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$a^b=b^a$ sans analyse

Bonjour à toutes et tous,

Auriez-vous une idée pour déterminer les entiers $a$ et $b$ distincts vérifiant $a^b=b^a$ ?
On sait que les seules solutions sont $(2;4)$ et $(4;2)$.

Je cherche sans l'analyse.

J'ai tenté avec des arguments rudimentaires d'arithmétique mais c'est rapidement assez moche sauf si je m'y prends mal.
Le théorème fondamental de l'arithmétique suffit-il ?

Une idée ?

Réponses

  • Bonjour,

    Je serais surpris d'une démonstration sans analyse...

    Si $\displaystyle a=b$, alors $\displaystyle a^b=b^a.$ Mais cette solution n'est pas permise par l'énoncé.
    Si $\displaystyle a=0$ et $\displaystyle b \neq 0$, alors $\displaystyle 0=b^a$ : contradiction. Donc $\displaystyle a \geq 1.$
    Si $a$ impair, alors $b$ impair. Si $a$ pair, alors $b$ pair.

    Si $a$ impair, alors $\displaystyle a = 2 x + 1$ et alors $\displaystyle (1+2x)^b = b^{2x+1} \geq 1+2bx.$ On étudie la fonction $\displaystyle f: x \mapsto (1+2x) \ln b - (1+2bx)$, la dérivée est $\displaystyle f'(x) = 2 (\ln b-b)<0$ et donc $\displaystyle f(x) \geq 0$ pour $\displaystyle x \leq {1 \over 2} {\ln b-1 \over b-\ln b} < 0.09(4)$ pour $\displaystyle b \sim 6.30(5)$ (que l'on établit par étude de fonction) et donc seul $\displaystyle x=0$ convient. Donc $\displaystyle a=1$, puis $\displaystyle 1=b$ et donc $\displaystyle a=b$ : contradiction. Donc $a$ et $b$ sont pairs.

    Si $a$ pair, alors $\displaystyle a=2x$ et $\displaystyle b=2y$ et donc $\displaystyle {\ln(2x)\over 2x} = {\ln(2y)\over 2y}.$ On étudie la fonction $\displaystyle g: t \mapsto {\ln t \over t}, t >0$ ; sa dérivée est $\displaystyle g'(t) = {1 - \ln t \over t^2}$ qui s'annule en $\displaystyle t=e.$ Comme $\displaystyle 2x=t \in \N$ alors $\displaystyle t=2<e$. Pour $\displaystyle t=2$, on a $\displaystyle x=1$, et on a $\displaystyle y = 1 + {\ln y \over \ln 2}$ dont la seule solution est $\displaystyle y=2.$ Donc $\displaystyle a=2$ et $\displaystyle b=4$ (et par symétrie $\displaystyle a=4$ et $\displaystyle b=2$) est la seule solution.

    Je pense qu'on peut simplifier cette démonstration en étudiant directement la fonction $\displaystyle t \mapsto {\ln t \over t}, t >0$ avec son maximum en $\displaystyle e <3.$
  • Supposons $a \leq b$, alors $a^a|a^b$; mais $a^b=b^a$ donc $a^a|b^a$.

    On a donc $a|b$, et on peut poser $b=ac$, ce qui donne $a^{ac}=(ac)^a$.

    Soit encore $a^c=ac$, ou $a^{c-1}=c$.

    Si $c=1$, on trouve les solutions : $(a,a)$

    Si $c=2$, on trouve la solution : $(2,4)$

    Il n'y a pas d'autre solution avec $a >2$ car on sait que $2^{c-1}>c$ pour $c \geq 3$
  • Au contraire, c'est un exemple sans pareil pour appliquer l'analyse à l'arithmétique, d'une manière élémentaire.
    Je l'aime bien car je l'ai posé dans un problème pour Terminale C lors de mon CAPES pratique, il y a bien des années.
    Comme dit YvesM, on étudie sans mal les variations de la fonction $ \displaystyle t \mapsto {\ln t \over t}$, et on utilise la circonstance inespérée que dans l'intervalle $]1,e]$ il y a un seul nombre entier.
    Si l'on veut vraiment faire de l'arithmétique, résoudre la même équation en rationnels positifs. C'est un bon exercice pour MPSI.
    Bonne journée.
    Fr. Ch.
  • Bonjour,

    @Cidrolin, pas mal : clair et simple. Pour la dernière inégalité : $2^{c-1} >c, c \geq 3$, J'ai d'abord pensé qu'on était obligé d'utiliser l'analyse mais une récurrence fait le boulot tout aussi bien.
  • En effet, pourquoi faire simple, quand on peut faire compliqué ?
  • Merci bien.

