Fonctions Elliptiques/ Intégrales elliptiques

Bonjour,

--> en maîtrise, module d'analyse complexe , on étudie les fonctions elliptiques comme la fonction $\wp$ de Weierstrass.

--> dans le Quadrature n° 55, JJ évoque au cours de son article " Safari au pays des fonctions spéciales" : les fonctions ( ou intégrales ) elliptiques ,1ère, 2è et 3è espèce. J'ai rencontré ces intégrales lors de problèmes sur: longueur de l'ellipse, de la lemniscate, moyenne arithmético-géométrique de Gauss, oscillations du pendule...

--> Question: Existe-t-il un lien entre ces deux notions elliptiques ? Si oui: lequel ?
J'ai gogolisé sans trouver mon bonheur.

Merci et merveilleux dimanche à tous.

[Déplacer un sujet est un privilège de GM ! J'ai donc fait ce déplacement selon tes indications. Pour le forum, il me semble que tu ne peux qu'ouvrir un sujet dans le forum adéquat en utilisant l'onglet "jump to forum..." Bruno]
[merci Bruno; je ferai via l'onglet la prochaine fois ]

Réponses

  • bonjour bs, dans {\it Elliptic curves}, chez CUP, MCKean et Moll ont un chapitre intitulé:
    "Elliptic integrals: where they come from.

    Dans {\it Analytic function theory, tome 2 page 118-122}, Einar Hille définit la notion d'intégrale elliptique à partir du calcul d'intégrales de fonctions algébriques.

    Pour reprendre la première référence qui indique les emplois historiques que tu as cités d'intégrales elliptiques , l'idée générale est la suivante:

    si $Q \in \C[X] \text{ de degré {\b d }inférieur ou égal à 4 et } y = \sqrt{Q(x)} \text{ et si } F=F(x,y) \text{ est une fonction rationnelle de } (x,y)$, alors $ \int F(x,y) dx$ est soit exprimable en termes de fonctions élémentaires soit est appelée {\b intégrale elliptique}.
    Suit une discussion suivant le degré {\b d } de $Q$ et l'ordre de multiplicité de ses racines.

    A mon avis, le livre de MCKean et Moll est très informatif sur cette question et fait la synthèse de pas mal de problèmes qui peuvent t'intéresser.

    Pour répondre à la question posée, la fonction P de Weierstrass est une fonction
    elliptique qui peut s'exprimer à l'aide des fonctions elliptiques de Jacobi et donc il s'agit en fait de mettre en relation fonctions elliptiques et intégrales elliptiques; on a le fait suivant:

    si $z = P(u)$ avec $P$ fonction de Weierstrass définie par exemple par sommation sur un réseau, on obtient:

    $$u= \int_{\infty}^{z} \frac{dt}{\sqrt{4t^3-g_2t-g_3}}$$

    $P$ est donc l'inverse d'une fonction définie par une intégrale elliptique dans le plan complexe avec:

    $$\omega _1 = \int_{\infty}^{e_1} \frac{dt}{\sqrt{(t-e_1)(t-e_2)(t-e_3)}}$$

    $$\omega _2 = \int_{e_1}^{e_2} \frac{dt}{\sqrt{(t-e_1)(t-e_2)(t-e_3)}}$$

    avec $\omega _1$ et $\omega _2$ les périodes primitives du réseau et $e_1 \text{, }e_2 \text{, }e_3$ racines de $4t^3-g_2t-g_3=0$.

    Une autre référence: {\it Complex functions: an algebraic and geometric viewpoint}
    par Singerman et Jones toujours chez CUP, tout aussi sympathique que MCKean et Moll.
    Une remarque finale: le texte fondateur de tout çà est dû à Tannery et Molk {\it Eléments de la théorie des fonctions elliptiques} réédité chez Chelsea en 1972.
    A demon  wind propelled me east of the sun
  • Bonjour,

    Merci gilles pour toutes ces explications clairement détaillées et parfaitement documentées;
    ainsi, le qualificatif commun "elliptique" n'est pas le fruit du hasard.
    Les fonctions elliptiques de Jacobi étant les fonctions inverses des 3 types de fonctions elliptiques dont je parlais au début; je comprends mieux ces diverses relations.

