Nombres $p$-adiques, version "analytique"

Je veux comprendre les deux constructions des nombres $p$-adiques. Je commence par la construction analytique, qui m'a l'air plus simple. Cependant, pour l'instant, je suis bloqué pour démontrer une inégalité triangulaire.

Pour tout nombre premier $p$, on définit la valuation $p$-adique $v_p : \mathbb{Z} \longrightarrow \mathbb{N} \cup \{\infty\}$, $x \longmapsto$ l'exposant de $p$ dans la décomposition de $x$ en produit de nombres premiers si $x \neq 0$, et $\infty$ sinon. On étend ça à $\mathbb{Q}$ en posant $v_p \Big( \dfrac{a}{b} \Big) = v_p(a) - v_p(b)$. On ne va pas avoir de problème $\infty - \infty$ car $b \neq 0$. En plus, ça ne dépend pas du représentant choisi pour un rationnel. J'ai vérifié à la main que ça vérifie bien tous les axiomes d'une valuation.

Ensuite, on définit la valeur absolue $p$-adique $|\cdot|_p : \mathbb{Q} \longrightarrow \mathbb{R}$, $x \longmapsto p^{-v_p(x)}$ si $x \neq 0$, et $0$ sinon. Petite question : il n'y a pas d'inconvénient à définir $|\cdot|_p$ à valeurs dans $\mathbb{Q}$ au lieu de $\mathbb{R}$, si (en tout cas, moi je n'en vois pas) ?

J'ai voulu vérifier que la valeur absolue $p$-adique est effectivement une valeur absolue. Je n'arrive pas à démontrer l'inégalité triangulaire, ça fait une heure que je tourne en rond avec des $\min$ et des $\max$ sans réussir à trouver le bon truc. J'ai trouvé ça :

$|x+y|_p = p^{-v_p(x+y)} \leqslant p^{\max(-v_p(x),-v_p(y))}$
$|x|_p + |y|_p = p^{-v_p(x)} + p^{-v_p(y)} \geqslant 2p^{\min(-v_p(x),-v_p(y))}$

Je ne me sens pas très bien avancé avec ces inégalités-là :-S

Réponses

  • Bonsoir,
    peut-être en regardant la valuation d'un produit, et factoriser ce qui peut l'être dans la somme de x et y ?
  • On peut écrire $x+y$ comme un produit de nombres premiers à puissances entières relatives, d'accord, mais que sait-on sur la puissance de $p$ dans $x+y$ à part qu'elle est supérieure à $\min(v_p(x),v_p(y))$ ?
  • Il faut peut-être distinguer les cas ou x et y n'ont pas la même valuation dans un premier temps,
    et le cas où où ils ont la même valuation.
  • Salut,
    On peut aussi directement utiliser la propriété de la valuation $v_p(x+y)\geqslant \min(v_p(x),v_p(y))$. D'ailleurs la distance $p$-adique est ultramétrique, i.e. $|x+y|_p\leqslant\max(|x|_p,|y|_p)$ et il est peut-être plus facile de chercher à démontrer cette inégalité (qui est plus forte que l'inégalité triangulaire) plutôt que l'inégalité triangulaire elle-même.
  • @Homo Topi : tu peux voir la valuation $p$-adique à valeurs dans $\mathbb R$ si ça t'amuse, mais le fait qu'elle est à valeurs dans $\mathbb Z$ est un fait important. Ça permet d'étendre $v_p$ à $\mathbb Z_p$ et $\mathbb Q_p$ dans la construction par complétion que tu comptes faire (si j'ai bien compris ton approche). La clé c'est qu'une suite convergente dans $\mathbb Z$ est stationnaire (autrement dit, $\mathbb Z$ est discret).
  • Calli : mais j'ai essayé d'utiliser cette propriété de $v_p$ dans tous les sens ! J'ai réussi à tout écrire sauf le bon truc, apparemment. Je n'arrive pas non plus à directement établir qu'elle est ultramétrique, j'ai essayé... ça commence à m'énerver.
  • $v_p(x+y) \geq \min(v_p(x), v_p(y)$ donc $p^{-v_p(x+y)} \leq p^{-\min(v_p(x), v_p(y))} = p^{\max(-v_p(x), -v_p(y))} = \max(p^{-v_p(x)}, p^{-v_p(y)})$.
  • Ah, c'est juste la dernière égalité que je n'ai pas "vue", alors : $p^{\max(-v_p(x),-v_p(y))} = \max(p^{-v_p(x)},p^{-v_p(y)})$. C'est tout bête.

