Relativité restreinte sur un tore

L'autre jour je regardais cette vidéo sur le paradoxe des jumeaux en relativité restreinte. Si j'ai bien compris, tant que la fusée n'a pas fait demi tour chacun des deux jumeaux "voit" l'autre plus jeune que lui et la situation change lorsque la fusée fait demi tour.

Maintenant si l'espace est un tore (de dimension 1 pour simplifier) la fusée va revenir sur la terre sans jamais avoir changé de trajectoire. Au moment ou la fusée repassera sur terre les deux jumeaux devraient voir l'autre (strictement) plus jeune qu'eux, ce qui est impossible puisqu'ils sont cette fois ci tous les deux au même endroit. J'en déduis donc que la formule d'addition des vitesses que l'on connait pour la relativité restreinte ne fonctionne pas si l'espace n'est pas euclidien.

Ceci me fait me poser quelques questions :
1) Est-ce que mon raisonnement est correct ?
2) Est-ce qu'on peut encore satisfaire les deux postulats "la physique est la même dans les référentiels galiléens" et "la vitesse de la lumière est la même dans tous ces référentiels" si l'espace est autre chose qu'euclidien ? par exemple un tore ou une variété courbée ?
3)En admettant que mon raisonnement soit correct, est-ce que les physiciens en déduisent des choses sur la géométrie de notre univers ?

Réponses

  • C'est justement en voulant généraliser la relativité restreinte à tous les référentiels et pas uniquement les référentiels galiléens qu'Einstein en est venu à la conclusion que la gravitation est la manifestation de la géométrie non euclidienne de l'espace-temps.
  • Alors, j'attendais d'avoir des réponses à mes premières question avant d'en poser de nouvelles sur la relativité générale.

    En fait je ne connais pas bien le statut de la relativité générale (RG) par rapport à la relativité restreinte (RR). Est-ce que la RG se rajoute à la RR comme une couche supplémentaire ou bien est-ce qu'elle la remplace totalement ? J'ai l'impression que sans présence de champ de gravité la RG devrait redonner exactement la RR, au moins sur un espace euclidien.

    Mais une chose à la fois. Je ne comprend pas quelles sont les implications de ta réponse pour les questions que j'ai posées.
  • Oui, la RR est un cas particulier de la RG pour le cas où la gravité est négligeable. Quant à ta question je ne la comprends pas vraiment car tu sembles vouloir appliquer la RR hors de son champ de validité, mais je peux me tromper.
  • @Corto: sur un tore de dimension $1$ par exemple, si l'on est le jumeau $A$ et que l'on quitte la Terre où il y a le jumeau $B$ avec une fusée, on voit peut-être le jumeau $B$ plus jeune lorsqu'on regarde dans la direction inverse du mouvement de la fusée (on regarde en direction des réacteurs), mais on voit aussi le jumeau $B$ si l'on regarde dans la direction du mouvement de la fusée (on regarde vers le nez de la fusée). Peut-être ce deuxième jumeau $B$ est-il donc bien plus âgé que nous (le jumeau $A$) quand on arrive. En effet, c'est ce deuxième jumeau $B$ (que l'on voit en regardant vers le nez de la fusée) que l'on rejoint.
    On voit une même personne dans les deux directions. Donc, sur un tore, on peut voir la même personne dans deux directions différentes et à deux âges différents.
    Autrement dit, le jumeau $A$ verra à son arrivée le jumeau $B$ plus jeune lorsqu'il regardera (dans l'espace) dans la direction d'où vient la fusée. Mais il verra aussi le jumeau $B$ à côté de lui, et plus âgé que lui.
  • Je ne sais pas si le message ci-dessus répondait à la question en fait. Cela n'expliquait pas la différence de symétrie entre la situation du jumeau $A$ et celle du jumeau $B$.
    Voici une autre réponse. Soit $E_0=(\alpha, t_0)$ un événement de l'espace-temps $S^1 \times \R$. Si on considère deux rayons lumineux partant de $E_0$ dans les deux directions différentes, il vont se croiser une première fois en $E_1=(\alpha+\pi, t_0+T)$ puis une deuxième en $E_2=(\alpha,t_0+2T)$.
    Si on considère la géodésique la plus longue (en temps propre) de l'espace temps joignant $E_0$ à $E_2$, c'est bien sûr la courbe $ t \in [0,2T] \mapsto (\alpha, t_0+t)$, c'est-à-dire la ligne d'univers du jumeau $B$ sur Terre, et pas celle du jumeau $A$ qui voyage en fusée, donc il n'y a pas symétrie.

    (En supposant que $S^1 \times \R$ est muni de la métrique $c^2dt^2-d\alpha^2$, et que la ligne d'univers de la Terre est $t \mapsto (\alpha,t)$ avec $\alpha$ constant)
  • Sylvain. Je ne connais pas le domaine d'application de la RR, je demande justement si les équations de la transformée de Lorentz sont encore valables sur le tore, j'ai l'impression que non avec ce que j'explique dans mon premier message.

