Question rapide "grand O" (Landau)

En analyse réelle, en L1, on apprend les comparaisons locales/asymptotiques avec les $o$, $O$ et $\sim$ pour les fonctions et les suites.

Les $o$ et les $\sim$, ça sert tout le temps en analyse. Les $O$, je ne me souviens pas m'en être servi une seule fois, sauf peut-être dans un exercice d'application au tout début pour manipuler la notion. Je sais que ça sert "en dehors des mathématiques pures", puisque les informaticiens les utilisent tout le temps dans leurs calculs de complexité algorithmique. Est-ce que ça a une vraie utilité en maths pures quelque part ?

Je suis curieux.

Réponses

  • Indispensable en théorie analytique des nombres, et je suis quasiment certain que noix de totos ne pourra que confirmer.
  • Je ne suis pas noix de totos mais je confirme que les $O$ sont utilisés constamment en théorie analytique des nombres.
  • Salut,
    Sérieux ? Moi je m'en suis servi plein de fois. Rien que $O(1)$ est pratique pour dire que quelque chose est borné.
  • C'est extrêmement utile dès qu'on veut avoir des informations sur le reste. Compare
    $$ \exp x = 1 + x + o(x)$$
    avec
    $$\exp x = 1 + x + O(x^2).$$

    On préfère donc avoir des grands O plutôt que des petits o dès que c'est possible. On retrouve les grands O partout en théorie analytique des nombres par exemple, en EDP, en analyse asymptotique, etc.
  • En effet Poirot, j'ai tendance à oublier que tu es aussi arithméticien avant d'être administrateur. Mais le style de NdT me rappelle celui d'un ancien intervenant arrivé à peu près en même temps que moi sur le forum (dernier trimestre de 2004), d'où mon réflexe de le citer comme spécialiste de TAN. Il me semble que tu m'avais dit que tu étais davantage orienté théorie algébrique, me trompé-je ?
  • Même en faisant des bricolages scolaires avec les développements asymptotiques, il est parfois bien pratique de remplacer un $o(x^n)$ par un $O(x^{n+1})$ pour éviter d'aller chercher le terme en $x^{n+1}$. (Je n'ai pas d'exemple sous la main malheureusement.)
  • Il faut alors re-rédiger toute la théorie des sommes, produits, quotients, composées de tels développements asymptotiques.
  • Un exemple "concret" : le TNP (théorème des nombres premiers) équivaut à $\pi(x)\sim\mathrm{Li}(x)$.

    Sous RH, on a $\pi(x)=\mathrm{Li}(x)+O(\sqrt{x}\log x)$, et ce terme d'erreur est optimal.
  • En France, on apprend traditionnellement les développements limités avec les petits o, mais honnêtement on pourrait faire toute la théorie avec des grands O à la place des petits o (vu que quasiment tous les DL viennent plus ou moins directement de la formule de Taylor). C'est d'ailleurs ce qui est fait dans d'autres pays.
  • Sylvain m'a devancé, mais c'est exactement ça : le Théorème des Nombres Premiers (TNP) est un bon support pour expliquer clairement cette différence.

    (i) Le TNP version faible peut par exemple s'écrire $\pi(x) = \dfrac{x}{\log x} + o \left( \dfrac{x}{\log x} \right)$ lorsque $x \to \infty$.

    Cette formule asymptotique est tout à fait correcte, mais presque inutilisable en pratique. Il faut savoir que cesrésultats ne sont pas des fins en soi, ils sont établis pour être ensuite utilisés dans bon nombre de situations. Exemple : estimer $\sum_{p \leqslant x} p^\alpha$. Les outils techniques usuels (sommation partielle, etc) permettent de se ramener au TNP.

    Il est alors indispensable de disposer d'un terme d'erreur aussi précis que possible, et l'estimation ci-dessus ne le permet pas.

    (ii) En revanche, celle-ci : $\pi(x) = \dfrac{x}{\log x} + O \left( \dfrac{x}{\log^2 x} \right)$ lorsque $x \geqslant x_0$, est tout à fait pertinente. Remarquer aussi "l'extension" de la région de validité entre les deux formules.

    Il se trouve que l'enseignement en France de ces égalités asymptotiques, en particulier en CPGE, n'insiste pas suffisamment sur cet aspect des choses. Résultat : on trouve des étudiants n'ayant presque jamais utilisé les grands "O", alors qu'il sont certainement les plus importants en pratique.
  • Calli : Oui, sérieux ! On ne m'a jamais fait savoir que c'était important, puisqu'on ne m'a jamais fait utiliser les $O$. Ni en cours, ni dans mes bouquins. Ecrire $f=O(1)$ au lieu de "$f$ est bornée", je trouve ça laid, tu vas me dire que ça fait gagner de la place, mais je trouve que la formulation française est assez courte pour ne pas vouloir la remplacer par des symboles. Mais c'est équivalent, c'est vrai.

