Valeur d'adhérence $(e^{ix_1},...,e^{ix_p})$

Bonjour,

Tout d'abord, un peu de contexte à ma question.
Il est bien connu que si $\alpha$ est un irrationnel, alors les valeurs d'adhérence de la suite $\left(e^{2i\pi \alpha n} \right)_{n \in \mathbb{N}}$ sont tous les éléments du cercle unité $\mathbb{U}$.
Pour rappel, on peut le faire en considérant le sous-groupe $G = 2 \pi \alpha \mathbb{Z} + 2 \pi \mathbb{Z}$ de $\mathbb{R}$, qui est dense, puis on en déduit assez facilement que $2 \pi \alpha \mathbb{N} + 2 \pi \mathbb{Z}$ est dense dans $\mathbb{R}$, et on conclut. On peut aussi utiliser un argument de principe des tiroirs en découpant le cercle unité.


La question que je me pose est celle des valeurs d'adhérence de $\left( \left(e^{2 i \pi \alpha_1 n}, \ldots, e^{2 i \pi \alpha_p n} \right) \right)_{n \in \mathbb{N}}$. En particulier, je voudrais montrer que $(1, \ldots, 1)$ est une valeur d'adhérence de cette suite. Je suppose que les $\alpha_i$ sont irrationnels.

Voici ma tentative de preuve, à laquelle je ne crois pas trop.
En essayant d'adapter la démonstration du cas $p=1$, je considère le groupe de $\mathbb{R}^p $ $H = 2 \pi \mathbb{Z} \cdot (\alpha_1, \ldots, \alpha_p) + \sum_{k=1}^p 2 \pi \mathbb{Z} \cdot \varepsilon_k$ (où $(\varepsilon_1, \ldots, \varepsilon_p)$ est la base canonique de $\mathbb{R}^p$), mais je n'y connais pas grand chose aux sous-groupes de $\mathbb{R}^p$. J'ai donc lu ce document pour en apprendre un peu plus à ce sujet.
Je veux montrer que $0$ n'est pas un point isolé de $H$ (ensuite, il me semble que la conclusion est facile), ce qui revient à dire que $H$ n'est pas discret. Autrement dit, d'après le théorème de structure des sous-groupes discrets de $\mathbb{R}^p$ (voir le document mis en lien précédemment), je voudrais montrer qu'il n'existe pas de famille libre $(e_1, \ldots, e_d)$ de $\mathbb{R}^p$ telle que $H = \sum_{k=1}^d \mathbb{Z} \cdot e_{k}$ . Pour cela, je suis tenté de dire que $H$ est un $\mathbb{Z}$-module libre de rang $p+1$ (en utilisant l'irrationalité des $\alpha_i$) tandis que pour toute famille libre $(e_1, \ldots, e_d)$ de $\mathbb{R}^p$, $\sum_{k=1}^d \mathbb{Z} \cdot e_{k}$ est de rang $d < p+1$. Néanmoins, j'ai à peu près tout oublié sur les modules, et je ne serais pas étonné d'avoir écrit une énorme bêtise.

Mes questions sont les suivantes :
  1. Qu'est-ce qui cloche dans ma preuve ?
  2. Est-elle rattrapable ?
  3. Connaissez-vous une preuve simple du fait souligné (s'il est vrai) ?

Merci beaucoup à ceux qui prendront le temps de lire mon message, et je suis navré si j'ai écrit des âneries.

Réponses

  • Ton groupe n'est pas discret car sa projection sur la première coordonnée ne l'est pas.

    Cela dit, même dans le cas discret (les $\alpha_k$ sont rationnels), $(1,...,1)$ reste valeur d'adhérence de la suite, mais atteinte une infinité de fois.
  • Pour une preuve simple que $e=(1,...,1)$ est valeur d'adhérence. Je note $(u_n)$ ta suite de $p$-uplets. Par compacité, si $\epsilon>0$ alors il existe $m,n$ avec $m>n$ tel que $||u_m-u_n||\leq \epsilon$ (je prend par ex la norme sup sur $\C^p$). Alors pour $k=m-n$, $||u_k-e||\leq \epsilon$. Donc $e$ est valeur d'adhérence.
  • Bonjour,
    Namiswan a écrit:
    Ton groupe n'est pas discret car sa projection sur la première coordonnée ne l'est pas.