    Marco. Ok donc si j'ai bien compris ton message, en appliquant les équations de la transformée de Lorentz pour le tore comme on les appliquerait sur $\R^d$ on n'obtient pas les mêmes règles de la physique dans deux référentiels en translation rectiligne uniforme. Correct ?

    Edit : je crois que je dis des bêtises. Je vais réfléchir.
  • Je dirais que tu as raison, il faut peut-être attendre la réponse de quelqu'un plus connaisseur. Je voulais juste montrer la différence de symétrie entre les deux jumeaux même si la fusée ne fait pas demi-tour. Il y a un autre argument, c'est que, sur le tore $S^1 \times \R$, si on considère la ligne d'univers de la Terre, l'espace des événements simultanés à la Terre, à une certain date, est un compact (c'est l'image de $\alpha \mapsto (\alpha,t_0)$ avec $t_0$ constant), alors que si on considère un jumeau qui voyage dans une fusée, l'espace des événements simultanés n'est pas compact (c'est une droite qui s'enroule autour du "tube" $S^1 \times \R$)

    C'est la notion de référentiel qui est étrange sur un tore, car les axes des $x$ et des $t$ peuvent se recouper plusieurs fois l'un avec l'autre.
  • En effet, en relativité restreinte dans $\R \times \R$, supposons que les vecteurs $(e_x,e_t)$ forment une base d'un référentiel $R$, et que $e_x=(1,0)$, et $e_t=(0,1)$.
    Alors un autre référentiel est $R_2$ de base $e_{x_2}, e_{t_2}$.
    $e_{x_2}$ et $e_{t_2}$ doivent vérifier (si on note $L$ la forme bilinéaire symétrique lorentzienne définie sur $\R \times \R$):
    $L(e_{x_2},e_{x_2})=-1$, $L(e_{t_2},e_{t_2})=1$, et $L(e_{x_2},e_{t_2})=0$.
    On en déduit que, si $e_{x_2} \notin \R e_x$ ou si $e_{t_2} \notin \R e_t$ , alors $e_{x_2} \notin \R e_x$ et $e_{t_2} \notin \R e_t$ , c'est-à-dire que les axes $\R e_{x_2}$ et $\R e_{t_2}$ sont inclinés (ni horizontaux, ni verticaux) et distincts, donc, si on se place dans le tore, ils se recoupent plusieurs fois l'un avec l'autre.
    Donc, ce n'est pas l'idée que l'on se fait des axes d'un référentiel. :-)

    PS: $L(\pmatrix{ x \\ t} ,\pmatrix{x' \\ t'})= tt'-xx'$ dans le référentiel $R$ (et aussi dans $R_2$).
  • Bonjour

    Pour compléter les réponses ci-dessus, les transformations de Lorentz sont les isométries de l'espace-temps de Minkowski qui est pseudo-euclidien, sans courbure (sans gravité). Dès qu'il y a courbure on ne peut plus appliquer globalement une transformation de Lorentz.
    Cependant, un petit voisinage d'un point d'espace-temps est quasiment confondu avec l'hyperplan tangeant en ce point, et dans cet hyperplan tangeant on peut réaliser une transformation de Lorentz.
    La relativité restreinte est ainsi incluse dans la relativité générale : c'est la limite quand l'étendue du domaine considéré tend vers zéro.

    De même, en géométrie euclidienne, sur une surface courbe régulière immergée dans l'espace 3D, la géométrie tend vers celle du plan euclidien quand les distances tendent vers zéro.

    Cela ne renseigne pas beaucoup sur la géométrie de l'univers, et en cosmologie on invoque généralement des hypothèses indépendantes, en particulier celle d'homogénéïté et celle d'isotropie.

    Cordialement
  • La relativité restreinte n'a vraiment de sens que dans un espace affine (isomorphe à $(\R^4,q)$ où $q$ est une forme quadratique de signature $(3,1)$). Dans tout les autres cas (où on est sur une variété de dimension 4), c'est la relativité générale qui va prendre le pas, de plus on ne peut pas isoler une dimension qui jouera le rôle de temps dans ces paradigmes (@Corto: j'ai l'impression que tu veux te placer dans $\R^3/\Z^3 \times \R$. Mais il y a un problème: qui est ce $\R$ à droite?).
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Ok je crois que je commence à y voir plus clair.

    A priori la réponse à ma première question serait donc oui. La réponse à la troisième question serait : oui mais seulement localement (par sur la forme globale de l'univers donc) et c'est en fait relié à la relativité générale.

    Pour la réponse à ma deuxième question il faudrait refaire les calculs dans le cas d'un tore, ça ne me semble pas trop compliqué mais après tout ce n'est peut être pas si intéressant que ça puisque d'après la relativité générale notre espace n'est même pas plat.

