Manipulation des unités

Bonjour tout le monde,

Je ne sais pas si ma question est plus Maths que Physique, mais je voulais savoir comment l'on était parvenu à manipuler les unités (comme le mètre) comme on le fait aujourd'hui. Si je pose A = 5 m et B = 2 m. AxB = 5 m x 2 m = 10 m², mais qu'est-ce qui justifie justement que je puisse utiliser les mêmes propriétés de calculs (commutativité, associativité etc.) avec les unités qu'avec de simples nombres ? Est-ce qu'une unité est une sorte... de nombre ? Car le comportement des nombres et des nombres avec unité est exactement le même. Je peux même affirmer que AB = 1000 dm² car m² = 10² dm². Qu'est-ce qui justifie que l'on puisse faire des calculs avec des unités exactement comme si une unité était un nombre (multiple d'une sous-unité si je le désire) ?

Je ne sais pas si j'ai posté ce message dans la bonne section mais comme les ensembles de nombres sont une partie de l'algèbre je l'ai glissé ici.


Merci d'avance,

Andropie

Réponses

  • Bonjour.

    Attention : les unités ne sont pas des nombres, on ne peut additionner les m avec de l, ni même avec des m².

    Sinon, je te retourne la question : Qu'est-ce qui fait qu'on peut additionner des pommes : 2 pommes +3 pommes = 5 pommes parce que 2+3=5. ?

    Cordialement.
  • Si tu veux mon avis, le calcul littéral en mathématiques a été développé pour correspondre à l'intuition des unités en physique.

    On remarque que $2 \times 3$, c'est l'aire d'un rectangle de côtés $2$ et $3$. Donc la multiplication de longueurs peut s'interpréter comme une aire (je passe des histoires de produit cartésien pour justifier l'apparition d'un rectangle et pas d'autre chose), donc $[m] \times [m] = [m^2]$ en physique. On a de même que $[m]+[m] = [m]$, que $[m] / = [m/s]$ etc... ça s'appelle de l'analyse dimensionnelle si je me souviens bien ?

    Ben après, en maths, on développe le calcul littéral pour que ça marche pareil, mais de façon abstraite. Forcément, on peut dire que [pommes] + [pommes] = [pommes], après, [pommes] x [pommes] on a du mal à lui trouver un sens physique, mais en maths ça fait des pommes$^2$ abstraites.

    Un truc que je trouve fascinant, c'est le fait qu'on développe souvent les maths pour correspondre à l'observation du monde physique, mais quand on développe les maths de façon purement abstraite, ça reste cohérent avec les maths "issues de la physique".
  • Une remarque :
    On peut additionner des L et des mm, ça donne par exemple : 5 L + 7 mm.
    Le sens physique de ce truc n’est peut-être pas raisonnable (encore que...).
  • Bonjour Dom.

    5m +7mm = 5007 mm Là j'ai additionné. Toi, tu as fait une belle écriture, mais pas additionné :-)

    Cordialement.
  • Tu peux additionner des litres et des mètres si tu veux comme tu peux parler d’un corps de cardinal 1, ça n’a aucun intérêt. Donc les constructions mathématiques de la chose font sans.
    Algebraic symbols are used when you do not know what you are talking about.
            -- Schnoebelen, Philippe
  • Oui c’est vrai, beaucoup de choses n’ont pas d’intérêt. Quoique ça dépend pour qui après tout.

    Quant à « additionner » je ne sais pas à quel moment on le fait.
    Si ça signifie « trouver d’écriture décimale de la somme », alors oui, d’accord mais ce n’est pas ma définition.
    Pour moi additionner 1 et 1 c’est considérer la somme de 1 et 1, c’est 1+1, c’est « déjà additionné » même sans l’écrire « 2 ».

    M’enfin finalement...
  • Bonjour,
    Je propose une approche mathématique de la gestion des unités. Ce que je vais dire n'est pas très grand public et je ne connais pas le niveau en maths d'Andropie, donc je m'excuse par avance si ça ne l'aide pas.

    On peut imaginer disposer de six $\Bbb R$-espaces vectoriels $\sf L, M, T, I, \Theta, N$ (longueur, masse, temps, intensité, température et quantité de matière) de dimension 1. On ne dispose pas de bases a priori ; fixer une base pour l'un de ces espaces revient à définir une unité. Ainsi, $``1\,{\rm m}\!"$ est un élément de la droite vectorielle $\sf L$ et $(``1\,{\rm m}\!")$ est la base naturelle pour la mesure les longueurs en mètres. De plus, on peut écrire que $``1\,{\rm m}\!" = 10 \cdot ``1\,{\rm dm}\!" $ (c'est une égalité avec un vecteur et un scalaire multipliant un autre vecteur). L'ensemble des nombres sans dimension n'est autre que le corps des scalaires $\Bbb R$.

