Bonjour ! Quelqu'un pourrait-il m'expliquer l’intérêt de l'étude du dual topologique d'un evn ? Quelles en sont les motivations ? Avez-vous des exemples d'utilisation du dual ?
Le théorème de Hahn-Banach donne toute sa puissance à la dualité. Celui-ci a, entre autre, pour conséquence que la norme d'un élément est déterminée par son image par toutes les formes linéaires continues. Une application bien connue est qu'un sous-espace vectoriel d'un espace vectoriel normé est dense si et seulement si son orthogonal (au sens de la dualité) est réduit à la forme nulle.
Un autre intérêt de la dualité est de mener à l'introduction de différentes topologies faibles, souvent moins compliquées que la topologie forte. Enfin la dualité prend tout son essor dans la théorie des distributions et des espaces de Sobolev par exemple.
Dans pas mal de problèmes le dual apparaît naturellement, de la même façon qu'il apparaît naturellement dans de nombreux problèmes en dimension finie. Certains espaces célèbres peuvent aussi être définis comme le dual d'un autre, on pensera par exemple aux distributions (dual de $C^\infty_c$) ou au mesures de Radon (dual de $C^0_c$).
Le dual donne aussi des informations sur l'espace de base. Par exemple si le dual est séparable alors l'espace de base l'est aussi, si l'espace est réflexif (ie isomorphe à son bidual) alors on va avoir plein de propriétés sympathiques etc.
Comme l'a dit Poirot la notion de dual permet aussi de définir les topologies faible et $*$-faible. Elle ne sont pas vraiment "moins compliquées" que la topologie forte mais peuvent avoir des propriétés plus intéressantes. L’intérêt de la topologie $*$-faible est bien illustré dans le théorème de Banach-Alaoglu :
La boule unité d'un Banach est relativement compacte par rapport à la topologie $*$-faible.
C'est un gros avantage par rapport à la topologie forte pour laquelle la boule unité n'est jamais relativement compacte en dimension infinie (théorème de Riesz).
Je préciserai qu'un espace est réflexif s'il est isomorphe par le biais de l'injection canonique à son bidual ^^
La dualité est un outil puissant du point de vue de l'analyste!
La dualité sert en outre "à linéariser" certains problèmes (mes remarques sont très orientées analyse harmonique).
Voici quelques exemples :
-prouver la densité de l'espace vectoriel engendré par une famille de vecteurs, dans un espace de Banach donné Exemple : la densité dans $C^{0}[0,1]$ de l'espace vectoriel engendré par $(f(ax+b))_{(a,b)\in \mathbb{R}^{2}}$ lorsque $f$ est une fonction $\mathcal{C}^{\infty}$ sur $\mathbb{R},$ non polynomiale. @Corto : Mea Culpa!
-donner des estimées en norme (très utiles combinées avec des techniques d'interpolation ou des techniques probabilistes) Exemples : *le théorème de Riesz sur la convergence en norme $1<p<+\infty$ des séries de Fourier $L^{p}$ du tore (classique)
**les inégalités de Strichartz (méthode $TT^{*}$ entre autres)
-donner des contre-exemples à certaines inégalités (par le biais de techniques probabilistes) Exemple : L'optimalité des exposants concernant la conjecture de la restriction des transformées de Fourier sur la sphère et son lien avec les ensembles de Kakeya.
L'excellent livre du regretté et brillantissime Thomas Wolff :"Lectures on Harmonic Analysis" est une incursion merveilleuse (mais technique) dans l'utilisation "pratique" des techniques de dualité (entre autres).
Le "de Guzman" et plus récemment, le fabuleux livre de Grafakos illustrent par des théorèmes désormais classiques (mais parfois très difficiles : les théorèmes T1,Tb, le théorème de Carleson sur les séries de Fourier et son analogue sur les transformées de Fourier (Lacey/Hunt), la caractérisation des mesures de Carleson par les para-produits et la dualité $H1-BMO$) l'utilisation des méthodes par dualité.