    Pas convaincu par cet argument. $\Bbb Z\cdot(1,0) + \Bbb Z\cdot(\sqrt 2,1)$ est sous-groupe discret de $\Bbb R^2$ et pourtant sa première projection, $\Bbb Z+\sqrt2\Bbb Z$, n'est pas discrète.
  • Est ce que les arguments principaux du cas de la dimension 1 ne sont pas que $\theta \mapsto e^{i \theta}$ est continue, surjective de $\mathbb{R}$ dans $\mathbb{U}$, avec la densité de $2\pi \alpha \mathbb{Z}+2\pi \mathbb{Z}$? Est-ce qu'ils pourraient être utilisés un peu de la même façon (très générale, je veux dire) ? Je pose ces questions sans y avoir trop réfléchi :-(
  • Parku : Moi je n'ai pas vu d'erreur dans ta démonstration.
    Edit : Après lecture du message de Namiswan suivant, il faut supposer que les $\alpha_i$ sont non seulement irrationnels mais aussi $\Bbb Q$-linéairement indépendants pour que le calcul du rang de $H$ fonctionne.

    Polka : Ça n'est pas exactement ce que Parku essaie de faire ?
  • EDIT : Argument érroné.
  • En effet Calli. Bon je reste plutôt sur mon second argument alors...

    Polka: en fait le cas $(1,...,1)$ est particulier. Déjà en dimension un, voir que $1$ est va de $(e^{in\alpha})$ est plus simple que la densité, c'est essentiellement un principe des tiroirs/compacité, et ça se généralise bien en dimension quelconque (c'est ce que j'ai fait au dessus).

    Pour la densité, c'est pas toujours vrai en dimension supérieure, par exemple si tous les $\alpha_k$ sont égaux. Si tu veux la densité il faut une condition plus forte, à savoir que les $2\pi,\alpha_1,\ldots,\alpha_p$ sont linéairement indépendants sur $\Q$. Peut être que ça peut se faire avec les sous groupes de $\R^p$, je ne connais pas bien. Personnellement, je le fais avec du Fourier en montrant que pour toute fonction continue $f$ qui est $2\pi$-périodique en chaque variable, $\frac{1}{n}\sum_{k=0}^{n-1} f(k\alpha_1,...,k\alpha_p)$ tend vers $\frac{1}{(2\pi)^p}\int_{[0,2\pi]^p}f$ (c'est l'équirépartition de Weil, mais en dimension supérieure).
  • Poirot, comment tu sais que 1 est valeur d'adhérence de $(\exp(2i\pi\alpha_2 n_k))_k$ ?
  • Plus généralement, l'adhérence de $\left\{\left(e^{2 i \pi \alpha_1 n}, \ldots, e^{2 i \pi \alpha_p n} \right) \mid n \in \mathbb N\right\}$ est une réunion de tores de dimension $m$, où $m$ est la dimension de $\mathrm{Vect}_{\mathbb Q}(\alpha_1, \dots, \alpha_p)$. Le nombre de composantes connexes dépend d'une manière subtile des relations de dépendance linéaire avec $\pi$.
  • @Calli : Je me suis avancé, c'est faux en général.
  • Oui pardon, en plus vous êtes de meilleur niveau que moi ici ! Je fais un peu tache, désolé de l'intervention ...

    Merci pour la précision Namiswan !
    Si j'ai bien compris, on peut "sentir" que la liberté de la famille sur $\mathbb{Q}$ vient du fait qu'on voudrait faire comme le proposait Poirot, en extrayant successivement, non ? Avec les mains, dans le cas $n=2$, je peux toujours écrire la suite en question $u_{n}=(e^{2i\pi \alpha n}, e^{2i\pi \beta n})=(e^{2i\pi \alpha n}, e^{2i\pi \alpha n} e^{2i\pi (\beta -\alpha) n})$. Donc pour avoir comme point d'adhérence $(z_{1}, z_{2}) \in \mathbb{U}^{2}$, on aurait besoin de trouver des extractions compatibles, qui permettent et à $e^{2i\pi \alpha n}$ de converger vers $z_{1}$, et à $e^{2i\pi (\beta -\alpha) n}$ de converger vers $\frac{z_{2}}{z_{1}}$. Or si la famille est liée dans $\mathbb{Q}$ on risque d'avoir des problèmes pour y arriver, mais ce qui est chouette c'est que d'après ton argument, c'est suffisant.
    Bon, mais c'est sûrement maladroit comme approche.
  • Merci pour vos réponses. Je reprends deux points.
    Calli a écrit:
    Edit : Après lecture du message de Namiswan suivant, il faut supposer que les $\alpha_i$ sont non seulement irrationnels mais aussi $\Bbb Q$-linéairement indépendants pour que le calcul du rang de $H$ fonctionne.
    Je ne comprends pas. Ne suffit-il pas que l'un des $\alpha_i$ soit irrationnel pour que la famille $\left( (\alpha_1, \ldots, \alpha_p), \varepsilon_1, \ldots, \varepsilon_p \right)$ soit $\mathbb{Z}$-libre ? Le message suivant de Namiswan parle du cas de la densité, moi je veux juste que $(1, \ldots, 1)$ soit une valeur d'adhérence.
    Namiswan a écrit:
    Pour une preuve simple que $e=(1,...,1)$ est valeur d'adhérence. Je note $(u_n)$ ta suite de $p$-uplets. Par compacité, si $\epsilon>0$ alors il existe $m,n$ avec $m>n$ tel que $||u_m-u_n||\leq \epsilon$ (je prends par ex la norme sup sur $\C^p$). Alors pour $k=m-n$, $||u_k-e||\leq \epsilon$. Donc $e$ est valeur d'adhérence.
    Merci, c'est la preuve que j'avais en tête au départ. J'avais réussi à me persuader qu'elle était fausse car dans la définition d'une valeur d'adhérence ($\forall N,~\forall \epsilon >0,~\exists k_\epsilon \geq N,~\|u_{k_\epsilon} - e \| \leq \epsilon$), je ne voyais pas pourquoi $k_\epsilon = m-n$ peut prendre des valeurs arbitrairement grandes (pour pouvoir le choisir plus grand qu'un $N$ fixé). En réalité, puisque $u$ ne prend pas la valeur $e$ et que $\|u_{k_\epsilon} - e \|$ prend des valeurs arbitrairement petites quand $\epsilon$ devient petit, les $k_{\epsilon}$ ne peuvent pas parcourir un ensemble borné quand $\epsilon$ s'approche de $0$, ce qui résout mon problème !
  • Parku a écrit:
    Je ne comprends pas. Ne suffit-il pas que l'un des $\alpha_i$ soit irrationnel pour que la famille $\left( (\alpha_1, \ldots, \alpha_p), \varepsilon_1, \ldots, \varepsilon_p \right)$ soit $\mathbb{Z}$-libre ? Le message suivant de Namiswan parle du cas de la densité, moi je veux juste que $(1, \ldots, 1)$ soit une valeur d'adhérence.