    Maintenant, comment multiplier nos grandeurs ? En considérant les produits vectoriels tensoriels (édit : lapsus) de nos premiers espaces. On a par exemple une application de multiplication des longueurs avec les temps : $$\left(\begin{array}{ccc} {\sf L \times T} &\to& {\sf L \otimes T} \\ (\ell,t)&\mapsto& \ell \otimes t \end{array} \right)$$ et on peut poser $\sf L.\!T := L\otimes T$. Fixer une base de $\sf L$ et une base de $\sf T$ – i.e. des unités comme le mètre et la seconde – donne naturellement une base de leur produit tensoriel $\sf L.\!T$. Cette base contient un seul vecteur, puisque $\sf L.\!T$ est de dimension 1, et il correspond naturellement à $`` 1\, \rm m.\!s\!"$ (on peut considérer que, par définition, $`` 1\, \rm m.\!s\!" := ``1\, m\!"\otimes\, ``1 \, s\!"$). Et l'associativité et la commutativité du produit tensoriel (à isomorphisme près) nous assure l'associativité et la commutativité des produits de grandeurs physiques.

    Il reste à apprendre à diviser. Pour cela, il faut construire $\sf L^{-1}$ tel que $\sf L^{-1}\otimes L$ est canoniquement isomorphe à $\Bbb R$. Et suffit de prendre l'ensemble des formes linéaires de $\sf L$ ! On a alors une application de multiplication : $$\left(\begin{array}{ccc} {\sf L^{-1}\times L} &\to& \Bbb R \\ (\sigma,\ell)&\mapsto& \sigma(\ell) \end{array} \right)$$Et on définit $``1\,\rm m^{-1}\!"$ comme l'unique forme linéaire $\sigma$ telle que $\sigma(``1\,\rm m\!") = 1$.

    Cette construction respecte le fait qu'on ne puisse pas sommer une force avec une température, mais qu'on puisse additionner 1 km et 100 m. Et elle est assez intrinsèque (on peut travailler sans parler d'unité et tous les morphismes sont canoniques), ce qui me plait assez puisque que les grandeurs physiques ne dépendent pas des unités choisies (dans le sens où elles existent intrinsèquement dans la réalité, tandis que les unités ne sont que des conventions). Néanmoins, le choix des grandeurs de base ($\sf L, M, T, I, \Theta, N$) reste arbitraire et je ne sais pas comment l'éviter.
  • Il a plusieurs fois été mention, sur ce forum du "corps des grandeurs du monde" (par exemple ici). Le message de Calli me fait penser à ça (sans certitude qu'il s'agit bien de la même chose).
    Une recherche sur un moteur de recherche devrait permettre de retrouver les fils en question.
  • Merci bien pour vos messages ! En effet Calli je n'ai pas réellement le niveau pour me pencher sur tout ça, je ne suis qu'en prépa MP. Ça a donc l'air d'être un problème de construction pas vraiment à ma portée. Merci en tout cas !
  • J'ai envie de dire que le message de Calli ressemble pas mal à une formulation plus "mathématiquement exacte" de ce que je racontais un peu plus "avec les mains".
  • Cool ! pour la vitesse $\sf V$ on aurait $\sf V=\sf L \otimes T'$ et l'accélération $\sf L \otimes T' \otimes T'$.
  • Dom,

    quand j'écris 2+5, ou toi 1+1, le symbole + est parfaitement défini sur l'ensemble des entiers. Je l'ai interprété ainsi (mais si 2 et 5 sont des chiffres, ça n'a plus de sens). Alors que dans ton " 5 L + 7 mm" on ne sait pas ce que signifie +. C'est de la calligraphie, des maths à la Pablo. Donc tu ne peux pas dire que tu as additionné (additionner n'est pas écrire).

    Cordialement.
  • Andropie,

    il reste quelque chose de ta question (et donc de la mienne), que ne traite pas Calli : Pourquoi ça marche dans le monde concret ? "La déraisonnable efficacité des mathématiques" comme disait Eugène Wigner (physicien). Là, on n'est plus dans les mathématiques, mais dans l'épistémologie (philo des sciences), et les réponses sont nombreuses, sans qu'aucune ne soit totalement convaincante.

    Cordialement.
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