    Dans le cours polycopié de mon professeur, Le "P" de la fonction P de Weierstrass a une forme bizarre , que l'on retrouve dans tous les livres;
    question: comment en Latex ?

    Grand merci.
  • En LaTeX \verb*=\wp= : $\wp$
  • bs,

    La situation est la même que pour les fonctions trigonométriques (circulaires ou hyperboliques) : les fonctions elliptiques, à l'instar de $\sin$ ou $\cosh$, ont des fonctions réciproques dont les dérivées sont irrationnelles. Le qualificatif d'elliptique vient de l'intervention de ces fonctions réciproques, sous le nom d'intégrales elliptiques, dans la rectification des coniques, et en particulier de l'ellipse.
  • rebonjour, effectivement, gb a raison de souligner l'idée d'obtenir les fonctions trigonométriques puis elliptiques comme réciproques d'intégrales de fonctions du type $\frac{1}{\sqrt{P(z)}}$ avec $P$ polynôme de degré inférieur ou égal à 4.

    Une autre possibilité développée dans {\it Theory of complex functions } de R. Remmert chez Springer, pages 334 et suivantes est la construction de toutes ces fonctions via les séries d'Eisenstein:

    $$\epsilon_k(z) = \sum_{\nu=-\infty}^{+\infty} \frac{1}{{(z + \nu)}^k}$$

    qui interviennent aussi dans la définition des coefficients $g_2 \text{ et } g_3$ cités dans dans le message de 10:02:49.

    Les séries d'Eisenstein sont introduites et développées dans le cours d'arithmétique de J.P. Serre.
    A demon  wind propelled me east of the sun
  • Le mot elliptique est assez inadequat, il semble qu'il provienne de la definition de Jacobi ou le sinus elliptique est exprime comme le sinus d'un angle que Jacobi appelle angle elliptique. Mais, par exemple si tu calcules la distance sur un lemniscate c'est une integrale elliptique. Le fait que la distance sur une ellipse soit aussi une integrale elliptique n'est pas il me semble l'origine de cette terminologie. (si Norbert passe par la, il pourra peut-etre confirmer).
    M.
  • Merci Gilles(s)

    --> complément: JJ précise (entre parenthèses), dans son article que les fonctions elliptiques de Weierstrass sont des cas de dégénérescence des fonctions elliptiques.

    --> cf: gb $\times 2$

    "effectivement, gb a raison de souligner l'idée d'obtenir les fonctions trigonométriques puis elliptiques comme réciproques d'intégrales de fonctions du type $\frac{1}{\sqrt{P(z)}}$ avec $P$ polynôme de degré inférieur ou égal à 4".

    Pour illustrer, on a effectivement :

    $$Arcsin(x) = \int_{0}^{x} \frac{dt}{\sqrt{1-t^2}}$$
    $$Argch(x) = \int_{1}^{x} \frac{dt}{\sqrt{t^2-1}}$$
    $$F(x,k)= \int_{0}^{sin(x)} \frac{dt}{\sqrt{(1-t^2)(1-k^2t^2)}}$$
    pour la fonction elliptique de 1ère espèce $F(x,k)$ qui est la fonction réciproque de la fonction de Jacobi.

    Merci pour toutes vos réponses.
  • Bonjour,

    J'ai trouvé ce document de l'APMEP sur les fonctions elliptiques, et devrais y trouver des réponses complémentaires :

    \lien{http://promenadesmaths.free.fr/elliptiques/Fonctions_Elliptiques.pdf}

    Merci à tous.
  • bonsoir, je dois corriger une de mes affirmation: le bouquin référence au 19-ième siècle est:

    Théorie des fonctions doublement périodiques et, en particulier, des fonctions elliptiques.
    Briot, Charles; Jean Claude Bouquet.

    Le laïus suivant est recopié du site Abebooks qui vend ce bouquin important pour l'histoire des maths...