    Oui, pardon, je me suis trompé. Tu as raison.
  • Polka a écrit:
    Oui pardon, en plus vous êtes de meilleur niveau que moi ici ! Je fais un peu tache, désolé de l'intervention ...

    Mais non, ne le prends pas comme ça. :-(
  • Calli : merci pour la confirmation.

    Maintenant que nous sommes à peu près tous d'accord, voici d'où venait ma question : de cet énoncé proposé sur Twitter par Roger Mansuy : lien twitter.

    Je le reproduis ici :
    Soit $E$ un $\mathbb{C}$-espace vectoriel de dimension finie. Déterminer tous les endomorphismes $u \in \mathscr{L}(E)$ tels que pour tout $x \in E$, $x$ est une valeur d'adhérence de la suite $\left( u^k(x)\right)_{k \in \N}$.

    J'ai prouvé qu'il était nécessaire que les valeurs propres soient toutes de module $1$ (aucune difficulté) et que $u$ soit diagonalisable (pour cela, j'ai montré que l'endomorphisme nilpotent de la décomposition de Dunford est nul, en montrant qu'il est nul sur chaque sous-espace caractéristique).
    Réciproquement, je veux montrer que ces deux conditions sont suffisantes. Je prends donc $x \in E$ que je décompose dans une base de vecteurs propres en $x = x_1 f_1 + \ldots +x_p f_p$, et on a alors, pour tout $k \in \mathbb{N}$, $$u^k (x) = e^{2i\pi \alpha_1 k} x_1 f_1 + \ldots + e^{2i\pi \alpha_p k} x_p f_p$$ (où j'ai noté $e^{2i \pi \alpha_j}$ la valeur propre associée à chaque $f_j$).
    Pour obtenir le résultat souhaité, il suffit donc que $(1, \ldots, 1)$ soit une valeur d'adhérence de $\left( \left( e^{2i \pi \alpha_1 n}, \ldots, e^{2i \pi \alpha_p n}\right) \right)_{n \in \mathbb{N}}$. On évacue rapidement le cas des $\alpha_j$ rationnels (on peut par exemple multiplier tous les $\alpha_j$ par le ppcm $m$ des dénominateurs des $\alpha_j$ rationnels, ce qui revient à étudier la sous-suite $\left( u^{mk}(x) \right)$), et on aboutit à la question du message au début de ce fil.
  • Donc le cas complémentaire de "tous les $\alpha_j$ sont rationnels" c'est "tous les $\alpha_j$ sont irrationnels" ? :-D
  • Merci du contexte, c'est intéressant ! J'avais vu passer cet exercice sur Twitter d'ailleurs :-)

    PS: je n'ai rien pris mal, je doute juste beaucoup de moi.
  • Poirot : Où ai-je dit cela ?

    Ce que je voulais dire c'est que dans le cas où on a des $\alpha_j$ rationnels (pas forcément tous, mais au moins un), en prenant la sous-suite des $km$ avec $m$ le ppcm des dénominateurs de ces $\alpha_j$, alors on met des $1$ dans le vecteur, ce qui permet de ne considérer que le cas où tous les $\alpha_j$ sont irrationnels.
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