Phénomènes de Gibbs vs théorème de Dirichlet

Bonjour,

je ne comprends pas bien cette histoire de phénomène de Gibbs, et j'ai l'impression que ça contredit le théorème de Dirichlet. Quelqu'un pourrait-il m'expliquer pourquoi ce n'est pas le cas ?

Merci d'avance !

Réponses

  • Bonsoir,

    C'est bien de se poser cette question, et non il n'y a pas de contradiction. On pourrait te donner la réponse toute crue, mais je pense que tu peux comprendre le truc toi-même. Quelle est la conclusion du théorème de Dirichlet ?
  • Salut egoroffski,

    le théorème de Dirichlet dit que si $f$ est dans $L^1$, et est dérivable à gauche et à droite, la série de Fourier de $f$ converge vers la demi somme des limites de $f$ en $x$.

    Dans le poly que je regarde, il est dit que si f est dans $L^1$, et qu'elle admet une dérivée à droite et à gauche, alors la limite de $(S_N(f)-f)$ en $x+\frac{1}{2N+1}$ vaut $(C-1/2)(lim_{x^+}(f)-lim_{x^-}(f))$ et la limite de $(S_N(f)-f)$ en $x-\frac{1}{2N+1}$ vaut $-(C-1/2)(lim_{x^+}(f)-lim_{x^-}(f))$, où $C$ vaut à peu près 0,59. Deux limites disctinctes donc. Alors que d'après Dirichlet, il y en a qu'une seule (la demi somme des limites).

    Alors le truc qui est différent, c'est que les limites sont prises en un point qui dépend de $N$.

    Une question : si pour la suite de points, au lieu de $\frac{1}{2N+1}$ on avait pris un truc qui convergeait beaucoup plus vite vers 0, aurait-on aussi eu 2 limites disctinctes ?
  • Florent Hours écrivait:
    > Alors le truc qui est différent, c'est que les limites sont prises en un point qui dépend de $N$.

    Bien sûr ! Le théorème de Dirichlet est un théorème de convergence {\it simple} : à $x$ fixé, on a $f_n(x) \to f(x)$ (où $f_n = S_n(f)$ dans ton cas). Typiquement, pour obtenir des résultats du style "$f_n(x_n) \to f(x)$ dès que $x_n \to x$" il faut des hypothèses beaucoup plus fortes, par exemple la convergence {\it uniforme} de $ f_n$ vers $f$ et la continuité de $f$ en $x$.

    Un petit dessin pourra sans doute t'aider à visualiser ce qui se passe ; en attendant les animations magiques du seigneur remarque, tu peux faire un tour sur Wikipedia.
  • Ok, merci pour ces éclaircisements :)

    Et pour ma question de la fin du message alors ?
    Hum non peut-être qu'il faudrait prendre une suite qui tend plus LENTEMENT vers x, à la place de $x-\frac{1}{2N+1}$. Je m'explique : j'ai justement regardé les dessins sur Wikipedia, et j'ai eu l'impression qu'autour du point problématique x, la largeur de la bande où il y a les perturbations diminue quand N augmente, alors si on fait tendre notre suite de points "assez doucement" vers x, on peut se débrouiller pour rester en dehors de la bande de perturbations, tout en tendant vers x. Lol c'est pas très clair ^^
  • A vrai dire c'est difficile de répondre à cette question a priori... Le $1 /(2N+1)$ correspond à un truc très précis, c'est un maximum d'amplitude pour la dernière oscillation ajoutée. Si $x_n$ converge plus lentement, on est encore plus loin de $x$ et donc a priori on a encore moins de chances de pouvoir dire quelque chose d'intéressant. Si $x_n$ converge plus rapidement, on peut peut-entre dire quelque chose du style $f_n(x_n) \to f(x) $ en effet, vu la tête du dessin ; mais tout le problème est dans la quantification du "rapidement"... Je pense que remarque aura des choses intéressantes à dire à ce sujet, lui qui connait le Zygmund par cœur.
  • Mon Zygmund est tout rouillé. Mais bon, l'idée c'est effectivement que l'oscillation du phénomène de Gibbs se concentre au voisinage de la discontinuité : il y a convergence uniforme sur tout compact du complémentaire des points de discontinuité.*

    * Edit, en supposant la fonction bien régulière à ces endroits, bien sûr.
  • Quelques vieux dessins ici.

    Edit : pas dans le même contexte, mais bon, le phénomène de Gibbs est assez universel, je crois.
  • Ok ,merci bien pour ces liens !
  • Bonjour à tous,

    je déterre ce fil car je me pose exactement la même question que Florent Hours et malgré vos réponses je ne comprend toujours pas.

    Je résume ce que je crois savoir :

    Théorème de Dirichlet : si la fonction $f$ est périodique et $C^1$ par morceaux alors la série de Fourier converge simplement vers la fonction régularisée $\tilde{f}$ (en tout point $\tilde{f}$ vaut la demi-somme de la limite à droite et à gauche du point).