    Merci.
  • Bon ! Ce petit souci étant réglé, je continue.

    La valeur absolue $p$-adique étant bien une valeur absolue, $d_p(x,y) := |x-y|_p$ est une distance sur $\mathbb{Q}$.

    Je sais que $\mathbb{Q}_p$ sera le complété de Cauchy de $(\mathbb{Q},d_p)$, donc que j'ai juste à mimer la construction de $\mathbb{R}$ pour construire $\mathbb{Q}_p$. Cependant, avant ça, j'aimerais montrer que $\mathbb{Q}$ n'est pas déjà complet pour la distance $d_p$.

    Soit $\epsilon \in \mathbb{Q}_+^*$. Dire que $|u_m - u_n|_p < \epsilon$, ça veut dire que $p^{v_p(u_n - u_m)} > \dfrac{1}{\epsilon}$. Quand $\epsilon$ devient très petit, $\dfrac{1}{\epsilon}$ devient très grand, donc j'ai besoin que $v_p(u_n - u_m)$ devienne très grand pour tous $m,n$ à partir d'un certain rang.

    La suite $u_n = p^n$ ne va pas marcher, puisqu'elle converge vers $0$ si je ne me suis pas trompé.

    Comment peut-on bricoler un contrexemple, une suite qui soit de Cauchy mais qui ne converge pas pour $d_p$ ?
  • Si tu prends un peu de l'avance, tu sais que les éléments de $\mathbb Q_p$ qui ne sont pas des rationnels sont des "nombres avec une infinité de chiffres à gauche" en base $p$. Donc par exemple tu peux regarder la suite définie par $x_n = \sum_{k=0}^n p^k$.
  • Le plus simple est sûrement de construire $\Bbb Q_p$ et de prendre une suite de $\Bbb Q$ qui converge vers un élément de $\Bbb Q_p\setminus \Bbb Q$. Ça n'est pas indispensable, mais on y verra probablement plus clair. (J'ai peur que ce ne soit pas la réponse attendue 8-)).

    Sinon, prends une suite $(a_n)$ d'entiers (autant se simplifier la vie) telle que $\forall n, 0\leqslant a_n< p^n$, $a_{n+1} \equiv a_n \,[p^n]$ et $(a_n)$ n'est pas stationnaire.

    Edit : Je n'avais pas vu le message de Poirot.
  • On peut essayer de tendre vers une racine carrée de $-1$ dans $\mathbb Q_5$
    (qui n'existe pas dans $\mathbb Q$), par exemple.
    Modulo 5, $-1$ a $u_0=2$ comme racine carrée.
    On relève cette racine carrée de $-1$ modulo $25$ :
    $(2+5k)^2 +1= 5(1+4k) \pmod{25}$
    Facile, on prend $k=1$ et $u_1=7$
    On relève $u_1$ en une racine carrée de $-1$ modulo $25^2=625$.
    Résoudre $0=(7+25k)^2+1=25(2+14k) \pmod{625}$, c'est résoudre $0=2+14k \pmod{25}$.
    Facile, $9$ est inverse de $14$ modulo $25$, on prend $k=7$ et $u_2=182$.
    On relève $182$ en une racine de $-1$ modulo $625^2$.
    Résoudre $0=(182+625k)^2+1=625(53+354k)\pmod{625^2}$, ce qui revient à résoudre ...

    Tu vois ? On construit une suite de Cauchy $(u_n)$ avec la distance de $u_n^2$ à $-1$ qui tend vers $0$.
  • Houlà ! On me donne $3$ trucs différents à essayer d'un coup.

    GaBuZoMeu : ta méthode, je la comprends pas encore. Mais je pense que pour la suite sur les nombres $p$-adiques, ça me sera utile de la comprendre, alors je veux commencer par celle-là. Je pense que j'arriverai à conclure tout seul avec les deux autres.

    Avant de commencer : étant donné que je ne connais pas encore $\mathbb{Q}_5$, mis à part une très vague idée (puisque j'essaie justement de le construire), comment je suis censé savoir à quoi ressemble une racine carrée de $-1$ dans $\mathbb{Q}_5$ pour l'instant ?

    Tu commences modulo $5^1$ (donc dans $\mathbb{Z}/5\mathbb{Z}$, si je ne m'abuse) : tu dis que $x^2 + 1 \equiv 0 \mod 5^1$ admet $2$ comme solution.
    Tu poses $u_0 = 2$.

    Par contre, je ne suis pas sûr ce que tu appelles "relever la racine modulo $25$" ni comment tu aboutis à ton équation, ni d'où sort le $k$ pour l'instant. A toi de me dire si j'ai compris ce que tu as fait.

