrer que l'ensemble des suites quasi-polynomiales est stable par somme et par produit.

    Merci à tous les deux pour vos idées.
  • On décompose la fraction rationnelle \(F\) en éléments simples sur \(\mathbf{C}\).

    Il suffit, grâce à la question 3 permet, d'établir le résultat pour les fractions \(\frac{1}{(\xi-x)^k}\) où \(\xi\) est une racine de l'unité, ce qui est quasi immédiat.
  • Bon sang d'éléments simples... c'était pourtant pas bien dur d'y penser !
  • J'avais déjà parlé d'éléments simples ;-). Précision : on peut les prendre sur $\Q$, pas besoin de passer par les racines de l'unité, et on a immédiatement que les polynômes du quasi-polynôme sont à coefficients rationnels.
  • Je ne pense pas que la décomposition en éléments simples dans \(\mathbf{Q}(X)\) soit encore au programme pour les candidats à Centrale…
  • J'ai compris après la seconde couche de gb que tu parlais d'une décomposition en éléments simples sur Q, GBZM.
    C'est effectivement plus joli... mais malheureusement inexploitable par mes chers élèves qui ne connaissent (mal) que les décompositions sur R ou C... et encore, sans la démonstration !

    Maintenant, au moins, je pourrai leur donner une réponse, et en plus, cela redevient un exercice sur les séries entières pas si simple que cela à rédiger proprement, à la fin.
    On peut même y rajouter une question de dénombrement, flirtant avec l'arithmétique : montrer que le coefficient d'ordre $n$ du développement obtenu est égal au cardinal de l'ensemble $\{(x_1,\dots,x_p)\in\mathbb{N}^p, a_1x_1+\dots+a_px_p=n\}$.
  • Il y a une petite récurrence pour établir, pour tout \(k\), le développement en série entière:
    \[\frac{1}{(\xi-x)^k} = \sum_{n=0}^{+\infty} \frac{(n+k)!}{n!}\frac{x^n}{\xi^{n+k}}\]
    mais ensuite, il suffit de poser :
    \[P_n(X) = \frac{1}{\xi^{n+k}}\prod_{p=1}^k (X+p)\]
    Pour récupérer le coefficient \(a_n\) sous la forme \(P_{n\%N}(n)\) où \(N\) est l'ordre de la racine de l'unité \(\xi\).
  • Salut,

    Petite question : j'ai essayé avec une approche un peu théorique, mais j'ai butté sur un lemme où je me suis mélangé les pinceaux ; c'est $(\star)$ plus bas, le reste c'est juste quelques trucs formelles au cas où ça peut servir.

    1. Introduisons les fonctions $\delta_{i \pmod T}$ la fonction caractéristique de l'ensemble $i+T\N$. Alors cette fonction est $T$-quasi-polynomiale.

    2. Une suite est $T$-quasi-polynomiale si et seulement si il existe des polynômes $(P_0,\dots,P_{T-1})$ vérifiant $u_\bullet= \sum_{i=0}^{T-1} P_i(\bullet) \delta_{i \pmod{T}}(\bullet)$.

    3. Pour la somme est le produit de deux suites $T$-quasi-polynomial, je pense que ça ne pose pas de problème. Si les périodes des deux suites ne sont pas les mêmes, on utilise la proposition suivante : si $(u)$ est $T$-quasi-polynomial alors $(u)$ est $T^\prime$-quasi-polynomiale pour tout $T^\prime$ multiple de $T$ ça permet de se ramener au cas de deux suites de même période.

    4. Le truc plus complexe, mais qui donne formellement la solution de l'exercice est de prouver que le produit de convolution de deux suites quasi polynomiale est encore quasi-polynomiale.

    Bref, soit deux suite $u$ et $v$ je forme la suite $u \star v := \left[ n \mapsto \sum_{k=0}^n u(k)v(n-k)\right]$.

    A prouver (en regardant sur wikipédia, il annonce ce lemme)
    $$
    \text{si $u$ et $v$ sont quasi-polynomiales, alors $u \star v$ est quasi-polynomiale} \qquad (\star)
    $$

    Un petit lemme : $ (u+v) \star w = u \star w + v \star w$, ça permet de découper un peu les choses.

    5. Dernier truc pour faire le lien avec l'exercice, étant donné une suite $(u)$ on introduit sa série génératrice $Z(u,x) := \sum_{n \geq 0} u_n x^n$ (disons de manière formelle).

    La propriété est que : étant donné deux suites $Z(u,x) Z(v,x) = Z( u \star v,x)$.

    Bilan : il me reste à prouver $(\star)$ et si je ne dit pas de bêtise, on peut se limiter à prouver $(\star)$ pour des suites de la forme $[ n\mapsto n^p \delta_{i \pmod T}(n)]$ avec $T$ fixé et $i$ et $k$ variables.

    6. Un vraiment dernier point : c'est peut-être pas une bonne idée de faire intervenir les $\delta_i$ mais on dispose d'un autre point de vue : en constatant que
    $$
    \delta_{i \pmod T} (\bullet) = {1 \over T} \sum_{k =0}^{T-1} \zeta_T^{k(\bullet -i)}
    $$
    ça permet d'envisager d'autres fonctions de base, à la place des $[ n\mapsto n^p \delta_{i \pmod T}(n)]$, mais c'est tendu !