@BobbyJoe : merci pour ces références. Il y a deux Grafakos, tu faisais référence au Modern Fourier Analysis plutôt que le Classical Fourier Analysis j'imagine ?
@BobbyJoe : Merci pour ces explications instructives. Est-ce que tu pourrais développer ton premier exemple ? Je suis curieux de voir comment tu fais ça.
@Corto : en effet, il s'agissait de lire l'espace vectoriel engendré par les éléments de cette famille... Pardon!
Je vais changer de ce pas la famille au passage (j'ai fait un mélange entre la preuve et l'énoncé... ^^ )
Procédons par dualité en utilisant le théorème de Hahn-Banach (et la caractérisation du dual de $C^{0}[0,1]$).
Prenons une mesure $\mu$ supportée sur $[0,1].$ vérifiant pour tout $(a,b)\in\mathbb{R}^{2},$ $$\int_{[0,1]}f(ax+b)d\mu(x)=0.$$
En dérivant par rapport à $a$ sous le signe intégrale, il vient $$\forall k\in \mathbb{N},\mbox{ }\int_{[0,1]}x^{k}f^{(k)}(ax+b)d\mu(x)=0.$$
Comme $f$ est non polynomiale, pour chaque entier $k,$ il existe $b\in \mathbb{R}$ tel $f^{(k)}(b)\neq 0.$ En évaluant en $a=0$ dans la relation précédente, il vient : $$ \forall k\in \mathbb{N},\mbox{ }f^{(k)}(b)\int_{[0,1]}x^{k}d\mu(x)=0.$$ Ainsi, tous les moments de $\mu$ sont nuls. Par Stone-Weierstrass, $\mu$ est alors la mesure nulle (car est à support compact et tous ses moments sont nuls).
Le théorème de Hahn-Banach permet de conclure.
Jolie preuve. J'ai des questions de théorie de l'intégration concernant la preuve.
J'ai vu Stone-Weierstrass dans le cas de l'intégrale de Riemann. Tous les théorèmes de l'intégrale de Riemann sont valables pour les mesures différentes? Est-ce-que cela a un nom? Quand on parle de mesure c'est en général (toujours?) l'intégrale de Lebesgue?
Le théorème de Stone-Weierstrass ne parle pas d'intégrale, donc je ne comprends pas ta première question.
Ensuite, sur un segment de $\mathbb R$, les notions d'intégrale de Riemann et d'intégrale de Lebesgue coïncident pour les fonctions Riemann intégrables (qui sont en particulier Lebesgue intégrables). Parler de comparaison entre intégrale de Riemann et intégrale selon une mesure différente de la mesure de Lebesgue n'a pas vraiment de sens, puisqu'une fonction intégrable selon l'un des procédés peut ne pas l'être selon l'autre.
Quand on parle d'intégration selon une mesure, c'est toujours sous-entendu la construction de Lebesgue.
Réponses
Un autre intérêt de la dualité est de mener à l'introduction de différentes topologies faibles, souvent moins compliquées que la topologie forte. Enfin la dualité prend tout son essor dans la théorie des distributions et des espaces de Sobolev par exemple.
Le dual donne aussi des informations sur l'espace de base. Par exemple si le dual est séparable alors l'espace de base l'est aussi, si l'espace est réflexif (ie isomorphe à son bidual) alors on va avoir plein de propriétés sympathiques etc.
Comme l'a dit Poirot la notion de dual permet aussi de définir les topologies faible et $*$-faible. Elle ne sont pas vraiment "moins compliquées" que la topologie forte mais peuvent avoir des propriétés plus intéressantes. L’intérêt de la topologie $*$-faible est bien illustré dans le théorème de Banach-Alaoglu :
La boule unité d'un Banach est relativement compacte par rapport à la topologie $*$-faible.
C'est un gros avantage par rapport à la topologie forte pour laquelle la boule unité n'est jamais relativement compacte en dimension infinie (théorème de Riesz).
La dualité est un outil puissant du point de vue de l'analyste!
La dualité sert en outre "à linéariser" certains problèmes (mes remarques sont très orientées analyse harmonique).
