Base hilbertienne de L²

Bonjour,

je suis nouveau sur le forum. J'ai ressorti un livre de 2002 que j'utilisais lorsque je préparais l'Agreg, pour le plaisir de refaire un peu de maths. :-)
Il s'agit du livre de Guy Roos intitulé "Analyse et géométrie, méthodes hilbertiennes".

Il y a un argument que je ne comprends absolument pas dans une démonstration de ce livre, et c'est pour cela que je viens solliciter vos lumières!
Je vous prie d'avance de m'excuser du manque probable de lisibilité de ce qui va suivre, ne maîtrisant pas le Latex, et j'espère que vous ne m'en tiendrez pas trop rigueur...

Pour prouver que la famille $e_n(t) = e^(int)$ est une base hilbertienne de $L^2([0;2 pi]$ (qu'il identifie aux fonctions de carré intégrable périodiques de période $2 pi$ définies sur tout R) muni du produit scalaire hermitien habituel, l'auteur considère la suite $C_nf(x)$ associée au noyau de Fejér $F_n$ de f, et cherche à montrer que cette suite tend vers f dans L² : cela entraînera bien que la série de Fourier de f converge elle aussi vers f dans L², puisque la somme partielle de rang n de cette série de Fourier est la meilleure approximation de f dans L² parmi les polynômes trigonométriques de degré inférieur ou égal à n.


Il prouve ensuite que $||C_nf||$ est de norme inférieure ou égale à $||f||$ dans L², et en déduit qu'on peut se ramener au cas où f est une fonction à valeurs réelles, positives, et bornée (je passe les détails).
Sous cette nouvelle hypothèse, il parvient à majorer le carré de la distance (dans L²) entre $C_nf$ et $f$ par

I = 1/(2pi) fois l'intégrale entre -pi et pi de g(t)Fn(t)


, où $F_n(t)$ est le noyau de Fejér de f de rang n, et où :


g(t) = (1/pi) . intégrale entre -pi et pi de f(x).(f(x)-f(x-t)) dx


La fin de la preuve repose alors uniquement sur le fait que g(t) tend vers 0 lorsque t tend vers 0, et c'est là que je ne saisis absolument pas l'argument utilisé : il dit en substance que, puisque f a été supposée bornée par un réel positif k, la fonction à intégrer dans la définition de g(t) est bornée par 2k², et que donc, par convergence dominée, g(t) tend vers 0 lorsque t tend vers 0.

Pour moi, l'argument tiendrait si la limite (à x fixé) lorsque t tend vers 0 de f(x)((f(x)-f(x-t)) valait 0...mais f est seulement supposée ici à valeurs réelles, positive, bornée, et de carré intégrable...donc pas forcément du tout continue en x...!

J'ai du mal à imaginer qu'il puisse s'agir d'une erreur aussi grossière de la part d'un professeur d'Université...du coup, je me dis qu'il y a peut-être quelque chose d'autre que je n'ai pas saisi…!

Je vous remercie d'avance si vous pouvez m'éclairer! :-)

Réponses

  • (Il faut lire 2 pi et non 2/pi)
  • Tu peux éditer ton message pour ton histoire de $2 \pi$ ;-)

    Tu peux aussi supposer $f$ continue, puisque les fonctions continues sur $[0, 2\pi]$ sont denses dans $L^2([0, 2\pi])$. Sinon on s'en sort peut-être en utilisant la continuité de l'opérateur de translation par $t$ : $f \mapsto (x \mapsto f(x-t))$ dans $L^2$, je n'ai pas vérifié les détails.
  • Merci Poirot de ta réponse :)

    En fait j'aimerais juste comprendre l'argument utilisé dans cette démonstration… il ne se sert pas du fait que les fonctions continues sont denses dans L², mais uniquement de résultats élémentaires...

    Je ne suis pas convaincu par l'argument de continuité de l'opérateur que tu écris, qui pour moi est même une isométrie : une fonction 2 pi périodique de L² a même intégrale sur tout intervalle de longueur 2 pi, donc ses translatées auront toutes même intégrale sur un intervalle de longueur 2 pi donné : mais en quoi cela interviendrait-il précisément dans la démonstration en question ? ;)

    Merci !
  • Cela intervient car ton intégrale vaut, à une constante près, $\langle f \mid f - \tau_t(f)\rangle$, où $\tau_t$ est l'opérateur de translation dont je parle (on utilise aussi que la fonction est réelle !).
  • Je suis d'accord, mais comment en déduire alors que la limite de ce produit scalaire lorsque t tend vers 0 est nulle?
    Merci !
  • Pardon je me suis mal exprimé, c'est $t \mapsto (f \mapsto \tau_t(f))$ qui est (uniformément) continue de $\mathbb R$ dans $\mathcal L(L^2)$.
  • Inégalité de C.S
    Le 😄 Farceur


  • Bon je me suis un peu emballé, ici c'est juste le fait que, à $f$ fixée, $t \mapsto \tau_t(f)$ est continue.
  • Et c'est justement ce que je ne comprends pas...je suis désolé si ma question est stupide, mais ton argument ne revient-il pas à dire que si t tend vers 0, l'intégrale du carré de f - Tau_t(f) tend vers 0 ?

