L'équation $x^y = y^x$

En fonction du temps que j'ai, de semaine en semaine, je me donne des défis plus ou moins compliqués pour ne pas perdre la main sur les bases (avec lesquelles j'admets encore avoir du mal).

Je me suis intéressé à l'équation $x^y=y^x$, toute simple à écrire mais dont la solution ne me saute pas aux yeux. Bon, déjà, on sait qu'on cherche $x,y > 0$ et qu'on peut l'écrire $e^{y \ln(x)} = e^{x \ln(y)}$, donc $y \ln(x) = x \ln(y)$.

Déjà, quand $x=y$, c'est réglé. Quand $x=1$ ou $y=1$, ça force $x=y$, donc si on suppose $x \neq y$, on sait qu'on n'aura pas d'autres solutions si l'un des logarithmes s'annule.

Donc j'écris mon équation $\displaystyle \frac{x}{\ln(x)} = \frac{y}{\ln(y)}$. On cherche donc les couples $(x,y)$ strictement positifs qui ont la même image par la fonction $f(t) = \displaystyle \frac{t}{\ln(t)}$.

$f'(t) = \displaystyle \frac{\ln(t)-1}{\ln(t)^2}$ et $\ln(t)-1 \geqslant 0$ si, et seulement si, $t \geqslant e$, donc on peut se faire un tableau de variations (j'ai la flemme de l'écrire).

$f(t)$ tend vers $0$ en $0$, décroît vers $- \infty$ à gauche de $1$, part de $+ \infty$ à droite de $1$, décroît vers $f(e)=e$ en $e$, puis croît vers $+ \infty$ en $+ \infty$.

En résumé, tout réel $>e$ va être atteint exactement deux fois par cette fonction. Ça je le sais, mais de là à trouver les couples d'antécédents associés à chaque valeur $>e$, là tout de suite je ne suis pas très inspiré.

Comment c'est-y qu'on fait ça ?

Réponses

  • Bonjour,

    Essaie de poser $y=x t$ avec $t>0$ et $t\neq 1$. Exprime $x$ selon $t$ puis $y$ selon $t$ : tu obtiens une solution paramétrique.
  • Bonjour,
    Dès lors qu'il est impossible d'exprimer avec des fonctions usuelles la fonction que je nomme $\widehat f^{-1}$, il me parait raisonnable de se contenter de la caractérisation suivante des solutions de $x^y=y^x.$

    Soit $\quad f: \left\{\begin{array}{ccc} \R_+^*&\longrightarrow&\R_+^*\\ x&\longmapsto& \dfrac {\ln x}x \end{array} \right.\quad$ Alors: $\quad x^y=y^x \iff f(x) = f(y).$

    Ainsi, l'examen des variations de $f$ conduit à: $\quad " f\:\text{ réalise une bijection de}\: ]\mathrm e; +\infty[\:\text{ sur}\: ]0;\mathrm e^{-1}[,\:\:$ notée $\widehat{f}", \quad$ puis à:

    $\forall x,y \in \R_+^*,$ $\quad \boxed{x^y = y^x \iff (x=y)\quad\text{ou}\quad\Big(1<x<\mathrm e\quad \text{et}\quad y=(\widehat f ^{-1}\circ f)(x)\Big)\quad\text{ou}\quad\Big(1<y<\mathrm e\quad\text{et}\quad x = (\widehat f^{-1}\circ f)(y)\Big).}$
  • Bonjour,

    @LOU16 : ne trouves tu pas une solution paramétrique donnant une infinité de solutions et toutes les solutions plus informatives que tes écritures qui ne donnent que l’existence de deux solutions dans deux intervalles donnés ?
  • YvesM : figure-toi que je me suis dit, tiens, cherchons l'équation sur Google, et elle a sa propre page Wikipédia.

    Ce que je ne comprends pas, c'est, pourquoi poser $y=xt$ ? Dans le sens, je peux comprendre l'idée de poser $y=h(x)$ pour aboutir à des couples $(x,h(x))$ avec une fonction explicite, puisque la réponse idéale à la question est de cette forme. Mais comment a-t-on trouvé que la bonne fonction $h$ est $h(x)=tx$ ? Juste en tâtonnant, ou y a-t-il une réflexion maline derrière ?