    Merci à tous pour vos réponses.
  • Salut,

    Pour info, christophe c, dans son fil sur la relativité en logique a eu une bonne idée. Si j'ai bien interprété ce qu'il propose est dans le cas de la tore avec une pseudo-métrique de Minkowski sans courbure, de reconsidérer le problème pour rester en relativité restreinte et de considérer un univers dont le contenu sera "spatialement périodique" dans un référentiel galiléen en particulier. Et du coup sauf si on considère trop de symétrie du contenu, ça ne sera pas le cas pour les autres (enfin si, ceux qui vont à la même vitesse que lui, mais de ceux-là, on s'en fout), dans lesquels il y aura seulement des période "spatio-temporelle".
    Après on ne considère plus des trucs comme "un objet A rencontre périodiquement un même objet B", mais seulement qu'un objet A rencontrera périodiquement des objets de type B (on s'en moque, ils ne sont pas différents, "ils ont vécu la même histoire"). Au final, on retombera sur la conclusion de Marco que je suis tenté de résumer par: "il est en général impossible de donner une date $t$ à une classe d'événements (à part dans le référentiel privilégié)".
  • On suppose que l'espace-temps est $S^1 \times \R$. La Terre est "immobile", c'est-à-dire que sa ligne d'univers est $t \mapsto (\alpha,t)$ avec $\alpha=\mathrm{constante}$. On suppose que la circonférence de $S^1$ est de longueur $\ell$, et qu'une fusée quitte la Terre à une vitesse $v$. Le jumeau $A$ reste sur la Terre, le jumeau $B$ est dans la fusée.
    Alors on peut calculer la distance parcourue par la fusée lorsque le jumeau $B$ (en regardant dans la direction où va la fusée) verra le jumeau $A$ avoir le même âge que lui. Avant, il verra le jumeau $A$ plus jeune; après, il verra le jumeau $A$ plus âgé.
    Je trouve, si on note $\beta=\frac{v}{c}$, que la distance parcourue sera: $$d=\frac{\beta \ell}{1+\beta-\sqrt{1-\beta^2}}$$
  • Bonjour,

    Marco, je n'ai pas trop compris ce qu'est la distance $d$ ici.

    Par contre, je me plante peut-être, mais d'après des calculs plutôt naïfs (c'est-à-dire en me contentant de reprendre l'histoire de l'univers spatialement périodique pour $A$), en supposant les vitesses constantes, je crois qu'on a ça:
    - Si $\gamma$ observe l'objet $A$ depuis qu'il l'a croisé, jusqu'au moment ou il peut dire que cet objet $A$ a croisé un autre objet $B$ (lui plus vieux, sauf qu'entre temps, il a lui-même déjà vécu cette seconde collision). Il devrait dire que la distance parcouru par $A$ entre deux collisions, selon $B$ : $l\gamma=\frac{l}{\sqrt{1-\beta^2}}$
    - À un instant où $A$ et $B$ se rencontre, $B$ va dire que le $A$ (plus jeune, il n'a pas encore vécu la présente collision) qu'il a croisé précédemment et le $A$ (plus vieux, déjà vécu la présente collision) qu'il croisera la prochaine fois sont tout deux distants de lui de $l\sqrt{1-\beta^2}$.
  • Il y a des photons qui partent du jumeau $A$ et arrive au jumeau $B$. Dans le cadre de l'espace spatialement périodique, si $A_1$ et $A_2$ sont deux copies du jumeau $A$ espacées de $\ell$. Mettons que $B$ quitte $A_1$ et se dirige vers $A_2$. Au cours du voyage, $B$ compare l'âge qu'il a (lui, le jumeau $B$) à l'âge de $A_2$ lorsqu'ont été émis les photons venant du jumeau $A_2$ et qu'il (le jumeau $B$) reçoit.
    Au départ, lorsque $B$ est en $A_1$, $B$ a le même âge que $A_1$ (et que $A_2$), mais les photons venant de $A_2$ sont anciens, donc $B$ verra le jumeau $A_2$, plus jeune que lui ($B$).
    À la fin du voyage, lorsque $B$ est en $A_2$, comme $B$ a voyagé, $B$ est plus jeune que $A_2$. Donc $B$ voit $A_2$ plus âgé que lui ($B$).
    Entre les deux, à la distance $d$ (inférieure à $\ell$, et calculée dans le référentiel de $A_1$) de $A_1$, le jumeau $B$ verra le jumeau $A_2$ avoir le même âge que lui ($B$) (si $B$ se base sur l'âge de $A_2$ lorsqu'ont été émis les photons que $B$ reçoit).

    Nous ne calculons pas la même distance.
    Après, je me suis peut-être trompé dans les calculs.
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