    Comment le prouves-tu, de manière élémentaire?

    Gebrane, ok pour C-S, mais en l'occurrence c'est la norme du second facteur qui me pose problème lorsque t tend vers 0 :-)
  • De mémoire on le montre pour les fonctions continues puis on invoque la densité...
  • Merci Poirot...mais du coup on sort des arguments élémentaires…


    En tout cas, tu n'es toi non plus pas convaincu par l'argument de convergence dominée utilisé par l'auteur à ce stade de la démonstration?

    D'ailleurs, ne se mord-on pas un peu la queue?
    Comment prouver que le sous-espace des fonctions continues et 2 pi périodiques est dense dans $ L^2([0;2pi)]$ par une démo indépendante du fait que la série de Fourier de toute fonction f de $ L^2([0;2pi)]$ converge vers f dans cet espace?...
  • On le démontre pour les fonctions continue a support compact puis on passe par densité ( on utilise que cet opérateur est isométrique)

    c'est un très bon exercice pour toi
    Le 😄 Farceur


  • On peut trouver une fonction $f\in L^2(\mathbf R)$ et une suite $t_n$ de réels tendant vers $0$ tels que la suite $f(\cdot-t_n)$ ne soit pas convergente presque partout. Un exemple est trouvable ici.

    L'utilisation du théorème de convergence dominée est donc erronée.
  • Gebrane, je te remercie de ce que tu juges être un bon exercice pour moi...mais d'où vient la densité que tu invoques?
    Sinon du fait que, justement, on peut approcher tout élément de $ L^2([0;2pi)]$ par une fonction continue égale, par exemple, au n ème terme de sa série de Fourier…?
  • C'est la densité des fonctions continues à support compact dans les $L^p (p<+\infty)$
    Le 😄 Farceur


  • Merci mojojo, je vais regarder ça...je suis vraiment surpris en tout cas qu'il y ait une telle erreur de raisonnement dans le livre que j'ai sous la main, du coup…!

    Ok gebrane...je ne me souviens plus que vaguement de ce résultat.
  • tigweg écrivait :
    > Ok gebrane...je ne me souviens plus que vaguement de ce résultat.

    C'est hors agrégation puisque on utilise la régularité de la mesure de Lebesgue.
    Le 😄 Farceur


  • Heu les résultats de densité dans les $L^p$ sont au programme de l'agrégation...
  • @Héhéhé
    Je ne parle pas du résultat. La preuve doit être censé connue?
    Le 😄 Farceur


  • @tigweg : ça peut arriver ! J'ai déjà vu plusieurs personnes (étudiants, profs...) faire cette erreur en particulier, peut-être qu'elle est assez fréquente. En tout cas c'est un peu subtil pour trouver un contre exemple parce que $f(\cdot-\tau)$ converge bien en norme vers $f$ et donc pour toute suite $(t_n)_n$ tendant vers $0$ il existe une sous-suite $(t_{n_k})_k$ telle que $f(\cdot-t_{n_k})$ converge presque partout vers $f$...

    @Gebrane : Quand on est sur $\mathbf R^n$ ou un ouvert de $\mathbf R^n$ on peut simplement utiliser une convolution pour le démontrer (si je ne dis pas de bêtises).

    Edit : Visiblement je racontait des bêtises ! cf le message de seb78 plus bas et ma réponse.
  • @mojojo : d'accord! Oui en effet, d'ailleurs ton contre-exemple m'a pas mal éclairé, merci encore :-)
    mojojo a écrit:
    Quand on est sur $\mathbb R^n$ ou un ouvert de $\mathbb R^n$ on peut simplement utiliser une convolution pour le démontrer (si je ne dis pas de bêtises).