    C'est un truc que je reproche souvent aux corrigés d'exercices d'analyse : on te dit "pour tout $\epsilon$, prenons $\eta=...$ et paf ça marche" sans dire comment on a trouvé le $\eta$, donc sans expliquer la partie la plus difficile de l'exercice.
  • Re
    @Yves M
    J'ai recensé de manière claire tous les couples $(x,y)$ (et non deux seulement comme tu le dis) solutions de l'équation, mais il est aussi vrai que:

    $x^y = y^x \iff x=y \quad\:\text {ou} \quad \exists t \in ]0;1[\cup ]1;+\infty[\quad \text{tel que}\: \quad (x;y)=\left( \exp \left(\dfrac{\ln t}{t-1} \right)\: ; \:t\exp\left(\dfrac{\ln t }{t-1}\right ) \right).$
  • Bonjour,

    @Homo Topi :
    L’idée de poser $y=xt$ m’est venue comme suit :
    - aucune chance de résoudre explicitement $x \ln y=y \ln x$ : la preuve étant que sinon on le saurait !
    - on écrit ${x\over y} \ln y=\ln x$ et on n’a pas beaucoup avancé mais le rapport ${x\over y}$ est là, alors on continue avec ${x\over y}\ln y=\ln({x\over y}y)$ et on se rend compte qu’on peut écrire $\ln y$ comme une fonction du rapport...

    C’est tout. Rien de magique. Juste du tâtonnement.
  • Un peu d'archéologie ...
    http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?4,96315,392296#msg-392296

    J'y avais donné une liste de références traitant ce sujet.
  • Yves : j'essaie de te suivre.

    Tu me dis qu'on peut écrire $\ln y$ comme une fonction du rapport. Allons-y.

    $\ln y = \displaystyle \frac{\ln(\displaystyle\frac{x}{y}y)}{\displaystyle\frac{x}{y}}$

    Je ne vois toujours pas pourquoi ça devient "logique" ou "naturel" de poser $y=tx$ :-S
  • Mais poser $\frac{x}{y} = t$ est assez naturel non?
  • Ok, ça me donne $\ln y = \displaystyle \frac{\ln(ty)}{t}$ ou $t \ln y = \ln(ty)$, ça ne m'inspirerait pas frachement si je n'avais pas déjà vu la suite dans les messages précédents.

    $t \ln y = \ln(ty) = \ln(t)+\ln(y)$, donc $(t-1)\ln(y)=\ln(t)$, donc $\ln(y) = \displaystyle \frac{\ln(t)}{t-1}$.

    Donc $y = \exp \bigg( \displaystyle \frac{1}{t-1} \ln(t) \bigg)...$ et après ? En remplaçant $t$ maintenant, ça ne m'a rien donné qui avait l'air utile. La fatigue.

    D'accord.
  • Du coup je me retrouve avec les trucs à l'envers, puisque j'ai $x=ty$.
  • Bonjour,

    @Homo Topi :
    Pardons. Je pensais que c’était évident.
    De $\displaystyle {x\over y} \ln y=\ln({x\over y}y)$ on tire $\displaystyle {x\over y}\ln y=\ln{x\over y} +\ln y$ puis $\displaystyle \ln y={\ln {x\over y}\over {x\over y}-1}$ : on a donc exprimé $y$ selon $\displaystyle {x\over y}$, et comme $x={x\over y} y$ on a aussi $x$ selon ce même rapport.
    Le cas particulier $x/y=1$ est traité séparément.
    On a donc une paramétrisation des solutions.
    On peut alors travailler par implication et réciproque pour montrer proprement qu’on a toutes les solutions.

    Note : comme $x$ et $y$ sont symétriques dans l’équation, échanger $x$ et $y$ dans le rapport $x/y=u$ revient à transformer $u$ en $1/u$...
  • La remarque "à l'envers" c'était juste comme ça :-D

    Bon, problème résolu !
  • 0. Quelques remarques, en retard. D'abord « résoudre l'équation », c'est une formulation que je trouve bizarre si l'on ne précise pas l'ensemble dans lequel on se place. Il y a effectivement l'équation dans $\mathbb N^*$ et l'équation dans $\mathbb Q_+^*$, qui sont des équations diophantiennes à résoudre, mais dans $\mathbb R_+^*$, le problème est plutôt d'étudier la courbe d'équation implicite : $x>0, y>0, y \neq x, x^y=y^x$. Si l'on veut appeler ça « résoudre l'équation », moi je veux bien, tous les goûts sont dans la nature, mais moi je ne le dis pas comme ça.

