Espace réticulé

Bonjour,
Je travaille sur un exercice d'analyse fonctionnelle issu du livre de Hirsch Lacombe (ex 11 p132 pour ceux qui l'ont). On travaille sur un espace mesurable $(X,\mathcal{F})$ muni d'une mesure $m$.
On considère un sous-espace vectoriel $L$ de l'espace $ \mathcal{L}^1(m)\cap \mathcal{L}^{\infty}(m)$ qui vérifie les trois conditions :
- il existe une suite croissante d'éléments de $L$ qui converge $m$-presque partout vers la fonction constante 1,
- la tribu $\sigma(L)=\mathcal{F}$,
- $ \forall f \in L,\ f^2 \in L$.
On muni l'espace $L^1(m)\cap L^{\infty}(m)$ de la norme $\|\cdot \|_1+\| \cdot\|_{\infty}$ et on note $\overline{L}$ l'adhérence de $L$ dans cet espace.
La première question est de montrer que si $f \in L$ alors $|f| \in \overline{L}$.

L'énoncé suggère d'utiliser le fait (analogue de la preuve de Stone-Weierstrass) que pour tout $f \in L$ , il existe une suite $P_n(f)$ de fonctions de $L$ qui converge uniformément vers $|f|$. Autrement dit, $|f|$ appartient à l'adhérence de $L$ pour la norme uniforme.

Mon souci c'est que je n'arrive pas à en déduire l'existence d'une suite d'éléments de $L$ qui converge vers $|f|$ pour la norme plus fine $\|\cdot\|_1+\|\cdot\|_{\infty}$.
Merci pour vos suggestions.

Réponses

  • Ah je crois avoir trouvé finalement...

    Il se trouve que la suite $(P_n(f))$ de $L$ que l'on a construite (comme dans Stone Weierstrass) et qui converge uniformément vers $|f|$ est croissante donc par convergence monotone on a:
    $\lim_n \int_X P_n(f) dm = \int_X \lim_n P_n(f) dm$ de plus comme $\forall n \in \N,\ | \int_X P_n(f) | \leq \int_X |f| dm<+\infty$ on a bien $\|P_n(f) -|f|\|_1 \to 0$ et donc $|f|$ est dans $\overline{L}$.
  • Petite parenthèse, pour être complet, il faut quand même remarquer que la suite de polynômes définie par récurrence par :
    $P_0=0$ et $P_{n+1}(x)=P_n(x)+\frac{1}{2}(x^2-P_n(x))$ vérifie $P_n(0)=0$ donc même si $L$ ne contient pas les fonctions constantes (contrairement à la situation de Stone Weierstrass), on a bien $ f \in L, \implies P_n(\frac{f}{\|f\|_{\infty}}) \in L$.
  • Bonjour,
    Je sollicite à nouveau votre aide pour la suite de l'exercice ci-dessus qui se décompose en plusieurs questions. Je précise que cet exercice traite du théorème de Daniell (approche fonctionnelle de la théorie de l'intégration) et l'objectif final de l'exercice est de démontrer que pour $1\leq p < +\infty$, $L^p(m)\otimes L^p(\mu)$ est dense dans $L^p(m\times \mu)$, résultat qui a lui-même des applications intéressantes.

    Je poursuis donc avec les notations introduites ci-dessus (merci pour ceux qui auront le courage de lire)

    Question a-bis) : en déduire que $\forall f \in \overline{L}, |f| \in \overline{L} $.
    Ceci me semble clair car si $L$ est une algèbre alors $\overline{L}$ est aussi une algèbre et le même argument qui s'appliquait pour $L$ dans la question d'avant s'applique pour $\overline{L} $.

    Question b) : Démontrer que $\overline{L}$ est dense dans $L^1(m)$.
    D'après moi cette question est une conséquence directe de la question précédente et du théorème de Daniell (ou plutôt de son Corollaire) qui stipule que si on a un espace vectoriel $L$ de fonctions sur $X$, réticulé et tel qu'il existe une suite $(\phi_n)$ d'éléments de $L$ qui tend vers la fonction constante $1$ alors $L$ est dense dans $L^1(m)$ où $m$ est l'unique mesure telle que $L \subset L^1(m)$ et $\int f dm$ est une forme linéaire positive sur $L$ vérifiant certaines conditions naturelles.

