Mesurable non borélien de R

Bonjour,
Je cherche à construire un sous-ensemble de R Lebesgue-mesurable non borélien en suivant la méthode dictée par l'exercice suivant. Je bloque juste à la fin.
Je cherche donc un coup de pouce.
(fichier en pièce jointe. exercices 13 à 16 p 60)

On construit d'abord $\phi$ une bijection strictement croissante (donc continue) de [0,1] sur [0,1] qui envoie $\hat{C}$ sur $C$ où $C$ est l'ensemble triadique de Cantor (enfin, une légère généralisation: v. fichier joint) et $\hat{C}$ est un ensemble que l'on construit comme l'ensemble triadique de Cantor, à ceci près que sa mesure est strictement positive (Les intervalles centraux que l'on retire sont choisis assez petits, et pas tous de même taille pour que l'on obtienne au final un ensemble à la Cantor mais de mesure non nulle.(voir aussi fichier joint).
On considère ensuite la restriction de $\phi$ à $\hat{C}$. On l'appelle encore $\phi$. Donc on a $\phi : \hat{C} \rightarrow C$.

Ensuite, selon l'exercice, on considère $N$ une partie non mesurable de $\hat{C}$ et $f$ la fonction indicatrice de $\phi (N)$.
Alors $f o \phi$ n'est pas mesurable car c'est la fonction indicatrice de $N$ restreinte à $\hat{C}$. (c'est ce qu'il était demandé de montrer.)

Pour conclure, il est demandé :"Utiliser la construction de l’exercice précédent (c'est-à-dire $f o \phi$)pour trouver un ensemble Lebesgue-mesurable qui n’est pas un borélien dans R."

Et là, je bloque.
Tout ce que je vois, c'est que $N$ ne peut pas exister car la composée de deux fonctions mesurables est forcément mesurable ($\phi(N)$ est mesurable (et donc sa fonction indicatrice aussi) car c'est une partie d'un ensemble de mesure nulle et $\phi$ est mesurable car continue).
J'en déduis que toute partie de $\hat{C}$ est mesurable.

Mais je ne vois pas comment "construire un mesurable non borélien" à partir de la construction $f o \phi$...

Si vous voyez comment faire, je suis preneur.

Merci !

Cours très intéressant d'ailleurs car il construit la mesure de Lebesgue de manière très pédagogique et assez inhabituelle. Je conseille vivement !

Réponses

  • Est-ce que par hasard $\phi(N)$ ne conviendrait pas?

    $\phi(N)$ est Lebesgue mesurable, puisque la mesure de Lebesgue est complète et que $\phi(N) \subset C$, qui est mesurable et de mesure nulle

    $\phi(N)$ n'est pas un borélien : si c'était un borélien, son image réciproque par une fonction continue serrait un borélien, or $N$ n'est pas borélien.
  • Attention, par "$f$ est mesurable" on entend souvent " $\forall B\in \mathscr B(\mathbb R) , f^{-1}(B)\in \mathscr L(\mathbb R) $" et dans ce cas la composée de deux fonctions mesurables n'est pas mesurable en générale. Cela vient du fait que les tribus au départ et à l'arrivée ne sont pas les mêmes. Par contre la composée de deux fonctions boréliennes est toujours une fonction borélienne.
  • Merci Tryss et Mojojojo !
    Je suis d'accord avec Tryss mais alors quel est l'intérêt de la construction ($f \circ \phi$) de l'exercice ? (on n'utilise pas $f$)
    De plus, l'existence du borélien n'est pas constructiviste. Et l'existence de celui-ci est conditionné à l'existence d'un non mesurable de $\widehat{C}$... c'est-à-dire à l'axiome du choix.

    Pourquoi a-t-on besoin de $\phi$ ? Juste pour postuler l'existence d'un non mesurable dans $\widehat{C}$ ? Ce qui veut dire qu'il faudrait une propriété qui dit que dans un ensemble de mesure non nulle il y a toujours une partie non mesurable ... c'est si évident que cela ?
  • Sans axiome du choix, on peut montrer que la tribu borélienne a la même cardinalité $\mathfrak c$ que $\mathbb R$. Parmi les $2^{\mathfrak c}$ parties de l'ensemble de Cantor, il y en a forcément (beaucoup) qui ne sont pas boréliennes, mais elles sont Lebesgue-mesurables puisque négligeables.