    Comme $2^2 + 1 \equiv 0 \mod 5$, n'importe quel nombre $x = 2 + 5k$ vérifiera $x^2 + 1 \equiv 0 \mod 5$ car $x^2 = 2^2 + 20k + 25k^2 \equiv 2^2 \mod 5$.
    Donc on a : $(2 +5k)^2 + 1 \equiv 0 \mod 5$ pour tout $k \in \mathbb{Z}$.

    Bon, déjà, j'ai fait apparaître un $k$ et le $(2 +5k)^2 + 1$. Mais je n'ai pas encore compris d'où sort le $5(1+4k)$. :-S
  • En fait Poirot et moi proposons la même chose. La suite $(x_n)$ donnée par Poirot est un exemple d'une de mes suites $(a_n)$.

    Si $a\in\Bbb Z/p^n\Bbb Z$, "relever" $a$ mudolu $p^{n+1}$ c'est trouver $b\in\Bbb Z/p^{n+1}\Bbb Z$ tel que $b\equiv a\,[p^n]$. En l'occurrence, on ne relève pas n'importe comment : $a$ est une racine de $-1$, donc on veut que $b$ le soit aussi.

    Pour trouver le $5(1+4k)$, pars de $(2+5k)^2+1 = 2^2 + 20k + 25k^2+1$ et réduis modulo 25.
  • On peut voir le relèvement de la racine de $-1$ à la mode Poirot. Pour ça, on écrit les entiers naturels en base 5.

    On a commencé avec 2. En base 5, ça fait toujours 2.
    $2^2+1= 5$, ce qui fait 10 en base 5.

    On continue avec 7. En base 5, ça fait 12.
    Et le carré plus 1, ça fait 200 en base 5.

    Puis vient $182=7\times 25+ 7$. En base 5, ça fait 1212.
    Calculons le carré plus un en base 5
    $$\begin{array}{ccccccc}
    &&&1&2&1&2\\
    &\times&&1&2&1&2\\
    \hline
    &&&2&4&2&4\\
    &&1&2&1&2&\\
    &2&4&2&4&&\\
    1&2&1&2&&&\\
    \hline
    2&0&2&4&4&4&4\\
    &&&&+&&1\\
    \hline
    2&0&3&0&0&0&0
    \end{array}$$
    Quatre 0 à la fin, c'est vraiment petit du point de vue 5-adique puisque la valuation 5-adique est 4.
    À l'étape d'après, on va encore doubler la précision en ayant quatre chiffres exacts (en base 5) de plus à gauche de 1212, faisant un entier dont le carré plus 1 aura huit 0 à la fin en base 5 (valuation 5-adique au moins égale à 8).
    Et on va continuer à mettre des chiffres à gauche dans notre développement 5-adique d'une racine carrée de $-1$ dans $\Q_5$ : ....1212.
    Et l'autre racine carrée ? Eh bien c'est l'opposé : ....3233. Quand on fait la somme, on trouve bien ....0000=0
  • sage: K = pAdicField(5)
    sage: K(-1)
    4 + 4*5 + 4*5^2 + 4*5^3 + 4*5^4 + 4*5^5 + 4*5^6 + 4*5^7 + 4*5^8 + 4*5^9 + 4*5^10 + 4*5^11 + 4*5^12 + 4*5^13 + 4*5^14 + 4*5^15 + 4*5^16 + 4*5^17 + 4*5^18 + 4*5^19 + O(5^20)
    sage: K(-1).sqrt()
    2 + 5 + 2*5^2 + 5^3 + 3*5^4 + 4*5^5 + 2*5^6 + 3*5^7 + 3*5^9 + 2*5^10 + 2*5^11 + 4*5^13 + 5^14 + 3*5^15 + 2*5^16 + 4*5^17 + 4*5^19 + O(5^20)
    sage: _^2
    4 + 4*5 + 4*5^2 + 4*5^3 + 4*5^4 + 4*5^5 + 4*5^6 + 4*5^7 + 4*5^8 + 4*5^9 + 4*5^10 + 4*5^11 + 4*5^12 + 4*5^13 + 4*5^14 + 4*5^15 + 4*5^16 + 4*5^17 + 4*5^18 + 4*5^19 + O(5^20)
    
  • Variante peut-être plus lisible :
    R = Qp(5, print_mode='digits'); a = sqrt(R(-1)); repr(a)
    
    '...40423140223032431212'
    
    repr(a^2+1)
    
    '...00000000000000000000'
    
  • D'accord, je crois que j'ai compris.
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