    Mais mon approche ne semble pas donner $(\star)$ facilement, le produit $\star$ est délicat à manipuler ... Bref qui a une idée pour $(\star)$ ? Et également si quelqu'un voit des énormités dans les autres points.
  • mes chers élèves qui ne connaissent (mal) que les décompositions sur R ou C... et encore, sans la démonstration !
    Si on fait la démonstration en utilisant la décomposition d'un polynôme en produit de facteurs irréductibles et l'identité de Bézout, ça se fait de manière uniforme sur tout corps. Sinon, sur $\C$, c'est une conséquence assez immédiate du fait qu'une application linéaire injective entre espaces vectoriels de même dimension est bijective.
  • A noter:
    La première partie de l'épreuve de Mathématiques Générales de l'épreuve de l'Agrégation Externe de Mathématiques de la session 2012 était consacrée aux fonctions quasi-polynomiales.

    MG AgregExt 2012

    Bien cordialement,
  • Je savais bien que ce n'était pas si trivial : même à l'agreg externe, ils donnaient l'indication de décomposer en éléments simples (:P) (Partie I, question 6)

    Quant au produit de convolution évoqué par moduloP, j'y avais évidemment pensé... mais je n'avais réussi à le prouver, et je me demandais même si le résultat était exact ou non.
  • On peut commencer par s'intéresser à
    $$n\longmapsto \sum_{k=0}^n k^p(n-k)^q\;.$$
  • En résumé, soit $K$ un corps. Soit $(u_n)_{n\geqslant 0}$ une suite à valeurs dans $K$, et $N\in \N^*$. On note $S=\sum_{n\geqslant 0} u_n X^n$ la série génératrice de $(u_n)_{n\in \N}$. Les trois propriétés suivantes sont équivalentes :

    (i) Pour tout $j=0,1,\ldots, N-1$, la suite $(u_{kN+j})_{k\in \N}$ est polynomiale ;

    (ii) $S=\dfrac{P}{(1-X^N)^a}$ pour un certain entier $a\geqslant 1$ et un polynôme $P$ de degré $<Na$.

    (iii) $S=\dfrac{P}{Q}$ où $P$ et $Q$ sont des polynômes, $\mbox{deg}(P)<\mbox{deg}(Q)$, et toute racine de $Q$ dans une clôture algébrique de $K$ est une racine $N$-ième de l'unité.

    Si ces conditions sont vérifiées, on dit que la suite est $N$-quasi-polynomiale. Il est clair d'après (ii) que l'ensemble des suites $N$-quasi-polynomiales est un $K$-espace vectoriel stable par convolution.

    Démonstration.

    Il est clair que (ii) implique (iii). Réciproquement, (iii) implique (ii) car $Q$ est un diviseur de $(1-X^N)^a$ pour $a$ assez grand.

    Montrons que (ii) implique (i). Pour cela, on se ramène par linéarité à $P=X^j(1-X^N)^b$ pour des entiers $j<N$ et $b<a$. On peut ensuite supposer, en remplaçant $(b,a)$ par $(0,a-b)$, que $b=0$. On a alors $S=\dfrac{X^j}{(1-X^N)^a}$ donc $u_{kN+j}=(k+1)(k+2)\cdots (k+a-1)$ et $u_{kN+j'}=0$ pour tout $j'\in \{0,1,\ldots,N-1\}\setminus \{j\}$.
    Par conséquent, (i) est vérifié.

    Montrons que (i) implique (ii). Par linéarité, on peut supposer qu'il existe $j\in \{0,1,\ldots,N-1\}$ tel que $u_n=0$ pour tout $n$ non congru à $j$ modulo $N$. Toujours par linéarité, on peut supposer que la fonction polynomiale $k\mapsto u_{kn+j}$ est de la forme $k\mapsto (k+1)(k+2)\cdots (k+a-1)$ pour un certain $a$, et donc on a $S=\dfrac{X^j}{(1-X^N)^a}$.
  • Merci JLT. Je pense que tu as tué le problème :-)
  • Salut GBZM,
    concernant ton message ici
    En fait, en y repensant il est sans doute préférable de changer la base des polynômes pour une base adaptée.
    Posons : $$
    P_0(X) = 1 \qquad \text{et} \qquad \forall k \geq 1, \quad P_k(X) := \frac{1}{k!} \prod_{m = 1}^{k} (X+m)
    $$ Alors (sauf boulette d'indice). Pour tout $k \in \N^\star$, $$
    \frac{1}{(1-t)^{k+1}} = \sum_{n \geq 0} P_k(n) t^n
    $$ Et on obtient la jolie formule de convolution : $P_k \star P_{k'} = P_{k+k'}$. Et sa répond de manière théorique à la question de $n \mapsto \sum_{k} k^p (n-k)^q$ ... on décompose $X^p$ et $X^q$ dans la base des $P_k$ et on applique les formules. Mais faut peut-être réfléchir un peu pour obtenir vraiment la décomposition.

    D'autre part, il me semble que cette famille de polynômes est très liée à l'opérateur de différence $\Delta : = [ P \mapsto P(X) - P(X-1) ]$, mais c'est un vague souvenir (pas eu le temps de regarder en détails). Et je suis en train de me dire que l'on peut faire des choses dans le cas $T$-quasi-polynomial, un analogue de $\Delta$ serait l'opérateur $\Delta_T = [ P \mapsto P(X) - P(X-T) ]$, mais comme je ne sais pas exactement ce que je veux faire, c'est un peu flou :-D

    Je pense que pour tout polynôme $P$, on a :
    $$
    P = \sum_{k \geq 0} a_k P_k \qquad a_k = \sum_{j=0}^k {k \choose j} (-1)^j f(-1-j)
    $$
    Ce qui est très marrant car $(k[x], +, \star)$ devient un anneau de polynôme classique en voyant $P_k$ comme la puissance $k$ d'un indéterminé $Y:= P_1$.

    Edit : petite modification d'indice.
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