    Héhéhé : ah, oui, la première version ne donné pas vraiment d'information "exploitable" supplémentaire alors que celle avec un grand $O$ donne un ordre de magnitude de ce qui borne localement la fonction.

    Chaurien : je n'ai pas compris (l'intérêt de ?) ton intervention :-S

    Sylvain & ndt : vous rejoignez l'idée de Héhéhé selon laquelle utiliser un $O$ au lieu d'un $o$ ou d'un $\sim$ donne un encadrement au lieu d'une "simple" approximation locale, c'est ça ?

    Je trouve ça intéressant que plusieurs d'entre vous insistent que c'est un problème d'enseignement typiquement français. Ceux d'entre vous qui ont fait une bonne prépa/université, vous avez sûrement eu la chance de voir les choses un peu plus intelligemment, avec des profs qui osent s'aventurer en dehors des clous du "programme strict". Pas moi, mais, on peut y remédier, et je suis justement en train d'essayer de faire ça.
  • Très souvent, pour l'étude la convergence des séries ou celle des intégrales, il est plus efficace d'avoir un $O$.

    Exemple : Pour montrer que la suite de terme général $u_n =\frac{n^n \sqrt{n}}{n!e^n}$ converge, on étudie la série $\sum_{n\geq 1} (\ln(u_{n+1})-\ln(u_n))$ et pour cela on effectue un développement limité de $\ln(u_{n+1})-\ln(u_n)$.
    Il suffit alors d'écrire que \[\ln(u_{n+1})-\ln(u_n)=\left(n+\frac{1}{2}\right)\ln(1+\frac{1}{n})-1=\left(1+\frac{1}{2n}\right)\times n\times \left(\frac{1}{n}-\frac{1}{2n^2}+O\left(\frac{1}{n^3}\right)\right)-1=O\left(\frac{1}{n^2}\right)\] pour conclure par comparaison avec une série de Riemann que la série est absolument convergente.

    Écrire le DL avec les termes d'ordre est beaucoup plus exigeant en calculs !
  • Sylvain a écrit:
    Il me semble que tu m'avais dit que tu étais davantage orienté théorie algébrique, me trompé-je ?

    Non, mon domaine est vraiment la théorie analytique des nombres, c'est juste que ce que j'étudie utilise beaucoup de théorie algébrique.
  • bisam : j'avoue que je n'aurais jamais pensé à étudier cette série, ni à l'étudier comme tu as décrit, pour étudier la convergence de cette suite... c'est probablement encore au-delà de mon pauvre petit niveau en analyse, mais peut-être que je retomberai sur des exercices où c'est pertinent de prendre une approche comme celle-là quand je referai des exercices sur les séries.
  • @ Homo Topoi : l'analyse n'est pas faite uniquement avec des fonctions continues ou des fonctions qui ont une limite en un point x0. Dire que f = o (g) ou f = O (g) au voisinage de x0 c'est dire deux choses complètement différentes.
    Dans la première l'égalité est équivalente (avec toutes les précautions du cas) à dire que lim f/g =0 en x0.
    Dans la deuxième par contre on peut seulement dire que le rapport f/g est borné sur un voisinage de x0. Personne ne te garantit l'existence d'une quelconque limite du rapport en ce point.
    Et dire que le O ne sert à rien c'est du n'importe quoi. Déjà dans les développements limités utiliser le O permet de calculer moins de termes qu'en utilisant le o à un ordre donné.
  • Héhéhé a écrit : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?4,2011960,2012000#msg-2012000

    Il fut un temps pendant les années 70 et 80 où les textes d'analyse pour maths sup/ Deug A exposaient la théorie des développements limités/asymptotiques avec le grand O. Le livre d'analyse d'Arnaudiès Lelong Ferrand ou celui d'Arnaudiès Frayasse font tout avec le grand O. On commençait avec le reste de Taylor Young pour ensuite virer et rester sur le grand O.

    [Inutile de recopier un message présent sur le forum. Un lien suffit. AD]
  • @ Homo Topi
    Mon message est pourtant clair. On a des exposés classiques sur le maniement des développements limités en $o(...)$, somme, produit, quotient, composée, etc. Il faut alors les doubler d'exposés analogues sur le maniement des développements limités en $O(...)$, non ?
    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
  • Serge : à quel endroit j'ai dit qu'il ne servait à rien ? Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit !
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