    En fait je désirais interdire l'analyse pour proposer cela à des jeunes lycéens, ou des collégiens.

    Cordialement.
  • Depuis très longtemps (cent ans ?) le raisonnement par récurrence n'est pas abordé avant la Terminale, et ça m'a toujours étonné. En souhaitant le retour d'une structure convenablement sélective de l'enseignement secondaire avec des sections mathématiques dès la Seconde, sur le modèle des Secondes C d'avant la maudite Seconde indifférenciée, on pourrait songer à aborder le raisonnement par récurrence dans une telle classe de Seconde. Et là, on pourrait traiter ce problème par l'arithmétique, mais il ne semble pas possible de le descendre au Collège.
    Bah, il reste pas mal de choses à faire.
    Personne n'est intéressé par $x^y=y^x$ en rationnels positifs ? La solution est pourtant très jolie...
    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
  • En effet. Pour le collège je me posais la question en raison de l'arrivée depuis un an du théorème fondamentale de l'arithmétique.

    À propos du raisonnement par récurrence, en prenant des précautions, on pourrait admettre et pratiquer en collège.
    Il s'agit d'un théorème (axiome plutôt) qui se comprend bien.
    Et cela pourrait remettre au goût du jour quelques rudiments de calcul littéral.

    Pour la résolution sur les rationnelles, que proposes-tu comme "admis" ?
  • Je ne connais pas le programme actuel du collège, mais je ne pense pas qu'il soit nécessaire de préconiser le raisonnement par récurrence à ce niveau. Il y a bien à faire sans cela.

    En ce qui concerne le problème que j'ai posé, c'est : trouver les $(x,y) \in \Q^2$ tels que : $0<x<y$ et $x^y=y^x$. On suppose juste connus les théorèmes de base de l'arithmétique, qui étaient au programme de Math- Élém puis de Terminale C, et aujourd'hui de MPSI :
    https://www.scei-concours.fr/CPGE/BO/Mathematiques_MPSI.pdf
    Ce n'est ni tout à fait trivial, ni infaisable. Le résultat est inattendu et joli : on trouve toute une suite infinie de solutions. On en reparle sur demande.

    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
  • On peut poser $c=\frac yx$ et on retrouve $x^{c-1}=c$. Soit $x=c^{ \frac {1} {c-1}}$

    Puisque $x \in \Q$, il faut $\frac {1} {c-1} \in \N$, disons $\frac {1} {c-1}=n$, alors $c=1+\frac1n$

    Il vient $x=(1+\frac1n)^n$ et $y=(1+\frac1n)^{n+1}$.
  • Bravo Cidrolin.
    Complément : on peut considérer la courbe qui est l'ensemble des points de coordonnées $(x,y)\in \R^2$ telles que : $x>0,y>0, y \neq x, x^y=y^x$. Si l'on lui rajoute le point $(e,e)$, on a une courbe $\mathcal C^ \infty$ qui ressemble à une branche d'hyperbole équilatère d'asymptotes $x=1$ et $y=1$.
    Sur cette courbe, la suite de points de coordonnées $x_n=(1+\frac1n)^n, y_n=(1+\frac1n)^{n+1}$ est l'ensemble des points rationnels avec $y>x$, et cette suite de points tend vers le point remarquable $(e,e)$. Faire la figure !
    En même temps, l'assertion de Cidrolin « Puisque $x \in \Q$ il faut $\frac {1} {c-1} \in \N$ » me semble devoir être prouvée.
    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
  • La preuve de Cidrolin nécessite en effet d'être complétée, puisqu'elle généralise le cas où $x$ et $y$ sont entiers qui demandait de démontrer une inégalité.