    Description du livre: Paris: Mallet - Bachelier, 1859., 1859. [Erste Auflage] 8°. XXIV, 342 pp., [2] Hübscher Mamorierter Pappbd., grüner handschrftl. R.schild, wenig berieben u. bestoßen. Innen weitgehend frisch. Vorsatz: "E. Abbe sm. l. Harald 4. Juni 1861 First edition of the early masterpiece by Briot/Bouquet. This is the copy that was send by Ernst Abbe (famous physicist and optician) to his friend Harald Schütz, as mention in a letter by Abbe to Schütz on 6. Mai 1861. In this letter Abbe compares the lectures by Riemann and Weierstrass, and gives the advice to his friend, that he should learn from Briot/ Bosquet's book: "Willst Du dieß, so werde ich Dir meinen Briot u. Bouquet schicken, wo die Sachen allerdings in Cauchy'scher Manier (der Riemann sich anschließt) dargestellt sind, der Dir aber wahrscheinlich gute Dienste leisten wird. (Ich kann ihn [the book] entbehren, da mehre Andere hier ihn ebenfalls besitzen, u. ich also nöthigenfalls von daher ihn haben kann)." Wahl/Wittig, 1986, Brief 22) // Charles Briot's father was Auguste Briot and he was merchant in the town of St Hippolyte. It was in this town in Doubs, Franche-Comté near the border with Switzerland that Charles, the oldest child of his parents large family, was born. His father Auguste was a well respected citizen of St Hippolyte where he was involved in the tanning trade as part of the production and manufacture of leather. Charles was left with a stiff arm after a childhood accident and so he needed to train for an occupation where his disability would not hamper him too badly. At school he realised that mathematics was the subject for him so his first intention was to become a mathematics school teacher. He made friends at school with another young man who was equally keen on mathematics, namely Claude Bouquet. Briot was two years ahead of Bouquet at school and after leaving in 1837he taught for a year. He sat the entrance examinations for the École Normale Supérieure in Paris and was placed second in these highly competitive entrance examinations. He went to Paris in 1838 and entered the École Normale Supérieure now one year ahead of his school friend Claude Bouquet who joined him there the following year. In 1841 Briot completed the course for the agrégation in mathematics and he had improved on his position as the second best student which he achieved when he entered, for now he was placed first. He obtained his doctorate in March 1842 for a dissertation on the orbit of a solid body around a fixed point. At this stage his friend Bouquet had caught up with him, for he graduated in the same year with a doctoral thesis on variation of double integrals. Despite his marked academic success in research, Briot still wanted to follow his chosen career as a teacher and it was as a teacher of mathematics in a Lycée that he began his career. He was first appointed as Professor at the Orléans Lycée, where he worked for a while before obtaining a post at the University of Lyon. While there he met again his school friend Bouquet who had followed a similar career path but had been at a Lycée in Marseilles before his appointment to the University of Lyon. From this time on the two school friends began a collaboration on analysis which was to last throughout their careers and result in many joint publications. In 1851 Briot returned to Paris where he taught at various Lycées. The first was the Lycée Bonaparte which would later be renamed the Lycée Condorcet. At this Lycée, Briot taught the special mathematics course designed to prepare pupils to take the entrance examinations for the École Normale Supérieure and the École Polytechnique. When Briot moved to the Lycée Saint-Louis he continued to teach the same special mathematics courses there. His teaching was not restricted to the Lycées, however, for he also acted as substitute for various courses at the École Polytechnique and at the Faculté des Sciences. He taught engineering and surveying in the year he moved back to Paris, then he taught a calculus course in 1853,etc.

    Certains on accusé Briot et Bouquet de ne faire que recopier les idées de Liouville mais personnellement, je n'en sais rien...
    A demon  wind propelled me east of the sun
  • rebonsoir, ce livre est en accès gratuit sur gallica...
    A demon  wind propelled me east of the sun
  • Sur Gallica, il y a également l'ouvrage de P.Appell "Principes de la théorie des fonctions elliptiques et applications".
  • Briot et Bouquet était très critiqué à l'époque et autant que je me souvienne je ne l'aimais pas beaucoup. Par contre, Halphen a écrit deux livres de référence et je crois que la référence préférée de Weil était le livre de Jordan (cours d'analyse).
    M.
  • C'est bizarre, je ne trouve pas cette référence sur Briot et Bouquet
  • Bonjour Bruno,

    J'ai trouvé ceci sur gallica

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k99571w

    J'espère que c'est l'édition que tu cherche.

    Sincèrement,

    Galax
  • Merci Galax. J'ai du faire une fausse manoeuvre ; j'ai récupéré un manuel de géométrie élémentaire et un de géométrie analytique.
  • Bonjour,

    --> Mauricio: Dans "Trente livres de mathématiques qui ont changé le monde", lors du chapitre consacré à A.M. Legendre, les auteurs écrivent : " Les intégrales elliptiques apparaissent, par exemple, lorsque l'on calcule la longueur d'un arc d'ellipse, d'où leur nom".