    Question c) : Démontrer que $L$ est dense dans $L^p(m)$ pour $1 \leq p < \infty$.
    Indication : si $f \in L^p(m)$, on pourra démontrer que pour tout $n \in \N$, la fonction $g_n = \sup[ \inf(f, n \phi_n^+), -n \phi_n^+]$ est approchable dans $L^p(m)$ par une suite de $\overline{L}$. Edit : $(\phi_n)$ est la suite croissante d'éléments de $L$ de l'énoncé qui converge $m$-presque partout vers la fonction 1.

    Celle-ci me donne du fil à retordre. Mon idée de preuve a trois étapes.
    D'abord, la suite $(g_n)$ est croissante, tend $m$-presque partout vers $f$ et pour tout $n \in \N$, on a $|g_n|<|f| \in L^p$ donc par convergence $L^p(m)$-dominée, si on fixe $\varepsilon >0$, on voit qu'à partir d'un certain rang $n>N$, on a $\|f-g_n\|_{L^p} \leq \varepsilon$ (1).
    Ensuite, si on suppose comme l'indication de l'énoncé qu'on soit parvenu à approcher dans $L^p$, la fonction $g_n$ par une suite $(\psi_k)$ de $\overline{L}$, alors on aura à partir d'un certain rang $k>K$, $\|g_n-\psi_k\|_{L^p} \leq \varepsilon$ (2).
    Enfin comme $L$ est dense dans $\overline{L}$ pour la norme $\|\,\|_{1}+\|\,\|_{\infty}$ mais que $\forall f \in L^1(m)\cap L^{\infty}(m)\,$ on a l'inégalité: $\displaystyle \|f\|_{p}\leq \|f\|_1^{\frac{1}{p}} \|f\|_{\infty}^{\frac{1}{p'}}$. Ceci implique que $L$ est également dense dans $\overline{L}$ pour la norme $\|\,\|_{p}$ et qu'on peut trouver une suite $(\varphi_m)$ de $L$ telle qu'à partir d'un certain rang $m>M$ , $\|\psi_k-\varphi_m\|_{L^p} \leq \varepsilon$
    Par (1),(2), et(3), et par inégalité triangulaire on a une suite $(\varphi_m)$ de $L$ telle qu'à partir d'un certain rang $m>M$ , $\|f-\varphi_m\|_{L^p} \leq 3\varepsilon$ d'où le résultat.

    Là où je bloque c'est comment démontrer le résultat de l'indication de la question c)...

    Merci
  • Je pense avoir trouvé comment combler la preuve de la question c).

    On a déjà vu dans la question b) que $L$ est dense dans $L^1(m)$ (corollaire du théorème de Daniell), il ne reste donc plus qu'à montrer que $L$ est dense dans $L^p(m)$ pour $1<p<\infty$. Mais on sait qu'alors $L^1(m)\cap L^{\infty}(m)$ est un sous espace dense de $L^p(m)$ et que pour tout $f \in L^1(m)\cap L^{\infty}(m)$ on a : $ \|f\|_p\leq \|f\|_1^{\frac{1}{p}}\|f\|_{\infty}^{1-\frac{1}{p}} (**)$.
    Il est donc suffisant de montrer que pour tout $f \in L^1(m)\cap L^{\infty}(m)$ et pour tout $n \in N$, la fonction $\sup[ \inf(f,n\phi_n^+),-n\phi_n^+]$ est approchable dans $L^p(m)$ par une suite de $\overline{L}$. Mais comme $\phi _n \in L \subset L^1(m)\cap L^{\infty}(m)$ et que les espaces considérés sont réticulés, on en déduit que $\sup[ \inf(f,n\phi_n^+),-n\phi_n^+] \in L^1(m)\cap L^{\infty}(m)$.
    Par la question b), il existe une suite d'éléments de $\overline{L}$ qui approche dans $L^1(m)$ la fonction $\sup[ \inf(f,n\phi_n^+),-n\phi_n^+]$ mais grâce à l'inégalité (**) on voit qu'elle approche $\sup[ \inf(f,n\phi_n^+),-n\phi_n^+]$ également dans $L^p(m)$ ce qui achève la preuve.

    J'ai l'impression que c'est correct même si un peu compliqué!

    Pour ne pas allonger le post, je vais traiter la dernière question dans un post séparé.

    Merci pour tout commentaire sur cette partie.

    seb
  • Passons à l'énoncé de la dernière question d: si $m$ et $\mu$ sont des mesures $\sigma$-finies sur des espaces mesurables $(X,\mathcal{F})$ et $(Y,\mathcal{G})$, et soit $p \in [1,\infty[$. On note $L^p(m)\otimes L^p(\mu)$ le sous-espace vectoriel de $L^p(m\times \mu)$ engendré par les fonctions: $(x,y) \to f(x)g(y)$ avec $f \in L^p(m)$ et $g \in L^p(\mu)$. Démontrer que $L^p(m)\otimes L^p(\mu)$ est dense dans $L^p(m\times \mu)$.