    Posons $n=\frac{1}{c-1}$. C'est un nombre rationnel strictement positif tel que $\left(1+\frac{1}{n}\right)^n$ est un rationnel, il s'agit de montrer que $n$ est un entier. Posons $n=p/q$ avec $p$ et $q$ premiers entre eux. Alors $\left(\frac{p+q}{p}\right)^{p/q}$ est rationnel. Comme $p+q$ et $p$ sont premiers entre eux, $(p+q)^{p/q}$ et $p^{p/q}$ sont rationnels, donc $p+q$ et $p$ sont des puissances $q$-ièmes. Posons $p=a^q$ et $p+q=b^q$, on a donc
    $$q=b^q-a^q=(b-a)(b^{q-1}a^0+b^{q-2}a^1+\cdots+b^0a^{q-1}).$$
    Si $q\geqslant 2$ alors la somme $b^{q-1}a^0+b^{q-2}a^1+\cdots+b^0a^{q-1}$ contient le terme $ba^{q-2}\geqslant b>a\geqslant 1$, donc $b^{q-1}a^0+b^{q-2}a^1+\cdots+b^0a^{q-1}>q$, ce qui est contradictoire.

    Remarque. Dans le cas où $x$ et $y$ sont entiers, la première démonstration de Cidrolin nécessitait l'inégalité $2^{c-1}>c$ pour $c\geqslant 3$. On peut la démontrer sans récurrence : en effet, les $c-2$ entiers $2^2<2^3<\cdots<2^{c-1}$ sont supérieurs ou égaux à $4$. Or, il y a $c-3$ entiers compris entre $4$ et $c$. Par conséquent, $2^{c-1}\geqslant c+1$.
  • Merci JLT pour ces compléments.
  • Moi je rédige comme suit.
    $\bullet $ On cherche les couples $(x,y)\in \mathbb{Q}^{2}$ tels que : $0<x<y$, $x^{y}=y^{x}$.
    J'ai évoqué dans mon dernier message la courbe $x^y=y^x$ de $ \mathbb{R}_+^*$$^{2}$, qui s'étudie en paramétrant par $y=tx$, et j'utilise cette idée.
    $\bullet $ Le nombre $t=\frac{y}{x}$ est rationnel, strictement supérieur à $ 1$. Le nombre $t-1$ est donc un rationnel strictement positif, qui s'écrit sous la forme : $t-1=\frac{m}{n}$, avec $m$ et $n$ entiers strictement positifs, premiers entre eux.
    $\bullet $ On a : $y=tx$, d'où : $x^{tx}=(tx)^{x}$, ce qui implique : $x^{t}=tx$, soit : $t=x^{t-1}=x^{\frac{m}{n}}$.
    $\bullet $ Les entiers $m$ et $n$ étant premiers entre eux, il existe $u\in \mathbb{Z}$ et $v\in \mathbb{Z}$ tels que : $
    um+vn=1$ (identité de Bachet -Bézout).
    En conséquence : $x^{\frac{1}{n}}=x^{\frac{um+vn}{n}}=x^{u\frac{m}{n}+v}=(x^{\frac{m}{n}})^{u}x^{v}=t^{u}x^{v}\in \mathbb{Q}_{+}^{*}$.
    $\bullet $ On peut donc écrire : $x^{\frac{1}{n}}=\frac{a}{b}$, avec $a$ et $b$ entiers strictement positifs, premiers entre eux.
    Il en résulte : $\frac{a}{b}=x^{\frac{1}{n}}=t^{\frac{1}{m}}=(1+\frac{m}{n})^{\frac{1}{m}}$, d'où : $\frac{n+m}{n}=\frac{a^{m}}{b^{m}}$.
    $\bullet $ Les entiers $n+m$ et $n$ sont strictement positifs et premiers entre eux. Les entiers $a^{m}$ et $b^{m}$ sont strictement positifs et premiers entre eux. L'égalité : $\frac{n+m}{n}=\frac{a^{m}}{b^{m}}$ implique donc : $n+m=a^{m}$, $n=b^{m}$, d'où : $a^{m}-b^{m}=m$.
    $\bullet $ Il est clair que : $a>b$. Soit $a=b+c$, avec $c$ entier strictement positif. Si $m\geq 2$, alors : $m=a^{m}-b^{m}=(b+c)^{m}-b^{m}\geq (_{1}^{m})b^{m-1}c=mb^{m-1}c\geq mbc$.
    Il en résulte : $m\geq mbc$, d'où : $bc\leq 1$, qui implique : $b=1$, $c=1$, $a=2$, d'où : $2^{m}-1=m$, impossible avec $m\geq 2$.
    Force est d'en conclure : $m=1$, et : $t=1+\frac{1}{n}$, $x=(1+\frac{1}{n})^{n}$, $y=tx=(1+\frac{1}{n})^{n+1}$.
    $\bullet $ C'est un très joli problème, qui reste dans l'élémentaire, et donne une réponse inattendue.
    Bonne journée.
    Fr. Ch.
    18/10/2017
  • Complément d'information.
    L'équation en nombres rationnels positifs $x^y=y^x$ est traitée dans : Waclaw Sierpinski, Elementary Theory of Numbers, Warszawa, 1964, p. 106. Réédition North Holland 1988.
    Cette équation en relation avec la courbe $x^y=y^x$ a fait l'objet de la première composition de mathématiques au concours d'entrée à l'INSEE en juin 1977. C'est l'énoncé <m77em1e> disponible sur le site de l'UPS <http://concours-maths-cpge.fr/>.
    L'étude de la courbe, cette fois sans étudier ses points rationnels, a été posée à l'oral de Mines-Ponts en 1992, voir : RMS 103, 1992-93, oraux Mines-Ponts, n° 234, p. 307, p. 519.
    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
  • Oui Chaurien c'est un joli problème. Il y a un lien entre la suite des $x$ rationnels et le triangle de Pascal. Si je note $v_n$ le produit des termes de la ligne $n$ de ce triangle, alors $$
    \Big(1+\dfrac 1n\Big)^n=\dfrac {v_{n+1}v_{n-1}}{v_n^2}
    $$ voir ---> http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?4,1359966,1433848#msg-1433848
  • Je vous remercie tous pour vos précieuses contributions.