    -> lu également: A.M. Legendre a écrit : "Traité des fonctions elliptiques et intégrales eulériennes", publié en 1825-1826, sans connaître alors les travaux de Jacobi dans ce domaine.

    --> Le cas de la lemniscate:
    Sous cette forme paramétrique,
    $$x(t)= \frac{t}{1 + t^4}$$
    $$y(t)= \frac{t^3}{1 + t^4}$$ la longueur L est égale à :
    $$L = 4 \times \int_{0}^{1} \frac{dt}{\sqrt{1+t^4}}$$

    --> merci gilles, Bruno( car je ne trouvais pas non plus !) et Galax pour cette référence Briot-Bouquet.

    Bonne journée

    [ Bonjour GM: lorsque j'ai envoyé ce message, est apparu en rouge sur l'écran: "Votre message a été détecté comme étant un spam, blablabla, désolé pour le dérangement". Il s'est néanmoins affiché (ouf). Bonne journée ]
  • BS: comme tu l'as écrit elles interviennent aussi pour la lemniscate, on ne les appelle pas fonctions lemnicastiques pour autant. Tu n'as pas compris ce que j'ai dit, bien sûr le calcul de la longueur d'arc sur une ellipse est une intégrale elliptique mais il me semble que ce n'est pas à cause de celà que l'on les appelle ainsi (comme dirais Serre dans la vidéo, voir Jacobi+Euler GesammelteWerke).
    Ceci dit je me suis peut-être trompé, ce n'est peut-être pas Jacobi la première référence. Ceci dit tu noteras que dans le dit livre de Legendre les fonctions elliptiques comme fonctions doublement périodiques sont absentes (autant que je me souvienne) et par ailleurs qu'en 1826, sauf anachronisme de ma part, Legendre connaissait sûrement le travail de Jacobi par l'intermédiaire de Abel.
    (Il faudrait verifier toutes ces affirmations que je fais un peu à la va-vite)
    Mauricio.
  • Christian \textsc{Houzel} parle d'un changement de terminologie entre Legendre et Jacobi dans son livre \textit{La Géométrie algébrique, recherches historiques}. C'est dans la note de bas de page n°8 page 98.

    Apparemment, pour Legendre, une fonction elliptique était définie par une intégrale elliptique~:
    \begin{itemize}
    \item soit $F(\varphi) = \displaystyle \int_{0}^{\varphi}{\frac{\mathrm{d}\varphi}{\sqrt{1-k^2\sin^2\varphi}}}$ (première espèce)
    \item soit $E(\varphi) = \displaystyle \int_{0}^{\varphi}{\sqrt{1-k^2\sin^2\varphi} \mathrm{d}\varphi}$ (deuxième espèce)
    \item soit $\Pi(\varphi) = \displaystyle \int_{0}^{\varphi}{\frac{\mathrm{d}\varphi}{(1+n\sin^2\varphi)\sqrt{1-k^2\sin^2\varphi}}}$ (troisième espèce)
    \end{itemize}
    Jacobi a repris ce terme pour désigner les fonctions doublement périodiques $\mathrm{sn}(\varphi) = \sin \mathrm{am}(\varphi)$, $\mathrm{cn}(\varphi) = \cos \mathrm{am}(\varphi)$ et $\mathrm{dn}(\varphi) = \sqrt{1-k^2\mathrm{sn}^2(\varphi)}$ où $\mathrm{am}$ (amplitude) est la fonction réciproque de $F$. Legendre était mécontent du changement de terminologie, le qualifiant d'``inconvenance et bizarrerie''.
  • Bonjour,
    Merci Mauricio, merci pg : je possède maintenant suffisamment de références et de précisions historiques pour approfondir ces notions.
    Bonne journée à tous.
  • pg: donc ca confirme ce que je dis, vu que personne n'adopte la terminologie de Legendre aujourd'hui (au fait am est appele l'angle elliptique d'ou le nom de fonction elliptique). Il faut que je me procure ce livre de Houzel ca doit surement etre tres documente et tres precis.

    Mauricio
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