    J'ai ressorti mes cahiers de maîtrise, et en effet c'est bien ainsi que le professeur l'avait fait ;-)
  • bizarre, j'aimerais bien voir cette preuve, ça marche dans tout l'espace $\R^n$ mais dans le cas d'un ouvert $\Omega$ de $\R^n$ , je ne vois pas comment appliquer la convolution
    Le 😄 Farceur


  • Tu devrais essayer, c'est un très bon exercice pour toi gebrane ;-)

    Plus sérieusement, l'idée est la suivante : Soit $\Omega$, $f\in L^p(\Omega)$ et $\varepsilon$ fixés. On écrit $K_n=\{x\in \mathbf R^d : ||x||\leq n, d(x, \Omega^C)\geq 1/n\}$ on sait que $\|f-f\cdot \mathbf 1_{K_n} \|_p$ tend vers $0$ quand $n$ tend vers l'infini, on choisit $n$ tel que cette norme soit $<\varepsilon$. Ensuite on considère $f\cdot \mathbf 1_{K_n}$ comme une fonction sur $\mathbf R^d$ tout entier (on prolonge par $0$) et en faisant la convolution avec une fonction $\phi$ à support dans $B(0,1/2n)$ on obtient une fonction $g=\phi * f\cdot \mathbf 1_{K_n}$ à support dans $K_n+B(0;1/2n)\subset\Omega$. Pour $\phi$ bien choisie on aura $\|g-f\cdot \mathbf 1_{K_n}\|_{L^p(\mathbf R^d)}=\|g-f\cdot \mathbf 1_{K_n}\|_{L^p(\Omega)}<\varepsilon$ et donc $\|g-f\|_{L^p(\Omega)}<2\varepsilon$.
  • Merci mojojo
    J'aime bien ce genre d'exercices et tu le sais très bien
    Le 😄 Farceur


  • Si n=1 et $\Omega=]2,3[$ alors $K_1$ est vide ! car $\forall x\in [-1,1], dist(x,\Omega^c)=0<1$

    Pour que $K_n$ ne soit pas vide, tu fais des hypothèses sur $\Omega$ ?
    Le 😄 Farceur


  • $K_n$ est non vide à partir d'un certain rang :-)
  • Poirot fait un grand saut sur les petites dimensions :-D
    Le 😄 Farceur


  • Je pense surtout que mojojojo n'a pas fait attention à la double utilisation de la lettre $n$, désignant à la fois la dimension fixée de l'espace, et l'indice utilisé pour ses compacts. Il faudrait lire par exemple $$K_m=\{x\in \mathbf R^n : ||x||\leq m, d(x, \Omega^C)\geq 1/m\}.$$
  • Merci Poirot, il faut être complètement abruti pour comprendre la définition des K autrement. je reconnais mon idiotie.
    Dans ma lecture, je m’étais arrêté à la définition de K_n; maintenant, je vais lire toute la preuve.
    Le 😄 Farceur


  • C'est corrigé !
  • Merci mojojo

    Le point clé c'est que tu démontres qu'il existe un compact $K\subset \Omega$ et une fonction $\tilde f$ à support dans $K$ telle que $||f-\tilde f||_p<\epsilon$

    Maintenant si on me pose dans un oral démontrer que $C_c(]a,b[)$ est dense dans $L^p(]a,b[)$ ( $p<+\infty$), je donnerai rapidement $f_{\epsilon}=\rho_{\epsilon} * f\chi_{[a+\epsilon,b-\epsilon]}$ avec $\rho_{\epsilon}$ une approximation de l'unité avec $Supp\, \rho_{\epsilon}\subset ]-\epsilon, \epsilon[$

    On peut aussi démontrer le résultat si on admet le résultat classique $C_c(\R^n)$ est dense dans $L^p(\R^n)$ ( $p<+\infty$)
    Le 😄 Farceur


  • Une petite question me turlupine. Souvent dans les ouvrages d'analyses on commence par prouver la densité de $C_c(\Omega)$ dans $L^p(\Omega)$ en utilisant la régularité de la mesure de Lebesgue puis plus loin on démontre la densité de $C^{\infty}_c(\Omega)$ dans $L^p(\Omega)$ en utilisant la convolution.

    Dans le cours d'analyse de J.M.Bony, la première densité est même admise alors que la deuxième est démontrée ce qui peut paraître étrange vu que la deuxième densité implique la première...Y a-t-il une justification pédagogique derrière ces choix?
  • Bonjour Seb, comment tu vas ?
    Un exemple que tu cites est par exemple la preuve du théorème 3.3.10 de http://math.univ-lyon1.fr/~chalenda/chap3-ar.pdf

    Il y a de l'arnaque si $\Omega=\R^n$ ou $\Omega\subset \R^n$ et la mesure prise c'est celle de Lebesgue, car la convolution marche très bien.