Voici quelques exemples :
-prouver la densité de l'espace vectoriel engendré par une famille de vecteurs, dans un espace de Banach donné
Exemple : la densité dans $C^{0}[0,1]$ de l'espace vectoriel engendré par $(f(ax+b))_{(a,b)\in \mathbb{R}^{2}}$ lorsque $f$ est une fonction $\mathcal{C}^{\infty}$ sur $\mathbb{R},$ non polynomiale.
@Corto : Mea Culpa!
-donner des estimées en norme (très utiles combinées avec des techniques d'interpolation ou des techniques probabilistes)
Exemples : *le théorème de Riesz sur la convergence en norme $1<p<+\infty$ des séries de Fourier $L^{p}$ du tore (classique)
**les inégalités de Strichartz (méthode $TT^{*}$ entre autres)
-donner des contre-exemples à certaines inégalités (par le biais de techniques probabilistes)
Exemple : L'optimalité des exposants concernant la conjecture de la restriction des transformées de Fourier sur la sphère et son lien avec les ensembles de Kakeya.
L'excellent livre du regretté et brillantissime Thomas Wolff :"Lectures on Harmonic Analysis" est une incursion merveilleuse (mais technique) dans l'utilisation "pratique" des techniques de dualité (entre autres).
Le "de Guzman" et plus récemment, le fabuleux livre de Grafakos illustrent par des théorèmes désormais classiques (mais parfois très difficiles : les théorèmes T1,Tb, le théorème de Carleson sur les séries de Fourier et son analogue sur les transformées de Fourier (Lacey/Hunt), la caractérisation des mesures de Carleson par les para-produits et la dualité $H1-BMO$) l'utilisation des méthodes par dualité.
@Corto : en effet, il s'agissait de lire l'espace vectoriel engendré par les éléments de cette famille... Pardon!
Je vais changer de ce pas la famille au passage (j'ai fait un mélange entre la preuve et l'énoncé... ^^ )
@Tableau blanc
Voici une façon de procéder...
Procédons par dualité en utilisant le théorème de Hahn-Banach (et la caractérisation du dual de $C^{0}[0,1]$).
Prenons une mesure $\mu$ supportée sur $[0,1].$ vérifiant pour tout $(a,b)\in\mathbb{R}^{2},$ $$\int_{[0,1]}f(ax+b)d\mu(x)=0.$$
En dérivant par rapport à $a$ sous le signe intégrale, il vient $$\forall k\in \mathbb{N},\mbox{ }\int_{[0,1]}x^{k}f^{(k)}(ax+b)d\mu(x)=0.$$
Comme $f$ est non polynomiale, pour chaque entier $k,$ il existe $b\in \mathbb{R}$ tel $f^{(k)}(b)\neq 0.$ En évaluant en $a=0$ dans la relation précédente, il vient : $$ \forall k\in \mathbb{N},\mbox{ }f^{(k)}(b)\int_{[0,1]}x^{k}d\mu(x)=0.$$ Ainsi, tous les moments de $\mu$ sont nuls. Par Stone-Weierstrass, $\mu$ est alors la mesure nulle (car est à support compact et tous ses moments sont nuls).
Le théorème de Hahn-Banach permet de conclure.
J'ai vu Stone-Weierstrass dans le cas de l'intégrale de Riemann. Tous les théorèmes de l'intégrale de Riemann sont valables pour les mesures différentes? Est-ce-que cela a un nom? Quand on parle de mesure c'est en général (toujours?) l'intégrale de Lebesgue?
Merci d'avance, cordialement.
Ensuite, sur un segment de $\mathbb R$, les notions d'intégrale de Riemann et d'intégrale de Lebesgue coïncident pour les fonctions Riemann intégrables (qui sont en particulier Lebesgue intégrables). Parler de comparaison entre intégrale de Riemann et intégrale selon une mesure différente de la mesure de Lebesgue n'a pas vraiment de sens, puisqu'une fonction intégrable selon l'un des procédés peut ne pas l'être selon l'autre.
Quand on parle d'intégration selon une mesure, c'est toujours sous-entendu la construction de Lebesgue.