$\zeta(-1)=-$1/12

Bonjour à toutes et à tous,

Cela fait quelques temps que je me demande pourquoi les valeurs de $\zeta(n)$ étaient toutes finies pour $n \in \mathbb{N}$, à part pour $n=1$ et uniquement dans ce cas. Alors qu'il y a une contradiction flagrante avec la définition de $\zeta(-n)$ et sa valeur, cette dernière étant finie, mais pour $1$ cet infini subsiste. De plus, Casimir a trouvé une espèce de justification au fait de poser $\zeta(-1)=\frac{1}{12}$ donc c'est vraiment "qu'il y a quelque chose".

Prolongement analytique douteux, utilisation abusive des sommes, les débats sont intenses (ici aussi sûrement, désolé de rouvrir une nième fois ce thème) et je n'ai absolument pas vu une réponse émergée. Il y en a-t-il une d'ailleurs? Mais une idée m'est venue, alors je vous la soumet tel un enfant naïf : et s'il y avait plusieurs sortes d'infini pour les valeurs d'une fonction? De sorte que $1+2+3+4+...$ est un infini apparent, alors que $\frac{1}{1}+\frac{1}{2}+\frac{1}{3}+\frac{1}{4}+...$ est un infini incontournable.

Comme pour les ensembles (en très très gros), ou, pour faire une comparaison un peu plus éloignée, comme rendre une fonction - non définie en un point - continue en ce point, en lui ajoutant une valeur spécifique (comme $\frac{\sin(x)}{x}$) en $0$).

Réponses

  • Light* a écrit:
    Casimir a trouvé une espèce de justification au fait de poser


    Lequel Casimir?

    casimirs.jpg



    Si c'est celui de droite j'ai du rater un épisode X:-(

    PS:
    J'ai emprunté le photo-montage à:
    https://sciencetonnante.wordpress.com/2015/09/11/leffet-casimir-et-le-retour-de-12345-112/

    Cela parle de cette égalité.
  • Celui de gauche ! Celui de gauche ! Il a l'air plus intelligent il a des lunettes !
  • "Prolongement analytique douteux", en quoi est-il douteux ? Le prolongement analytique est une méthode tout à fait valable pour prolonger $\zeta$. Quand on fait ça, c'est la seule manière "raisonnable" de prolonger $\zeta$ à $\mathbb C \setminus \{1\}$, et on tombe sur la valeur bien connue en $-1$. Si tu t'intéresses aux valeurs qu'on peut donner à des séries divergentes tu peux chercher des cours qui traitent de ça, je pense aux méthodes de resommation de Borel,ou encore la multi-sommabilité. Je te préviens c'est très technique. Mais si tu trouves le principe du prolongement analytique douteux, ça ne va pas te plaire.
  • Excellent article ! Merci Dom !

    Cette idée s'étend bien sûr aux résultats de ton article. D'ailleurs, il y a-t-il une autre série que la série harmonique qui diverge, même après moult opérations analytiques ou algébriques de telles sortes? Ou est-elle la seule ? Ah ah !
  • Bonjour @Light*,

    Je ne sais pas si ça aide, mais voici une histoire à la physicienne pour comprendre ce genre de truc.

    On a une variable $x$ varie dans $\displaystyle [0, +\infty[$ et on cherche une fonction de cette variable. Cette fonction est en fait très simple, par exemple, $\displaystyle x \mapsto {1 \over 1-x}$, mais on ne le sait pas : c'est pour cela qu'on la cherche.
    Quand on écrit les équations de la physique, on tombe comme toujours sur des trucs qu'on ne sait pas résoudre. Alors, dans un cas particulier, on développe pour $x$ petit à différents ordres. A l'ordre $0$, on trouve $1$, à l'ordre $1$, on trouve $\displaystyle 1+x$, à l'ordre $2$, le professeur en fac trouve $\displaystyle 1+x+x^2$, à l'ordre $3$, des doctorants cherchent encore...

    Et là, on suppose à la physicienne que la réponse est $\displaystyle \sum_{k \geq 0} x^k.$
    Les mathématiciens avertissent : le rayon de convergence de cette série est strictement inférieur à $1$ et donc on a : $\displaystyle \sum_{k \geq 0} x^k, |x|<1.$
    Le physicien pense : quelle connerie de limiter le rayon de convergence à $1$, la fonction $f$ en question est définie pour tout $x \geq 0$ - pour des raisons physiques évidentes.
    Alors le physicien écrit : on a suffisamment d'évidence pour considérer que $\displaystyle f(x) = \sum_{k \geq 0} x^k = {1 \over 1-x}, |x|<1$ puis réalise que la condition $\displaystyle |x|<1$ n'est pas nécessaire pour définir la fonction $\displaystyle x \mapsto {1 \over 1-x}$, et alors, pour $\displaystyle x=2$ (la valeur cruciale en physique dans ce cas), $\displaystyle {1 \over 1-x}=-1, x=2.$ Le physicien a trouvé le résultat (correct), même si formellement, il a écrit : $\displaystyle \sum_{k \geq 0} 2^k = -1.$ Le physicien remarque aussi qu'aux différents ordres, les réponses étaient $1, 3, 7, 15$ alors que le bon résultat final est $-1.$

    Tout l'art est donc de transformer la série divergente (dont on ne connaît que l'ordre $3$ bien souvent) en une limite finie qui est la réponse physique. On part de cas simples où l'on sait construire les différents ordres et où l'on connaît la réponse, et on développe des "techniques" - certaines très connes, certaines très sophistiquées et mathématiquement compliquées - pour obtenir "la" bonne réponse. On connaît des exemples célèbres où ça marche bien, et aussi des exemples où l'on a toujours pas trouvé de méthode satisfaisante.

    Enfin, à partir que $1+x+x^2$ une autre équipe de physiciens, justifie la fonction $\displaystyle x \mapsto 3-2 \cos x + \sin x = 1+x+x^2 + o(x^2)$ grâce à leur théorie révolutionnaire et conclut que la réponse physique est $\displaystyle 3-2 \cos x + \sin x \sim 4.74, x=2.$ On attend l'ordre $4$ des doctorants pour y voir plus clairs... ou pas.

    Bilan : lorsqu'on développe à différents ordres, et on y est obligé parce qu'il n'y a pas de solutions exactes, on tombe parfois sur des séries divergentes. Au lieu de jeter ces résultats, on se dit qu'ils contiennent de l'information sur les réponses du système. On se débrouille alors, plus ou moins intelligemment, pour extraire cette information. C'est une belle idée. De vraies mathématiques et de la vraie physique en bénéficient...
  • Poirot a écrit:
    "Prolongement analytique douteux", en quoi est-il douteux ?

    Ce n'est pas moi qui le pense, je l'ai lu ! Je voulais juste mettre en valeur différents points de vue de ce débat houleux.

    @YvesM : merci pour cette réponse très détaillée, notamment sur le point de vue du physicien qui passe plus pour un bricoleur qu'autre chose ^^. Mais quelle serait alors la raison pour laquelle un rayon de convergence peut être... outre-passé en physique? Et même en maths ? Associer à la série $\sum 2^n$ la valeur $-1$ peut se retrouver par un calcul algébrique (cf l'article de Dom) niveau collège ! Et c'est exactement la valeur de la fonction $\frac{1}{1-x}$ en $x=2$.

    Pourquoi ?
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