    Mais dans espaces mesurés généraux $(\Omega,\mathcal A,\mu)$ avec $\mu$ une mesure de radon régulière on a besoin de théoreme de Lusin 4.1.2 https://webusers.imj-prg.fr/~paul.laurain/M2-13.pdf qui utilise la régularité de la mesure. Une discussion intéressante à ce sujet sur MSE https://math.stackexchange.com/questions/156444/why-c-0-infty-is-dense-in-lp/156451#156451 où on peut lire "Note that the proof theorem for case Lp(R) is significantly easier than the general case (where function defined on LCHS with Radon measure).. – Red shoes"

    N.B dans le premier document que j'ai cité http://math.univ-lyon1.fr/~chalenda/chap3-ar.pdf, l'auteur dit tout au début que les résultats s'étendent à un espace mesuré quelconque et la démonstration choisie utilise le théorème de Lusin
    Le 😄 Farceur


  • Seb78 : En fait je pense que j'ai raconté des bêtises. Je viens d'écrire sur une feuille la démonstration avec utilisation de la convolution que j'avais en tête et je me retrouve à devoir montrer que $\|f-f(\cdot -\tau)\|$ converge vers $0$ quand $\tau$ converge vers $0$. Malheureusement je ne sais pas démontrer ce résultat sans passer par la densité des fonctions continues à support compact... et on a un joli raisonnement circulaire !

    Mea-culpa
  • Ta preuve est donnée par Jochen 13 dans https://math.stackexchange.com/questions/156444/why-c-0-infty-is-dense-in-lp/156451#156451 je ne vois pas d''arnaque!

    il y a aussi une autre preuve ( améliorée par Tomasz) dans le même lien si on suppose connue la densité dans le cas $\Omega=\R^n$
    Le 😄 Farceur


  • @ Mojojojo

    C'est marrant, moi aussi je croyais qu'on pouvait se passer de la régularité de la mesure de Lebesgue. J'ai vérifié dans mes cours de calcul des variations et on s'en sert, effectivement, même en dimension $1$ pour démontrer la densité de $C_c^{\infty}(I)$ dans $L^p(I)$ où $I$ désigne un intervalle ouvert de $\R$. Mais il y a peut-être d'autres preuves qui n'utilisent pas ce résultat.
  • @bb
    Où est l'arnaque dans ceci $C_c(]a,b[)$ est dense dans $L^p(]a,b[)$ ( $p<+\infty$), il suffit de prendre $f_{\epsilon}=\rho_{\epsilon} * f\chi_{[a+\epsilon,b-\epsilon]}$ avec $\rho_{\epsilon}$ une approximation de l'unité avec $Supp\, \rho_{\epsilon}\subset ]-\epsilon, \epsilon[$
    je n'ai pas le temps pour donner les details
    Le 😄 Farceur


  • Bonjour Gebrane,

    Je ne sais pas répondre à ta question. La preuve que je connais de la densité de $C_c(]a,b[)$ dans $L^p(]a,b[)$ utilise la régularité de la mesure de Lebesgue (arrives-tu à t'en passer ?) pour approcher une fonction indicatrice par une fonction de $C_c(]a,b[)$ pour la norme $L^p(]a,b[)$.
  • salut gebrane :) et merci mojojojo.

    Je viens de relire le cours d'analyse de J.M Bony et je me rends compte que lui aussi utilise la densité des fonctions continues à support compact pour prouver celle des fonctions $C^{\infty}_c$ via la convolution. De même, j'ai repris mon poly de M1 de J.Saint Raymond et là encore même constat. Conclusion, j'ai bien l'impression que l'on doive d'abord prouver la densité de $C_c$ avant de prouver celle de $C^{\infty}_c$...
  • Au risque de dire à nouveau des bêtises... je pense qu'on peut directement faire $C^\infty_c$ sans passer d’abord par $C^0_c$. On commence par montrer que $\mathbf 1_{[a;b]}$ est approchée d'aussi près qu'on veut par des fonctions $C_c^\infty$ et on invoque la densité des fonctions en escalier dans les fonctions étagées puis la densité des fonctions étagées dans $L^p$.
  • Dans le cas $\Omega=\R$ ou $\R^n$ a-t-on besoin aussi de la régularité de la mesure et Urysohn ?

    Je doute de tout grâce à ce fil . Dois-je consulter un thérapeute ? :-D
    Le 😄 Farceur


  • @mojojo La densité des fonctions en escalier dans les fonctions etagées est l'ingrédient essentiel de la densité des fonctions continues à support compact et c'est ici que l'on utilise la régularité de la mesure de Lebesgue.
  • Une petite remarque, pour certaines mesures l'ensemble des fonctions continues à support compact ne s'injecte même pas dans $L^1(\R,B(\R))$. Pour avoir la densité il faut au moins la finitude de la mesure sur les compacts.
    Exemple: la mesure de comptage sur les nombres rationnels.
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