    1. Dans $\mathbb N^*$, on a une solution très simple, consistant à étudier la fonction $\phi : x\mapsto \frac {\ln x}x$, et à observer que l'équation : $x>0, y>0, x<y, x^y=y^x$ équivaut à : $\phi(x)=\phi(y), 0<x<y$, et alors forcément $1<x<e$ et $y>e$. Et miracle ! il y a un seul entier entre $1$ et $e$. J'avais mis ça dans le problème que j'avais posé à une Terminale C pour mon oral de CAPES, au temps jadis.

    2. Dans $\mathbb Q_+^*$, c'est un joli problème d'arithmétique, qui se traite en plusieurs questions et peut faire l'objet d'un exercice de colle en Math. Sup., solution inattendue, il faut le voir pour le croire. On pourra y revenir si ça intéresse quelqu'un

    3. Dans $\mathbb R_+^*$, je répète, il s'agit d'étudier la courbe d'équation implicite : $x>0, y>0, y \neq x, x^y=y^x$. Il y a belle heurette que l'étude des courbes définies implicitement n'est plus au programme de nos prépas, déjà les courbes tout court sont moribondes, juste un zeste de paramétriques, d'où l'idée de paramétrer par $t=\frac yx$. Pourquoi faire ça ? Bon, je ne donnerai pas mon avis sur la pertinence de cette question pour ne pas aggraver mon cas. Disons qu'on essaie ça, et que si ça marche tant mieux. S'il y avait une méthode unique pour résoudre tous les problèmes de maths, ça se saurait et alors nous pauvres professeurs, nous serions au chômedu, et nos retraites, alors ? Dans le cas présent ça marche, tant mieux, et l'on retombe dans le programme officiel qui prévoit encore quelques rudiments résiduels de courbes en paramétriques. On a une belle courbe qui ressemble à iune hyperbole équilatère, qu'on peut/doit prolonger par continuité par le point $(e,e)$, et alors se pose le problème du caractère $\mathcal C^ \infty$ et de la convexité. Encore un bon exo de colle. On peut y revenir aussi ad libitum.

    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
    15/11/2019
  • Une remarque : les solutions étant des couples, il faut même préciser « dans $E\times F$ » s’il on veut être précis.

    Ha oui, Chaurien, je me souviens de cela (résolution pour les couples rationnels) : un « Euler » qui surgit, de mémoire, c’est ça ?
  • Merci Chaurien pour ton intervention.

    Disons que vu ce que j'ai écrit dans mon premier message, il me semblait clair que je voulais les solutions réelles (qui englobent les autres dont tu as parlé, même s'il faudrait travailler un peu plus pour les mettre en évidence).

    En ce qui concerne la résolution... disons que j'ai toujours une opinion négative de l'analyse réelle. Je pense que les cours que j'ai eus, et les livres que j'ai ou que j'ai lus pour travailler ça, font une chose assez mal : expliquer comment on fait pour trouver le machin qui va permettre la résolution du problème. En algèbre, je n'ai pas ce problème là, il y a des méthodes qu'on retrouve régulièrement, mais en analyse j'ai souvent ce sentiment de "l'astuce parachutée" sans laquelle on ne peut pas résoudre et à laquelle il est vraiment difficile de penser parce qu'il n'y a pas de méthode. Je sais bien qu'il n'y a pas de méthode universelle, je n'en demande pas. Mais c'est un peu frustrant quand personne (mes anciens profs ou ceux qui ont écrit mes bouquins) ne veut se donner la peine d'expliquer son cheminement de pensée. Je préfèrerais un livre d'analyse réelle avec beaucoup moins d'exercices, mais chaque exercice est résolu en détaillant le raisonnement à fond.
  • J'ai retrouvé un énoncé d'exercice que j'avais fabriqué, à quoi j'ai rajouté des références issues de ce forum. En lisant les messages d'Eric de 2007, je m'aperçois de la parenté de ce problème avec les exponentielles itérées, ce qui m'avait échappé. Moi j'ai opté pour une autre approche, le traitement en courbe définie en paramétriques. Les deux approches sont intéressantes. Il reste la question du caractère $\mathcal C^ \infty$ du prolongement.
    Bonne journée.
    Fr. Ch.
  • Unique solution dans Z: $2^4= 4^2 = 16$
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