    Pour ce qui est de donner un exemple "concret" de lebesguien non borélien, il y a un exemple de Lusin donné dans cet article wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tribu_de_Lebesgue
  • Je répond à
    gillesR a écrit:
    Ce qui veut dire qu'il faudrait une propriété qui dit que dans un ensemble de mesure non nulle il y a toujours une partie non mesurable ... c'est si évident que cela ?
    Non ce n'est pas évident, voilà comment on peut procéder :

    Soit $\sim$ la relation d'équivalence sur $\mathbf R$ définie par $x\sim y \Leftrightarrow x-y\in \mathbf Q$. L'axiome du choix nous garanti l'existence d'un ensemble $V$ (pour Vitali) contenant exactement un élément de chaque classe d'équivalence de $\sim$. Cela implique au passage que $\mathbf R$ s'écrit comme la réunion disjointe des $q+V$ où $q$ est un rationnel. C'est un résultat classique que $V$ est non mesurable.

    Soit maintenant un ensemble $A\in \mathscr L(\mathbf R)$ de mesure strictement positive. Les $(V+q)\cap A$ sont donc tous disjoints et leur union est égale à $A$. Supposons que tous les $(V+q)\cap A$ soient mesurables, il y en a alors au moins un qui a une mesure strictement positive (sinon on aurait $\lambda(A)=0$), on l'appelle $(r+V)\cap A$. Maintenant on regarde $D$, l'ensemble différence de ce $(r+V)\cap A$, c'est à dire $D=((r+V)\cap A)-((r+V)\cap A)=\{x-y : x,y \in (r+V)\cap A\}$. Par définition de $V$ cet ensemble ne contient qu'un seul et unique rationnel : $0$, tous ses autres éléments sont irrationnels. Pour arriver à une contradiction on utilise finalement le théorème de Steinhaus qui nous dit que si $B$ est mesurable et $\lambda(B)>0$ alors $B-B$ contient un intervalle ouvert contenant $0$. Ici on a vu que $D$ ne contenait aucun intervalle ouvert contenant $0$ car il ne contient aucun $1/n$, ce qui est absurde. Il existe donc bien un rationnel $q$ tel que $(V+q)\cap A$ soit non mesurable.
  • Petite remarque par rapport à la démonstration précédente, on n'est pas obligé d'utiliser le théorème de Steinhaus, reprendre le même raisonnement que pour la non mesurabilité de $V$ marche aussi. Voilà comment on fait :

    Soit $A$ mesurable de mesure strictement positive. Il existe alors on entier relatif $n$ tel que $\lambda(A\cap [n;n+1])>0$, sans perte de généralité on peut supposer que $n=0$ et on notera $A\cap[0;1]=B$. Supposons que tous les $(V+q)\cap B$ soient mesurables, il en existe alors un de mesure $>0$ (sinon $\lambda(B)=0$), on le note $V_r=(V+r)\cap B$. On sait que les $q+V_r$ sont tous disjoints et on regarde alors
    \[
    \bigcup_{q\in \mathbf Q\cap [0;1]} V_r+q
    \]
    Cet ensemble est contenu dans $[-1;2]$ et par additivité de la mesure et invariance de la mesure par translation on a
    \[
    3=\lambda([-1;2])\geq\lambda\left(\bigcup_{q\in \mathbf Q\cap [0;1]} V_r+q \right)=\sum_{q\in \mathbf Q\cap [0;1]} \lambda(V_r)=+\infty
    \]
    ce qui est absurde. Il existe donc bien un $(V+q)\cap B \subset A$ qui soit non mesurable.


    Dernière remarque, ces deux démonstrations marchent sans que l'on ait besoin de démontrer au préalable que $V$ est non mesurable.
  • Merci pour cette réponse très détaillée. C'est exactement la question que je me posais.
    Effectivement l'existence en question n'est pas triviale. Je ne connaissais pas du tout ce théorème de Steinhaus.

    Gilles
Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.