    Phénomène de Gibbs : de manière très mal dit, si je me mets autour d'une discontinuité de $f$ (je considère un voisinage de $x=c$ suffisamment petit pour être certain qu'il ne contient pas d'autre discontinuité) et que j'étudie la somme partielle des sinus et cosinus (la série de Fourier tronquée à $N$) on montre que l'amplitude des oscillations quand $N$ tend vers l'infini est strictement plus grande que l'amplitude de la discontinuité (la hauteur du saut que $f$ fait). On montre même que cette différence est de 18\%. A la louche j'ai l'impression que la largeur de la zone d'oscillation tend vers 0.

    Et voici le psychodrame qui se joue dans ma tête : En $x=c$, la série de Fourier passe au milieu du saut (ie $(f(c+0)+f(c-0))/2$), juste avant, en $x=c-0$, la série converge vers $f(c-0)$ (d'après ce que j'ai compris de Dirichlet) alors que d'après ce que j'ai compris de Gibbs, la série convergerait plutôt vers un point qui se situerait à une hauteur de $9\%(f(c+0)-f(c-0)) + (f(c+0)+f(c-0))/2$ bref quelque chose différent de $f(c-0)$.

    Au final, je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi le phénomène de Gibbs ne contre-dit pas le théorème de Dirichlet vu que j'ai l'impression que d'après Gibbs la série semblerait converger presque partout vers la fonction régularisée alors que d'après Dirichlet j'ai l'impression que la série converge partout vers la fonction régularisée.

    Je vous remercie par avance de votre patiente et précieuse aide.

    Mister Da
  • alors que d'après ce que j'ai compris de Gibbs, la série convergerait plutôt vers un point qui se situerait à une hauteur de $9\%(f(c+0)-f(c-0)) + (f(c+0)+f(c-0))/2$ bref quelque chose différent de $f(c-0)$.

    Non, elle ne converge pas vers ça. Le pic à $x\%$ de plus se produit en un point qui tend vers la discontinuité. Si tu te places strictement à gauche ou à droite de la discontinuité, le pic et la zone d'oscillations qui le suit finissent par passer le point où tu te places et la série converge bien en ce point vers $f$.
    16941
  • Bonjour remarque,

    merci pour ton aide. Suite à ton message, en gros je trouverai toujours un $N_0$ assez grand pour diminuer la zone d'oscillation et faire que le $x$ que je considère se trouve en dehors


    J'ai juste une dernière interrogation. Pour simplifier je considère une fonction impaire qui a une discontinuité de première espèce en $x=0$ : $f(0^-) = -a$ et $f(0^+) = +a$ ($a>0$) et $f(0) = 0$. La fonction étant sa propre régularisée la série de Fourier converge simplement vers $f$

    Je me représente la chose de la manière suivante

    Il va y avoir deux pics qui tendent à avoir une hauteur constante $+h$ et $-h$ (avec h>a). Ces deux pics se rapprochent l'un par la droite et l'autre part la gauche de la discontinuité et en $x=0$ je dois avoir 0.

    Et du coup si je suis mon "raisonnement" (qui doit être faux), je me dis que la limite quand $x\rightarrow 0^+$ de la série de Fourier de $f$ va être $+h$ et quand $x\rightarrow 0^-$ va être $-h$ (c'est-à-dire que les limites de la série de Fourier à droite et gauche de la discontinuité sont donc différentes de celle de la fonction $f$ (qui sont de $\pm a$) ?

    En fait ce qui me gène dans cette histoire c'est qu'il y a d'une part une limite selon $N$ et une limite selon $x$ et je sais pas trop comment m'y prendre vu que $N$ "joue" sur la largeur de la zone d'oscillation.

    Merci pour ta patience !

    Mister Da
  • Mais quand on parle de convergence simple, il n'y a pas de limite en $x$, qui reste fixé. Donc pas de problème de double limite.
    16942
  • D'accord !
    C'était là où je n'avais pas percuté. Donc tout ce que j'ai à me dire c'est qu'en me fixant n'importe quel $x$ j'arriverai toujours à trouver un $N$ assez grand pour rendre la zone d'oscillation suffisamment petite pour que le $x$ en question ne soit plus dedans et que la série se mette à converger vers $f(x)$ et c'est tout ? (mes autres questions métaphysiques n'avaient en fait pas de sens)

    Mille merci remarque
  • Oui, c'est tout. D'ailleurs, elle se met à converger dès le début, si on va par là.;)
  • Certes !

    Maintenant que j'ai capté, en relisant tout le fil, je viens de me rendre compte que toutes les réponses à mes questions étaient en fait dans les deuxièmes messages de Florent Hours et d'egoroffski je suis honteux. Encore merci pour ta patience (et ta deuxième couche qui me fut salvatrice) !
  • Bonjour,

    si tu as un Maple disponible, cette courte animation permet
    de comprendre ce qui se passe :

    > restart; with(plots);

    > m := 50;
    a := array(0 .. m, [seq((int(f(t)*cos(n*t), t = 0 .. 2*Pi))/Pi, n = 0 .. m)]);
    b := array(0 .. m, [seq((int(f(t)*sin(n*t), t = 0 .. 2*Pi))/Pi, n = 0 .. m)]);
    S := unapply(.5*a[0]+add(a[n]*cos(n*t)+b[n]*sin(n*t), n = 0 .. m), t);
    f := t -> piecewise(t < Pi, 1, -1);

    > P := NULL;
    for N to 50 do
    S := unapply(.5*a[0]+add(a[n]*cos(n*t)+b[n]*sin(n*t), n = 0 .. N), t);
    P := P, plot(S, 0 .. Pi)
    od;
    display([P], insequence = true);

    Il y a convergence uniforme dans $[\epsilon,\pi-\epsilon]$, mais jamais dans $[0,\epsilon]$.
    On a l'impression de voir un ressort qui s'écrase sur un mur,
    ce qui le fait s'agrandir (un peu) verticalement.