    Quel bonheur de se balader sur ce forum. ;-)
  • Une conséquence : comme la suite $\left(\left(1+\dfrac{1}{n}\right)^n\right)_{n\in\N^*}$ converge vers $\mathrm{e}$ en croissant, $$\forall n\in\N^*,\quad\dfrac{v_{n-1}v_{n+1}}{v_n^2}\leqslant \mathrm{e}$$ (en posant $v_0=1$) et l'on obtient, de la même façon que l'inégalité de Newton entraîne l'inégalité de Maclaurin, $$\dfrac{\sqrt[n+1]{v_{n+1}}}{\sqrt[n]{v_{n}}}\leqslant \sqrt{\mathrm{e}} \quad (n\in\N^*).$$
  • Bonjour,

    une autre équation dans le même style : résoudre dans ${\mathbb N}^*\times {\mathbb N}^*$ l'équation $a^{f(a)}=b^{f(b)}$ où $f(m)$ est le nombre de diviseurs positifs de $m$.

    Yan2.
  • Désignant par $d(m)$ le nombre de diviseurs de $m$, ne serait-ce pas plutôt $a^{d(b)}=b^{d(a)}$ ?
    Bonne nuit.
    Fr. Ch.
  • Ajout : l'équation est aussi étudiée dans un papier de 1990 de Sved, paru dans le Mathematics Magazine, qui donne quelques compléments historiques.
  • @Chaurien, oui effectivement il s'agit bien de $a^{d(b)}=b^{d(a)}$. Merci
  • @Yan2
    Ta diophantienne $a^{d(b)}=b^{d(a)}$ me turlupine. Banalité : les entiers $a$ et $b$ ont les mêmes facteurs premiers, qui n'ont aucune importance, la question porte sur les exposants. Il me semble qu'il doit y avoir au moins trois facteurs premiers distincts, mais je ne vois rien d'autre. As-tu trouvé quelque chose ?
    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
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