    Indication: Appliquer le résultat de la question précédente à la mesure $m \times \mu$ et à l'espace $L=(\mathcal{L}^1(m)\cap \mathcal{L}^{\infty}(m)) \otimes (\mathcal{L}^1(\mu)\cap \mathcal{L}^{\infty}(\mu))$.

    On remarque que l'espace $L$ ci-dessus est un sous-espace vectoriel de $L^p(m)\otimes L^p(\mu)$ qui est lui-même un sous-espace vectoriel de $L^p(m\times \mu)$ donc il suffit de montrer que $L$ est dense dans $L^p(m\times \mu)$ pour avoir le résultat.

    D'après la question précédente, $L$ est dense dans $L^p(m\times \mu)$ dès lors que l'on aura vérifié toutes les hypothèses pour $L$ à savoir :
    d.1- $L$ est un sous-espace vectoriel de $\mathcal{L}^1(m\times \mu)\cap \mathcal{L}^{\infty}(m\times \mu)$,
    d.2- il existe une suite croissante $(\phi_n)$ de $L$ qui converge vers $1$ $(m\times \mu)$-presque partout,
    d.3- la tribu $\sigma(L)$ engendrée par $L$ est égale à $\mathcal{F}\times \mathcal{G}$,
    d.4- $\forall f \in L, f^2 \in L$.

    Une fonction $h \in L$ s'écrit :$h: (x,y) \to \sum_{i=1}^N f_i(x)g_i(y)$ avec $f_i \in (\mathcal{L}^1(m)\cap \mathcal{L}^{\infty}(m))$ et $g_i \in (\mathcal{L}^1(\mu)\cap \mathcal{L}^{\infty}(\mu))$.

    Le point d.1 est donc une conséquence direct du théorème de Fubini.
    Le point d.2 résulte du fait que $C_c(X,Y) \subset L$ et qu'il existe une suite $(\phi_n)$ de fonctions de $C_c(X,Y)$ qui converge partout vers 1.
    Le point d.4 résulte d'un calcul direct et du fait que $L^1$ et $L^{\infty}$ sont des algèbres de fonctions.

    Pour le point d.3, $L$ est un sous-espace vectoriel des fonctions $\mathcal{F \times G}$-mesurables de $X\times Y$ vers $\R$ donc $\sigma(L) \subset \mathcal{F \times G}$. Pour l'inclusion inverse je pense qu'on peut utiliser le fait que les parties $A\times B \in \mathcal{F \times G}$ de mesure finie engendrent $\mathcal{F \times G}$ et que les fonctions indicatrices de tels ensembles sont dans $L$.

    Cela conclu l'exercice.

    Je suis preneur de toute remarque! Je trouve que cet exercice montre toute la force du théorème de Daniell (qui me semble assez méconnu).

    Et j'en profite pour demander aux membres du forum s'ils connaissent d'autres méthodes pour montrer la densité de $L^p(m)\otimes L^p(\mu)$ dans $L^p(m \times \mu)$.
  • Je m’aperçois en faisant une recherche sur le forum avec le mot clef "Daniell" que l'approche fonctionnelle de la théorie de l’intégration a assez peu d'adeptes cela explique sans doute l'absence de réponse à mes posts (à moins que ce ne soit la torpeur du mois d'août). J'ai trouvé plusieurs ouvrages dans la littérature anglo-saxonne qui adoptent cette démarche de façon complète.
    Conceptuellement cette approche consiste à partir dune axiomatique du concept d'intégrale (forme linéaire positive agissant sur un espace vectoriel réticulé dit "ensemble de fonctions élémentaires") puis de l'étendre en une forme linéaire sur un l'ensemble de fonctions sommables puis de construire une mesure qui vérifie les propriétés habituelles (l'inverse du schéma de Lebesgue). En français il me semble que cette approche est choisie mais de manière assez rapide dans l'ouvrage de Michel Willem (Analyse fonctionnelle élémentaire chez Cassini). Il me semble qu'il manque un traité complet sur le sujet en français. Cette démarche permet de démontrer très naturellement certains résultats tels que la densité des fonctions continues à support compact dans $L^1$ comme on peut le voir dans le livre de Hirsch Lacombe. Bon j'arrête là car je ne suis pas du tout un spécialiste !
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