    R.S.
  • et donc, en gros, il n'y a pas convergence uniforme nécessairement sur un segment qui est de mesure non nulle (disons de longueur non nulle), c'est ça? alors que la convergence L2, elle, est partout.
  • \newcommand{\diff}[1]{\mathrm{d}#1}

    bonjour à tous,

    avec cette histoire de convergence simple, uniforme et cie, il me vient une question.

    Si je considère une fonction $f$ gentille (périodique, continue, dérivée continue...) et que je suppose qu'il existe une série trigonométrique qui converge uniformément vers $f$~:

    $$
    f(t) = a_0 +\sum_{n=1}^\infty a_n\cos\left(\frac{2\pi}{T}nt\right) +b_n\sin\left(\frac{2\pi}{T}nt\right) = \sum_{n=0}^\infty f_n(t)
    $$


    Je peux calculer les coefficients les différents coefficients facilement. Par exemple pour $a_0$ j'ai

    \begin{eqnarray*}
    \int_0^Tf(t)\diff t & = & \int_0^T\sum_{n=0}^\infty f_n(t)\diff t\\

    & = & \int_0^Ta_0\diff t + \sum_{n=1}^\infty \int_0^Tf_n(t)\diff t\\

    & = & Ta_0 + \sum_{n=1}^\infty a_n\frac{T}{2n\pi}\left[\sin\left(\frac{2\pi}{T}nt\right)\right]_0^T -

    b_n\frac{T}{2n\pi}\left[\cos\left(\frac{2\pi}{T}nt\right)\right]_0^T\\

    & = & Ta_0
    \end{eqnarray*}

    Dans ce calcul, j'ai besoin de la convergence uniforme pour pouvoir inverser le $\sum$ avec le $\int$.

    Par contre, si je suppose que ma fonction $f$ n'est pas gentille (mais un petit peu quand même, par exemple $C_1$ par morceaux). Dirichlet me souffle à l'oreille alors que la convergence se fait alors simplement.

    Dans un tel cas, comment puis-je calculer les coefficients, puisque qu'avec une convergence simple je ne peux plus inverser le $\sum$ avec le $\int$ ?

    Je vous remercie par avance de votre aide.

    Amicalement,

    Mister Da
  • Il suffit que ta fonction soit par exemple dans $L^2$ pour que ce calcul soit licite : dans ce cas la série de Fourier converge dans $L^2$, donc dans $L^1$, donc on intervertit sans problème la somme et l'intégrale. Ca marche pareil dans tous les $L^p$, $p>1$, mais pas dans $L^1$.
  • bonsoir remarque,

    merci pour ton aide.

    Dans les conditions de Dirichlet que j'ai (je ne sais plus de quel livre je les avais prises mais on les retrouve par exemple ici : http://en.wikipedia.org/wiki/Dirichlet_conditions, il est juste de question de convergence absolue (donc de $L^1$), non ?

    Amicalement,

    Mister Da
  • Non, il est juste question de convergence simple vers la valeur de la fonction en dehors des points de discontinuité. Ceci dit, il me semble bien qu'il y a convergence uniforme sur tout compact ne contenant pas de point de discontinuité. Mais une fonction satisfaisant les conditions du th. de Dirichlet est de carré intégrable, donc la théorie $L^2$ s'applique sans problème.
  • "il est juste de question de convergence absolue"

    Oups, j'ai dit "convergence absolue" au lieu de dire "intégrable absolue" (dans le sens absolument intégrable) désolé.

    Bref, une nouvelle fois merci pour toutes ces précisions remarque ! J'avais complètement zappé cette histoire de $L^p$ !

    Très très cordialement,
    Mister Da
  • remarque a écrit:
    Mais une fonction satisfaisant les conditions du th. de Dirichlet est de carré intégrable, donc la théorie $ L^2$ s'applique sans problème.

    mais il est dit que $f$ doit être bornée (bounded) alors qu'une fonction appartenant à $L^2$ n'est pas nécessairement bornée, non ?
  • oui pluton,

    remarque disait juste qu'une fonction qui vérifie les conditions de Dirichlet est dans $L^2$. Effectivement l'inverse est faux, par exemple la fonction motif $x^{-1/p}$ sur $[0,T[$ avec $p>2$.
    Souvent on dit que les discontinuités sont de première espèce (limite à droite et limite à gauche sont finies).

    Mister Da
  • ah oui, mince, le boulet..... merci
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